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UNRISD INSTITUT DE RECHERCHE. Développement économique et social en République de Corée: Processus, institutions et acteurs DES NATIONS UNIES

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DE

DECE CEMB MB RE RE 2 201 01 2 2

Développement économique et social en République de Corée:

Processus, institutions et acteurs

Du pays déchiré par la guerre et tributaire de l’aide au miracle économique

En 1945, la République de Corée était un pays pauvre, essentiellement agricole, qui ne pou- vait subvenir à ses besoins alimentaires. Outre l’instabilité politique causée par l’affrontement avec le Nord, qui a abouti à la guerre de Corée (1951-1953), la pauvreté, très répandue, était un terreau d’instabilité sociale. La guerre a détruit le peu d’infrastructure économique qui existait, a encore abaissé le niveau de vie et accentué la dépendance à l’aide internationale, en particulier liée aux besoins d’urgence. Les dons de vivres et d’engrais en provenance des États-Unis constit- uaient la plus grande part de l’aide internationale reçue entre 1945 et 1965. Les dons et l’assistance technique, principalement pour l’infrastructure physique et institutionnelle de l’agriculture et du développement rural, ont eu la priorité jusque vers 1965, époque à laquelle l’aide internationale, en particulier la part des capitaux étrangers qui provenait des États-Unis, a commencé à décroître et où a été lancée une politique d’industrialisation intensive axée sur les exportations.

Entre 1965 et 1989, au moment où l’aide exté- rieure sous forme de dons baissait fortement, en termes absolus comme en termes relatifs, le PIB par habitant progressait au rythme d’environ 7,2 % en moyenne par an. L’inégalité des revenus et les taux de pauvreté ont considérablement reculé, la Corée dépassant par ces résultats la plupart des pays à revenu intermédiaire. Au début des années 1980, l’aide, qui atteignait 9,3 % en 1960, alors l’un des niveaux les plus élevés au monde, avait été ramenée à 0,6 % du PIB. La République de Corée a quitté la catégorie des pays emprunteurs de la Banque mondiale en 1995, et est devenue membre du CAD de l’OCDE en 2010.

Rendre la coopération internationale au développement effi cace: Leçons à retenir de la République de Corée En 2011–2012, l’UNRISD et l’Agence coréenne pour la coopération internation- ale (KOICA) ont travaillé sur un projet de recherche commun, Rendre la coopéra- tion internationale au développement ef- fi cace: Leçons à retenir de la République de Corée, pour éclairer d’un jour nouveau l’expérience de développement de la Ré- publique de Corée, et réfl échir à ce que cette expérience peut apprendre aux pays faisant face aux défi s de développement en ce début du XXIe siècle.

Le projet a consisté à examiner la manière dont les politiques étrangères, d’aide et autres, et les politiques nationales, les processus, institutions et acteurs natio- naux se sont conjugués pour aboutir au développement économique, politique et social du pays. Le projet s’est particulière- ment intéressé aux résultats obtenus sur les plans de la croissance économique, de la démocratisation et de la réduction de la pauvreté et des inégalités.

Les conclusions de ce travail de recherche ont aidé à positionner la République de Corée comme acteur international émer- gent au sein du CAD de l’OCDE et du G20. Parce qu’elle met en évidence des facteurs qui remettent en question les in- terprétations données jusqu’à présent de l’expérience de développement coréenne, l’analyse peut inspirer et éclairer les bail- leurs de fonds tout comme les bénéfi ciaires d’aide internationale.

UNRISD

I NSTITUT DE R ECHERCHE DES N ATIONS U NIES POUR LE D ÉVELOPPEMENT

Comment ce pays a-t-il fait pour se relever en si peu de temps de la guerre

de Corée, tel le phœnix qui renaît de ses cendres, pour devenir le “miracle

des Han”? Quelles conclusions et quelles leçons les pays faisant face aux

défi s de développement peuvent-ils tirer de l’expérience coréenne en ce

début du XXIe siècle?

