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CDD d usage, CDI ou pigiste : les conditions de la requalification

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Academic year: 2022

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CDD d’usage, CDI ou pigiste : les conditions de la requalification

Une salariée a obtenu la requalification de ses contrats de pigiste en CDI. La société BFM TV n’a pas exposé en quoi consistaient les raisons objectives lui permettant de recourir aux CDD de pigiste. Aux termes de l’article L.1242-1 du code du travail, un contrat à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. La durée de la période d’emploi de la s a l a r i é e , a i n s i q u e l e n o m b r e e t l a n a t u r e d e c e s interventions démontraient le caractère permanent de son poste.

Statut de pigiste

L’article 54 de la convention collective des journalistes définit le journaliste professionnel employé à titre occasionnel, encore appelé ‘pigiste’ comme celui qui n’est pas tenu de consacrer une partie déterminée de son temps à l’entreprise de presse à laquelle il collabore, mais n’a pas pour obligation que de fournir une production convenue dans les formes et les délais prévus par l’employeur.

Ce statut est caractérisé par l’existence d’une rémunération forfaitaire, à la tâche, l’absence d’assujettissement à la durée du travail, ainsi que l’absence de soumission à un lien de subordination permanent, le journaliste devant disposer d’une liberté dans l’organisation de son activité, et choisir les sujets de ses articles ou reportages qu’il propose ensuite à l’entreprise de presse.

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Abus de CDD

Dans cette affaire, les bulletins de paie de la journaliste pigiste faisaient apparaître une rémunération à la pige, sans mention d’horaires de travail. Il résultait cependant des plannings et échanges de courriers produits, que les sujets de reportages étaient systématiquement commandés par la société BFM TV, que les journées de travail de la salariée étaient déterminées par la société BFM TV et que les contrats conclus ne précisaient pas les missions confiées.

Par ailleurs, la relation de travail a duré près de cinq années, période pendant laquelle la salariée travaillait très régulièrement pour le compte de la société BFM TV, par l’intermédiaire de la société AIMV, à raison de 53 jours (pour trois mois et demi) en 2012, de 187 jours en 2013, de 184 jours en 2014, de 177 en 2015 et de 105 jours en 2016, ce qui correspond respectivement à 77 %, 79 %, 78 %, 75 % et 44 % d’un travail à temps plein.

Requalification en CDI

Il résulte de ces éléments que l’activité de la journaliste ne correspondait pas à celle d’une pigiste, et ce, alors même qu’elle a pu collaborer occasionnellement à d’autres entreprises de presse. La demande de requalification en contrat à durée indéterminée a été retenue par la juridiction.

Recours aux CDD d‘usage

Pour rappel, aux termes de l’article L. 1221-2 du code du travail, le contrat à durée indéterminée est la forme normale et générale de la relation de travail.

Un contrat à durée déterminée peut toutefois être conclu pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire dans certains secteurs d’activité, définis par décret ou par convention ou

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accord collectif de travail étendu, pour l’exercice d’emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

Cependant, l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en oeuvre par la directive n°

1999/70/CE du 28 juin 1999, en ses clauses 1 et 5, qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.

Par conséquent, la détermination, par accord collectif, de la liste précise des emplois pour lesquels il peut être recouru au contrat de travail à durée déterminée d’usage, ne dispense pas le juge, en cas de litige, de vérifier concrètement l’existence de raisons objectives établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi concerné.

_____________________________________________

République Française

Au nom du Peuple Français COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale — Prud’Hommes- ARRÊT DU 24 Septembre 2021

N° RG 18/03459 – N° Portalis DBVT-V-B7C-R66E

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de Lille en date du

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12 Octobre 2018 (RG 16/00825 -section ) APPELANTS :

Mme Z X […]

[…]

SYNDICAT NATIONAL DES JOURNALISTES (SNJ) […]

[…]

représentés par Me Jean-Luc WABANT, avocat au barreau de LILLE INTIMÉES :

SARL AIMV […]

[…]

représentée par Me Marie-Hélène LAURENT, avocat au barreau de DOUAI assisté de Me Zora VILLALARD, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Sophie GRY

S.A.S. BFM TV […]

[…]

représentée par Me Bruno PLATEL, avocat au barrau de LILLE substitué par Me Boris MUNIZ

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ Stéphane MEYER : PRÉSIDENT DE CHAMBRE

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A B

: PRESIDENT DE CHAMBRE C D : CONSEILLER

GREFFIER lors des débats : Charlotte GERNEZ DÉBATS : à l’audience publique du 29 Juin 2021 ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 24 Septembre 2021,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Stéphane MEYER, Président et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 29 Juin 2021 EXPOSÉ DU LITIGE

Madame Z X a été engagée par la société AIMV, à compter du 21 septembre 2012 par contrats à durées déterminées d’usage, en qualité de journaliste reporter d’images. Elle intervenait dans le cadre d’un contrat de prestation de services qui avait été conclu entre les société AIMV et BFM TV.

