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Submitted on 1 Jan 1976
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LA TURBULENCE ATMOSPHÉRIQUE
J.-C. André
To cite this version:
J.-C. André. LA TURBULENCE ATMOSPHÉRIQUE. Journal de Physique Colloques, 1976, 37 (C1),
pp.C1-163-C1-172. �10.1051/jphyscol:1976124�. �jpa-00216451�
JOURNAL DE PHYSIQUE Colloque C l , supplément au n° 1, Tome 37, Janvier 1976, /?age Cl-163
LA TURBULENCE ATMOSPHÉRIQUE
J.-C. ANDRÉ
Météorologie Nationale, EERM/GMD, 73-77 rue de Sèvres, 92100 Boulogne, France
Résumé. — L'écoulement du fluide atmosphérique est régi par l'équation de Navier-Stokes et le second principe de la thermodynamique. Les forces extérieures agissant sur ce système sont essen- tiellement la gravité, la force de Coriolis due à la rotation terrestre, le frottement dynamique et les sources de chaleur au niveau du sol. L'action perturbatrice du sol sur cet écoulement se fait sentir jusqu'à une altitude de l'ordre du kilomètre. Au-dessus de cette altitude, l'écoulement est quasi horizontal et est caractérisé par la conservation de deux quantités quadratiques : l'énergie cinétique et la vorticité pseudo-potentielle. En conséquence, une théorie de la turbulence bidimensionnelle est susceptible de décrire les principales propriétés statistiques d'un tel écoulement, comme la loi de répartition spectrale et l'énergie cinétique et le phénomène de prédictabilité. Pour de faibles altitudes, l'action perturbatrice du sol induit des mouvements verticaux responsables de la plus grande partie des transferts turbulents vers les couches supérieures de l'atmosphère. La turbulence peut alors être d'origine dynamique ou thermique et la modélisation d'une telle turbulence, tridimensionnelle et inhomogène, pose de nombreux problèmes qui ne peuvent guère être résolus qu'en prenant en compte explicitement la dynamique des corrélations doubles et même triples.
Abstract. — The atmospheric flow is governed by the Navier-Stokes equation and by the second law of thermodynamics. External forcing is supplied by gravity, acceleration due to the rotating earth, dynamical drag and heat sources at ground. Up to an altitude of the order of one kilometer, the perturbations induced by the ground are noticeable. Aloft, the flow is quasi-horizontal and is characterized by the conservation of two quadratic quantities : kinetic energy and pseudo-potential vorticity. A theory of two-dimensional turbulence provides consequently a basis for the description of the main statistical properties of such a flow like the spectral distribution of kinetic energy and like predictability. At lower altitudes, the ground induces vertical motions which are responsible for most of the turbulent transport towards the upper atmospheric layers. Turbulence can then be generated by dynamical or thermal phenomenon but, since it is essentially three-dimensional and inhomogeneous, its modellisation gives rise to numerous difficulties. These can possibly be solved by taking into account the dynamics of double and even triple correlations.
1. Introduction. — Une des caractéristiques essen- tielles de l'atmosphère est que son mouvement intéresse une très large gamme d'échelles spatiales et temporelles.
Par exemple, une analyse spectrale de l'énergie ciné- tique de l'écoulement atmosphérique en termes de longueur d'onde spatiale ou de période temporelle montre que des mouvements dont l'extension spatiale est de l'ordre du centimètre et la durée caractéristique de l'ordre de la seconde coexistent avec les plus grands mouvements spatiaux de plusieurs milliers de kilo- mètres d'extension horizontale et d'échelle de temps de l'ordre de quelques mois (Fig. 1 d'après Van der
1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 T 1 1
6 .
'" 4 - A
Q\ 1 1 1 1 T I i 1 1 1 1 1 1 1
100 K) 1 0,1 0,01 0,001
IY'KKIC Uicurvsl
FIG. 1. — Spectre temporel de l'énergie cinétique du vent à 100 m d'altitude (d'après [1]).