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UNRISD Recherches et politiques – Synthèse 14

Sources: Chung-yum Kim (2011). From Despair to Hope, Korea Development Institute, Seoul; and Groningen Growth and Development Centre (2012), Total Economy Database, www.rug.nl/feb/Onderzoek/Onderzoekscentra/GGDC/data/ted

La synergie des politiques sociales de redistribution des terres et

d’investissement dans le capital humain a jeté les bases du changement structurel et de la croissance économique

En 1945, plus de 80 % des exploitants agricoles en République de Corée payaient des fermages usuraires. Ces graves inégalités entre les exploita- tions agricoles étaient une importante cause de pauvreté et de troubles sociaux. Les terres dont les propriétaires étaient des Japonais et de grands propriétaires fonciers coréens ont été redistribuées par deux réformes agraires mises en œuvre par le gouvernement militaire des États-Unis en Corée (1945-1948) et le gouvernement Rhee (1948- 1960), dont les objectifs politiques et économiques étaient de prévenir les troubles sociaux et d’accroître la productivité agricole. Sous le gouvernement Rhee, 74 % des terres visées par la réforme ont été redistribuées. Le gouvernement les a acquises et a indemnisé les propriétaires par des obligations gouvernementales dont la valeur était inférieure à la valeur marchande des terres. La réforme a donc eu un puissant effet de redistribution des richesses.

La montée de l’instabilité budgétaire et l’infl ation en hausse ont encore réduit la valeur des obligations.

La proportion des familles propriétaires de tout ou partie des terres qu’elles cultivaient a fait un bond, puisque de 48,4 % en 1945, elle est passée à plus de 90 % après la réforme agraire des années 1950.

En plus de la redistribution des richesses, la réforme agraire du gouvernement Rhee a eu aussi pour ef- fet d’encourager l’investissement dans la formation

du capital humain. Elle l’a fait en donnant le choix aux propriétaires fonciers: ceux-ci pouvaient soit recevoir des obligations en échange de leurs terres, soit les mettre à profi t en y établissant des écoles privées. En conséquence, la proportion des écoles secondaires privées, qui était de 20 % des écoles secondaires en 1945, atteignait 42 % en 1957, et la plupart se trouvaient en zones rurales.

En même temps, d’autres mesures ont été prises pour améliorer l’accès des enfants l’école dans les zones rurales. Le gouvernement consacrait un budget important à l’éducation pour permettre la construction d’écoles primaires en zones rurales et à l’éducation et à la formation des enseignants qu’il envoyait dans les campagnes, mais aussi dans les zones urbaines. Grâce à l’augmentation du nombre des écoles privées, dont la plupart comprenaient des classes dans les cycles du primaire et du sec- ondaire, les élèves ont pu réussir leur passage du primaire vers le secondaire. Le relèvement du niveau d’instruction dans les zones rurales a contribué de manière non négligeable à pourvoir en travailleurs éduqués et qualifi és les industries à forte intensité de main-d’œuvre qui travaillaient pour l’exportation dans les années 1960 (Document de Yi, Cocoman, Rhee et Chung).

La conditionnalité de l’aide et un manque de vision en matière de développement a freiné l’investissement dans les secteurs productifs

Le gouvernement Rhee (1948-1960) s’est em- ployé à maximiser le volume de l’aide plutôt qu’à l’investir de manière productive. Mais l’aide était Apport de capitaux étrangers et PIB par habitant

0 5000 10000 15000 20000 25000 30000 35000 40000

1945-61 1962-65 1966-1972 1973-78 1979-85 1986-92

0 100 200 300 400 500 600 700 800 900

ODA loans Commercial Loans FDI

Bank Loans Bonds (Financial Institutions) Bonds(Firms)

US&UN ODA Grants Reparation Grants from Japan GDP per Capita Average (South Korea) GDP per Capita Average (World)

Current Million US Dollars Current US Dollars

Prêts commerciaux

Obligations (institutions fi nancières) Réparations du Japon

IED

Obligations (entreprises)

PIB moyen par habitant (République de Corée) Prêts au titre de l’APD

Prêts bancaires

Dons des États-Unis et des Nations Unies au titre de l’APD

PIB moyen par habitant

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UNRISD Recherches et politiques – Synthèse 14 assortie d’un certain nombre de conditions. Selon

le fonds de contrepartie créé à l’initiative des États- Unis, qui était conçu comme un mécanisme de stabilisation des prix, le gouvernement devait se doter de réserves en monnaie locale d’un montant correspondant à celui de l’aide fournie en nature.

