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Fêtes de la foi dans le Haut-Bocage vendéen

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Submitted on 18 Feb 2008

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Fêtes de la foi dans le Haut-Bocage vendéen

Laurence Hérault

To cite this version:

Laurence Hérault. Fêtes de la foi dans le Haut-Bocage vendéen : enjeux liturgiques et manières de faire.

Ethnologie française, Presses Universitaires de France, 1994, XXIV (4), pp.694-705. �halshs-00257230�

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Fêtes de la foi dans le Haut-Bocage vendéen

Enjeux liturgiques et manières de faire

Laurence Hérault. Aix-Marseille Universités. IDEMEC. Aix-en-Provence.

Église de Saint Vincent

1

, dimanche 9 mai 1991, 10 heures 30.

Le prêtre, accompagné par cinq enfants de choeur et deux concélébrants, sort de la sacristie et parcourt la nef pour rejoindre, à l’entrée de l’église, les enfants du CM2 qui vont célébrer leur fête de la foi.

L’assemblée qui s’est levée entonne un cantique pour accompagner l’entrée des enfants. Les 50 garçons et filles, vêtus uniformément d’une aube blanche, un cierge allumé à la main, parcourent sur deux rangs l’allée centrale de la nef. Ils sont précédés des enfants de choeur, qui portent une croix de procession et quatre cierges, et des concélébrants vêtus de leur aube et d’une étole. Le célébrant, arborant le cierge pascal, ferme la marche.

Arrivés à la fin du parcours, les enfants de choeur franchissent les quelques marches qui séparent la nef du choeur, s’approchent de l’autel pour y déposer leurs cierges puis s’installent à leur place. Les concélébrants, dans un même mouvement, s’inclinent devant l’autel et se rangent derrière celui-ci, de part et d’autre du siège réservé au célébrant. Les enfants, avant d’accéder au choeur, remettent leur cierge à des catéchistes, gravissent les marches par groupes de deux, et se séparent pour prendre leur place à la périphérie du choeur, devant l’autel. Enfin le célébrant, vêtu d’une chape or et rouge, dépose le cierge pascal à proximité de l’ambon, s’incline et baise l’autel puis s’installe entre les deux concélébrants.

Le chant d’entrée s’achève. Le prêtre prononce les paroles habituelles de la salutation puis il lit un texte d’introduction et d’accueil qu’il a préparé spécialement pour cette célébration.

La fête de la foi vient de débuter; elle s’achèvera une heure et demi plus tard par une procession de sortie et une photographie des enfants sur les marches de l’église.

Trois semaines plus tard, dans la paroisse voisine de Laverdine, 58 enfants du CM2 sont

également réunis à l’église pour une fête de la foi.

(3)

Lorsque l’organiste commence à jouer, l’assemblée se lève pour entonner le chant d’entrée.

Le prêtre et trois concélébrants, tous vêtus d’une aube et d’une étole, sont installés côte à côte, à proximité de l’autel. Celui-ci a été déplacé, pour l’occasion, vers la droite du choeur.

Alors que le cantique se poursuit, un concélébrant se déplace pour distribuer des feuilles de messe à quelques participants qui n’en avaient pas. Il regagne sa place alors que le chant prend fin.

Le célébrant s’avance vers un micro, placé au centre du choeur, et fait un signe discret à deux enfants, installés parmi leurs camarades, dans les premiers bancs de la nef. Le garçon et la fille s'avancent vers lui, prennent le micro qui leur est tendu et lisent successivement un texte d’accueil et d’introduction à la célébration. Tous deux, comme leurs camarades, sont vêtus de manière soignée mais ne portent pas de costume uniforme.

Lorsqu’ils ont terminé leur lecture, le prêtre vient reprendre le micro et chante de nouveau, avec l’assemblée, le refrain du cantique d’entrée.

Cette fête de la foi laverdine prendra fin une heure plus tard avec un chant des enfants repris par l’assemblée.

Il n’est guère besoin d’être un paroissien averti ou un spécialiste de la liturgie catholique pour constater les différences formelles entre ces deux cérémonies de même type, réalisées conjointement, dans un doyenné

2

du Haut-Bocage vendéen. Les participants sont également sensibles à ces variantes et reconnaissent dans cette diversité liturgique, des manières

« traditionnelles » et « modernes » de célébrer une fête de la foi.

Si l’on prend en compte le fait que ces cérémonies particulières se présentent comme les

« héritières » de la communion solennelle, le constat de cette variation cérémonielle et son interprétation autochtone conduisent à prendre en considération la dimension historique des faits.

S’intéresser à ces cérémonies, c’est non seulement tenter de préciser les caractéristiques et les déterminants des diverses manières de célébrer contemporaines mais c’est aussi saisir les liens qui les unissent aux cérémonies antérieures. C’est à travers cette attention conjointe aux variations synchroniques et diachroniques du rite qu’il sera possible de comprendre la catégorisation opérée par les paroissiens.

La première étape d’une telle approche consiste en la détermination des lieux et des modalités de la variation dans ce contexte particulier, c’est-à-dire qu’elle doit s’attacher à définir

1 Les noms des paroisses ont été modifiés.

2 Secteur d'un diocèse regroupant plusieurs paroisses.

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quels sont les éléments qui varient et quels sont ceux qui, au contraire, restent stables dans le temps et dans l’espace.

Cette double dimension de l’organisation d’une cérémonie est essentielle, pourtant, elle n’est généralement pas prise en considération : la plupart des travaux sur les rituels, habituellement occupées à définir la structure et les significations du cérémonial, se focalisent sur les invariants cérémoniels, des rites en question et ne prêtent attention aux variantes que de manière secondaire

3

. Or les rapports qui s’établissent entre les diverses variantes et la structure de base sont aussi riches de sens. Les études qui s’attachent à l’analyse des processus techniques ont souvent mis en évidence l’intérêt d’une telle attention au degré de variation des faits.

