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Mélanome de l'uvée et mélanome de la conjonctive : un même nom pour une maladie différente

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| La Lettre du Cancérologue • Vol. XXVI - n° 10 - novembre 2017

DOSSIER

Onco-ophtalmologie

Mélanome de l’uvée

et mélanome de la conjonctive : un même nom

pour une maladie différente

Uveal melanoma and conjunctival melanoma:

a same name for a different disease

N. Cassoux*

* Institut Curie, Paris.

U

n mélanome malin est une proliféra- tion tumorale de cellules mélaniques. Le mélanome le plus fréquent est le mélanome cutané, qui se développe aux dépens des cellules mélanocytaire de la peau. Son incidence est en nette augmentation dans les pays à fort ensoleillement et dans ceux dont la population a un phototype clair, comme l’Australie, les États-Unis et les pays d’Europe. Chez l’homme comme chez la femme, le taux d’incidence (standardisé monde) du mélanome cutané a augmenté de manière notable entre 1980 et 2012, passant de 2,5 à 10,8 pour 100 000 hommes et de 4,0 à 11,0 pour 100 000 femmes. Les mutations génétiques retrouvées en cas de mélanome cutané sont clairement liées à l’exposition aux UV ; les plus fréquentes sont les mutations BRAFV600 (50 % des cas), de NRAS et de KIT. L’identification de ces muta- tions a permis des avancées thérapeutiques dans la maladie métastatique avec l’arrivée des thérapies ciblées (inhibiteurs de BRAF, immunothérapie), dont la plupart sont en cours d’essais cliniques.

Mélanome de la conjonctive

Le mélanome de la conjonctive est la forme qui se rapproche le plus du mélanome cutané. Il est également lié à l’exposition aux UV, et le profil des mutations rencontrées dans les tumeurs est proche de celui du mélanome cutané, bien que la proportion de mutations du gène BRAF soit moins importante (30 % des cas environ), et les mutations de RAS ou de KIT, plus rares. Le mélanome de la conjonctive se développe le plus souvent sur un état dysplasique appelé mélanose précancéreuse de Reese, un équi-

valent de la mélanose de Dubreuilh au niveau de la peau (environ 70 % des cas) ; il est moins fréquem- ment de novo (de 20 à 30 % des cas) ou sur un nævus préexistant (10 %). Cette mélanose correspond à une pigmentation plane constituée de cellules mélano- cytaires plus ou moins atypiques commençant au niveau de la membrane basale de l’épithélium. Cette pathologie touche les sujets caucasiens de phototype clair, apparaît vers la cinquantaine et est unilatérale.

L’évolution est variable et dépend de la séverité de la dysplasie. Au départ, la mélanose se présente sous la forme d’un saupoudrage de pigment plus ou moins dense, localisé ou diffus sur toute la surface de la conjonctive. Il faut mettre en place une surveillance ophtalmologique pour évaluer l’évolutivité de cette mélanose et son aspect (épaississement, apparition de nodules, etc.). La dysplasie peut devenir sévère, envahir toutes les couches de l’épithélium : elle définit alors un mélanome in situ. Si la pathologie continue d’évoluer spontanément, le mélanome va franchir la membrane basale, devenant alors un mélanome invasif. L’évolution peut continuer, en fonction de la qualité de la prise en charge, par des rechutes locales conjonctivales ou orbitaires, un risque d’envahissement locorégional au niveau des ganglions cervicaux ou de la parotide et des méta- stases à distance.

