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Les cahiers du CEDREF

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Texte intégral

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Les cahiers du CEDREF

Centre d'enseignement, d'études et de recherches pour les études féministes

13 | 2005 :

Transmission : savoirs féministes et pratiques pédagogiques

Peut-on enseigner le féminisme à l’Université ?

C

LAUDE

Z

AIDMAN p. 35-51

Texte intégral

Notre métier n'est pas d'enseigner le féminisme

Une des façons d'interpréter le titre de ces journées est de s'interroger sur la transmission entre les générations c'est-à-dire sur la relèv e en Etudes féministes. Je suis heureuse de pouv oir constater, grâce à ces journées et aux journées précédentes organisées par EFiGiES av ec l'aide du RING, à quel point nous pouv ons être rassurées sur ce point : il existe une relèv e et, qui plus est, une relèv e qui innov e tant dans les thématiques que dans les façons de s'organiser et de trav ailler.

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Le titre de cette interv ention était au départ plus long : « Trente ans d'enseignements de sociologie du genre, plaisir et doutes. Le féminisme, est-ce que ça s'enseigne? ». Je v ais donc parler de mes enseignements après av oir situé quelques questionnements qui me semblent essentiels. Bien entendu, cette histoire personnelle s'inscrit dans tout le contexte de la création et du dév eloppement collectif des Etudes féministes dans les univ ersités, plus particulièrement dans celle de l’Univ ersité Paris 7 - Denis Diderot, dont nous av ons rendu compte en 2001 dans les Cahiers du CEDREF1.

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Pour commencer, une précision s'impose : il n'y a jamais eu, par choix collectif des membres du CEDREF, de département d'Etudes féministes à Paris 7 , et il n'y a jamais eu, de ce fait, d'enseignements « féministes ». En histoire, études anglophones, littérature ou sociologie, etc., il n'y a jamais eu que des cours inscrits dans des cursus disciplinaires et portant, selon les cas, sur « les femmes », « les rapports sociaux de sexe », « le féminisme » —le féminisme

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Pas de « science féministe »

étant entendu ici comme mouv ement. Toutefois, il faut citer deux exceptions : le séminaire du CEDREF, séminaire pluridisciplinaire intitulé « Approches féministes dans différents champs disciplinaires » qui existe toujours, et le DEA « Sexes et sociétés » qui a v écu quatre ans et existait encore jusqu'à cette année comme option du DEA d'histoire. J'en reparlerai plus tard.

Tous les enseignements que j’év oquerai2 désormais sont des enseignements de sociologie optionnels, ay ant tous pour but d'enseigner la sociologie dans un champ ou à partir d'un objet d'étude particulier. Toutefois, malgré mes explications renouv elées lors de la présentation de mes cours, où j'affirme faire de la sociologie et seulement de la sociologie, je crois que la plupart des étudiant-e-s ont la délicieuse (?) impression de participer à quelque chose d'un peu hors normes, un peu sulfureux : des cours féministes, alors même que pour beaucoup, elles et ils rejettent l'idée même du féminisme, le jugeant trop extrémiste ou historiquement dépassé.

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En trente ans, les contextes politiques et institutionnels ont changé, les publics étudiants se sont transformés, les études concernant les rapports sociaux de sexe se sont considérablement enrichies, la situation des femmes s'est largement modifiée, les modes d'engagement politiques et militants ont év olué. Il faudrait réfléchir à des modes de périodisation de ces changements qui permettraient de contextualiser ces enseignements sur le genre.

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Je v ais essay er de dessiner par reconstruction mémorielle quelques situations d'enseignement ty pes, telles que les ai v écues. Je distinguerai trois temps correspondant à trois ty pes de situation d'enseignement : le spontanéisme, l'institutionnalisation, le règne des experts.

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Il faut d'abord distinguer entre plusieurs définitions du terme même de

« féminisme » qui correspondent à des pratiques sociales différenciées, même si elles sont liées et souv ent portées par les mêmes personnes : le féminisme comme position politique, le féminisme comme mouv ement social, les théories féministes et, finalement, les Etudes féministes. Le féminisme comme position politique, ça ne s'enseigne pas dans des cours univ ersitaires sauf d'un point de v ue historique et critique.

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Par contre, les cours concernant les femmes ou les rapports sociaux de sexe trouv ent leur origine dans et se nourrissent des réflexions et trav aux nés des mouv ements de femmes et des théories féministes. De ce fait, je considère les

« Etudes féministes » comme un lieu de passage entre le féminisme comme mouv ement social et politique et les théories féministes d'une part, le monde univ ersitaire et ses sav oirs institués d'autre part.