Pour rendre compte des modalités de variation du processus rituel qui nous intéresse, il nous a semblé essentiel de nous attacher à la comparaison de cérémonies effectivement réalisées. Les travaux sur les rites ont, en effet, souvent tendance à ériger en modèle, les formes habituelles de réalisation des cérémonies observées. La manière la plus fréquente d’exécuter un rite devient, dès lors, la manière normale de le faire. Le problème, dans cette présentation du rite, c’est que les formes minoritaires sont définitivement distinguées de la forme « normale » et parfois, plus insidieusement encore, écartées de l’analyse. Ce qui conduit à une vision uniforme du rituel qui n’a rien à voir avec la pratique réelle.

Pour comprendre les variations de ce cérémonial particulier, j’ai mis en place une méthode d’analyse inédite qui, loin de confondre pratique réelle et pratique normale, permet au contraire un examen attentif de leur différences. A partir de la description et de la comparaison de cérémonies réellement effectuées, j’ai construit des modèles théoriques capables de rendre compte des modalités de variation du rituel. Ces modèles constituent des représentations schématiques du processus cérémoniel dans sa forme minimale (qui comprend uniquement les éléments nécessairement réalisés, c’est-à-dire présents, sans exception, dans toutes les cérémonies décrites ou observées) et dans sa forme maximale (qui regroupe l’ensemble des éléments pouvant être effectués). Ils se distinguent assez nettement des cérémonies réellement exécutées et permettent d’appréhender de manière très fine les particularités de chacune d’elles.

Ils se différencient également des modèles de référence reproduits ou utilisés par les acteurs pour construire une cérémonie particulière. Cette caractéristique est importante car il s’agit d’analyser ici les variations d’un rituel qui bénéficie d’une « version officielle ». Les fêtes de la foi

3 V. Turner, par exemple, ne prend en compte les variantes qu’il observe seulement dans la mesure où elles constituent des éléments de compréhension du symbolisme ndembu. Il ne s’interroge pas sur leur modalité d’occurrence ni sur les déterminants qui peuvent rendre compte de leur présence.

(5)

sont, en effet, des cérémonies de l'Église catholique et à ce titre dépendent de décisions et de réformes institutionnelles qui dépassent les acteurs immédiats du rite

4

.

Retracer l’évolution de ce rituel, c’est s’intéresser à la fois aux directives émanant de Rome ou des évêques et à l’histoire des cérémonies effectivement réalisées dans les paroisses. Le décalage est en effet toujours possible (voire inévitable) entre des ordonnances pastorales établies par la hiérarchie ecclésiastique et leur actualisation dans les communautés paroissiales où les prêtres doivent compter avec les habitudes et les aspirations des laïcs. Les différences entre la norme liturgique officielle (véhiculée, entre autres, par l’ordo missae) et les cérémonies réelles, doivent être ainsi définies précisément de manière à mieux saisir les caractéristiques de la pratique observée.

La mise en perspective des modèles minimaux et maximaux avec le modèle institutionnel permet une appréhension des variantes cérémonielles dans toute leur spécificité. Privilégier une telle analyse comparative c’est faire ressortir les différences existant entre des aspects de la pratique rituelle trop souvent confondus. Mettre en exergue les rapports qu’entretiennent la pratique réelle (observée) et la pratique normale (habituelle ou officielle), c’est se donner les moyens de saisir les variations et les transformations d’un rite dans toute leur complexité; c’est aussi se donner des chances de comprendre les subtilités de l’appréhension émique de la pratique cérémonielle en question.

De la communion solennelle aux fêtes de la foi

La première communion, événement majeur de la vie des jeunes catholiques, est née assez tardivement. Jusqu’au XIIème siècle, la première eucharistie est, en effet, administrée au cours du baptême, sous forme de vin consacré, comme dans l’Eglise orientale. Ce n’est que progressivement que l’usage, entériné par le concile du Latran IV (1215), en vient à privilégier l’âge de discrétion (12 ans) pour la première communion des jeunes chrétiens. Mais si dès le XIIème siècle, les enfants communient tardivement, les cérémonies de première communion avec liturgie particulière,

4Cette emprise d’une institution à vocation universaliste explique sans doute en partie le manque d’intérêt notable que la communion solennelle a suscité tant chez les folkloristes que chez les ethnologues. Le fait que son organisation et son contenu semblent dépendre moins de ses acteurs immédiats que de l'Église catholique (qui la gère et la contrôle aux différents niveaux de sa hiérarchie) est sans doute apparu, à bon nombre d’entre eux, comme une entrave à la compréhension tant de la variation (considérée comme absente) que de la signification de ce rituel particulier (laissée à l'exégèse ecclésiastique).

(6)

apparaissent seulement au cours du XVIème siècle et sont liées à la Contre-réforme

5

. Au cours du XVIIème siècle, les premiers textes diocésains et les premiers Rituels qui ordonnent les conditions d’admission et de réalisation de la cérémonie sont publiés

6

. L’importance du catéchisme préparatoire et la volonté de faire de la cérémonie un moment solennel y sont notamment présents, mais c’est au XVIIIème siècle que la solennisation devient caractéristique de cette cérémonie qui possède, dès lors, une liturgie instituée et une place dans le calendrier religieux.

Cette première communion solennelle s’accompagne progressivement d’une dimension profane, si bien qu’a la fin du XVIIIème siècle, et plus encore au XIXème siècle, elle apparaît comme une véritable fête familiale et sociale. La première communion n’est plus seulement l’occasion de recevoir le sacrement de l’eucharistie et de professer sa foi mais elle marque, plus largement, le passage de l’enfance à l’adolescence. Située à la fin de la scolarité et à l’entrée dans le monde du travail, elle est un rite de passage à part entière qui désigne un changement d’état spirituel aussi bien que social.