De 1945 à 1961, n’ayant ni source importante de devises, ni plan à long terme pour investir dans des secteurs productifs, le gouvernement a fi xé des taux de change artifi ciellement élevés et des prix bas en monnaie locale pour les biens importés par le biais de l’aide. Ceci devait permettre d’accroître le pouvoir d’achat du fonds de contrepartie, ce malgré les ré- clamations des bailleurs de fonds à une dévaluation de la monnaie coréenne. Ceci a egendré des mon- tées infl ationnistes, ainsi qu’une incertitude sur les prix et le taux de change, ce qui a réduit l’effi cacité des incitations à investir sur le long terme. De plus, le pouvoir d’affecter et d’utiliser l’aide internationale était concentré entre les mains du président et d’une petite élite qui n’avaient pas de projet national de développement. Dans ces circonstances, la corrup- tion gagna du terrain tant au sein du gouvernement que du monde des entreprises, plus intéressés par les activités d’infl uence que par les rendements que pouvaient rapporter des placements réels.

Avec des plans de développement dirigés par l’État, l’aide international a été

affectée à des investissements productifs

À partir de 1962, les politiques qui régissent le budget, les taux de change, l’infl ation, l’emploi, l’industrie, l’éducation et la technologie ont été intégrées dans des plans quinquennaux de dével- oppement économique. Il s’agissait de planifi er à long terme et de manière centralisée la mobilisation, l’affectation et l’utilisation des ressources à investir dans la production et en particulier dans un secteur d’exportation compétitif. L’aide internationale, et d’autres ressources externes et internes ont été regroupées pour exécuter les projets prévus dans les plans économiques.

Au début du premier mandat de M. Park en 1963, l’engagement des États-Unis en faveur de la sécurité faiblissait et leurs dons en nature et en espèces étaient progressivement remplacés par des prêts.

Au lieu de chercher à maximiser la valeur de l’aide internationale, le gouvernement Park l’a investie en priorité dans la production. Il a pris des mesures pour réduire le taux d’infl ation afi n de ne rien perdre de la valeur des sommes investies dans l’industrialisation.

Le taux de change était fi xé pour rendre l’industrie compétitive, en particulier les secteurs tournés vers l’exportation. Le gouvernement Park a activement diversifi é les sources d’aide pour réunir les inves- tissements nécessaires, et a apporté un soutien administratif au secteur privé dans le but d’attirer des ressources extérieures. Parfois, des industriels négociaient avec des bailleurs de fonds étrangers au nom du gouvernement. Celui-ci, bon stratège, laissait s’exprimer l’opposition aux exigences et aux condi- tions des donateurs, ou même l’encourageait, afi n d’obtenir des résultats plus favorables dans les négo- ciations (document de Yi, Cocoman, Rhee et Chung).

Les entreprises publiques ont joué un rôle crucial dans l’investissement, l’emploi et la croissance

À partir des années 1960, le gouvernement s’est ap- pliqué, par ses politiques macroéconomiques, com- merciales et industrielles, à protéger et à promouvoir les entreprises publiques, quelle que soit leur taille.

En concentrant l’aide internationale et d’autres res- sources sur l’industrie nationale, en appliquant des règles et des lois strictes pour protéger et promouvoir le contenu local, et en encourageant activement les petites et moyennes entreprises, le gouvernement a créé des conditions propices à l’accumulation de savoir-faire nationaux, de capacités managériales et de compétences techniques dans l’appareil de production. Très tributaires des avantages visibles et invisibles de ce soutien, les entreprises publiques ont préféré créer des emplois et des recettes dans leur pays plutôt qu’à l’étranger. Leur dépendance à l’égard du soutien des institutions publiques a aussi réduit les fuites de capitaux et l’exode des cerveaux.

Les politiques tendant à promouvoir le contenu local des produits et des services pendant la période de développement de l’industrie lourde et des indus- tries chimiques dans les années 1970 ont eu pour corollaire le développement de PME spécialisées dans la fourniture de pièces détachées aux grandes entreprises (document d’Amsden).

L’alignement des mécanismes de formation et d’utilisation du capital humain sur l’industrialisation a été crucial pour la création d’emplois et la croissance économique

Le gouvernement a systématiquement coordonné ses politiques de formation, d’accumulation et d’utilisation du capital humain pour répondre aux

Au lendemain de la guerre en Corée: des jeunes se réchauffant autour d’un feu dans les ruines de Séoul, 1950.

Photo: UN Photo/Grant McLean

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UNRISD Recherches et politiques – Synthèse 14

besoins de main-d’œuvre et de qualifi cations des industries cibles et atteindre les objectifs des plans de développement économique.