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Je renv errai ici à un article de Françoise Collin3. L'auteure y fait le point sur les débats autour de la création et de la définition des Etudes féministes et analy se tant « la critique externe, celle qui confronte les Etudes féministes à l'ensemble du féminisme comme agir politique » que la « critique interne, celle qui confronte les Etudes féministes à l'espace du sav oir et de la pensée » et propose une définition : « La critique féministe consiste à faire reconnaître la dimension de la sexuation dans l'élaboration du sav oir commun, tant du côté du sujet que de l'objet ».

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Le rejet de l'idée d'une « science féministe »4 ou pire « féminine » se fonde alors sur la façon de situer la place des recherches et théories féministes dans l'élaboration d'un sav oir commun qui a v ocation à l'univ ersalité. En ce sens, on pourrait dire que le mouv ement féministe, en libérant la parole des dominées5, permet de reprendre collectiv ement le projet de Simone de

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Savoir et pouvoir

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Beauv oir dans Le deuxième sexe (1949). La dénonciation des rapports de domination par le mouv ement féministe permet de comprendre l'av euglement des chercheur-e-s et de dév elopper, dans tous les domaines, de nouv elles perspectiv es de recherche prenant en compte le sexe comme catégorie sociale6 et les rapports sociaux de sexe. Pour autant, les chercheur-e-s, afin de créer un nouv eau champ de recherche et de nouv eaux concepts, utilisent de façon critique les instruments du sav oir commun. Pour autant également, le point de v ue de la critique féministe, s'il transforme et enrichit ce sav oir commun, ne concerne pas de la même façon l'ensemble des connaissances et des points de v ue scientifiques, il nous faut év iter ce que Françoise Collin appelle la « déformation professionnelle » du féminisme ». Si les Etudes féministes proposent un nouv el éclairage, certaines diront un nouv eau paradigme, on ne peut pour autant ne considérer le monde, et en particulier le monde des connaissances scientifiques, qu'à partir de ce point de v ue.

Qui parle d'enseignement univ ersitaire parle aussi de rapports de pouv oir : entre enseignant-e-s, entre enseignant-e-s et enseigné-e-s. La création et le maintien d'enseignements concernant les femmes, les rapports de sexe, le genre, sont le fruit de luttes et de rapports de force institutionnels liés à la fois au contexte politique et ministériel, aux instances de gestion scientifiques et corporatistes des disciplines instituées, et enfin à l'histoire de chaque univ ersité. Les enseignant-e-s univ ersitaires ont, par définition de leur fonction professionnelle, un dev oir d'év aluation et de v alidation des étudiant- e-s, mais ce qui leur confère ce pouv oir, c'est leur place dans l'institution, elle- même dépendante de l'év aluation de leurs compétences par les autorités

« compétentes ».

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En face, les étudiant-e-s ne sont pas des tables rases. Ils et elles possèdent certaines formes de sav oirs construits à partir de leurs expériences personnelles. Ils et elles ont des idées, des conv ictions fortes que l'on peut certes considérer au titre de notre sav oir et de nos connaissances comme des prénotions, des stéréoty pes, v oire une forme d'aliénation, mais av ec lesquelles ils et elles résistent. Un exemple : la différence des sexes. J'enseigne actuellement quelque chose autour de l'idée-force, pour un certain courant de pensée, que « le genre précède le sexe ». Mais les étudiant-e-s ont pour conv iction intime l'existence d'une différence biologique et phy siologique fondamentale entre les sexes. Leur adolescence n'est pas encore si loin, ils et elles ont senti leurs corps se transformer av ec tous les plaisirs et déplaisirs engendrés par cette maturation, et les div ersités de réalisations selon les indiv idu-e-s, les groupes sociaux, les peuples, les époques, etc. Alors, à la fin du cours, quelquefois même dans un couloir, il n'est pas rare qu'une étudiante v ienne me dire : « Mais finalement, madame, la différence biologique des sexes, ça existe ! ». Ce dont je n'ai d'ailleurs jamais personnellement douté.

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Il nous faut donc proposer des analy ses qui, tout en respectant ce

« sav oir », prennent en compte la façon dont il se construit dans un langage et une lecture de l'expérience personnelle, eux-mêmes dominés par des définitions sociales, v oire politiques, de la différence des sexes. Et c'est peut- être cette prise de conscience de la construction historique et sociale de nos connaissances les plus apparemment év identes qui est l'objet constant et principal de nos enseignements.