La relation de travail est régie par la convention collective des journalistes.

Le 30 mai 2016, Madame X a saisi le conseil de prud’hommes de Lille et formé, tant à l’encontre de la société AIMV que de la société BFM TV, une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Par lettre du 3 février 2017, elle a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de la société AIMV.

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Elle a alors formé devant le conseil de prud’hommes des demandes afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu’à l’exécution de son contrat de travail, et ce à l’encontre des deux sociétés, estimant avoir été victime de marchandage.

Le Syndicat National des Journalistes est intervenu volontairement à l’instance

Par jugement du 12 octobre 2018, le conseil de prud’hommes de Lille, statuant en formation de départage, après avoir déclaré recevable Madame X et le Syndicat, les en a déboutés et les a condamnés à payer à chacune des sociétés 500 euros d’indemnités pour frais de procédure.

A l’encontre de ce jugement notifié le 16 octobre 2018, Madame X et le Syndicat National des Journalistes ont interjeté appel le 16 novembre 2018.

Par ordonnance du 23 octobre 2020, le conseiller de la mise en état a rejeté l’incident de Madame X, tendant à ce qu’il soit ordonné aux deux sociétés de communiquer le contrat les liant, ainsi que les factures établies à l’ordre de BFMTV.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 14 juin 2021, Madame X demande la confirmation du jugement en ce qu’il a déclaré ses demandes recevables, son infirmation pour le surplus et forme les demandes suivantes, dirigées in solidum à l’encontre des deux sociétés :

— dommages et intérêts pour délit de marchandage : de 26 382

‘ ;

— indemnité de requalification : 4 397 ‘ ;

— différentiel salaire brut dû / salaire brut perçu depuis mai 2013 inclus : 114 425,37 ‘ ; – congés payés afférents : 11 442,54 ‘ ;

— astreintes non rémunérées : 46 837,08 ‘ ;

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— congés payés afférents : 4 683,71 ‘ ;

— heures supplémentaires non payées, non majorées : 24 684,84

‘ ;

— congés payés afférents : 2 468,48 ‘ ;

— dommages et intérêts pour non-respect des temps maximaux de travail : 5 000 ‘ ;

— indemnité pour travail dissimulé : 26 382 ‘ ;

— dommage et intérêts pour absence de cofinancement par l’employeur de la mutuelle santé : 55 ‘ par mois depuis le début de la relation de travail ;

— dire que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de(s) employeur(s) produit les effets d’un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;

— indemnité de licenciement : 21 985 ‘ ;

— indemnité compensatrice de préavis : 8 794 ‘ ;

— congés payés sur préavis : 879,40 ‘ ;

— dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 35 176 ‘ ;

— indemnité pour frais de procédure : 5 000 ‘ ;

A titre subsidiaire, elle forme les mêmes demandes, à l’exception des dommages et intérêts pour délit de marchandage, in solidum à l’encontre des deux sociétés en ce qui concerne l’indemnité de requalification et à l’encontre de la société AIMV seule en ce qui concerne les autres demandes.

Au soutien de ses demandes, Madame X expose que :

— c’est à juste titre que le conseil de prud’hommes a estimé recevables ses demandes formées directement devant le bureau

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de jugement ;

— les deux sociétés se sont rendues coupables du délit de marchandage car, sous couvert d’un poste au sein d’AIMV, elle travaillait en réalité exclusivement pour BFM TV, et occasionnellement, pour ses ‘satellites’ du groupe NEXTRADIO ; les deux sociétés développent exactement les mêmes compétences et la société BFM TV dispose en région Hauts de France de ses propres journalistes permettant d’y couvrir l’actualité régionale ; en ne fournissant pas la preuve du caractère forfaitairedu contrat les liant ni le mode de facturation, les intimés ne mettent pas la cour en état de vérifier si l’une des règles fondamentales permettant d’écarter le délit de marchandage est respectée ; les salariés d’AIMV étaient manifestement désavantagés comparés à ceux de BFM TV ;