Hoven [1] et Fig. 2 d'après Vinnichenko [2]). Entre ces deux extrêmes, et bien que toutes les fréquences temporelles et toutes les longueurs d'onde spatiales soient énergétiques, il est possible de trouver des plages
1 1 1 1 1 1 1
6 0 0 .
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"* 200 . 1
Q I 1 1 1 1^ r—^ i r 1 10~
210
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210
310
410
5Fréquence (1/jour)
Fio. 2. — Spectre temporel de l'énergie cinétique du vent dans l'atmosphère libre (d'après [2]).
Article published online by EDP Sciences and available at http://dx.doi.org/10.1051/jphyscol:1976124
spectrales relativement moins excitées qui permettent de différencier trois grandes classes de mouvements (Fiedler et Panofsky [3]) :
- les mouvements d'échelle sy~roptique qui inté- ressent les longueurs d'onde horizontales supérieures à 100 km et dont l'échelle de temps est de l'ordre de quelques jours. Ces mouvements sont ceux qui sont étudiés préférentiellement pour établir les prévisions météorologiques ;
- les mouvements de micro-échelle dont l'extension horizontale et verticale est souvent inférieure à quelques kilomètres et qui intéressent des échelles de temps variant de la minute a une heure au maximum. Ce type de mouvements peut être, par exemple, matérialisé par l'apparition et la disparition de petits nuages ;
- entre les deux échelles précédentes, assez bien différenciées, s'étend la mkso-échelle qui est principa- lement due au cycle diurne. Les échelles horizontales concernées sont de I'ordre de quelques dizaines à quelques centaines de kilomètres alors que les échelles temporelles sont de l'ordre de la journée. Les brises de terre et de mer donnent un bon exemple de ce type de mouvements.
La dynamique atmosphérique doit être abordée sous un angle statistique pour de multiples raisons. Tout d'abord, l'étendue totale du spectre d'énergie de l'atmosphère est telle que sa partie haute fréquence (micro-échelle) ne peut être traitée explicitement par les mêmes méthodes que la partie basse fréquence (échelle synoptique), aussi bien du point de vue expé- rimental que du point de vue de la simulation numé- rique, les mouvements de haute fréquence apparaissant toujours comme une partie aléatoire de l'écoulement.
Mais d'autre part le même problème se pose pour chacune des trois grandes classes de mouvements prises séparément car leur étendue spectrale respective (au moins deux décades) nécessite déjà un traitement aléatoire.
11 est aussi possible de caractériser les divers mouve- ments atmosphériques par une altitude et une extension verticale préférentielles. Aux basses altitudes l'influence du sol est prépondérante et les diverses hétérogénéités de celui-ci induisent des mouvements tridimensionnels.
L'extension maximum, verticale et horizontale, de ces mouvements est comparable et de l'ordre de quelques kilomètres. Ceci définit la Couche Limite Planétaire, domaine de la micro-échelle. Pour des altitudes plus importantes, l'influence du sol s'annule pratiquement et, dans ce cas, la gravité jouant un rôle prépondérant l'écoulement deviendra quasi bidimensionnel. A ces altitudes, c'est-à-dire par définition dans l'atmosphère libre, l'extension horizontale du mouvement est géné- ralement très importante et correspond à l'échelle synoptique. La méso-échelle est intermédiaire et cons- titue en fait la zone de raccordement entre les deux échelles précédentes. Elle regroupe les phénomènes d'assez grande extension aussi bien suivant l'horizon-
tale que la verticale et il n'est plus possible de la carac- tériser par une dynamique purement bidimension- nelle.
Les considérations précédentes sont schématique- ment représentées à la figure 3 qui regroupe les princi- paux phénomènes atmosphériques et leurs caractéris- tiques essentielles, d'après Lilly et Lenschow 141.
1 1
1 1 I I 1 1 1 1 1 1
10' k m m ' k m m'km 10km I k m lOOm 10m l m 10- l c m
FIG. 3. - Les principaux phénomènes atmosphériques et leurs échelles (d'après [4]).