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Notre pouvoir, exorbitant à mes yeux parce que portant sur une des expériences humaines fondamentales à la fois intime, quotidienne et globale

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Premiers cours, les années 1970 : le temps du spontanéisme

(ce « fait social total » dont parle Mauss), est de posséder un discours rendu

« légitime » par la place d'où il est énoncé sur ce que c'est qu'une femme, ou un homme, et les rapports entre les hommes et les femmes, notamment. Ce discours est l’objet de luttes de définition entre féministes et non féministes, mais aussi entre féministes elles-mêmes. Le champ des Etudes féministes est lui-même traversé par des luttes de pouvoir8. Le féminisme est une prise de position politique, un engagement politique. Mais il existe, comme chacun sait, des féminismes aussi variés que les contextes sociaux et politiques dans lesquels ils s'inscrivent. Le féminisme des années 197 0, dans le contexte des avancées et des utopies de mai 68, se voulait révolutionnaire, porteur d'un changement radical de la société, grâce à l'émancipation et à la libération des femmes. Le corps des femmes était au centre de la contestation de la société : son exploitation par le travail domestique, mais aussi la libération de la jouissance des femmes, leur liberté grâce à la contraception et à l'avortement, leur refus de toute forme de reproduction forcée, la lutte contre les violences. La parole et le corps : le droit à la parole était lié à cette libération du corps des femmes de son rôle passif d'objet sexuel. Et ce droit à la parole publique passait par un « déballage » du quotidien et de ses servitudes vécues : le privé est politique, le personnel est politique.

Dès le début des années 1980, une révision critique du mouvement, de ses prises de position et de ses acquis9 succède à son éclatement et à ses liens naissants avec le nouveau pouvoir d'Etat. Actuellement, il existe en France des féminismes : libéral, égalitaire, radical, etc. Une femme « de droite » qui prend des positions féministes dans le cadre des luttes pour la parité continuera à voter des lois qui, pour une femme « de gauche », contribuent à la détérioration de la situation sociale des femmes, en accentuant leur précarité par exemple, ou les écarts entre les retraites. Il revient alors à chacun-e dans ses enseignements de rendre compte de la diversité des prises de position politiques et théoriques qui peuvent alimenter ou sous-tendre les analyses sociologiques afin d'éclairer son propre positionnement et celui de ses collègues.

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Finalement, à mes yeux, une très grande part du travail des enseignant-e-s dans ce domaine est d'essayer de comprendre ces « savoirs spontanés » des étudiant-e-s, liés à leur socialisation primaire et secondaire1 0 et à leurs expériences personnelles, savoirs qui, d'ailleurs, ne sont pas partagés de la même façon par tous ou toutes. Ici interviennent à la fois des processus cognitifs propres à une société, à un groupe social, et des phénomènes de génération liés au contexte socio-politique.

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« Femmes et institutions » : cet enseignement de premier cycle existe encore sous ce titre et fait toujours partie des cours d'introduction à la sociologie pour un public pluridisciplinaire. A raison de quarante inscrit-e-s par cours-TD, on peut considérer que cet enseignement a touché, en trente ans, environ cinq mille étudiantes, dont un certain nombre d'étudiants, les cours étant bien entendu mixtes bien qu'à très forte majorité féminine.

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D'abord, il faut signaler que j'avais, à l’époque, pratiquement le même âge que certain-e-s étudiant-e-s, et pas l'ombre d'une formation pédagogique. On parlait du mouvement de libération des femmes plutôt que de « féminisme ».

Les débats et violentes controverses politico-théoriques fleurissaient chez les

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intellectuelles du mouvement1 1, quant à la sociologie, je renvoie au texte fondateur de Nicole-Claude Mathieu qui, dès 197 0, à la fois décrit et analyse l'absence des femmes comme catégorie de sexe dans la sociologie1 2. À partir des années 197 5, paraissent des articles qui font le lien entre les idées nées du mouvement des femmes et la critique des sciences sociales. L'ouvrage novateur en la matière, parce que publié par un éditeur universitaire et donc facilement accessible, est le recueil de textes présentés et assemblés par Andrée Michel en 197 71 3.