— la relation contractuelle doit être requalifiée en contrat à durée indéterminée, car le statut de journaliste ne peut permettre de recourir au contrat à durée déterminée, qu’il soit d’usage ou classique ; son activité ne correspondait pas à celle d’un pigiste ; elle occupait un emploi de nature permanente et la preuve de recours aux contrat à durée déterminée n’est pas établie ; de plus, les contrats étaient soumis à sa signature bien après le délai légal obligatoire ;

— du fait de requalification en contrat à durée indéterminée, le contrat de travail doit être requalifié en contrat de travail à temps plein et elle doit percevoir un rappel de salaires correspondant ;

— elle était soumise à des astreintes qui n’étaient pas rémunérées ;

— elle a accompli des heures supplémentaires qui n’étaient pas rémunérées ;

— les deux sociétés se sont rendues coupables de travail dissimulé ;

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— elle a subi un préjudice du fait de l’absence de mutuelle d’entreprise ;

— les manquements des deux sociétés justifiaient la prise d’acte de la rupture à leurs torts.

‘ Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 juin 2021, le Syndicat National des Journalistes (SNJ), demande l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a débouté de ses demandes, ainsi que la condamnation solidaire des deux sociétés à lui payer 1 000 euros de dommages et intérêts pour atteinte à l’intérêt collectif des salariés et un indemnité pour frais de procédure de 2 000 euros. Il fait valoir que l’irrespect des dispositions légales concernant les contrats à durée déterminée

et le délit de marchandage portent atteinte à cet intérêt collectif.

‘ Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 23 juin 2021, la société AIMV demande la confirmation du jugement en ce qu’il a débouté Madame X et le syndicat de leurs demandes, son infirmation en ce qu’il a déclaré leurs demandes recevables, le rejet de leurs demandes, ainsi que la condamnation de chacun d’eux à lui payer une indemnité pour frais de

procédure de 5 000 euros chacun. Elle fait valoir que :

— la demande de reconnaissance de I’existence d’un prétendu délit de marchandage est irrecevable car il s’agit d’une infraction pénale relevant de la seule compétence des juridictions répressives ; de plus, cette demande n’est pas fondée, le contrat de prestation de service étant licite ;

— la demande de requalification en contrat à durée indéterminée n’est pas fondée car Madame X relevait du statut de pigiste occasionnel, prévu par la convention collective des journalistes, emploi par nature temporaire ; le recours aux

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contrat à durée déterminée d’usage est parfaitement licite et ces contrats étaient conclus dans le respect des conditions légales ;

— la requalification en temps plein n’est pas fondée car Madame X ne collaborait pas de manière permanente pour le compte de la société AIMV et refusait des propositions de pige ;

— en tout état de cause, les demandes de Madame X ne sont pas fondées en leurs montants et partiellement prescrites ;

— la demande relative aux astreintes n’est pas justifiée, car les périodes d’astreinte, sans intervention, ont toutes fait l’objet d’une compensation financière ;

— en sa qualité de pigiste, Madame X, bénéficiant d’une rémunération forfaitaire sans référence à une durée du travail, doit être déboutée de sa demande de rappel de salaire au titre de prétendues heures supplémentaires ; en tout état de cause, elle ne démontre pas avoir accompli des heures supplémentaires ;

— en tout état de cause, ses demandes sont prescrites pour la période antérieure au 31 mai 2013

— la demande relative au travail dissimulé n’est pas fondée ;

— elle a respecté ses obligations légales et conventionnelles en ce qui concerne la mutuelle d’entreprise ;

— à titre subsidiaire, il n’existe aucun manquements grave de sa part, susceptible de

justifier une prise d’acte ; de plus, à la date de la prise d’acte, Madame X n’était liée par aucun contrat avec elle ;

— le Syndicat National du Journalisme est irrecevable en son intervention volontaire ;

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‘ Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 9 mai 2019, la société BFMTV demande l’infirmation du jugement en ce qu’il a déclaré recevables les demandes de Madame X et du syndicat, sa confirmation en ce qu’il a débouté Madame X et le syndicat de leurs demandes, ainsi que la condamnation de Madame X à lui payer une indemnité pour frais de procédure de 3 000 euros et le syndicat de 1 500 euros. Elle fait valoir que :

— les demandes de Madame X sont irrecevables en raison de l’absence de préalable de conciliation ;

— l’intervention volontaire du SNJ est irrecevable, faute de qualité à agir ;

— elle doit être mise hors de cause en raison de la validité du contrat de prestation de services conclu avec la société AIMV ;

— Madame X n’a jamais réalisé de piges pour son compte et aucun lien de subordination n’a

jamais existé entre elles.