Pendant la période d’industrialisation intensive, dans les années 1960 et 1970 en particulier, l’État a été au centre de l’innovation, de l’adoption et de la diffusion des savoirs et des techniques, à la fois via les instituts publics de recherche et développe- ment, et par un soutien indirect et direct aux instituts de recherche et développement et aux industries du secteur privé. Il a ainsi renforcé la capacité des individus et des organisations à absorber et à diffuser les savoirs théoriques et pratiques dans de nombreuses disciplines, et a aidé à traduire ce savoir en un “savoir-produire”.

Pour établir un lien direct entre l’éducation et le développement technologique, le gouvernement a planifi é et réglementé la formation professionnelle dans les programmes scolaires, et rendu obligatoire la formation sur le tas dans les usines, pour incul- quer les connaissances et les qualifi cations faisant défaut. Des quotas ont été établis pour les étudi- ants et les professeurs dans les universités, pour que les diplômés sortants répondent aux besoins des principales industries. Nombre d’institutions publiques ou bénéfi ciant de soutiens publics ont été créées également, dont le KIST (Institut coréen pour l’industrie et la science, fondé en 1966) et le KAIST (Institut supérieur de Corée pour les sciences et techniques, créé en 1971). Dans les années 1970, ils ont joué un rôle majeur dans le développement

des technologies de pointe pour les industries clés des secteurs public et privé tels que l’acier, les pro- duits chimiques et l’électronique. Le gouvernement a recruté directement le personnel de ces institu- tions, offrant des conditions de travail propres à attirer universitaires et techniciens.

La démarche de l’État est remarquable à deux titres.

Il convient d’abord de relever son rôle de bailleur.

Bien que ne représentant que 0,5 % du PIB jusque vers 1975, la recherche et développement était assurée à plus de 80 % par des instituts publics.

Ensuite, la coordination par le gouvernement de la recherche et développement, de l’éducation, de la formation, notamment professionnelle, et des inves- tissements publics dans les industries clés, qui a eu pour effet de relier l’éducation, la technologie et l’industrialisation dans divers secteurs, a créé des synergies facilitant le développement économique (document de Kim).

L’industrialisation est allée de pair avec une redistribution en faveur des zones rurales

Contrairement à l’idée très répandue qui veut que le développement agricole précède le développement industriel ou en soit une condition, le développe- ment rural en République de Corée a suivi le décol- lage des industries manufacturières d’exportation à forte intensité de main-d’œuvre.

Le Saemaul Undong (Mouvement Nouveau Village) a été lancé par le gouvernement en 1970, à un mo- ment où les populations rurales souffraient encore d’un manque d’équipement et de services, alors que les citadins voyaient leurs moyens d’existence s’améliorer rapidement. Le Saemaul Undong est devenu un programme national de développement rural et le symbole d’un développement participatif guidé par le gouvernement. Bien que la pauvreté soit encore très répandue dans les années 1970, l’extrême pauvreté a sensiblement reculé et l’infrastructure rurale s’est beaucoup améliorée.

Le succès du Saemaul Undong comme programme de développement rural a reposé sur diverses poli- tiques complémentaires destinées à redistribuer les richesses et les revenus vers les zones rurales, et à faire entrer la main-d’œuvre rurale au service de la production.

Parmi ces politiques, il faut citer la réforme agraire, le système de crédit rural, planifi é et régi par les autorités centrales, et les services d’annulation de la dette privée, ainsi que le développement des industries liées à l’agriculture comme celles des engrais, des machines agricoles et des variétés de riz à haut rendement. Ces politiques ont axé des ressources, extérieures et nationales (telles que l’aide et les recettes fi scales provenant des indus- tries d’exportation), sur des zones rurales plutôt que sur des zones urbaines. L’écart des revenus entre zones rurales et zones urbaines était presque comblé avant la fi n des années 1970 (document de Douglass).

Photo by UN Photo/PB

Accroître la production agricole: un aide chimiste pesant des échan- tillons au laboratoire de l’Unité pour la fertilité des sols, 1964.

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UNRISD Recherches et politiques – Synthèse 14

Un partenariat unique entre le public et

le privé pour l’éducation et la santé

En République de Corée, l’État dirigeait les res- sources vers les zones prioritaires et soumettait à des règles savamment conçues l’utilisation de la propriété privée et les services rendus par des or- ganismes privés à des fi ns publiques: le partenariat entre le public et le privé obéissait à des intérêts publics plutôt qu’à des intérêts privés.