Autant dire que je ne me sentais dépositaire d'aucun savoir institué qu'il soit sociologique ou féministe. Et ce d'autant plus que, faisant partie de la génération 68, j'avais beaucoup de mal —j'ai d'ailleurs encore aujourd'hui beaucoup de mal mais moins qu'hier, le « métier » aidant— à me situer en

« maître » de quoique ce soit. Je faisais une thèse sur le mouvement lycéen en mai 68, décrivant la façon dont ces jeunes lycéen-e-s avaient su remettre en cause le rapport enseignant-e-s/enseigné-e-s. J'avais participé comme tout le monde au mouvement anti-autoritaire de 1968, mais de plus j'avais, en tant qu'apprentie chercheuse en sociologie, participé à la critique de la science et à la contestation de la sociologie1 4. C'est ce qui explique que l'idée d'une science féministe me semblait pure hérésie.

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Pour revenir à mes cours, on pourrait les traiter de spontanéistes, favorisant le prise de parole avec un public plus ou moins influencé par les échos du MLF. Le titre « Femmes et institutions » paraît bien dépassé de nos jours, tant par rapport aux recommandations européennes qui ont imposé le terme de « genre », qu'à certains débats féministes. Ce qu'il y avait à

« enseigner », c'était avant tout l'existence sociale des femmes, leur droit à la parole. Et à ce moment historique, il était très gratifiant de faire apparaître le non-dit d'une société et d'un prétendu savoir sociologique qui avait « oublié » ou traité en minoritaire la moitié du genre humain. Comme lors des prises de parole dans le mouvement, nous découvrions ensemble l'importance de pouvoir parler du corps des femmes, de leur quotidien : « le personnel est politique » selon le slogan symbole de cette époque déjà évoqué.

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Côté public étudiant, il faut rappeler que les années 1960 puis 197 0 sont des années de « rattrapage » du retard de scolarisation des filles d'un point de vue quantitatif, puisqu’on assiste à une « féminisation » du monde universitaire, mais aussi du point de vue du sens même des études pour les jeunes filles. Cette scolarisation accrue accompagne ou précède le changement du rapport à l'emploi des femmes. Alors que certain-e-s pouvaient encore prétendre dans les années 1950 que l'université représentait avant tout un marché matrimonial pour les jeunes filles, l'accès à l'emploi, et progressivement à un emploi continu, manifeste les projets d'engagement professionnel des filles. On assiste ici à une rupture de génération où le rapport aux études et à l'emploi change entre mères et filles.

Le MLF est à la fois reflet et accompagnateur de ce changement social d'importance qui permet aux femmes d'entrer à leur tour dans la modernité en gagnant leur autonomie financière et un statut professionnel. À peine plus âgée que mes étudiantes, je partage avec elles ce mouvement d'émancipation qui se développe sur plusieurs décennies. La présence de nombreuses femmes

« en reprise d'études » par le biais de l'ESEU, Examen Spécial d'Entrée à l'Université1 5, manifeste ce phénomène d'ouverture de l'université et du travail professionnel aux femmes, cette rupture avec les modèles traditionnels de trajectoires féminines. Leur présence facilitait les débats du fait de leur plus grande expérience familiale et professionnelle. On pourrait dire qu'il y avait une certaine porosité entre l'enseignement sociologique et le mouvement des femmes.

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Les années 1980 : le temps de l'institutionnalisation

Mai 68 est bien loin, un certain nombre de ses protagonistes flirte largement avec le pouvoir socialiste, des féministes aussi. La création d'un ministère des droits des femmes permet aux féministes d'obtenir une

« institutionnalisation » des Etudes féministes dont je suis une des premières à bénéficier avec Marie-France Brive en histoire à Toulouse et Annie Junter- Loiseau en droit à Rennes, grâce à la création de postes de maître-sse de conférences ciblés « Etudes féministes ». Mon élection par la commission de spécialistes et par le CNU, sur un de ces postes demandés par l'Université Paris 7 en sociologie, bien qu'étant principalement orienté vers le développement des recherches en Etudes féministes, donne une légitimité à mes enseignements. D'où la création du CEDREF1 6, groupe de recherche qui connaîtra bien des vicissitudes institutionnelles, mais qui reste aujourd'hui, à ma connaissance, le seul groupe de recherche dans l'université française à conserver le mot « féministe » dans son intitulé.

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Dans ce contexte, la mise en place du cours de licence « Division sociale et sexuelle du travail », est directement inspirée par mon appartenance comme chercheuse associée au GEDISST1 7. Cette fois les cours peuvent avoir un contenu sociologique défini. J'ai notamment participé aux travaux de l'Atelier Production Reproduction1 8 qui, pendant plusieurs années, a permis une relecture de la sociologie instituée à la lumière des travaux et théories féministes. Les travaux de chercheuses du GEDISST ainsi que mes propres recherches sur la socialisation fournissent la matière principale de mes enseignements.