‘ L’ordonnance de clôture a été prononcée le 15 juin 2021.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.

* * *

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la fin de non-recevoir relative au préliminaire de conciliation

Il résulte des dispositions de l’article L.1411-1 du code du travail que le conseil de prud’hommes ne peut juger les litiges que lorsque la conciliation n’a pas abouti.

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Cependant, aux termes de l’article L.1245-2 du même code, lorsque le conseil de prud’hommes est saisi d’une demande de requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, l’affaire est directement portée devant le bureau de jugement qui statue au fond.

Cette exception doit s’étendre, par voie d’accessoire, à toutes les demandes dérivant du même contrat, dès lors que l’une de ces demandes a pour objet la requalification d’un contrat à durée déterminée.

En l’espèce, la société BFM TV fait valoir que cette exception ne peut s’entendre aux demandes formées à l’encontre d’une entreprise tierce à la relation contractuelle.

Cependant, Madame X soulève l’existence d’une situation de marchandage entre les deux sociétés en faisant valoir que les contrat à durée déterminée conclus avec la société AIMV n’avaient pour but que la fourniture de main d’oeuvre à la société BFM TV, ce dont il s’ensuit que l’exception au principe du préalable de conciliation doit s’étendre aux demandes formées à l’encontre de cette dernière.

Le jugement doit donc être confirmé sur ce point.

Sur la recevabilité des demandes formées au titre du délit de marchandage

C’est par des motifs justes en droit et exacts en fait, que la cour adopte, que le conseil de prud’hommes a estimé que ces demandes sont recevables.

Sur le délit de marchandage allégué

Il résulte des articles L 8231-1 et L 8241-1 du code du travail que toute opération à but lucratif de fourniture de main-d’oeuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou d’éluder les dispositions de la loi ou du règlement ou de conventions ou accords collectifs du

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travail est un marchandage ; que toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’oeuvre à but lucratif, effectué en-dehors des dispositions légales relatives au travail temporaire, est illicite.

Pour être licite, le prêt de main d’oeuvre effectué dans le cadre de la sous-traitance ou de la prestation de services doit remplir un certain nombre de conditions.

Ainsi, la prestation effectuée par les salariés mis à disposition par la société prestataire de services doit revêtir une spécificité technique impliquant un savoir-faire ou une spécialisation que ne possèdent pas les salariés de l’utilisateur.

La technicité à laquelle l’entreprise utilisatrice fait appel doit relever d’une activité propre à la société sous- traitante, qui encadre les salariés sur lesquels elle conserve l’autorité.

La rémunération de l’entreprise utilisatrice doit être forfaitaire et déterminée en fonction de l’importance objective des travaux à réaliser, sans tenir compte du temps passé par les salariés du prestataire pour cette réalisation.

Il convient en conséquence de rechercher tout d’abord si la prestation effectuée par la société AIMV revêt une spécificité technique que ne possèdent pas les salariés de la société BFM TV.

Suivie en cela par le conseil de prud’hommes, les intimées soutiennent que la société AIMV réalisait une prestation spécifique pour BFMTV, que cette dernière ne pouvait pas effectuer avec son propre personnel.

Plus précisément, ils font valoir que la société BFM TV ne bénéficiait pas d’une couverture régionale dans les Hauts de France, ne disposant pas de ses propres journalistes dans la région lui permettant de couvrir l’actualité locale, laquelle

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requiert une connaissance spécifique du terrain et une proximité des journalistes régionaux avec l’événement et donc une plus grande réactivité.

Il résulte des explications des parties et des courriels qu’elles produisent que, dans le cadre de la prestation de services, AIMV adressait chaque mois à BFMTV un planning prévisionnel répertoriant, par journée et par région, ses journalistes de permanence, mais qu’ensuite, les journalistes de la société AIMV, dont Madame X, recevaient directement leurs instructions des rédacteurs en chef de BFM TV, lesquels choisissaient les sujets à traiter et organisaient les journées de travail.

Madame X établit également qu’elle travaillait régulièrement avec des confrères venus du siège parisien, que les équipes des deux sociétés étaient fréquemment mélangées et fournissaient strictement le même travail.

Il résulte des courriels produits par Madame X que c’est cette dernière qui informait parfois la société AIMV de ses jours de travail, tels que décidés par BFM TV.

