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Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. XI - n° 3 - mai-juin 2016 137

R a c o n t é à J u l i e t t e

L’œil

M.C. Béné*

* Service d’hématologie biologique,

CHU de Nantes.

D ans ce dossier, Juliette, il est question des hémopathies tou­

chant cet organe très particulier qu’est l’œil. Je te propose donc de te pencher un peu sur ces petits globes pairs qui nous donnent tant d’infor­

mations sur le monde qui nous entoure.

Que son iris soit bleu, brun, vert ou d’une autre couleur de sa riche palette, l’œil est, avec la peau, la structure la plus exposée de notre anatomie, qui vit

“dehors” pendant l’essentiel de notre temps d’éveil. Et pourtant, Juliette, tous ces yeux autour de nous sont extra­

ordinairement sains. Leur protection est multiple et fait intervenir toute une panoplie d’éléments de l’immunité.

Mais avant d’en arriver là, que penses­tu de revisiter l’anatomie de l’œil ? La particularité la plus frappante de cet organe est sa richesse en tissus parfai­

tement transparents qui laissent passer la lumière jusqu’à la rétine. Mais il est aussi très bien protégé et orga­

nisé, dans le prolongement direct de notre cerveau dont il émerge vers la quatrième semaine de gestation sous forme de vésicules optiques. Au final, l’œil dérive du neuroépithélium (rétine, corps ciliaires, iris et nerf optique), de l’ectoderme (cristallin, épithélium cornéen et paupières), du mésenchyme extracellulaire de la crête neurale et du mésoderme (sclère, cornée, vaisseaux, muscles et vitré).

Deux membranes entourent tout l’œil, la sclérotique – ou sclère – et la choroïde qui fait partie de l’uvée, mais chacune se différencie selon les régions de l’organe.

La sclérotique, très résistante, blanche, opaque et avasculaire, est composée essentiellement de fibres de collagène sans organisation particulière formant

une enveloppe solide, capable de contenir la pression des liquides intra­oculaires. Elle s’organise différemment sur le devant du globe oculaire, lorsqu’elle devient la cornée, parfaitement transparente. La cornée est composée de 5 couches très organisées également avasculaires : la membrane de Descemet, l’endothélium, le stroma, la membrane de Bowman et l’épithélium. L’épithélium cornéen, très fin, comporte 4 à 6 couches de cellules et est renouvelé constamment par la mitose des cellules de la couche basale. Les larmes éliminent les cellules sénescentes parvenues en surface et qui desquament. La membrane de Bowman est à l’origine du stroma, constitué de couches perpendiculaires de fibres de collagène au sein desquelles on trouve des kératocytes sécrétant le collagène et la matrice extracellulaire. L’endothélium, qu’il vaudrait mieux appeler mésothélium, est une monocouche de cellules plates, hexagonales, formant un tapis étanche entre l’humeur aqueuse et la cornée.

Son rôle est d’éviter une hydratation anormale de cette dernière. Un système de pompes ioniques assure en permanence cette déshydratation afin de garantir une transparence optimale en maintenant constante la distance entre les fibres de collagène de la cornée. Cette distance doit être de moins de 200 nm, en relation avec les longueurs d’onde de la lumière visible.

L’espace entre les fibrilles de collagène est occupé par la matrice extracellulaire régulée par les kératocytes. Au niveau de la jonction entre la sclère blanche et la cornée transparente se trouve une région circulaire appelée le limbe, riche en cellules souches capables de reconstituer toutes les couches de la cornée. Il existe aussi au niveau du

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Figure 1. Anatomie de l’œil (d’après www.afblum.be/bioafb/oeil/oeil.htm).

Conjonctive

Cornée

Humeur aqueuse

Iris

Corps ciliaire Ligaments suspenseurs

Pupille

Cristallin Rétine

Corps vitré

Tache jaune Tache aveugle

Sclérotique Choroïde

Nerf optique

Artère et veine de la rétine

limbe quelques vaisseaux sanguins apportant des nutriments diffusant vers le centre de la cornée. L’humeur aqueuse et les larmes contribuent également au métabolisme de la cornée qui absorbe directement l’oxygène dissous dans les larmes.