La prise en charge dépend du stade et de la présence éventuelle d’une mélanose primitive acquise. Elle repose sur l’exérèse chirurgicale, qui, dans le cas de la conjonctive, ne peut être faite avec des marges équivalentes à celle recommandées pour le mélanome cutané, car cela équivaudrait à retirer l’œil. L’exérèse concerne donc uniquement la lésion, avec, en cas d’histologie montrant le caractère

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Résumé

invasif du mélanome, une irradiation complémen- taire ciblée du lit de l’exérèse par curiethérapie ou protons. En fonction de la taille et de l’épaisseur de la lésion, une irradiation complémentaire des aires ganglionnaires cervicales peut être envisagée en réunion de concertation pluridisciplinaire, après avoir réalisé un scanner et un TEP scan. Lors de l’exérèse de la tumeur, il faut systématiquement demander la recherche des mutations de BRAF, de NRAS et de c-KIT, moins fréquentes que dans le mélanome cutané mais dont la connaissance pourra être utile par la suite. En cas d’évolution péjorative métastatique, ces patients peuvent bénéficier des traitements anti-BRAF ou de l’immunothérapie en fonction du profil mutationnel de la tumeur initiale ou des métastases. Il n’existe pas d’étude clinique sur les biothérapies dans le mélanome malin conjonctival métastatique, cette patho- logie étant trop rare. Les patients sont souvent traités par chimiothérapie standard (fotémustine, dacarbazine), sans que l’efficacité soit meilleure que celle retrouvée en cas de mélanome cutané ; ils peuvent également être inclus dans des essais cliniques (anti-BRAF, anti-PD-1 et anti-PD-L1) avec les mélanomes cutanés, mais sans que cette patho- logie soit étudiée à part.

Le suivi d’un mélanome conjonctival traité consiste en un examen ophtalmologique tous les 6 mois avec palpation des aires ganglionnaires, scanner et TEP scan.

Mélanome de l’uvée

Il s’agit d’une maladie portant le nom de mélanome malin de l’uvée, mais, dans le mélanome de l’uvée, l’histoire ainsi que l’évolution et la biologie des cellules tumorales sont radicalement différentes. Le mélanome de l’uvée survient soit de novo, soit par croissance d’une lésion pigmentée (nævus) préexistante, mais son épidé miologie est mal connue. Elle représente la tumeur oculaire de l’adulte la plus fréquente, tout en restant rare, puisqu’on ne dénombre que 6 cas par million de personnes aux États-Unis.

La tumeur provient de la prolifération des cellules mélanocytaires du tractus uvéal (iris en avant et choroïde en arrière). Ce mélanome survient de

préférence chez les sujets de phototype clair, mais il n’a pas le profil de mutations lié aux tumeurs dans lesquelles les UV ont une influence. Lors- qu’elle évolue, la tumeur ne métastase pas dans les ganglions cervicaux locaux régionaux, car il n’y a pas, au sein de l’uvée, de drainage lymphatique.

Les métastases vont par voie hématogène dans le foie dans environ 80 % des cas. Sur le plan bio- logique, la tumeur va présenter des mutations initia- trices sur les gènes GNAQ ou GNA11, mutuellement exclusives ; d’autres mutations peuvent apparaître, sur le gène BAP1 (mauvais pronostic) ou sur les gènes SF3B1 ou EIF1AX (pronostic meilleur). Le risque métastatique peut également être déterminé par la signature génomique de la tumeur : une tumeur sans altération des chromosomes 3 ou 8 a peu de risque de métastaser ; une tumeur présentant soit une monosomie du 3 soit une addition du 8 ou du 8q est à risque intermédiaire (environ 50 % de méta- stases à 5 ans) ; une tumeur présentant ces 2 ano- malies (monosomie du 3 et addition du 8 ou du 8q) est à haut risque métastatique (80 % de risque de métastases). La taille de la tumeur est également un facteur de risque de métastase, c’est pourquoi on recommande une prise en charge rapide de la tumeur oculaire.

