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compte rendu de : Pierre Masson, Les Sept Vies d’André Gide, Paris, Garnier, 2016

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Submitted on 13 Jul 2020

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compte rendu de : Pierre Masson, Les Sept Vies d’André Gide, Paris, Garnier, 2016

Jean-Michel Wittmann

To cite this version:

Jean-Michel Wittmann. compte rendu de : Pierre Masson, Les Sept Vies d’André Gide, Paris, Garnier, 2016. 2016, pp.997-999. �hal-02897981�

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Wittmann Jean-Michel, compte rendu de <Pierre Masson, Les Sept Vies d’André Gide, Paris, Garnier, 2016>, Revue d’Histoire Littéraire de la France, n° 4- 2016, p. 997-999.

En dépit de son sous-titre, Biographies d’un écrivain, et d’un titre qui met l’accent sur la « vie », le dernier livre de Pierre Masson est plus singulier qu’il n’y paraît : il s’agit bien plus d’une étude critique sur Gide, à la fois érudite et interprétative, que d’une biographie, au sens classique du terme. Le pluriel a toute son importance, puisque les « sept vies » dont il est question ici correspondent à des notions situées au croisement de l’éthique et de l’esthétique.

Si ces notions cruciales – au sens premier du terme – conduisent à des mises au point de type biographique, c’est bien l’œuvre gidienne, des fictions aux correspondances en passant par la critique littéraire et le Journal, qui se trouve au centre du propos. À partir du double constat que « la vie de Gide n’explique pas toute son œuvre » et que cependant « l’œuvre n’explique pas tout Gide » (p. 14), Pierre Masson part de la question classique du rapport entre la vie et l’œuvre pour proposer un parcours critique dont l’esprit et la méthode, à rebours de tout esprit de système, sont dictés par la nature même de l’œuvre étudiée. Ces biographies – au pluriel – d’un écrivain dont la vie et l’œuvre semblent se refléter l’une dans l’autre apparaissent donc comme une sorte de Contre Sainte-Beuve, ce qui n’a rien d’étonnant, s’agissant d’un écrivain de cette génération littéraire. Il ne s’agit en effet ici ni d’expliquer l’œuvre par la vie, ni d’illustrer la vie par la référence à l’œuvre, mais de montrer comment l’œuvre révèle le moi et participe de l’invention d’une vie, qui se trouve donc pleinement accomplie, vécue et révélée dans la création littéraire.

Le livre de Pierre Masson invite donc son lecteur à circuler d’une façon apparemment très libre, mais qu’on devine en réalité très réfléchie, dans l’œuvre et dans la vie de Gide, ou dans sa « vraie vie », révélée par la littérature, en suivant sept cheminements qui correspondent à autant de questions fondamentales pour cet écrivain. Même si chacune des parties propose un parcours complet ou du moins cohérent, l’ordonnancement général du volume ménage en réalité une véritable progression interprétative. Gide a maintes fois affirmé que l’éthique et l’esthétique se rejoignent et même se confondent. Dans cet essai, ce sont donc les données fondatrices d’une éthique, elles-mêmes destinées à devenir les piliers d’une esthétique définie, qui sont explorées dans un premier temps, à travers « La vie du corps » puis « La vie avec les autres ». Pour un écrivain qui a lié la conscience de sa singularité à la découverte de son homosexualité, le rapport au corps est déterminant, comme en témoigne l’œuvre fictionnelle. La question de la place de l’individu dans la communauté est également directement déterminée par la conscience d’une différence essentielle : la volonté manifestée par Gide, dans ses livres, « de permettre à ses héros de vivre leur différence au sein d’une communauté » (p. 105), reflète la quête d’un équilibre entre intégration et respect de

« l’originalité », présente dans l’œuvre romanesque comme dans les études critiques. Les trois