La petite et la grande communions

Une rupture apparaît cependant dès les premières années du XXème siècle. En 1910, Pie X promulgue le décret Quam Singulari sur la communion précoce, qui ébranle les fondements de la première communion solennelle telle qu’elle est alors vécue. Ce décret propose que la première eucharistie et la première confession soient désormais réalisées à l’âge de raison c’est-à-dire vers sept ans. Cette décision de Rome ne fait pas l’unanimité parmi le clergé français qui craint notamment l’abandon précoce de l’enseignement religieux par les jeunes communiants

7

. En ce début du XXème siècle, la première communion divise l’opinion catholique française, mais une solution apparaît assez rapidement qui permet de satisfaire à la fois ceux qui sont favorables au décret et ceux qui y sont réticents

8

. Cette solution envisage la mise en place de deux communions:

une première communion précoce réalisée à sept ans et une communion tardive proposée aux enfants de douze à quatorze ans. La première, nommée communion privée ou petite communion, est célébrée sans aucune solennité tandis que la seconde, la communion solennelle ou grande communion, garde tout l’éclat de la première communion solennelle antérieure. Dans les paroisses du Haut-Bocage vendéen, la préparation des enfants et le contenu de la communion privée sont sans commune mesure avec la cérémonie de communion solennelle, qui reste la référence en la matière:

5 Cf. Delumeau 1987, Introduction.

6 Cf. Goubet-Mahé in Delumeau 1987, 51-77.

7 Cf. Grésillon in Delumeau, 1987, 217-253.

8 Il n'y a pas d'opposants déclarés au décret.

(7)

« La communion solennelle c’était un départ dans la vie, c’était un engagement; l’autre c’était la petite communion privée » (sacristain né en 1922)

Il faudra un certain temps pour que cette petite communion prenne l’allure d’une fête et soit l’occasion d’un repas familial. Les premières années, les parents assistent simplement à la messe puis la journée reprend son cours habituel dès que celle-ci est terminée. Les premiers repas de famille apparaissent dans les années 1930 mais ils sont beaucoup plus simples que ceux de la communion solennelle. Il faut attendre les années 1950 pour que la première communion devienne une fête familiale à part entière. Ce n’est, en effet, qu’à cette époque que les repas sont généralisés, que des cadeaux sont offerts aux communiants et que ces derniers revêtent, pour l’occasion, une toilette digne de ce nom.

CÉRÉMONIES DES ANNÉES 1910-1940

9

JOURS 1 à 3

RETRAITE

JOUR 4

Procession des communiants

Première messe

Petit déjeuner au presbytère MESSE

REPAS

Procession des communiants VÊPRES

PROCESSION DE L’ASSEMBLÉE

Remerciement au prêtre

Goûter au presbytère

JOUR 5

Messe d’action de grâces

Remise du cachet de communion

Les scénarios de communion solennelle traduisent en revanche l’importance accordée à cette cérémonie. Ils sont notamment plus étoffés et s’organisent globalement selon un principe de répétition de trois séquences élémentaires (célébration, repas, procession). Ils présentent également une organisation particulière qui les distingue des autres cérémonies religieuses. Le modèle

9 Ce tableau présente l'ensemble des séquences rituelles appartenant, à la fois, au modèle minimal et au modèle maximal précédemment évoqués. RETRAITE: séquence nécessairement réalisée (modèle minimal). Première messe:

séquence facultative (modèle maximal).

(8)

minimal de la communion solennelle (qui comprend 5 séquences) est, en effet, assez spécifique pour que cette dernière ne soit pas immédiatement assimilable à n’importe laquelle des cérémonies religieuses qui lui sont contemporaines.

L’importance de la communion solennelle apparaît également à travers l’utilisation spécifique du temps et de l’espace cérémoniels qui offre une grande « visibilité » à la cérémonie. Le rituel s’étend en effet sur cinq jours depuis la retraite jusqu’à la messe d’action de grâces. Cinq jours durant lesquels les communiants parcourent en groupe, et de manière plus ou moins solennelle, une partie de l’espace du bourg et plus particulièrement les lieux importants de la paroisse (église, écoles catholiques, patronage, presbytère, calvaire et chapelles dédiées à la Vierge).

Par ailleurs, l’organisation des cérémonies et les opérations qui y sont effectuées font apparaître la communion solennelle comme un rite de passage à part entière qui s’organise selon les trois étapes de séparation, marge et agrégation définies par A. Van-Gennep. L’admission à la cérémonie, subordonnée à la réussite d’un véritable examen de catéchisme, signale assez bien que cette communion marque l’accession de l’enfant à un stade de connaissances qui fait de lui un chrétien adulte. Quant à la retraite, fermée, elle apparaît comme un temps de marge entre le monde de l’enfance et celui de l’adolescence qui sera en quelque sorte inauguré par la cérémonie. Les célébrations qui ponctuent cette dernière se caractérisent en effet par la multiplicité et la solennisation des temps et des actions où les communiants sont invités à s’engager personnellement et publiquement en tant que chrétiens désormais adultes. Ils se reconnaissent et se font reconnaître, alors, comme des membres à part entière de la communauté locale. A travers la profession de foi solennisée ou la rénovation des promesses de baptême, les communiants s’engagent, non seulement, à respecter les préceptes chrétiens mais plus largement à vivre en conformité avec les principes de la communauté. Cette agrégation au monde des adultes suppose aussi que les communiants assument leur appartenance à un groupe sexuel masculin ou féminin. Les cérémonies de communion distinguent nettement les garçons et les filles que ce soit lors de la retraite, au cours des célébrations et des processions ou à travers le port d’un costume spécifique (robe blanche avec voile pour les filles, costume avec brassard et pantalon long pour les garçons). Enfin la remise du souvenir ou cachet de communion vient clore le rituel et attester de la réalisation de la cérémonie;

ce cachet porte d’ailleurs les dates de baptême et de communion c’est-à-dire du début et de la fin de l’enfance. Le communiant reçoit également des cadeaux de son parrain et de sa marraine (les derniers avant son mariage): un missel et un chapelet qui lui seront utiles pour sa participation ultérieure aux célébrations et qui marquent aussi son accès à la pratique religieuse des adultes.