À part les frais de l’enseignement universitaire, il n’y a pas de différence sensible entre les services publics et privés d’éducation et de santé pour ce qui est de la qualité et du coût de ces services pour les utilisateurs. C’est un phénomène intéressant dans le contexte des débats sur la qualité et l’accessibilité économique des services sociaux, qui tendent à opposer le public au privé comme s’il fallait choisir entre les deux.

L’enseignement primaire et le premier cycle de l’enseignement secondaire sont essentiellement publics et le deuxième cycle du secondaire et l’enseignement supérieur sont majoritairement privés. Depuis 1945, les écoles publiques ont dispensé l’enseignement primaire à plus de 98

% des élèves. Pour l’enseignement secondaire du premier cycle, la proportion des élèves des écoles publiques est passée de 55 % en 1965 à 81 % en 2005. En revanche, environ la moitié des élèves de l’enseignement secondaire du deuxième cycle et plus de 80 % des étudiants dans l’enseignement supérieur sont dans des établissements privés.

Dans le domaine de l’éducation, le gouvernement a dirigé les ressources publiques vers l’enseignement primaire obligatoire dans les années 1960 et vers le premier cycle de l’enseignement secondaire dans les années 1980. Il a encouragé simultanément les investissements privés dans le deuxième cycle de l’enseignement secondaire et l’enseignement tertiaire en garantissant les droits de propriété des investisseurs et en versant d’importantes subven- tions. Au début des années 2000, les subventions de l’État représentaient environ 76 % du budget annuel total pour les écoles secondaires du premier cycle et 54 % pour les écoles secondaires du deux- ième cycle. La gestion des établissements privés était réglementée dans le détail: la réglementation portait notamment sur les contingents annuels d’admission, le montant maximum autorisé pour les frais d’enseignement, le nombre et le contenu des cours, les conditions à remplir pour les diplômes de fi n d’étude et les qualifi cations des enseignants, ce qui avait pour effet d’égaliser les coûts et la qualité entre l’enseignement public et l’enseignement privé.

Étant donné la dépendance à l’égard des subven- tions du gouvernement, les propriétaires d’écoles privées pouvaient soit se conformer aux politiques et à la réglementation de l’État, soit fi nancer leur activ- ité avec les subventions et les frais d’enseignement facturés, et moins investir. Le choix de la première solution qu’a fait la grande majorité d’entre eux est le résultat de la fermeté avec laquelle l’État a imposé

son contrôle, ses lois et ses réglementations, ainsi que d’une société civile active et organisée.

Dans le domaine de la santé, en 2010, 88,2 % du total des lits se trouvaient dans des établissements à but lucratif, contre 41,8 % en 1962. En 1989, l’assurance maladie nationale, placée sous le con- trôle du gouvernement, a été étendue à toute la population. Le gouvernement a fait en sorte d’établir une relation harmonieuse entre les établissements de santé publics et privés, le rôle premier de l’État étant celui d’autorité de surveillance plutôt que de prestataire de services. Diverses politiques pub- liques telles que des mesures d’exemption fi scale et des subventions ont servi à canaliser les investisse- ments privés vers la santé. En même temps, des incitations telles que l’exemption du service militaire ont été utilisées pour attirer le personnel médical dans les hôpitaux et centres de santé publics. Le soutien apporté par la puissance publique aux pr- estataires de services privés et publics a contribué à une expansion progressive des services et du personnel de santé.

L’État n’a jamais contrôlé le secteur de la santé aussi étroitement que celui de l’éducation. Le rôle premier d’autorité de surveillance joué par le gouvernement et la puissante organisation des hôpitaux privés et du personnel médical ont donné naissance à un sys- tème de santé marqué par des contradictions: une assurance maladie “universelle”, mais un ensemble relativement limité de prestations couvertes et une forte contribution des assurés aux dépenses (33,8

Photo by UN Photo/PB

Étendre les services de santé publique: une mère enregistrant son bébé au dispensaire pour mères et enfants du Centre de santé de Séoul, 1964

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UNRISD Recherches et politiques – Synthèse 14

% en 2010); des dépenses de santé représentant un faible pourcentage du PIB (6,5 % en 2009); une technologie médicale de pointe disponible à un large public et des dépenses faibles pour la prévention des maladies, l’assainissement et l’administration de la santé publique (document de Yi).

Les politiques qui ont été à l’origine du développement fl orissant du pays ont affaibli l’autoritarisme et semé les germes de la démocratie

Comme l’a fait remarquer Amartya Sen, il n’existe au- cune preuve tangible que les politiques à l’origine du développement fl orissant d’un pays soient incompati- bles avec une plus grande démocratie, ou qu’elles aient besoin de l’autoritarisme pour se maintenir.