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À cette époque, je me veux didactique. L'axe principal de mes cours est l'idée de transversalité des rapports sociaux de sexe, d'où la nécessité de montrer le lien structurel entre différents aspects apparemment éclatés des rapports entre hommes et femmes dans la société, entre l'éducation et la formation, le travail domestique et le travail professionnel, la violence contre les femmes, la publicité sexiste et le système des représentations, etc. Les rapports entre hommes et femmes sont des rapports sociaux qu'il faut analyser dans leur dimension matérielle et symbolique. Mais chaque société gère la différence des sexes en fonction d'un contexte historico-politique particulier. La nôtre est actuellement gérée « à l'égalité ». Les années 1980 voient se confirmer certaines avancées du principe d'égalité. Si l'on considère le chemin parcouru du point de vue des droits, on est entré dans un monde nouveau : le droit à la contraception ou à l'avortement, l'égalité d'accès à l'éducation et aux études, le principe d'égalité professionnelle, la fin de l'autorité paternelle notamment. On est dans ce qu'on pourrait appeler le temps des « acquis »1 9, ce qui suppose en permanence une double lecture du changement social : montrer comment ces acquis sont le fait, l'aboutissement de luttes, et revenir sur l'histoire des luttes des femmes et celle du MLF, histoires oubliées ou déformées ; montrer par des études, des chiffres, des enquêtes, la distance entre le droit et ses applications.

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Mais le risque majeur de ces analyses des pratiques et des institutions, en ramenant le changement à des déplacements des modalités de domination ou d'exploitation, est de se situer dans une sorte de déterminisme qui ne laisse pas de place à l'expérience des étudiant-e-s. D'où une forme de résistance des étudiant-e-s qui ont l'impression d'un passéisme de nos positions face au changement qu'elles et ils ressentent ou souhaitent. La réponse défensive des étudiant-e-s, c'est le classique appel au « changement des mentalités ». La

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Le temps des experts : des expertes parmi les experts

guerre des sexes, c'est fini, il suffit d'attendre que les mœurs évoluent. Le MLF c'est la génération d'avant. Les étudiantes ont le sentiment d'une certaine liberté de choix et nos cours ressemblent à des trahisons en annonçant les difficultés à venir dans le travail ou la vie familiale. On a pu parler d'une certaine violence face à des jeunes qui cherchent à construire leur vie, et rêvent de réussite professionnelle, d'amour partagé et d'enfants. Une des réponses pédagogiques réside dans l'utilisation des exposés. Le contenu en est parfois insuffisant, mais cela engage la personne qui fait l'exposé et, du coup, émousse les résistances de ses camarades. Pendant plusieurs années, je m'associe à Régine Dhoquois, enseignante en droit, temps béni où l'on pouvait encore prétendre partager un enseignement pluridisciplinaire. Nous avons rendu compte Régine et moi de notre évaluation de ce cours commun dans un article des Cahiers du CEDREF20.

Les rapports entre les sexes, en partie grâce à la construction européenne, mais aussi du fait de l'influence de certaines actions et théories venue d'Amérique du Nord, ou encore de certains conflits actuels dans le monde, sont devenus objets de discours publics de formes multiples qui alimentent des étudiant-e-s en dehors de toute réflexion féministe ou critique. Il leur faut faire le tri.

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À n'y prendre pas garde, en tant qu'universitaires, nous sommes devenues des « expertes ». Mais nous sommes des expertes ayant beaucoup travaillé collectivement et confrontées actuellement à de nombreux autres types d'expert-e-s plus ou moins qualifié-e-s.

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À partir des années 1990, c'est le concept de genre qui devient le référent dominant. Pour la discussion autour de cette notion et de son utilisation, notamment en sociologie, je renvoie au colloque organisé par le RING21. Si le féminisme n'existe plus comme mouvement social, son influence dans la société s'est largement diffusée, relayée par les politiques d'égalité des chances au niveau de l'Europe et par la vie associative. Les discours de tous ordres sur les femmes et les relations entre les femmes et les hommes se déploient. La multiplication des recherches, des colloques, séminaires concernant le genre et les rapports de sexe dans tous les domaines de la vie — le travail, la famille, la sexualité, l'imaginaire, l'éducation— offre un éventail de possibilités aux études sur le genre, mais ne touche pas les étudiant-e-s dans les universités faute d'enseignements ciblés. Si les enseignant-e-s disposent de plus en plus de matériel didactique par la publication d'auteures féministes ou de chercheures travaillant avec la problématique du genre, voire même d'ouvrages de synthèse, la plupart des étudiant-e-s arrivent dans nos cours sans avoir bénéficié d'enseignements sur les rapports de sexe. La problématique du genre n'est pas encore entrée dans le courant principal de la sociologie et a fortiori des autres cursus. Elle reste pour l'essentiel en marge des disciplines constituées comme une « spécialité ».