La profession de foi

(9)

A partir des années 1950, le contenu et le sens de cette grande communion commencent, cependant, à poser problème. Le clergé, observant qu’elle ne constitue plus la première eucharistie, s’interroge sur la validité et l’intérêt de cette cérémonie. La dimension profane de la communion solennelle est également critiquée. Elle est jugée trop importante et incompatible avec l’engagement religieux souhaité et souhaitable: les « débordements » des repas familiaux et l’amoncellement de cadeaux sont présentés, notamment, comme nuisibles. Enfin, le fait qu’elle marque le plus souvent un arrêt du catéchisme, voire de la pratique religieuse régulière, montre que son maintien n’a pas réglé le problème de la prolongation de l’initiation chrétienne.

La réflexion qui s’engage alors dans le clergé aboutit à la mise en place, au cours des années 1960, d’une nouvelle version de la cérémonie, la profession de foi. Cette dernière, comme son nom l’indique, est centrée sur l’expression de la foi des jeunes plutôt que sur l’aspect eucharistique:

cette cérémonie est pensée comme un renouvellement de l’engagement pris lors du baptême.

L’adoption de l’aube (en remplacement des robes et des costumes de communion solennelle) est chargée de souligner la parenté de la cérémonie avec celle du baptême. Ces transformations cérémonielles ne règlent pas le problème pour autant. Elles paraissent même l’exacerber dans la mesure où une partie du clergé s’y oppose, les considérant comme abusives. C’est en réalité le caractère même de rite de passage de la cérémonie, avec son double aspect profane et religieux qui est discuté: certains souhaitent préserver cette symbiose entre cérémonie religieuse et fête familiale;

d’autres au contraire considèrent la « folklorisation » comme nuisible à l’authenticité de cet acte religieux particulier

10

.

Les années 1970 se caractérisent ainsi par une très grande diversité en matière de cérémonial:

dans certains diocèses, on assiste à la suppression totale de la cérémonie quand, dans d’autres, elle est conservée sous sa forme « traditionnelle » ou bien transformée et adaptée de manières diverses

11

. Dans le Haut-Bocage vendéen, le passage de la communion solennelle à la profession de foi a été très progressif. Les cérémonies des années 1950 et un certain nombre de célébrations des années 1960 sont encore très proches de celle des décennies précédentes. Ce n’est qu’à la fin des années 1960 et dans les années 1970, que les professions de foi seront véritablement mises en place. Le passage d’un type de cérémonie à l’autre s’est caractérisé, ici, par une sorte de « dé- particularisation » du scénario: la communion solennelle s’est montrée assez spécifique pour ne pas être confondue avec n’importe quelle autre cérémonie religieuse. La profession de foi des années 1970 présente, au contraire, un scénario plus banal, semblable notamment à celui de la première communion et apparaît de ce fait moins « originale » que la précédente.

10 Cf. Bonnet et Cottin, 1969. Isambert 1973.

11 Cf. Grésillon op. cit.

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CÉRÉMONIES DES ANNÉES 1950-1970

1950 1960 1970

JOURS 1 à 3 RETRAITE RETRAITE RETRAITE

JOUR 4 PROCESSION DES Procession des Procession des COMMUNIANTS communiants communiants MESSE MESSE MESSE

REPAS REPAS REPAS

Procession des communiants

VÊPRES Vêpres

PROCESSION DE Procession de L’ASSEMBLÉE l’assemblée Compliment au prêtre Cérémonie brève

Remise du cachet de communion

JOUR 5 MESSE Messe

La structure de la cérémonie a aussi été complètement modifiée: alors que la communion solennelle s’est constituée selon un principe de multiplication d’un nombre restreint de séquences élémentaires (célébration, repas, procession), la profession de foi limite au contraire le développement de ces mêmes motifs: la célébration est unique et les processions sont marginalisées. Leur utilisation respective du temps et de l’espace cérémoniels est en outre contrastée: le cérémonial de la communion solennelle s’étale sur plusieurs jours et utilise largement l’espace villageois tandis que celui de la profession de foi est plus court et centré sur l’espace de l’église

12

. La communion solennelle apparaît ainsi assez ostentatoire alors que la profession de foi se montre plus confidentielle.

Les fêtes de la foi

12 Cette transformation du temps et de l'espace cérémoniels concerne assez largement l'ensemble des manifestations religieuses de cette période et paraît liée à la réforme née de Vatican II.

(11)

En Vendée, cette profession de foi est remise en question dès le début des années 1980. Les instances diocésaines veulent notamment, multiplier les occasions de profession de foi des enfants au cours de leur initiation religieuse et souhaitent, pour ce faire, associer plus intimement la catéchèse et les temps de célébration. Elles proposent ainsi une modification de la cérémonie qui aboutit à la création des fêtes de la foi. Cette « réforme » ne s’est pas traduite par des transformations aussi fondamentales que celles réalisées auparavant: elle s’est caractérisée par l’abandon, assez général, de l’aube comme vêtement cérémoniel et par la multiplication de la cérémonie, puisque ce sont désormais quatre fêtes de la foi qui remplacent la première communion et la profession de foi, chacune étant l’aboutissement d’une année de catéchèse du cycle primaire (CE1, CE2, CM1 et CM2).