Il est également établi par les déclarations concordantes des parties sur ce point et des pièces produites, que la société AIMV, n’intervenait en rien dans les contenus et la mise en forme des reportages mais que son rôle se bornait à mettre du personnel à disposition de la société BFM TV et parfois à organiser ses plannings.

A cet égard, Madame X expose à juste titre que ses relations avec le siège d’AIMV, à Bordeaux, se cantonnaient à la gestion de l’administratif (contrats, plannings en fonction des desiderata de BFMTV, entretien des voitures et du matériel, fiches de salaire’), mais n’ont jamais concerné le contenu du travail éditorial.

Les sociétés intimées font valoir que des contacts directs entre BFMTV et les journalistes d’AIM sont indispensables et

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inhérents à une bonne couverture de l’actualité dans les secteurs où ils sont implantés et ajoutent que les moyens techniques nécessaires à la réalisation de la mission étaient de la responsabilité d’AIMV (véhicules, caméras).

Cependant, il est établi que le rôle de la société AIMV se bornait à mettre à disposition de la société BFM TV des journalistes et à les équiper en matériel, parfois à établir les plannings de nature à faciliter cette mise à disposition mais qu’elle ne mettait en oeuvre aucue technicité relevant d’une activité qui lui serait propre.

Par ailleurs, les sociétés intimées refusant de produire le contrat de prestation de service qui les liait pendant l’exécution des contrats de travail de Madame X, la charge de la preuve du caractère

forfaitaire du prix des prestations pèse sur elles.

A cet égard, à lui seul, l’avis de la Direccte d’Ile de France, ayant conclu à l’absence de tout prêt illicite de main d »uvre ou de marchandage est insuffisant, faute de production d’éléments concrets sur lesquels s’est fondé son avis.

Enfin, sans être utilement contredite sur ce point, Madame X fait valoir qu’elle était désavantagée par rapport aux salariés de la société BFM TV (salaire très inférieur, possibilités d’évolution très limitées au sein d’AIMV, contrairement à BFM TV, absence des primes versées aux salariés de BFM TV, absence de rémunération des astreintes, payées aux salariés de BFMTV, absence de mutuelle d’entreprise pour les salariés d’AIMV, alors que ceux de BFM TV en bénéficient, situation défavorable au regard de la formation professionnelle, absence d’épargne salariale, absence de comité d’entreprise pour les salariés d’AIMV, absence de mesures de protection concernant l’utilisation du matériel AVIWEST, absence de droits d’auteur).

L’ensemble de ces éléments permet de conclure à la réalité

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d’une situation de marchandage, contrairement à ce qu’a estimé le conseil de prud’hommes.

Cette situation a causé à Madame X un préjudice, constitué par les désavantages exposés ci-dessus, qu’il convient d’évaluer à 10 000 euros. Il convient de condamner in solidum au paiement de cette somme, les deux sociétés, puisqu’elles ont toutes deux participé au préjudice.

En revanche, Madame X n’indique pas sur quel fondement juridique elle demande la condamnation in solidum des deux sociétés au paiement des sommes pouvant être dues au titre de la rupture ou de l’exécution du contrat de travail, alors qu’elle ne prétend pas que la société BFM TV avait la qualité d’employeur ou de co-employeur.

Seule la société AIMV, employeur, peut donc être tenue au paiement de ces sommes.

Sur la demande de requalification en contrat à durée indéterminée

Aux termes de l’article L. 1221-2 du code du travail, le contrat à durée indéterminée est la forme normale et générale de la relation de travail.

L’article 54 de la convention collective des journalistes définit le journaliste professionnel employé à titre occasionnel, encore appelé ‘pigiste’ comme celui qui n’est pas tenu de consacrer une partie déterminée de son temps à l’entreprise de presse à laquelle il collabore, mais n’a pas pour obligation que de fournir une production convenue dans les formes et les délais prévus par l’employeur.

Ce statut est caractérisé par l’existence d’une rémunération forfaitaire, à la tâche, l’absence d’assujettissement à la durée du travail, ainsi que l’absence de soumission

à un lien de subordination permanent, le journaliste devant

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disposer d’une liberté dans

l’organisation de son activité, et choisir les sujets de ses articles ou reportages qu’il propose ensuite à l’entreprise de presse.

En l’espèce, les bulletins de paie de Madame X font apparaître une rémunération à la pige, sans mention d’horaires de travail.

Il résulte cependant des plannings et échanges de courriers p r o d u i t s , q u e l e s s u j e t s d e r e p o r t a g e s é t a i e n t systématiquement commandés par la société BFM TV, que les journées de travail de la salariée étaient déterminées par la société BFM TV et que les contrats conclus ne précisaient pas les missions confiées.