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De ce fait, face aux étudiant-e-s, nous sommes en situation de concurrence avec les discours médiatisés qui offrent des instruments d'analyse de la situation et du vécu des femmes. Je présenterai ici une énumération aléatoire et polémique : des « féministes » médiatisées, telle Elisabeth Badinter22 par exemple, qui dénoncent la soit-disant « victimisation » des femmes par les discours féministes, des sociologues qui utilisent dans le cadre de leurs

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propres théorisations certaines de nos thématiques et dont le succès professionnel et médiatique efface nos propres références auprès des étudiant-e-s, tels François de Singly ou Jean-Claude Kaufmann. On pourrait aussi penser aux articles de la presse féminine comme Elle par exemple, qui, tout en confortant le consumérisme sexiste des femmes des pays développés, informent et dissertent sur la situation des femmes « d'ailleurs », généralement musulmanes, ou de façon plus générale aux journalistes qui, oubliant l'importance des violences domestiques quotidiennes qui touchent toute la société française, amplifient le phénomène de la violence contre les femmes (musulmanes) dans les banlieues. Autre terrain : les scientifiques qui traitent avec plus ou moins d'art, de la différence des sexes liée à la testostérone ou à la forme du cerveau, ré-alimentant en permanence le processus de différenciation des sexes dans les représentations communes. Je pourrais continuer longtemps.

L'information sur les processus de mondialisation produit plusieurs effets dont il nous faut tenir compte. L'un, entièrement positif, est l'intérêt pour les femmes des autres sociétés et notamment pour les femmes surexploitées du Sud et pour leurs luttes. Mais elle tend aussi à développer un discours sur le prétendu choc des civilisations, où le sort fait aux femmes permettrait de hiérarchiser les différents peuples et cultures. Or ce brusque intérêt politique pour l'égalité entre hommes et femmes reste fortement ambigu et peut avoir pour fonction de stigmatiser plus que de libérer. Ce discours a en tout cas pour effet pervers de minimiser, par contraste, les formes d'exploitation et d'oppression des femmes dans les pays où l'égalité est devenu un principe.

D'où l'utilité plus grande que jamais du concept de division sociale et sexuelle du travail qui permet de réfléchir aux liens complexes entre tous les systèmes d'exploitation induits par les politiques libérales mondialisées. On assiste en quelque sorte à une surinformation qui suit souvent l'actualité mais tend à détourner les étudiant-e-s d'un travail d'ordre scientifique sur les rapports entre les sexes comme phénomène social total.

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Certain-e-s étudiant-e-s résistent à nos cours en protégeant leur vie privée, leurs choix personnels. Sophie Lhenry a effectué une étude auprès de quelques étudiantes françaises : « Ces jeunes filles ne sont pas tout à fait à l'aise avec l'émancipation, nouvelle pour les femmes, mais qu'elles ont pourtant toujours connue. Car elles disent jouir des mêmes droits que les hommes et ne pas sentir de différences de traitement dans leur quotidien…

Par ailleurs, elles craignent une liberté qu'elles n'ont pas demandée mais dont elles ont hérité malgré elles… Les jeunes femmes se sentent extérieures aux changements de leur condition même si elles y sont malgré tout attachées »23. Prêtes à défendre ce qu'elles considèrent comme des acquis inaliénables, ces jeunes femmes futures diplômées ou cadres craignent que la liberté de choix ne leur soit imputée comme une nouvelle forme d'oppression psychologique.

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Mais il faut resituer ces propos dans le contexte d'une diversité de plus en plus grande du milieu étudiant. Les étudiantes ici interviewées sont des étudiantes originaires des classes moyennes et encore proches de leurs familles, même si elles font des « petits boulots ». Les populations d'étudiant- e-s se sont largement diversifié-e-s, ouvrant à des sensibilités différentes, notamment par rapport à la violence contre les femmes. Cette diversification est aussi liée au niveau d'études. En premier cycle, la population étudiante est devenue de plus en plus hétérogène avec des jeunes venus de différents baccalauréats et de différents lycées de Paris et banlieue. En licence, à côté des étudiant-e-s venu-e-s d'un DEUG de sociologie de Paris ou province, beaucoup d'étudiant-e-s s'inscrivent avec des équivalences de formation et,