« vies suivantes » permettent de comprendre suivant quelles modalités l’œuvre et l’existence de Gide ont pu se construire moins parallèlement que solidairement. Pierre Masson, dont la thèse d’État portait précisément sur Voyage et Écriture dans l’œuvre de Gide (Presses Universitaires de Lyon, 1982), retrace les voyages de Gide tout en analysant les ressorts d’une écriture de l’ailleurs, ou de l’exotisme, qui se déploie dans la fiction comme dans les journaux, à commencer par Le Voyage au Congo. La « vie de famille » permet de comprendre comment Gide, dont le mariage avec sa cousine germaine est resté blanc et qui a vécu sa sexualité en dehors de son mariage, et pour cause, a remis en question et contribué à faire évoluer cadres et repères familiaux, à une époque où l’Église imposait ses normes morales à la société et où l’homosexualité était taboue. Quant à la « vie d’écrivain », elle rend compte du positionnement littéraire de Gide en montrant les logiques qui ont conduit cet individualiste affirmé à devenir un homme de réseaux, des salons symbolistes à la fondation

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de La NRF en passant par l’aventure de L’Ermitage. Les deux dernières « vies » d’André Gide dessinent le point d’aboutissement d’un parcours, celui de Gide comme celui du critique attentif à saisir la cohérence d’une œuvre. La « vie morale » conduit à cerner la morale de Gide, élaborée en fonction des différentes données rappelées auparavant dans le volume, et soumise à une constante autocritique, d’un livre à l’autre. La « vie spirituelle », enfin, retrace les interrogations d’un écrivain qui fut aussi un grand lecteur de la Bible, et d’un esprit mystique doublé d’un ironiste porté à refuser tout dogmatisme.

On se doute que le choix de proposer sept parcours correspondant à « sept vies » conduit sinon à des redites, du moins à des croisements, et que certaines séquences biographiques ou certaines œuvres auraient aussi bien pu être évoquées dans l’un des parcours que dans l’autre, notamment parce que la question du rapport aux autres se révèle très englobante et parce que la « vie d’écrivain » est le foyer autour duquel (presque) tout s’organise, ou du moins vers quoi (presque) tout converge. Il en va ainsi du voyage au Congo, largement évoqué dans la « vie nomade » mais que l’on retrouve nécessairement dans la « vie d’écrivain » avec la construction de la posture du « contemporain capital », ou du dialogue critique avec Barrès, évoqué en détail dans la « vie avec les autres » mais qui aurait pu trouver sa place dans la « vie d’écrivain », etc. Mais ce que construit l’essai de Pierre Masson, c’est le miroir d’une œuvre dans laquelle revient souvent l’image du carrefour. Un miroir, ou plutôt un kaléidoscope : dans Si le grain ne meurt, Gide évoque en effet cette « sorte de lorgnette qui […] propose au regard une toujours changeante rosace » et donne ainsi à voir une métamorphose perpétuelle, seule capable de révéler la complexité et donc la vérité du sujet.

L’autobiographe ne faisait alors rien d’autre que décrire et commenter son récit autobiographique, lui qui, obsédé par l’importance de la composition, écrivait pourtant avec une fausse candeur : « J’écrirai mes souvenirs comme ils viennent, sans chercher à les ordonner. Tout au plus les puis-je grouper autour des lieux et des êtres ; […] je suis perdu si je m’astreins à de la chronologie. » Pierre Masson ne fait rien d’autre, à ceci près qu’il rend compte de toute une vie, de toute une œuvre, alors que Si le grain ne meurt se refermait sur l’évocation des fiançailles : plutôt que de raconter la vie de Gide, il la fait miroiter au gré de rapprochements signifiants et de subtils jeux de miroirs qui dévoilent de nouveaux angles de vue. Cet essai, qui épouse avec ductilité les contours d’une œuvre elle-même sinueuse et protéiforme sous son voile de classicisme, appelle donc un lecteur attentif et prêt à relire plus encore qu’à lire, comme Gide engageait son lecteur à le faire pour ses propres livres : c’est dire le prix mais aussi la complexité de cet essai très dense, qui a l’élégance de paraître simple d’abord.

Jean-Michel WITTMANN

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