Par ailleurs, la relation de travail a duré de septembre 2012 à février 2017, période pendant laquelle Madame X travaillait très régulièrement pour le compte de la société BFM TV, par l’intermédiaire de la société AIMV, à raison de 53 jours (pour trois mois et demi) en 2012, de 187 jours en 2013, de 184 jours en 2014, de 177 en 2015 et de 105 jours en 2016, ce qui correspond respectivement à 77 %, 79 %, 78 %, 75 % et 44 % d’un travail à temps plein.

Il résulte de ces éléments que l’activité de Madame X ne correspondait pas à celle d’une pigiste, et ce, alors même qu’elle a pu collaborer occasionnellement à d’autres entreprises de presse.

Aux termes de l’article L. 1242-2 du code du travail, un contrat à durée déterminée peut être conclu pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire dans certains secteurs d’activité, définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, pour l’exercice d’emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de

(18)

ces emplois.

Cependant, l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en ‘uvre par la directive n°

1999/70/CE du 28 juin 1999, en ses clauses 1 et 5, qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.

Par conséquent, la détermination, par accord collectif, de la liste précise des emplois pour lesquels il peut être recouru au contrat de travail à durée déterminée d’usage, ne dispense pas le juge, en cas de litige, de vérifier concrètement l’existence de raisons objectives établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi concerné.

En l’espèce, la société BFM TV n’expose pas en quoi consistaient ses raisons objectives.

Aux surplus, aux termes de l’article L.1242-1 du code du travail, un contrat à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

En l’espèce, la durée de la période d’emploi de Madame X, ainsi que le nombre et la nature de ces interventions démontrent le caractère permanent de son poste.

Il convient donc, en procédant par voie d’infirmation, de requalifier la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée, conformément aux dispositions de l’article L.1245-1 du code du travail.

Sur la demande de requalification en contrat à temps plein

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Il résulte des dispositions des articles L.1221-1 du code du travail et 1103 du code civil que la requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail.

Le versement du salaire constitue la contrepartie de la prestation de travail mais reste néanmoins dû, même en l’absence de travail, lorsque le salarié est resté à la disposition de l’employeur.

Par conséquent, en cas de requalification d’un ensemble de contrats à durées déterminées en contrat à durée indéterminée, le salarié n’a droit à un rappel de salaires correspondant aux périodes non travaillées que s’il prouve qu’il se tenait à la disposition de l’employeur pendant ces périodes pour effectuer un travail.

En l’espèce, Madame X ne fournissant aucune explication sur ce point, doit être déboutée de sa demande de rappel de salaires au titre d’un emploi à plein temps.

Sur la détermination du salaire de base

La demande de requalification en temps plein étant rejetée, le salaire de base doit être calculé proportionnellement au temps de travail habituel, sur la base du salaire correspondant au poste de reporter cameraman, tel qu’il apparaît dans la grille NAO de la société BFM TV, soit 3 297,75 euros (4 397 ‘ x 75

%).

Sur l’indemnité de requalification

Du fait de la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée, Madame X est fondée à percevoir l’indemnité de requalification prévue par l’article L. 1245-2 du code de travail, au moins égale à un mois de salaire, soit la somme de 3 297,75 euros.

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Sur la prescription

Aux termes de l’article L.3245-1, tel qu’il résulte de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, les actions relatives aux salaires et accessoires étaient soumises au délai de prescription de 5 ans.

La loi 2013-504 du 14 juin 2013 (entrée en vigueur le 17 juin) a porté ce délai à 3 ans et précisé qu’il courait à compter du jour où celui qui exerce l’action a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Cependant, aux termes de l’article 21 V de cette dernière loi, en cas de réduction de la durée du délai de prescription, ce nouveau délai court à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

En l’espèce, les demandes formées par Madame X au titre des astreintes et rappels de salaires concernent la période commençant le 1er mai 2013.

Selon l’ancien délai de prescription, elle était recevable à agir jusqu’au 1er mai 2018 et selon le nouveau délai, après application des dispositions transitoires, jusqu’au jusqu’au 17 juin 2016.

Elle a saisi le conseil de prud’hommes le 30 mai 2016 et ses demandes sont donc recevables dans leur totalité.

Sur la demande au titre des astreintes

Au titre de l’article L. 3121-9 du code du travail, une période d’astreinte s’entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, doit être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise. La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif. La période

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d’astreinte fait l’objet d’une contrepartie, soit sous forme financière, soit sous forme de repos. Les salariés concernés par des périodes d’astreinte sont informés de leur programmation individuelle dans un délai raisonnable.