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Et maintenant

Orienter la réflexion sur la sexuation des pratiques humaines dans leurs dimensions anthropologique, historique, sociologique ;

Analyser les rapports entre les sexes non comme de simples relations individuelles, mais comme un

agencement social qui instruit et traverse l'ensemble de l'organisation sociale ;

Mettre en avant le fait qu'il y a une construction sociale du sexe, non seulement dans la façon dont le genre, comme sexe social, nous est imposé ou dans la façon dont nous le mettons en œuvre, mais également dans la façon dont nous pensons le sexe biologique ;

Mettre au centre de l'analyse sociologique non la réflexion sur la différence des sexes, mais l'analyse de l'organisation sociale, la politique de gestion de cette différence des sexes ;

Travailler sur la complexité des rapports sociaux comme rapports de pouvoir, ce qui implique non la hiérarchisation, mais des formes d'articulation contextualisées.

là encore, il y a rencontre avec des étudiant-e-s de parcours scolaires différents. Et puis il y a dans nos cours un assez grand nombre d'étrangèr-e-s, des étudiant-e-s Erasmus, en licence surtout, qui souvent ont eu un début de formation sur les rapports de sexe ou le genre dans leurs cursus universitaires, des étrangèr-e-s venu-e-s faire leurs études en France surtout en maîtrise. Cette diversité des publics commande des réactions et des demandes différenciées auxquelles il n'est pas toujours facile de répondre dans un même mouvement pédagogique.

Dans ces nouvelles conditions d'information, transmettre ce n'est pas seulement mettre en lumière des faits autrefois cachés, négligés, niés : c'est changer radicalement l'éclairage. Le but est de donner des instruments critiques pour décrypter les diverses sources d'information et de comprendre comment nos propres instruments de pensée sont fabriqués par tous ces pseudo-experts. Je définirais le but de mes enseignements actuels comme une série de renversements de perspective que je tente de faire partager à nos étudiant-e-s :

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Pour finir, je répondrai à ma question initiale : non, on ne peut pas enseigner le féminisme, c'est-à-dire des prises de position politiques, ce qui serait abus de pouvoir, mais on peut enseigner les théories féministes dans certains contextes pédagogiques. Je reprendrai ici l'exemple du DEA « Sexe et Sociétés » qui n'a eu malheureusement qu'une existence éphémère. Dans le cas d'un diplôme spécifique, les étudiant-e-s s'inscrivent volontairement et en connaissance de cause. Ce sont, en quelque sorte, « nos » étudiant-e-s. Cette expérience nous a permis de tester l'intérêt et la difficulté d'organiser un diplôme pluridisciplinaire. Son intérêt principal était de pouvoir développer l'enseignement des théories féministes, dans leur dimension historique et avec leurs débats contradictoires. Ses limites : D'abord le fait que pour des raisons institutionnelles, la pluridisciplinarité était limitée aux sciences

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Notes

1 CEDREF, Vingt-cinq ans d'études féministes : L'expérience Jussieu, Cahiers du CEDREF, Publication Paris 7 – Denis Diderot, 2001 .

2 Je ne parlerai ici que des enseignem ents créés en sociologie. Pour les autres enseignem ents je renv oie aux Cahiers du CEDREF, op. cit.

3 Françoise Collin, « Ces études qui ne sont « pas tout ». Fécondité et lim ites des études fém inistes », Savoir et différence des sexes, Les Cahiers du GRIF, n°45, éditions Tierce, Autom ne 1 990, pp. 81 -94.

4 L'idée de « science fém iniste » a été dév eloppée notam m ent par Christine Delphy dans « Sim one de Beauv oir et la lutte des fem m es », l'ARC, n° 61 , 1 97 5, et réaffirm ée dans la présentation collectiv e « Variations sur des thèm es com m uns » du prem ier num éro de Questions féministes, éditions Tierce, en nov em bre 1 97 7 qui constitue une sorte de m anifeste des « fém inistes radicales » face à l'idéologie naturaliste et à l'idée justem ent d'une science « fém inine » dév eloppée par le m ouv em ent dissident.

5 Colette Guillaum in, « Fem m es et théories de la société. Rem arques sur les effets théoriques de la colère des opprim ées », 1 981 , in Sexe, Race et Pratique du pouvoir, Paris, Côté-Fem m es, 1 992, pp. 21 9-23 9.

6 Nicole-Claude Mathieu, L'anatomie politique. Catégorisations et idéologies du sexe, Paris, Côté-Fem m es, 1 991 .

7 Véronique Degraef, « Le pouv oir passe partout », Savoir et différence des sexes, Les Cahiers du GRIF, 1 990, pp. 1 05-1 1 6.