Nous nous limiterons ici à donner quelques exemples de dynamique turbulente de l'atmosphère dans les deux cas extrêmes : échelle synoptique et micro-échelle.
En effet, chacune de ces deux situations est susceptible de simplifications propres et tombe respectivement dans le domaine d'application de deux types de théo- ries de la turbulence : turbulence bidimensionnelle d'un fluide incompressible et turbulence tridimension- nelle d'un fluide de Boussinesq. En ce qui concerne la turbulence de méso-échelle nous renverrons au livre de L. N. Gutman [SI.
2. Les équations de la dynamique atmosphérique. -
Le fluide atmosphérique peut être assimilé à un gaz parfait. Pour simplifier le problème, l'action thermo- dynamique de la vapeur d'eau ainsi que les change- ments de phases de l'eau atmosphérique seront négligés.
Dans ces conditions l'écoulement est régi par l'équation
de Navier-Stokes et par une équation thermodyna-
mique. L'équation d'état et l'équation de continuité
(conservation de la masse) complètent le système et
permettent de déterminer l'évolution des 5 paramètres
fondamentaux : les trois composantes de la vitesse
V = (u, v , w ) (qui seront parfois notées u i , i = 1 à 3),
la température T et la pression p. Les forces extérieures
qui agissent sur ce système comprennent la force de
gravité et la force d'entraînement due à la rotation
terrestre (force de Coriolis) ainsi que d'éventuelles
forces de friction F = (Fi, i = 1 à 3) et/ou d'apport
extérieur de chaleur au taux dQ,/dt. Dans tous les
problèmes de dynamique atmosphérique on néglige
les apports de chaleur dus à la dissipation de l'énergie
cinétique. En négligeant de plus la contribution de la
divergence de la vitesse aux contraintes visqueuses,
le système d'équations s'écrit, en utilisant la convention
de sommation sur les indices répétés :
LA TURBULENCE
où t est le temps, (xi, i = 1 à 3) les coordonnées spa- tiales parfois notées (x, y, z) (.x3 = z orientée suivant la verticale ascendante), E~~~ est le tenseur de permu- tation, dij le tenseur de Kronecker, g le module de l'accélération de la pesanteur et l2 = (w,, i = 1 à 3) le vecteur représentant la rotation terrestre ; ses compo- santes horizontales o , et o2 sont habituellement négligées car elles n'apparaissent qu'en association avec la vitesse verticale u3 = w qui est toujours plus faible que la vitesse horizontale ; ceci conduit à ne plus considérer que le paramètre de Coriolis
(q est la latitude du lieu). v représente la viscosité cinématique, 3, la'conductibilité thermique, R la diffé- rence et y le rapport des chaleurs spécifiques de I'air à pression constante (C,) et à volume constant (C,).
Pour certains usages i l peut être utile d'introduire, à la place de la température, une nouvelle variable directement reliée à l'entropie S : la température potentielle 8. En effet la variation d'entropie dS/dt s'écrit :
d S 1 dQ
- - d T d P
- - - - ' - C
dt T dt " T d t p d t '
La température potentielle 8 définie par d S = C, dO/B est donc donnée par
et l'évolution de la température potentielle obéit à - 80 + u ao . = - n
--a20 + - i - e d ~
at
jax, y a ~ , ax, c, T dt - ( 2 bis)
Cette nouvelle forme de l'équation thermodynamique est particulièrement intéressante dans le cas d'un écou- lement adiabatique (ou isentropique), c'est-à-dire lorsqu'il n'y a pas de source extérieure de chaleur.