Un certain nombre des politiques mises en œuvre par des régimes autoritaires qui se sont suc- cédé en République de Corée avaient pour résultat d’encourager la démocratisation. Parmi ces poli- tiques on peut citer : l’instruction de la population active grâce à des politiques menées dans les do- maines de l’éducation et de la formation du capital humain; le renforcement des organisations rurales par des politiques de développement rural; la par- ticipation des organisations de la société civile à la prestation des services sociaux; et la défense des intérêts et la protection sociale des travailleurs par ldes syndicats et des organisations professionnelles.

Les inégalités entre hommes et femmes, séquelles sociales de la trajectoire de développement

La dimension du genre dans l’expérience de développement de la République de Corée met en évidence divers compromis entre les politiques de production, de réduction de la pauvreté et de repro- duction. La politique de planifi cation familiale menée auprès des femmes – l’un des principaux éléments de la politique menée par le régime autoritaire pour juguler la croissance démographique et accroître l’offre de main-d’œuvre féminine entre les années 1960 et 1980 – a atteint son but puisqu’elle a ré- ussi à réduire le taux de fécondité. Cependant, dans l’ensemble, elle n’a pas su renforcer la position des femmes au travail et dans les ménages, en raison de la manière ciblée et autoritaire dont elle a été appliquée. Les femmes ont continué à être perçues comme appartenant à la sphère de la reproduction plutôt qu’à celle de la production, et cette perception s’est même renforcée.

De plus, les industries d’exportation qui employaient beaucoup de personnel faiblement rémunéré, les emplois majoritairement réservés aux hommes dans l’industrie lourde et les politiques de forma- tion professionnelle, tout en donnant les meilleurs résultats en termes de croissance économique, ont encore marginalisé les femmes dans la sphère de la production. En outre, la longueur des journées de travail a eu pour effet de conforter le modèle de l’homme soutien de famille, et a accentué la division

du travail entre hommes et femmes. La littérature sur le rôle des femmes dans le développement coréen a porté principalement sur le secteur manufacturier alors que les femmes ont été actives dans le secteur primaire, dans lequel elles dominaient dans les an- nées 1960 et 1970, et ont joué un rôle important dans la prestation des services sociaux et les projets de développement rural. Dans ces rôles, elles ont assumé la double charge du travail et de la famille.

Cette double charge, lié au fait que les femmes sont dans l’ensemble identifi ées à la sphère de la repro- duction, et la faiblesse persistante des salaires qui leur sont versés (des 29 pays de l’OCDE, c’est en Corée que la différence salariale entre hommes et femmes est la plus marquée) entretiennent la forte inégalité qui continue de régner entre hommes et femmes en République de Corée (document de Lee).

La dégradation de l’environnement résulte d’un échec des politiques et non d’une absence de politiques

Les politiques qui ont assuré l’industrialisation et la croissance économique de la République de Corée ne se sont pas accompagnées de mesures effi caces de protection de l’environnement. En fait, l’élan imprimé à l’industrialisation dans les années 1960 et 1970 n’a fait qu’aggraver la dégradation de l’environnement causée par la guerre et la pauvreté dans les années 1940 et 1950.

Les politiques environnementales ont connu qua- tre phases. Au cours de la première phase, des années 1960 aux années 1980, la protection de l’environnement jouait un rôle secondaire par rap- port aux politiques de développement industriel.

Ce fut la phase des restrictions ex post, celle où un régime autoritaire assumait le commandement et le contrôle des opérations.

Photo: UN Photo/PB

Formation commerciale: Lycée commercial de jeunes fi lles, Séoul, 1964.

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UNRISD Recherches et politiques – Synthèse 14 La deuxième phase se caractérise par la réceptivité

du gouvernement à la voix du peuple. Les années 1990, qui coïncident avec la démocratisation, ont été une période de restrictions ex ante, d’incitations économiques et de coopération. Cette période d’éveil de la conscience écologique a vu naître des ONG de défense de l’environnement et la société civile s’organiser autour de questions relatives à la qualité de la vie. Des ONG de défense de l’environnement ont eu recours à diverses méthodes pour infl échir les politiques, et le gouvernement a commencé à élaborer des lois et des règlements d’application qui tiennent compte de tous les aspects de la protec- tion de l’environnement. Le désir du public dans les années 80 de parvenir à “une harmonie entre crois- sance économique et protection de l’environnement”

a fait place dans les années 90 à une préférence donnée à la protection de l’environnement par rap- port à la croissance économique.