En l’espèce, Madame X expose que, lorsqu’un journaliste comme elle-même était prévu au planning un jour, il était considéré comme étant d’astreinte à partir de la veille au soir.

Elle produit à cet égard le procès-verbal de réunion du CHSCT de la société BFM TV du 13 octobre 2015, lors de laquelle ce fait a été évoqué, sans être contesté par le représentant de la direction.

La société AIMV réplique que les périodes d’astreinte, sans intervention, ont toutes fait l’objet de compensations financières, à raison de 50 euros bruts par période d’astreinte/ de permanence sans tournage et 55 euros lorsque la pigiste était d’astreinte pendant plusieurs journées successives.

Cependant, contrairement à ce qu’elle prétend, aucune des pièces produites et notamment les bulletins de paie, ne font apparaître le paiement de ces indemnités.

Madame X est donc fondée à obtenir paiement de l’indemnisation des astreintes, à hauteur de 83,34 ‘ par astreinte, somme déterminée d’après la grille des agences audiovisuelles, soit au total la somme de 46 837,08 ‘, outre 4 683,71 ‘ de congés payés afférents, au vu de son tableau qui est exact sur le plan arithmétique.

S u r l a d e m a n d e d e r a p p e l d e s a l a i r e s p o u r h e u r e s supplémentaires

Aux termes de l’article L. 3243-3 du code du travail, l’acceptation sans protestation ni réserve d’un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir de sa part renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou

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accessoires de salaire qui lui sont dus en application de la loi, du règlement, d’une convention ou d’un accord collectif de travail ou d’un contrat.

Aux termes de l’article L. 3171-4 du même code, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il appartient donc au salarié de présenter, au préalable, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies, afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement, en produisant ses propres éléments.

L e s a l a r i é p e u t p r é t e n d r e a u p a i e m e n t d e s h e u r e s supplémentaires accomplies, soit avec l’accord de l’employeur, soit s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.

Il résulte des dispositions des articles 3, 5 et 6 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, lus à la lumière de l’article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ainsi que de l’article 4, paragraphe 1, de l’article 11, paragraphe 3, et de l’article 16, paragraphe 3, de la directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, qu’il incombe à l’employeur, l’obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur.

En l’espèce, au soutien de sa demande, Madame X produit les

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tableaux récapitulatifs de son activité mensuelle adressés chaque mois à l’employeur pour établissement du bulletin de salaire, ainsi qu’un décompte, tenant compte de 7 heures de travail par jour (une heure réservée au repas étant retranchée).

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre.

De son côté, la société AIMV ne produit aucun élément de nature à de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par Madame X mais argue de l’incohérence de plusieurs éléments du décompte.

Madame X répond de façon convaincante à ses objections, à l’exception d’une seule qui l’a amenée à rectifier ses calculs.

Au vu de son décompte, ainsi rectifié, il convient de faire droit à sa demande dans sa totalité,

Sur la demande de dommages et intérêts pour inobservation des temps maximaux de travail

Les tableaux récapitulatifs d’activité de Mme X font apparaître plusieurs dépassements importants des durées légales maximales des temps de travail, telle que déterminées par les articles L.3121-33 et suivants du code du travail.

Ces dépassements ont causé à Madame X un préjudice qu’il convient d’évaluer à 3 000 euros.

Sur la demande d’indemnité pour travail dissimulé

Il résulte des dispositions des articles L. 8221-5 et L.

8223-1 du code du travail, que le fait, pour l’employeur, de mentionner intentionnellement sur le bulletin de paie du salarié un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli est réputé travail dissimulé et ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité forfaitaire égale à 6

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mois de salaires.

En l’espèce, le caractère intentionnel d’une dissimulation n’est pas établi.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté cette demande.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la mutuelle santé

C’est par des motifs exacts en fait et justes en droit, qu’il convient d’adopter, que le conseil de prud’hommes a rejeté cette demande.

Sur l’imputabilité de la rupture et ses conséquences

Il est de règle que le salarié peut prendre acte de la rupture du contrat de travail et que cette prise d’acte produit, soit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse lorsqu’il rapporte la preuve de manquements de l’employeur faisant obstacle à la poursuite du contrat de travail, soit, dans le cas contraire, d’une démission.