Un tel système est caractérisé par des échanges entre les diverses formes d'énergie : l'énergie cinétique
l'énergie potentielle
et l'énergie interne
Ces échanges obéissent à :
Dans les équations précédentes les échanges entre énergie cinétique et énergie interne créés par la visco- sité moléculaire ont été omis car ils sont le plus souvent négligeables comparés à ceux dus à la compressibilité de I'air. La gravité permet évidemment une transforma- tion d'énergie cinétique en énergie potentielle mais, &
l'équilibre, la machine thermique atmosphérique est globalement caractérisée par une transformation de l'apport extérieur de chaleur (rayonnement solaire) en énergie cinétique et cette dernière est finalement détruite par les forces de friction conformément à
3. Echelle synoptique et macro-turbulence. - La cir- culation atmosphérique d'échelle synoptique intéresse des phénomènes de grande extension horizontaIe. Pour aborder ce problème il est donc utile d'introduire des échelles caractéristiques relatives aux différentes gran- deurs intervenant dans les éq. (1) à (4) (Charney [ 6 ] ) . Les échelles de longueur horizontale et verticale seront notées respectivement L et D et les échelles dc vitesse respectivement V et W. L'échelle de temps est alors égale à LIV. Une analyse dimensionnelle de l'équation thermodynamique sous sa forme (2 bis), sans source de chaleur, montre que
où R, = V/2 1 fi 1 L. nombre de Rossby, est la vitesse horizontale de l'écoulement mesurée par rapport à la variation de la vitesse d'entraînement de la rotation terrestre en deux points espacés horizontalement de L.
11 est alors possible d'analyser les éq. (1) à (4) en fonc- tion des différentes échelles introduites ci-dessus. Trois nombres sans dimensions apparaissent. Ce sont, en plus du nombre de Rossby R,, le nombre de Froude
Fr = 4 1 SZ l 2 L ~ / ~ D
mesurant l'intensité relative des forces d'entraînement et de gravité et le nombre 6 = D / L caractérisant le rapport des échelles horizontale et verticale. Pour les mouvements d'échelle synoptique où typiquement
ilvient donc (g
E10 m.s-'et 1 1
N7 x IO-' S - l ) :
Un développement à l'ordre O du nombre de Rossby conduit alors à une atmosphère stationnaire, incom- pressible, sans vitesse verticale, caractérisée par l'équi- libre hydrostatique. Le vent, qui est tangent aux lignes d'égale pression, équilibre la force d'entraînement de la rotation terrestre et les forces horizontales de pres- sion (système dit géostrophique).
Pour obtenir une atmosphère en évolution il est nécessaire de considérer le développement à l'ordre 1 du nombre de Rossby. Dans le système alors obtenu (appelé quasi géostrophique) l'équilibre hydrostatique subsiste et la vitesse verticale n'intervient plus dans l'équation du mouvement. L'écoulement est essentiel- lement bidimensionnel et incompressible. De plus il y a conservation de deux quantités :
- l'énergie E = E, + E,, somme de l'énergie ciné- tique horizontale
et de l'énergie potentielle disponible
- I'enstrophie pseudo-potentielle
où la quantité entre crochets (vorticité pseudo-poten- tielle) est la somme du tourbillon propre de l'écoule- ment
et d'une quantité reliée au tourbillon d'entraînement par l'intermédiaire d'un terme de stratification (Char- ney VI).
Dans ces définitions l'indice s appliqué aux variables thermodynamiques désigne leur valeur dans Urie atmo- sphère standard au repos, et f, est le paramètre de Coriolis à la latitude qO.
Cette analyse de la dynamique de l'échelle synop- tique conduit, pour étudier le mécanisme turbulent de
ces échelles, à adopter un modèle présentant les mêmes propriétés structurelles. Le modèle retenu est celui de la turbulence bidimensionnelle homogène et isotrope d'un fluide incompressible, pour laquelle les propriétés de conservation sont analogues : conservation de l'énergie cinétique E (carré de la vitesse) et de l'enstrophie D (carré du tourbillon).
11 est nécessaire à ce niveau de décrire rapidement la théorie de la turbulence qui a été utilisée. Cette théorie est interprétable en termes d'hypothèses de fermeture. Très schématiquement, l'évolution d'une corrélation double, comme par exemple un spectre d'énergie < uir >, nécessite la connaissance de corré- lations triples < uuu > qui sont elles-mêmes détermi- nées par des corrélations quadruples < uuuu >.