8 Rose-Marie Lagrav e, « Recherches fém inistes ou recherches sur les fem m es? », Actes de la Recherche en Sciences Sociales, n° 83 , 1 990, pp. 27 -3 9 et Les Cahiers du GRIF, 1 990, op. cit.

9 Colloque du GEF, Crises de la société : Féminisme et changement, éditions Tierce, 1 991 .

1 0 Berger et Luckm an

sociales et humaines, soit histoire, sociologie et psychologie sociale. Mais surtout, nous n'avons pas eu le temps et l'art d'organiser collectivement nos cours dans le cadre d'une pédagogie concertée et donc de définir éventuellement un corpus de textes féministes ou utiles pour un enseignement du féminisme comme théorie et des méthodes pédagogiques adaptées. D'où le grand intérêt que présente pour moi ces journées d'études.

Il existe à l'heure actuelle des diplômes qui s'articulent sur les Etudes féministes et des projets de diplômes envisagés dans le cadre de la réforme du LMD, mais qui n'ont pu encore aboutir. Là encore, se pose le problème de la différence entre des enseignements axés sur l'égalité des sexes et des enseignements plus engagés par rapport aux théories féministes. Mais dans la mesure où le principe d'égalité appliqué aux sexes est désormais inscrit dans la déclaration universelle des droits humains de 1948 et l'ensemble des pactes et conventions internationales qui s'y réfèrent, les actions et recherches concernant le « gender » font partie de l'horizon politique européen et international. Les arguments qui nous furent opposés au moment de la création de notre DEA concernant la question des débouchés ne tiennent plus face à cette évolution : institutions, ONG, associations nécessitent des personnels qualifiés concernant cette problématique du genre et son introduction dans les différentes politiques.

35

En tant qu'universitaires, notre rôle fondamental reste la fonction critique de tous les discours qui s'élaborent autour de la différence des sexes en les resituant dans leurs contextes économiques, sociaux, idéologiques, politiques. Transmettre, c'est avant tout rendre possible cette capacité de distance critique qui seule permet de forger de nouveaux instruments de compréhension active de nos sociétés mondialisées.

36

(11)

1 1 Voir les rev ues Questions féministes, Nouvelles questions féministes, La revue d'en face.

1 2 Nicole-Claude Mathieu, op. cit.

1 3 Andrée Michel (dir.), Femmes, sexisme et sociétés, PUF, 1 97 7 . 1 4 Labo-contestation, rev ue critique des années 1 97 0.

1 5 Cet exam en perm ettait sous certaines conditions l'entrée dans le cursus univ ersitaire d'étudiant-e-s non titulaires du baccalauréat. Voir les Cahiers du CEDREF, 4/5, 1 995.

1 6 Vingt-cinq ans d'études féministes : L'expérience Jussieu, op. cit.

1 7 GEDISST, Groupe d'études sur la div ision sociale et sexuelle du trav ail, CNRS.

1 8 APRE, Atelier Production Reproduction , IRESCO-CNRS.

1 9 Claude Zaidm an, « Les acquis des fem m es en France dans une perspectiv e européenne », Femmes et sociétés, L'homme et la société, n° 99-1 00, 1 991 .

20 Régine Dhoquois, Claude Zaidm an, « Vingt ans après, la difficile transm ission d’un « sav oir fém iniste » à l’Univ ersité », Cahiers du CEDREF, n° 4/5, 1 995, pp.

1 3 9-1 48.

21 Dom inique Fougey rollas-Schwebel, Christine Planté, Michèle Riot-Sarcey , Claude Zaidm an (dir.), Le genre comme catégorie d'analyse. Sociologie, histoire, littérature, coll. Bibliothèque du fém inism e, L’Harm attan, 2003 .

22 Elisabeth Badinter, Fausse route, Paris, Odile Jacob, 2003 .

23 Sophie Lhenry , Jeunes femmes et féminismes, entre méconnaissance et contradictions, Maîtrise de sociologie, Paris 7 - Denis Diderot, 2004.

Pour citer cet article

Référence électronique

Claude Zaidman, « Peut-on enseigner le féminisme à l’Université ? », Les cahiers du CEDREF [En ligne], 13 | 2005, mis en ligne le 20 octobre 2009, Consulté le 12 septembre 2014. URL : http://cedref.revues.org/617

Auteur

Claude Zaidman

Professeure de sociologie à l’Université Paris 7 – Denis Diderot et fondatrice du CEDREF.

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