La troisième phase de la politique de l’environnement a commencé en 2000 avec la création de la Commission présidentielle du développement durable. Ce fut la période de la “gouvernance envi- ronnementale”, fondée sur les principes de la prise de décision participative, de la coopération et du partenariat entre parties multiples, parmi lesquelles des fonctionnaires, des experts et des représentants de la société civile, des ONG et des entreprises. La politique environnementale s’inspire depuis 2008 d’un programme de “croissance verte” à faible émis- sion de carbone.

Ainsi en République de Corée, la dégradation de l’environnement n’est pas due à l’absence de poli- tique environnementale en soi, mais plutôt à une application insuffi sante de cette politique. Des pro- grès ont été réalisés uniquement lorsqu’on est parti d’un débat public libre et ouvert et que la démarche a été celle de la consultation et de la coopération (Document de Huh et Pawar).

Bibliographie

Cette synthèse de la série Recherches et politiques s’est nourrie des documents suivants, commandés pour le projet de l’UNRISD et de l’Agence coréenne pour la coopération internationale.

Amsden, Alice (2011), Securing the Home Market:

A New Approach to South Korean Development Chung, Moo-Kwon (2012), The Transformative

Role of Social Policy in a Skill Formation Regime Douglass, Michael (2011), Rural Development

Policies: The Saemaul Undong in Historical Per- spective and in the Contemporary World Evans, Peter (2011), The 21st Century Transition

to a Capability-Enhancing Developmental State Huh, Taewook and Manohar Pawar (2012),

Responses to Environmental Challenges:

Origins, Drivers and Impacts of Green Growth on Development

Photo by Hae Ji Jeong.

Formation scientifi que: Lycée de jeunes fi lles d’Ewha, 2011.

À propos de cette synthèse

Les synthèses de l’UNRISD sur les recherches et politiques visent à améliorer la qualité des échanges sur le dével- oppement. Elles replacent les recherches de l’Institut dans l’ensemble des débats sur le développement social, en ré- sument les conclusions et font ressortir les questions qui doivent retenir l’attention des décideurs. Elles fournissent ces informations sous une forme concise à l’intention des responsables politiques, des universitaires, des militants, des journalistes et d’autres utilisateurs.Cette synthèse a été rédigée par Ilcheong Yi. Téléchargez gratuitement cette publica- tion à partir du site www.unrisd.org/publications/rpb14f.

Nous sommes reconnaissants aux gouvernements du Danemark, de Finlande, du Royaume-Uni et de Suède d’avoir assuré le fi - nancement de notre budget de fonctionnement en 2012. Notre travail n’aurait pas été possible sans leur soutien. Le projet Rendre la coopération internationale au développement effi cace:

Leçons à retenir de la République de Corée a été fi nancé par l’Agence coréenne pour la coopération internationale (KOICA).

Les opinions exprimées sont celles de l’auteur et ne refl ètent pas nécessairement celles de l’UNRISD. De courts extraits de cette publication peuvent être reproduits en l’état sans autorisation, à condition d’en indiquer la source. Pour obtenir les droits de reproduction ou de traduction, adresser sa demande à l’UNRISD.

Kim, Eun Mee (2012), Capability-Enhancing Alli- ances: The Case of South Korea

Kim, Taekyoon (2012), Learning through Localiz- ing International Transfers in South Korea Lee, Jinock (2012), Changes and Continuity in

Gender Policy

Lee, Joo Ha (2012), Institutional Linkages be- tween Social Protection and Industrialization Mkandawire, Thandika (2012), Social Policy and

Development: An Interrogation

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Yi, Ilcheong and Thandika Mkandawire (2012), Learning Lessons from Developmental Success Yi, Ilcheong, Olive Cocoman, Hyunhoo Rhee and

Youah Chung (2012), Aid and Development Ef- fectiveness in South Korea

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UNRISD Recherches et politiques – Synthèse 14

L’Institut de recherche des Nations Unies pour le développement social (UNRISD) est un institut autonome au sein du système des Nations Unies qui se livre à des recherches pluridisciplinaires sur les dimensions sociales des questions actuelles de développement, et qui analyse les politiques menées sur ces sujets. Nous nous employons à faire en sorte que l’équité, l’intégration et la justice sociales soient au centre de la réfl exion sur le développement, des politiques et de la pratique en la matière.