L'hypothèse de fermeture dite quasi normale qui consiste à donner comme valeur aux corrélations quadruples leur valeur dans le cas gaussien (normal), c'est-à-dire
< u u u u > = C < u u > < u u > ,
3 termes
ferme évidemment le problème, mais une telle approxi- mation conduit à l'apparition de spectres d'énergie négatifs (Ogura [8]). Ce défaut peut être corrigé en introduisant dans l'équation d'évolution des corréla- tions triples un terme de relaxation linéaire
- p < uuu >
destiné à représenter le puit de corrélations triples que constitue l'écart à la gaussianité des corrélations qua- druples (Orszag [9] et Lesieur [IO]). Une telle hypo- thèse de fermeture, dite quasi-normale avec amortisse- ment turbulent, est alors satisfaisante dans la mesure où elle conduit à des spectres d'énergie positifs. L'amor- tissement turbulent p peut être calculé de différentes façons (André [l 11)' mais il ne semble pas que sa forme précise soit déterminante.
L'application de ce modèle de turbulence bidimen- sionnelle a permis notamment de mieux comprendre deux types de phénomènes : l'existence de spectres d'énergie qui suivent des lois de puissance et la notion de prkdictabilité, c'est-à-dire la décorrélation progres- sive de deux écoulements pratiquement identiques à l'instant initial. Nous nous limiterons à ces deux aspects de la macro turbulence.
3 . 1 LA DYNAMIQUE DE L'ÉCHELLE SYNOPTIQUE. -
L'expérience Eole (More1 et Bandeen [12]) a permis
d'étudier la dynamique de grande échelle et la macro
turbulence à l'aide d'un grand nombre de ballons
plafonnant à une altitude de l'ordre de 12 km. Ces
ballons, localisés au cours du temps par un satellite
artificiel, ont matérialisé l'écoulement et il a donc été
possible de reconstituer le spectre d'énergie des
mouvements atmosphériques en faisant une analyse de
Fourier soit du champ spatial de vitesse, soit de la
corrélation des vitesses en deux points différents, ou
bien en étudiant la dispersion relative de ces ballons
LA TURBULENCE (More1 et Larclieveque 1131). Le résultat est que le spectre d'énergie défini par
où E(k) est la contribution à l'énergie totale E des mouvements de nombre d'onde k (d'échelle - lJk),
est proportionnel à k-", x = 3 + 0,1, pour l'échelle synoptique (entre 100 et 1 000 km).
Ce résultat expérimental peut être expliqué par le modèle de turbulence bidimensionnelle décrit plus haut. Tout d'abord, d'un point de vue phénoménolo- gique, la conservation de l'enstrophie
ne permet pas à l'énergie de gagner les grands nombres d'onde (petites échelles) car un tel processus aurait pour effet d'augmenter I'enstrophie. Il faut donc envisager un transfert d'enstrophie vers les petites échelles et dans ce cas un calcul dimensionnel montre que, si P
désigne ce taux de transfert d'enstrophie,
(Kraichnan [14]). De façon plus complète, et pour tenir compte de l'apport d'énergie et d'enstrophie à un certain nombre d'onde k,, il est possible de montrer qu'un régime quasi stationnaire développe un spectre d'énergie constitué de deux parties très différenciées :
- dans la partie basse fréquence, k < ko, l'énergie est transférée vers les grandes échelles à partir de ko et le spectre d'énergie E(k) y suit la loi de Kolmogorov classique en k-'I3 ;
- dans la partie haute fréquence, k > ko, l'enstro- phie est transférée vers les petites échelles où elle est finalement dissipée par la viscosité. Cette explication phénoménologique a pu être testée numériquement pour de faibles nombres de Reynolds directement sur l'équation de ~ a v i e r - ~ t o k e s bidimensionnelle (Lilly [15]) et à grand nombre de Reynolds à l'aide de la théorie quasi normale avec amortissement turbulent (Pouquet et al. [16]). Il a été ainsi montré que la partie du spectre en k-513 est caractérisée par un transfert constant d'énergie vers les grandes échelles (égal en valeur absolue au taux d'injection E ) et un transfert nul d'enstrophie, alors que dans la partie du spectre en k - j l'enstrophie est transférée à un taux constant vers les petites échelles sans qu'il y ait de transfert d'énergie. Ce type de dynamique turbulente explique bien le comportement de l'échelle synoptique pour laquelle on peut identifier une échelle de fourniture d'énergie et d'enstrophie, vers 3 000 km, due à l'exis- tence de gradients horizontaux de température (insta- bilité barocline). Le spectre d'énergie atmosphérique de grande échelle en k - 3 correspond donc à un trans- fert d'enstrophie pseudopotentielle vers les petites échelles. Mais dans ce cas l'existence de la friction F(éq. (1)) ne permet pas le développement d'une partie
spectrale en k -
5 1 3car le nombre d'onde caractéristique de cette force de friction n'est pas assez différent de celui de l'instabilité barocline. La figure 4 schématise ces différents résultats.