La choroïde, riche en vaisseaux sanguins, tapisse la sclérotique, avant de se diffé- rencier en iris, délimitant lui-même la pupille et capable d’en modifier la taille. Au niveau de la jonction entre la choroïde et l’iris se trouvent les corps ciliaires. La choroïde assure la vascularisation de la partie externe de la rétine. Elle est constituée d’un réseau complexe de vaisseaux sanguins dont la taille diminue progressivement sur la hauteur de la tunique, pour devenir un réseau capillaire au contact de la rétine. Elle comporte aussi des cellules musculaires lisses et des neurones. Trois fonctions au moins sont dévolues à la choroïde :

✓ elle assure la vascularisation de la rétine et de la sclère, apportant nutri- ments et oxygène, ainsi qu’une régu- lation thermique (notamment pour empêcher les larmes de geler !) ;

✓ elle contient des cellules sécrétant de nombreux facteurs de croissance (vas- culaires mais aussi fibroblastiques) et des enzymes, telles que les métal lo- protéinases, régulant la vascularisation ;

✓ elle est capable de moduler son épaisseur pour favoriser la réception des signaux lumineux par les cônes et les bâtonnets de la rétine en les plaçant dans le plan focal optimal.

Enfin, la choroïde des primates est riche en mélanine, qui absorbe la lumière et permet de doter l’œil d’une “chambre noire” éliminant les lumières parasites.

À l’inverse, certains animaux comme les chats ont, dans leur choroïde, des pigments réfléchissants améliorant la vision nocturne et constituant le tapetum lucidum.

Sous la cornée, l’humeur aqueuse sécrétée par les corps ciliaires remplit l’espace jusqu’au cristallin, lentille déformable reliée aux corps ciliaires par les ligaments suspenseurs. Enfin, l’intérieur de l’œil, jusqu’à la rétine, est comblé par le vitré, substance géla- tineuse, toujours transparente.

La conjonctive, fine muqueuse reliée aux paupières, en constitue la face interne, qui recouvre et protège la surface de la cornée lorsque les yeux sont fermés.

Cette conjonctive palpébrale se poursuit, plus fine et transparente, à la surface de la sclérotique, jusqu’à la cornée, et porte alors le nom de conjonctive bulbaire. L’épithélium conjonctival est en relation directe avec l’épithélium cornéen. Ils sont tous 2 pavimenteux et non kératinisés, mais différents dans leurs fonctions. Au niveau de la transition entre la conjonctive bulbaire et la conjonctive palpébrale, cette membrane forme le cul-de-sac conjonctival qui isole la cavité oculaire de l’extérieur. La conjonctive joue un grand rôle dans la formation du film lacrymal. Elle est également vascularisée et est susceptible d’apporter les éléments immunitaires nécessaires à la protection de l’œil.

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Figure 2. Conjonctive (d’après Giasson CJ et al. Amnion and ocular surface problems. Med Sci 2006;22(6-7):

639-44 ).

Limbe cornéen Conjonctive bulbaire Cornée

Conjonctive palpébrale

L’œil est apparu il y a près de cinq cents millions d’années chez les poissons agnathes (sans mâchoires et sans dents ) et pourrait bien leur avoir conféré un avantage de survie conduisant au déve- loppement de structures permettant de dévorer des proies devenues visibles, comme des mâchoires et des dents. Un autre élément important à se remé- morer, Juliette, est que les agnathes vivaient dans l’eau et que leurs yeux étaient donc en milieu humide. Lorsque ces êtres maritimes sont sortis de l’eau, il leur a fallu , d’une part, éviter que les yeux ne se dessèchent, mais aussi déve- lopper des moyens de défense contre des micro-organismes déjà terrestres.

L’œil utilise donc une grande variété de mécanismes de l’immunité innée et adaptative. En premier lieu, l’os de l’orbite, les sourcils, les paupières et les cils forment une protection passive, notamment contre les trauma-

tismes. L’innervation de la cornée est par ailleurs responsable du réfl exe cornéen qui conduit à une ferme- ture immédiate des paupières en cas de contact anormal avec un élément exogène (essaye avec un Coton-Tige ou un morceau de papier !). Les larmes sont importantes à plusieurs titres.