Cette mise en place des fêtes de la foi a cependant suscité des tensions parmi les paroissiens:

certains n’ont voulu y voir qu’une volonté de banalisation d’une cérémonie à laquelle ils étaient profondément attachés sous sa forme habituelle. La multiplication des « cérémonies de la foi » équivalait, pour un certain nombre de parents, à une suppression de la profession de foi ou grande communion comme beaucoup la nommaient encore. Pour eux « trop en faire » ou « ne pas en faire » revenait finalement au même: ils s’interrogeaient pour savoir laquelle « comptait » véritablement, c’est-à-dire laquelle « méritait » d’être fêtée en famille. La polémique s’est rapidement cristallisée autour de la question du vêtement cérémoniel. L’adéquation entre type de vêtement et type de cérémonie était telle que se déclarer favorable ou défavorable à la disparition de l’aube, c’était exprimer son accord ou son désaccord face au nouveau cérémonial.

Ces tensions se sont progressivement apaisées: dés le début des années 1990, des fêtes de la foi ont été célébrées régulièrement dans chaque paroisse du doyenné et les enfants catéchisés y participent majoritairement. Seules deux des quatre cérémonies de la foi sont cependant fêtées en famille: celle du CE2 (réalisée à 9 ans, elle constitue la 1ère communion) et celle du CM2 qui est effectuée au même âge (11 ans) que l’ex-profession de foi.

Ces cérémonies contemporaines apparaissent néanmoins assez différentes de celles qui les

ont précédées, et notamment de la communion solennelle. L’ensemble des transformations

formelles qu’a connu le cérémonial, au cours des vingt dernières années, a entraîné une altération

de sa dimension de rite de passage. Si l’on a pu reconnaître, en effet, les communions solennelles

comme des rites de passage à part entière, les éléments et les opérations présents dans les fêtes de la

foi (et même dans les professions de foi des années 1970) ne s’organisent pas selon la structure

définie par A. Van-Gennep pour caractériser ces rites particuliers. Les éléments cérémoniels de la

grande communion, qui exprimaient symboliquement le changement d’état des enfants, sont pour la

plupart absents des cérémonies contemporaines sans que ceux qui sont venus les remplacer

(12)

prennent véritablement le relais. Il semble toutefois que pour un certain nombre de familles, la fête de la foi du CM2 « fonctionne » encore comme un rite de passage, du moins les parents sont-ils attachés à cette dimension particulière de la cérémonie. C’est sans doute pourquoi, des oppositions à la dernière réforme se sont développées. Mais cet attachement, que certains qualifient de nostalgique, ne change rien au fait que ces cérémonies de la foi ne sont désormais signifiantes que sur le plan religieux. Elles ne prennent plus en charge le passage, plus largement social, de l’enfance à l’adolescence qui se joue vraisemblablement ailleurs.

Diversité du cérémonial contemporain

Comme nous l’avons déjà vu, une observation, même superficielle, des cérémonies contemporaines fait apparaître une certaine diversité liturgique entre les cérémonies paroissiales.

Ces différences dans la manière de célébrer les fêtes de la foi sont, en outre, non seulement appréhendables par un observateur extérieur mais aussi retenues et reconnues par les paroissiens et les acteurs eux-mêmes. Ces derniers distinguent en effet, des cérémonies « traditionnelles » de cérémonies considérées comme plus « modernes ». Certaines paroisses ont d’ailleurs une réputation si bien établie en ce domaine, que même sans y avoir assisté, la plupart des individus sont capables de caractériser leurs cérémonies. Si cette compréhension de la diversité cérémonielle est intéressante, une étude objective de la variation des cérémonies doit cependant s’en distinguer et s’attacher à repérer la présence éventuelle d’indicateurs c’est-à-dire de traits objectifs de différenciation, parallèlement à celle des marqueurs définis comme les traits reconnus et retenus par les usagers eux-mêmes.

Pour faciliter le travail comparatif que supposait cette étude approfondie de la pratique

cérémonielle paroissiale, j’ai choisi d’étudier, plus particulièrement, les cérémonies de quatre

paroisses du doyenné de Morton (Chambost, Laverdine, Morton et Saint Vincent). Mon corpus

comprend ainsi huit fêtes de la foi (quatre fêtes du CE2 et quatre fêtes du CM2) dont certaines

sont considérées par les participants comme « modernes » (celles de Laverdine et de Morton),

d’autres comme « traditionnelles » (celles de St Vincent) et d’autres encore qui ne font l’objet

d’aucune catégorisation définitive (celles de Chambost). C’est par l’intermédiaire d’observations

directes et d’enregistrements vidéo que les données ont été recueillies. Chaque cérémonie a été

découpée en séquences, conformément à la partition présentée par le Missel romain et le contenu de

chacune des séquences à été décrit avec précision (actions qui s’y déroulent, rôles des différents

participants, manière d’utiliser les objets, mode d’occupation de l’espace).