En l’espèce, la conclusion de contrats à durée déterminée injustifiés, le situation de marchandage, l’existence d’heures supplémentaires non rémunérées pour un nombre important, l’inobservation des durées minimales du travail, ainsi que la baisse importante du volume de travail suite à la saisine du conseil de prud’hommes par Madame X, constituent des manquements suffisamment graves pour justifier la prise d’acte de la rupture aux torts de l’employeur, laquelle doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, contrairement à ce qu’a jugé le conseil de prud’hommes.

A la date de la rupture, Madame X avait plus de deux années d’ancienneté et est donc fondée à percevoir une indemnité compensatrice de préavis égale à deux mois de salaire sur le fondement des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du

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travail, soit la somme de 6 595,50 euros, ainsi que l’indemnité de congés payés afférente, soit 659,55 euros.

Madame X est également fondée à percevoir une indemnité de licenciement sur le fondement des dispositions des articles L.7112-3 et D.7112-1 du code du travail, applicables aux journalistes, soit la somme de 14 944 euros, calculée sur la base du salaire brut mensuel de 3 297,75 euros.

L’entreprise comptant plus de dix salariés, Madame X, qui avait plus de deux ans d’ancienneté, a droit à l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse prévue par les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction alors applicable au litige, et qui ne peut être inférieure aux six derniers mois de salaire.

Au moment de la rupture, Madame X, âgée de 49 ans, comptait environ 4 ans et demi d’ancienneté. Elle justifie de sa situation de demandeur d’emploi jusqu’en début 2018.

Au vu de cette situation, du montant de la rémunération et de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle il convient d’évaluer son préjudice à 20 000 euros.

Enfin, sur le fondement de l’article L.1235-4 du code du travail, il convient de condamner l’employeur à rembourser les indemnités de chômage dans la limite de six mois.

Sur les demandes du syndicat

Aux termes de l’article L.2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice et peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent.

En l’espèce, l’existence du délit de marchandage ainsi que le

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recours récurrent et injustifié au statut de pigiste et aux contrats à durée déterminée portent un préjudice à l’intérêt collectif de la profession de journaliste.

Le SNJ est donc recevable à agir et bien fondé demander réparation de son préjudice qu’il convient d’évaluer à 1 000 euros.

Sur les frais hors dépens

Sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, il convient de condamner in solidum la société AIMV et la société BFM TV à payer à Madame X une indemnité destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens qu’elle a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts et qu’il y a lieu de fixer à 2 500 euros et au syndicat, d’un montant de 1 500 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a déclaré Madame Z X recevable en ses demandes et en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes de différentiel de salaire brut, de congés payés afférents, d’indemnité pour travail dissimulé et de dommage et intérêts pour absence de cofinancement de la mutuelle santé ; Infirme le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur les points infirmés ;

Condamne in solidum la société AIMV et la société BFM TV à payer à Madame Z X 10 000 ‘ de dommages et intérêts pour délit de marchandage ;

Dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de la société AIMV produit les effets d’un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;

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Condamne la société AIMV à payer à Madame Z X les sommes suivantes :

— indemnité de requalification : 3 297,75 ‘ ;

— indemnité pour astreintes non rémunérées : 46 837,08 ‘ ;

— congés payés afférents : 4 683,71 ‘ ;

— rappel de salaire pour heures supplémentaires : 24 684,84

‘ ;

— indemnité de congés payés afférente : 2 468,48 ‘ ;

— dommages et intérêts pour non-respect des temps maximaux de travail : 3 000 ‘ ;

— indemnité de licenciement : 14 944 ‘ ;

— indemnité compensatrice de préavis : 6 595,50 ‘ ;

— indemnité de congés payés afférente: 659,55 ‘ ;

— dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 20 000 ‘ ;

— indemnité pour frais de procédure : 2 500 ‘ ;

Ordonne le remboursement par la société AIMV des indemnités de chômage versées à Madame X dans la limite de six mois d’indemnités ;

Rappelle qu’une copie du présent arrêt est adressée par le greffe à Pôle emploi ;

Déclare le Syndicat National des Journalistes (SNJ) recevable en son action et condamne in solidum la société AIMV et la société BFM TV à lui payer 1 000 ‘ de dommages et intérêts et une indemnité pour frais de procédure de 1 500 ‘ ;

Déboute Madame X et le syndicat du surplus de leurs demandes ;

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Déboute la société AIMV et la société BFM TV de leurs demandes d’indemnités pour frais de procédure formée en cause d’appel ; Condamne in solidum la société AIMV et la société BFM TV aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT V. DOIZE S. MEYER

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