Le traitement local dépend de la taille et de la loca- lisation de la tumeur. Il existe des référentiels natio- naux sur le site melachonat.org. Les patients atteints des tumeurs les plus volumineuses (diamètre de plus de 20 mm ou épaisseur de plus de 10 mm) doivent être énucléés. L’irradiation de tels volumes induit des complications sévères (œil non voyant douloureux) qui conduisent souvent à une énucléation après le traitement local. Dans certains cas de tumeur épaisse à collet étroit, les patients peuvent bénéficier d’une irradiation par protons suivie d’une résection chirurgi- cale de la cicatrice (endorésection), ce qui permet de conserver le globe. Le traitement conservateur peut se faire par protons pour des tumeurs moins volumi- neuses, à l’exception de celles implantées en temporal supérieur en projection de la glande lacrymale. Dans ce cas, pour ne pas irradier la glande lacrymale et induire un syndrome sec très sévère, il est préférable de recourir à une curiethérapie. L’autre possibilité pour irradier un mélanome uvéal est la curiethérapie par disque de ruthénium en cas de tumeur de moins

Le mélanome de l’uvée et le mélanome de la conjonctive sont 2 maladies distinctes.

Le mélanome de la conjonctive est une tumeur ophtalmique rare, proche du mélanome cutané et avec un profil de mutations semblable (BRAF, KIT et NRAS). Le mélanome de l’uvée, bien que rare, est plus fréquent.

Son profil mutationnel est différent, avec des mutations sur GNAQ/11, BAP1, SF3B1 et EIF1AX.

Le mélanome de la conjonctive survient le plus souvent sur une mélanose conjonctivale primitive acquise.

Le traitement consiste en une chirurgie et une irradiation complémentaire du lit tumoral.

Le mélanome de l’uvée survient de novo ou sur une lésion naevique préexistante.

Mots-clés

Mélanome Mélanome conjonctival Mélanome uvéal Mélanome choroïdien

Summary

Conjunctival melanoma and uveal melanoma are distinct diseases. Conjunctival melanoma is a rare ocular tumor closer to cutaneous melanoma associated with the same mutations on BRAF, NRAS and KIT. Uveal melanoma is less rare but the mutation profile is totally different with mutations on GNA Q/11, BAP1, SF3B1, EIF1AX. Conjunctival melanoma arises most of the time from a predisposing primary acquired melano­

cytosis and when diagnosed at an advanced stage of the disease patient can develop regional lymph node metastasis and distant metastasis. Local treatment is surgical excision combined with focal irradia­

tion of the surgical bed with proton beam or brachytherapy.

Metastatic disease can benefit of new targeted therapy or immunotherapy depending on somatic mutations. Uveal melanoma arises de novo or sometime from a pre­existing suspicious nevi. Metastatic disease can reach 50% of the cases at 5 years depending on chromosomal abnormalities or somatic mutations. Metastasis occurred in the liver in about 80% of the cases. To date no treatment including immuno­

therapy have proved to be effective.

Keywords

Melanoma Eye

Uveal melanoma Conjunctival melanoma

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Onco-ophtalmologie Mélanome de l’uvée et mélanome de la conjonctive : un même nom pour une maladie différente

de 5 mm d’épaisseur ou par disque d’iode 125 pour les tumeurs de moins de 10 mm d’épaisseur.

Après le traitement, la surveillance consiste en un examen ophtalmologique tous les 6 mois ainsi qu’une échographie hépatique tous les 6 mois pendant 10 ans pour les patients ayant un faible risque métastatique, ou, pour les cas de risque elevé, une échographie ou une IRM hépatique tous les 3 mois.

En cas d’apparition de métastases hépatiques, une biopsie et un bilan d’extension plus complet (bilan biologique, scanner thoraco-abdomino-pelvien,

scintigraphie osseuse) doivent être réalisés. Il n’est pas utile de demander un TEP scan, car les méta- stases de ce type de mélanome ne fixent pas ou mal. En fonction du bilan, la décision thérapeutique fera l’objet d’une discussion en réunion de concerta- tion pluridisciplinaire : chirurgie hépatique, chimio- thérapie traditionnelle ou étude clinique. Comme nous l’avons dit plus haut, il est inutile de faire des recherches de mutations de BRAF, car ces tumeurs ne présentent jamais cette mutation. L’immunothérapie du mélanome cutané n’a pas fait preuve d’efficacité dans cette maladie métastatique. ■ N. Cassoux déclare ne pas avoir

de liens d’intérêts.

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