(13)

Ordo missae et pratique cérémonielle

La construction des modèles minimaux et maximaux de ces cérémonies et leur comparaison avec le modèle cérémoniel officiel, l’ordo missae

13

, a permis de définir les caractéristiques formelles de chacune des cérémonies retenues mais aussi de préciser la marge d’improvisation et d’adaptation laissée aux acteurs. Si l’on compare le scénario minimal et l’ordo, on constate, en effet, que les quatre parties de la célébration (ouverture, liturgies évangélique et eucharistique, conclusion) ne sont pas concernées de la même façon par les variations. L’ouverture et la liturgie de la Parole du modèle minimal sont réduites par rapport à celles de l’ordo mais sont nettement plus développées dans leur version maximale. La conclusion est, quant à elle, différente de celle proposée par l’ordo et ce dans les deux scénarios. Enfin, la liturgie de l’eucharistie offre peu de différences par rapport à la version officielle de la cérémonie; sa forme minimale est quasiment identique à celle de l’ordo missae. Cette dernière étape liturgique est centrale et apparaît, pour reprendre un terme de P. Smith, comme l’ensemble focalisateur de la célébration c’est-à-dire celui où se produit « une opération mystérieuse ou mystique qui ne se laisse pas réduire au symbolisme du geste » (1979:140), opération nommée ici transsubstantiation.

Une relation semble être ainsi établie, entre le caractère efficace d’une étape cérémonielle et la nécessité de son exécution. La liturgie eucharistique apparaît comme l’un de ces moments stratégiques où les actions prescrites doivent être scrupuleusement réalisées, faute de quoi l’efficacité de la cérémonie risque d’être remise en question. Il apparaît, en réalité, que la possibilité d’occurrence de la variation se développe en raison inverse de l’efficacité reconnue aux opérations cérémonielles: les opérations véritablement efficaces sont celles qui varient le moins (la liturgie de l’Eucharistie). Leur variation est d’ailleurs strictement limitée par l'Église: l’ordo impose la reproduction conforme des procédures rituelles focalisatrices. Les acteurs bénéficient ainsi d’une marge de liberté, à dimension variable selon le caractère stratégique et focalisateur des étapes et opérations considérées. Ils peuvent adapter aisément les liturgies évangéliques, introductives et conclusives mais leur marge « d’improvisation » est nettement restreinte pour la liturgie eucharistique.

L’existence d’une procédure légitime, à reproduire « textuellement » est une garantie de l’unité liturgique de l'Église mais la possibilité de son adaptation, même limitée, permet conjointement la manifestation de l’incontournable diversité des communautés catholiques. En privilégiant cette manière d’actualiser une cérémonie religieuse, l'Église permet, en fait, l’expression des particularismes tout en préservant son unité. Elle trouve vraisemblablement là le moyen de se penser et de se vivre, à la fois, dans l’unité et la diversité.

13 Cf. le tableau.

(14)

MODÈLE MAXIMAL MODÈLE MINIMAL ORDO MISSAE

OUVERTURE

Procession

Chant d’entrée Chant d’entrée Chant d’entrée

Salutation Salutation

Accueil Accueil

Chant d’entrée Appel des enfants

Préparation pénitentielle Préparation pénitentielle

Hymne Hymne

Prière d’ouverture Prière d’ouverture Prière d’ouverture

LITURGIE DE LA PAROLE

Première lecture Première lecture

Chant Chant

Deuxième lecture Deuxième lecture

Procession du livre

Alléluia Alléluia Alléluia

Lecture de l'Évangile Lecture de l'Évangile Lecture de l'Évangile Illustration de la lecture

Alléluia

Dialogue sur le pain

Homélie Homélie Homélie

Profession de foi Profession de foi Profession de foi

Prière universelle Prière universelle

LITURGIE EUCHARISTIQUE

Quête Quête (quête) 14

Procession des offrandes (procession des offrandes) Présentation du parcours de catéchèse

Offertoire Offertoire Offertoire

14 () : Séquence considérée comme possible.

(15)

Prière eucharistique Prière eucharistique Prière eucharistique Prière du Seigneur Prière du Seigneur Prière du Seigneur Prière pour la paix Prière pour la paix Prière pour la paix Partage du pain Partage du pain Partage du pain

Communion Communion Communion

Prière ou chant des enfants

Prière après la communion Prière après la

communion

CONCLUSION

Annonces Remise du Credo Remise des Évangiles Chant à la Vierge

Conclusion Conclusion

Bénédiction et renvoi Bénédiction et renvoi Chant final

Procession

Signature des livrets

Cérémonies « traditionnelles » et « modernes »

La marge d’improvisation laissée aux acteurs de la cérémonie n’est cependant pas « utilisée » de la même façon dans les quatre paroisses observées. Les célébrations de Saint Vincent apparaissent comme des célébrations étoffées qui ont tendance à développer la liturgie de l’eucharistie au détriment de celle de la Parole, et à réaliser les diverses séquences cérémonielles conformément aux prescriptions de l’ordo. Les cérémonies de Laverdine, et à un moindre degré celles de Morton, se présentent, en revanche, comme des célébrations adaptées qui ont tendance à développer la liturgie de la Parole et à modifier les opérations cérémonielles prévues par l’ordo.

Quant aux célébrations de Chambost, elles sont alternativement semblables aux unes et aux autres.

Les traits retenus par les individus pour asseoir la distinction entre cérémonies

« traditionnelles » et cérémonies « modernes » ne sont pas tout à fait équivalents à ceux que nous

venons de définir comme étant significatifs de la différenciation entre les cérémonies de St Vincent

(16)

et celles de Morton et de Laverdine. Les marqueurs de « traditionalité » ou de « modernité » ne sont que partiellement semblables aux indicateurs que nous venons d’évoquer

15

.