Leçons de l’expérience de la République de Corée

Les recherches confi rment la conception du développement comme le résultat d’une conjonction de facteurs divers. Les succès enregistrés en République de Corée ont résulté de synergies entre les politiques économiques et sociales et entre les secteurs public et privé, unis pour former le capital humain, accroître les emplois et redistribuer les biens et les revenus entre les secteurs et les zones géographiques. Pourtant, la croissance économique et le développement social ont été accompagnés de divers maux tels que la corruption, l’ineffi cacité bureaucratique, l’autoritarisme, le copinage et le manque de transparence, l’inégalité entre hommes et femmes et la dégradation de l’environnement.

Les conditions qui règnent aujourd’hui sont très différentes de celles qui ont permis le “miracle des Han” – le développement fantastique de la Corée – et pour comprendre l’expérience d’un pays, il faut la replacer dans son contexte. Néanmoins, les conclusions des recherches remettent en question cer- taines conceptions aujourd’hui très répandues de la politique de développement, notamment l’idée de “la croissance d’abord, la redistribution ensuite” qui domine actuellement à propos de la politique sociale; l’idéologie de l’intégrisme du marché qui n’accorde qu’un rôle minime à l’État; et le fait de défi nir et de juger “bonnes” les institutions dans la mesure où elles améliorent le fonctionnement des marchés. Comme beaucoup de ces démarches politiques continuent à s’imposer malgré des résultats peu brillants, l’expérience coréenne peut inspirer et éclairer les bailleurs de fonds tout comme les bénéfi ciaires d’aide internationale.

Les conclusions des recherches donnent à penser que:

L’aide est plus effi cace lorsqu’elle est conçue non seulement pour répondre aux besoins essentiels mais aussi pour encourager à investir dans le socle productif de l’économie.

L’aide qui est subordonnée à la stabilité macroéconomique sans plan cohérent pour utiliser les investissements à des fi ns productives peut déboucher sur des incitations économiquement impro- ductives et socialement malsaines pour le gouvernement bénéfi ciaire et le secteur privé et entraîner corruption, spéculation et thésaurisation.

En diversifi ant leurs sources d’aide et en mobilisant d’autres ressources, les bénéfi ciaires de l’aide renforcent leur pouvoir de négociation. Un pouvoir de négociation accru, des stratégies nationales de développement globales et cohérentes et la capacité de les mettre en œuvre, telles sont les condi- tions à remplir pour être “maître” de son développement.

Des politiques sociales de redistribution (telles qu’une réforme agraire) peuvent être conjuguées à des politiques d’encouragement à l’investissement productif (de formation du capital humain par exemple) et contribuer ainsi à l’industrialisation.

Pour les services sociaux tels que l’éducation et la santé, il n’y a pas à choisir entre prestataires publics et privés. Avec un système de surveillance effi cace et performant, le mariage du secteur public et du secteur privé peut atténuer les inconvénients du système privé (qui a tendance à vider le secteur public de sa substance, n’est pas également accessible à tous ni abordable pour tous).

La politique industrielle, en particulier lorsqu’elle protège et défend les entreprises publiques qui créent des emplois, permettent d’acquérir des savoir-faire, des compétences de gestion et une expertise technique et réduisent la fuite des cerveaux, peut être un élément clé du succès de la stratégie de développement.

Les politiques d’éducation peuvent être coordonnées avec d’autres politiques, en particulier les poli- tiques industrielles, de manière à réduire les discordances entre l’offre en matière d’éducation et la demande de personnel et à créer des emplois. Il est crucial de planifi er l’éducation et les secteurs pertinents aux niveaux macro et micro.

L’État peut prendre les devants et investir dans la recherche et développement pour que les résultats en soient communiqués au secteur privé mais aussi encourager la recherche et développement du secteur privé afi n de créer des emplois et des ressources pour le développement.

Des politiques de redistribution (telles qu’une réforme agraire qui rend la terre aux exploitants, et une redistribution des revenus des zones urbaines développées vers les zones rurales) peuvent jeter les bases matérielles du développement rural. Mais ces politiques ne portent vraiment leurs fruits que lorsqu’elles sont complétées par des mesures destinées à créer des emplois dans les campagnes et à améliorer l’infrastructure rurale.

ISSN 1815-0845

UNRISD

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