l o g k
FIG. 4. - Dynamique turbulente de i'atmosphère de grande échelle.
3 . 2 LA PREDICTABILITE. - Il s'agit d'un problème fondamental en dynamique atmosphérique. Compte tenu du fait qu'il est techniquement impossible de mesurer l'état du mouvement atmosphérique de petite échelle en même temps que celui de grande échelle, l'initialisation du mouvement peut être faite de façon relativement exacte pour les grandes échelles mais il y a alors une très forte incertitude, et A la limite une igno- rance totale, sur les mouvements de petite échelle.
L'étude de la prédictabilité est l'étude de l'influence de cette erreur initiale sur le comportement ultérieur de l'écoulement.
Des simulations numériques directes de l'équation de Navier-Stokes bidimensionnelle pour deux écoule- ments, dont l'un est obtenu initialement à partir de l'autre par addition d'une perturbation aléatoire de très faible amplitude, montrent que le carré de la différence des vitesses entre les deux écoulenlents augmente exponentiellement avec le temps (Lilly [18]).
Ce phénomène a aussi été étudié dans le cadre de la théorie de la turbulence bidimensionnelle. Pour cela il suffit de considérer deux ensembles de réalisations u(') et u@) ayant les mêmes propriétés statistiques mais qui ne sont pas complètement corrélés entre eux. De cette façon le spectre d'énergie E(k) apparaît comme la somme d'un spectre d'énergie corrélée W(k) et d'un spectre d'énergie décorrélée A(k), où A(k) est le spectre d'énergie de la demi-différence des vitesses
( u ( l )
- u
( 2 ))/2
entre les deux ensembles de réalisations. L'approxima-
tion quasi normale avec amortissement turbulent peut
alors être utilisée pour construire les équations d'6vo-
lution de E(k, t ) et de A(k, t). Si la décorrélation initiale est principalement concentrée dans les grands nombres d'onde (par exemple A(k, O) = (klk,) E(ko) pour k < ko et A(k, O) = E(k, O) pour k 2 k,), l'évolution temporelle de A(k, t ) donnera une mesure de la propa- gation de l'erreur initiale vers les plus grandes échelles (Leith 1191, Leith et Kraichnan 1201). En utilisant un spectre d'énergie E(k) typique de l'atmosphère et en considérant une erreur initiale e(0) faible
des calculs numériques montrent que l'erreur e(t) croît au cours du temps et que la décorrélation gagne pro- gressivement les grandes échelles. Dans ce cas parti- culier, une erreur totale d'environ 25 % apparaît au bout de quelques jours et, après environ deux semaines, I'errcur est presque complète ( e ( t ) - 80 "/,). De plus,
si l'on considère une meilleure résolution initiale, par exemple en augmentant k,, la prédictabilité reste du même ordre de grandeur (Fig. 5). Ceci montre que la prévision du mouvement atmosphérique d'échelle synoptique se heurte à une limitation sévère due à la méconnaissance des petites échelles. Ce phénomèrie, d'inttrêt météorologique considérable, est une mani- festation d'un problème plus général : celui de la stabilité de l'équation de Navier-Stokes bidimen- sionnelle [18].