La structuration de la cérémonie et la manière de la réaliser ne sont pas analysées véritablement par les individus: les marqueurs ne mentionnent pas, par exemple, les tendances respectives au développement des liturgies évangélique ou eucharistique propres aux fêtes de la foi de Saint Vincent et de Laverdine. Ils s’attachent plutôt, à définir de manière globale les célébrations et/ou à repérer la présence d’éléments cérémoniels particuliers (certaines séquences, objets ou acteurs). Les cérémonies de St Vincent ont, par exemple, pour les individus un style solennel; celles de Morton et de Laverdine, un style plus naturel, spontané. Cette double caractérisation n’est pas sans rapport avec certains indicateurs que nous avons définis pour rendre compte des diverses manières d’actualiser l’ordo missae. La solennité n’est, en effet, pas sans lien avec la conformité puisqu’en droit, par exemple, un acte solennel se définit comme un acte conforme. De même les qualificatifs « naturel » et « spontané » qui définissent le style « moderne » ne sont pas sans rapport avec la tendance à l’adaptation qui a été reconnue comme caractéristique des cérémonies de Laverdine et de Morton. Ce ne sont cependant pas ces tendances à la conformité ou à l’aménagement que les individus semblent vouloir souligner à travers l’utilisation de tels marqueurs mais plutôt les liens que ces cérémonies entretiennent avec celles du passé. Dans les discours qui définissent les cérémonies contemporaines, qu’elles soient « traditionnelles » ou « modernes », la référence aux célébrations d’autrefois est souvent explicite:

« Il y a ce côté beau, ce côté sensibilité (...). Les enfants sont très recueillis, sont très bien encadrés, c’est très bien. On retrouve un petit peu ce qu’on a vécu » (Catéchiste de St Vincent)

« On a essayé de faire des choses beaucoup plus ordinaires. C’est un peu pour perdre tout cet embarras d’aubes, de cierges et de couronnes comme il y a quelques années. (...) Dans les cérémonies, on parle plus de la vie courante. On fait dire aux enfants des choses qui ne sont peut- être pas toujours branchées sur la foi comme on l’a connue” (catéchiste de Laverdine)

MARQUEURS INDICATEURS

FÊTES DE LA FOI DE ST VINCENT

15 Cf. le tableau de la page suivante.

(17)

Caractère solennel de la cérémonie Réalisation conforme ou développée dans son ensemble des opérations de l’ordo missae

Les enfants sont de simples exécutants Développement de la liturgie eucharistique

Traitement équivalent des liturgies eucharistiques des 2 fêtes de la foi.

Multiplicité des interventions du célébrant qui se présente comme le président de

la cérémonie

Multiplicité des processions Multiplicité des processions

Présence d’enfants de choeur Présence d’enfants de choeur

Utilisation de l’aube Utilisation de l’aube

Utilisation de cierges Utilisation d’objets inédits (icône, croix de procession)

Choeur = espace d’action et de représentation

La référence au « passé cérémoniel », si elle est fréquente, reste souvent vague, indéterminée:

on ne sait jamais explicitement si elle concerne les communions solennelles ou les professions de foi par exemple. Elle est en outre assez souvent en rapport avec l’expérience directe de l’informateur (« ce qu’on a vécu », « ce qu’on a connu »).

MARQUEURS INDICATEURS

FÊTES DE LA FOI DE LAVERDINE ET DE MORTON

Caractère spontané ou naturel de Aménagement ou adaptation de l’ordo missae la cérémonie dans son ensemble

Les enfants participent à la création de Développement de la liturgie de la Parole certaines prières ou séquences

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(notamment profession de foi et Traitement contrasté des liturgies eucharistiques prière universelle) des 2 fêtes de la foi (étoffement de celle du CE2)

Le célébrant se présente comme un « chargé

de cérémonie »

Participation fréquente des catéchistes

Limitation des processions

Pas d’utilisation de l’aube Pas d’utilisation de l’aube (sauf exception)

Absence d’enfants de choeur Choeur = espace d’action

Ainsi, l'appréhension autochtone désigne les cérémonies « traditionnelles » comme les héritières légitimes des cérémonies d’autrefois tandis que les célébrations « modernes » sont présentées comme étant, en quelque sorte, en rupture avec elles. Ce qui du point de vue des marqueurs se traduit par la mise en exergue de certains éléments (aubes, enfants de choeur, cierges, processions) que les individus considèrent comme caractéristiques des communions solennelles et des professions de foi. Leur présence ou leur absence dans les célébrations contemporaines fonctionnent comme des signes d’appartenance de ces dernières à telle ou telle catégorie de cérémonies.

Pourtant si l’on envisage l’ensemble des opérations réalisées précédemment dans les communions, on se rend compte, que les marqueurs retenus ne sont pas aussi caractéristiques de ce type de cérémonie que les individus veulent bien le croire, et que, de toute évidence, ils établissent des rapprochements entre des cérémonies qui se distinguent de manière bien plus évidente que les célébrations contemporaines ne le font entre elles. L’organisation des cérémonies antérieures et leur contenu se distinguent tout autant des cérémonies « modernes » que de celles qui sont qualifiées de

« traditionnelles ». Ces dernières ne présentent, en réalité, pas plus de ressemblances avec les communions d’autrefois que les célébrations « modernes ». La plupart des séquences et des opérations que nous avons répertoriées comme étant constitutives des cérémonies réalisées depuis les années 1910 ne sont jamais présentes dans les célébrations actuelles qu’elles soient

« modernes » ou « traditionnelles ».

Les fêtes de la foi « traditionnelles » comportent ou utilisent cependant des objets, des

acteurs ou des opérations qui évoquent pour les individus les cérémonies du passé. C’est le cas

(19)

notamment des aubes qui renvoient tout autant aux professions de foi (où elles étaient utilisées) qu’aux communions solennelles, dans la mesure où c’est moins leur particularité qui importe, aux yeux des participants, que l’utilisation d’un vêtement propre à ce cérémonial. Il en est de même pour les cierges qui rappellent, mieux que les veilleuses des cérémonies « modernes », le cierge de communion si important dans les célébrations antérieures; ou encore le chant à la Vierge (accompagné de la présentation d’une icône) qui évoque, pour la plupart des individus, la consécration à la Vierge des communions solennelles, avec sa procession et son offrande de couronnes de fleurs. Quant aux divers cortèges réalisés dans l’église, ils sont rapprochés des longues processions du passé auxquelles participait l’ensemble des paroissiens. Les cérémonies

« traditionnelles » contemporaines s’inspirent ainsi de celles du passé plus qu’elles ne les reproduisent. Elles ne sont pas des lieux de conservation de pratiques antérieures, comme peuvent l’être des célébrations intégristes, mais des lieux de « ré-appropriation » de celles-ci. En ce sens, elles apparaissent moins comme les héritières d’un patrimoine cérémoniel que comme les créatrices de la tradition en matière de cérémonial de la communion.