Elles maintiennent l’hydratation de la cornée, jouent un rôle de chasse liqui- dienne pour éliminer les poussières ou autres particules parvenues au contact de l’œil et ont un double rôle immuno- logique. Elles contiennent en effet des protéines antibactériennes comme des défensines, de la lacto ferrine, de la lipocaline, mais également des anti- corps spécifi ques, essentiellement d’iso- type IgA . Ces IgA sécrétoires, similaires à celles que l’on trouve dans les autres muqueuses, limitent l’adhérence des bactéries aux épithéliums, neutralisent les virus et forment de volumineux complexes immuns éliminés par la chasse lacrymale. Quelques autres points sont importants concernant les larmes.

Elles sont produites par les glandes lacrymales dont les plus volumineuses sont localisées dans la paupière supé- rieure, et sont évacuées par le canal lacrymal qui débouche dans les fosses nasales. Les paupières contiennent également des glandes sébacées spécia- lisées, les glandes de Meibomius, dont les sécrétions huileuses forment un fi lm à la surface de l’œil, au-dessus de la couche aqueuse, évitant l’évaporation des larmes. Le fi lm lacrymal adhère par ailleurs à l’épithélium cornéen par des mucines produites par la conjonctive.

En effet, ces mucines se fi xent sur les projections micro scopiques des cellules épithéliales superfi cielles de la cornée.

Enfi n, lors d’une émotion forte condui- sant à pleurer, les enképhalines alors présentes dans les larmes permettent de réduire la tension émotionnelle.

Les cellules épithéliales de la cornée sont capables de produire de l’ IL -1 α ,

une cytokine recrutant des leucocytes et activant la néovascularisation en cas

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d’infection. La production également de récepteur soluble et membranaire à l’IL-1 α permet ensuite de contrôler l’inflammation et de préserver la transparence de la cornée une fois le danger éliminé par le système immu- nitaire. Les kératocytes répartis entre les fibres de collagène du stroma cornéen sont également capables de réagir aux micro-organismes en produisant de l’IL-1 α , du Tumor

Necrosis Factor α (TNF- α ) , de l’IL-6 et des défensines. Les neurones de la cornée peuvent produire de la subs- tance P et du CGRP (Calcitonin Gene- Related Peptide), capables d’activer la production d’IL-8 par les cellules épithéliales recrutant alors des neutro- philes. Le tissu bien vascularisé de la conjonctive, par le contact cornéen au niveau du limbe, est capable d’ap- porter ces cellules de l’immunité innée pour contrôler les infections.

La conjonctive produit des IgA sécré- toires et comporte des macrophages et des nodules lymphoïdes, reliés au système immunitaire muqueux, le MALT.

L’élimination des antigènes par les larmes vers le canal nasolacymal, où ils sont avalés, leur permet de gagner les sites inducteurs des plaques de Peyer et des nodules solitaires intesti- naux. Les réponses immunes spécifiques alors générées permettent ensuite, par le mécanisme d’écotaxie, de faire revenir des cellules et des anticorps dans la sphère oculaire comme dans les autres muqueuses.

Deux autres éléments doivent être mentionnés concernant l’immunologie de l’œil, Juliette. Le premier est le

rôle important de surveillance joué par les cellules dendritiques, de type cellules de Langerhans, présentes sur la conjonctive et le bord de la cornée. Il est facile de les mettre en évidence en réalisant une empreinte conjonctivale.

Ces cellules captent les antigènes et vont les présenter aux lymphocytes T dans les ganglions de drainage de la conjonctive. À ce propos, il faut se rappeler que l’œil n’a pas de drainage lymphatique efférent propre. Ses fluides (vitré et humeur aqueuse) sont recyclés en permanence, et notamment réabsorbés au niveau des vaisseaux de l’épisclère et des corps ciliés. Ils sont renouvelés par la sécrétion des corps ciliés. La conjonctive est en revanche en relation directe avec le réseau lymphatique.

Le second mécanisme important est la capacité, de la choroïde notamment, à produire du Transforming Growth Factor β ( TGF- β ) , qui est une cytokine immunosuppressive. En fait, l’œil est une structure considérée comme un sanctuaire immunologique, capable de générer des réponses immuno- suppressives limitant les manifestations inflammatoires. Il est aussi capable de tolérer des greffes allogéniques.

Un équilibre subtil entre les acteurs efficaces de l’immunité innée, les IgA spécifiques non inflammatoires (car elles n’activent pas le complément) et la génération préférentielle de réponses immunosuppressives permet de maintenir l’œil dans un état tolérogène optimal pour préserver ses fonctions cruciales de transmission des informations visuelles. ■

M.C. Béné déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.

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