FIG. 5. - Temps de prédictabilite relatif à une atmosphère bidimensionnelle incompressible (d'aprés [19]).
4. Couche limite et micro-turbulence.
-La couche limite planétaire est la partie de l'atmosphère dans laquelle les influences dynamique et thermique de la surface terrestre sont directement sensibles ; à travers cette couche se font la plus grande partie des échanges :
- de chaleur, qui propagent verticalement le réchauffement ou refroidissement du sol au cours du cycle diurne,
- de quantité de mouvement, qui transmettent en altitude le freinage de l'air par le sol.
La couche limite planétaire peut donc être définie comme la zone à l'intérieur de laquelle les flux turbu- lents de chaleur et de quantité de mouvement sont non négligeables et l'expérience montre que la hauteur typique H de cette couche est de 1 ou 2 km. Cette épaisseur est relativement faible par rapport à l'échelle de hauteur L déduite des variations de la masse volumique
et il est donc possible d'appliquer I'approxin~ation de Boussinesq (Spiegel et Veronis 1211) aux éq. (1) à (4) qui deviennent respectivement (en omettant les sources extérieures de chaleur et les forces de friction) :
aui au. 1 ap,
- - - + u ût + v --- azui
j ' a x j
p o a ~ i û x j â x j +
où po et To sont des valeurs caractéristiques (constan- tes) de la masse volumique et de la température,
fi = g/To représente la poussée d'Archimède et où l'indice 1 appliqué aux variables thermodynamiques représente l'écart de ces variables à leur valeur dans un état de référence parfait, hydrostatique et adiabatique.
Dans la couche limite, la prépondérance des trans-
ferts verticaux par rapport aux transferts horizontaux
permet de négliger ces derniers en leur appliquant
l'hypothèse d'homogénéité statistique horizontale (il
faut noter que cette hypothèse ne s'applique pas à la
pression moyenne). Dans
-.ce cas l'équation de conti-
nuité implique ü3 E w = O et la hiérarchie d'équations
aux corrélations statistiques construite à partir des
éq. (6) à (10) se simplifie. Par exemple, l'énergie ciné-
tique turbulente
LA TURBULENCE
obéit à (Lumley et Panofsky [22])
- - au: au:
= c -
- ~ ( E ~ + & L , , G -,,POT
at a~ aE oz 1 a x j .xi
Les trois premiers termes correspondent au transport d'énergie cinétique par la turbulence, le quatrième à la dissipation visqueuse de l'énergie cinétique en chaleur, et les trois suivants à la production (algébrique) de turbulence d'origine dynamique (interaction avec l'écoulement moyen) ou thermique (poussée d'Archi- mède).
Suivant la valeur des flux turbulents de quantité de - - mouvement (u' w' et v' w ' ) et de chaleur (w' 6') il est possible de distinguer deux parties dans la couche limite (Fig. 6). Au voisinage du sol, on peut négliger
Atiiiospltérc libre Tliix turbiiktilr iicgligcahlc\
w l k m - - - - - - - -
Flux iurbulenits n<iii iiuls Couîlie Iimiie
.,
Plan6loirc
Profil de vent en y , , r d c ,rl:km.w,
%50m - - - - - - - -
Couclle liliiiir Fltm ~ t w h u l e n i ~ c o ~ ~ ~ i s ~ ~ i ~ Superficicllc Prttfil de tciit lupritliiiinliie
FIG. 6. - Principales caractkristiques dc la couche limite atrnospherique.
les forces de pression et de Coriolis (Tennekes [23]) si bien que l'équation du mouvement moyen s'écrit en régime stationnaire (d'après (6)) :
a -
O = - ' (il u : ~ ' - v - :) # - u : w l az
&.
az
Cette équation définit la couche à flux constant (dite aussi couche limite superficielle ou couche logarith- mique) à l'intérieur de laquelle
2 2