En reconnaissant une manière « traditionnelle » de réaliser une fête de la foi, les individus tracent les limites, ou encore définissent ce qu’ils considèrent (ou ce qu’il est bon de considérer) comme la tradition en ce domaine particulier. La tradition apparaît comme un mouvement du présent vers le passé c’est-à-dire selon la formule de J. Pouillon, comme une « rétro-projection » (Pouillon 1975:160). Les cérémonies « traditionnelles » participent ainsi au processus de création de la tradition. A travers elles, les paroissiens ne reproduisent pas le passé, comme le feraient des intégristes, ils se le réapproprient en le reconstruisant.

On peut également voir dans cette manière de penser la diversité cérémonielle contemporaine, une façon particulière d’appréhender l’évolution du cérémonial, de marquer notamment une rupture entre la pratique actuelle et la pratique antérieure. Si les fêtes de la foi

« traditionnelles » génèrent la tradition dans le domaine cérémoniel, elles définissent aussi très sûrement, les caractéristiques de la « modernité ». Les cérémonies « modernes » existent, en quelque sorte, grâce aux célébrations « traditionnelles »: il ne peut y avoir de modernité que comparativement à une tradition même et, peut-être surtout, si celle-ci est une reconstruction.

Cette manière d’envisager la tradition, à l’opposé d’une modernité cérémonielle, semble avoir affaire avec la dernière réforme du rituel qui a divisé les paroissiens: certains étaient favorables au changement quand d’autres lui étaient opposés. La reconnaissance de cérémonies « modernes » et

« traditionnelles » contemporaines renvoie à ces positions contrastées dans la mesure où, à travers

elles, certains acteurs se référent explicitement au passé alors que d’autres s’en détachent

délibérément. Mais comme il ne s’agit, ni pour les uns ni pour les autres, de reproduire le passé,

(20)

seuls des traits secondaires, fortement évocateurs de la pratique antérieure, sont retenus. Le contenu des cérémonies contemporaines est bien totalement différent formellement et fonctionnellement de celui des communions solennelles, mais l’utilisation qui y est faite de certains éléments accessoires (cierges, costumes, processions, etc.) permet de réactualiser les cérémonies anciennes sans remettre en question l’essentiel des transformations.

Les « réformateurs » peuvent alors accepter la présence des cérémonies « traditionnelles » car elles ne remettent pas en cause le fondement de la réforme engagée; les « opposants » acceptent, quant à eux, le nouveau cérémonial paré de motifs qui restaurent à leurs yeux le style et l’atmosphère des cérémonies d’autrefois. Les premiers ont la possibilité de justifier le changement, voire de se persuader de sa nécessité et de son caractère inéluctable; les autres peuvent faire exister au présent des éléments évocateurs d’un cérémonial antérieur auquel ils sont attachés. Les cérémonies « traditionnelles », parce qu’elles sont des représentations des cérémonies antérieures, font revivre au présent un passé envisagé par certains participants de manière nostalgique, tout en écartant la moindre possibilité d’un « retour en arrière ». Contrairement aux cérémonies intégristes qui sont centrées sur la reproduction orthodoxe du « passé » et interdisent ou nient l’existence du changement, les cérémonies « traditionnelles » offrent, paradoxalement, des possibilités de vivre un état antérieur du cérémonial tout en soulignant l’irréversibilité des changements qui ont modifié ce dernier.

En se dotant d’une tradition et de cérémonies « traditionnelles », les acteurs et les concepteurs des fêtes de la foi désignent, voire justifient, l’état actuel du cérémonial tel qu’ils le vivent et le construisent. Ils se donnent les moyens de maîtriser, en quelque sorte, des changements et des transformations qu’ils n’ont pas totalement générés ni même parfois souhaités, mais qu’ils ont tout de même acceptés. L'Église locale trouve, par ce biais, les moyens de résoudre (ou de masquer) ses propres dissensions: une opposition, qui fut au départ quelque peu conflictuelle, trouve, en effet, sa résolution en se montrant sous la forme, acceptable par tous, d’une simple diversité liturgique. En laissant exister cette « tradition » cérémonielle, pourtant apparemment opposée à ses desseins, la hiérarchie ecclésiastique affirme, quant à elle, son pouvoir de contrôle et de gestion des rituels en question.

On voit bien ici comment la réalisation d’une fête de la foi, en raison des choix qu’elle

suppose et des représentations qu’elle véhicule, déborde assez largement le cadre des significations

purement religieuses qui lui sont habituellement attribuées. L’étude minutieuse de son contenu

renvoie, plus globalement, à la manière dont ses acteurs et ses concepteurs envisagent l’histoire du

cérémonial, pensent la tradition et comprennent leur rôle au sein de l'Église. L’attention portée à

des cérémonies réelles, loin de limiter la portée de l’analyse, conduit ainsi à saisir, dans sa

(21)

spécificité et sa complexité, l’évolution de la liturgie catholique au XXème siècle et certains des enjeux qui lui sont associés.

BIBLIOGRAPHIE

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Fétiches sans fétichisme. Paris, Maspéro.

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