Présentation
Le principe de Millecoulire est d’associer des couleurs à
des sons complexes pour faciliter la lecture et diminuer la fatigue liée
au déchiffrage. Le son complexe auquel est
associée la couleur
s’entend dans le nom de la couleur : par exemple
on entend « ou » dans
« rouge ». Dans les textes les moins complexes vous
trouverez aussi des vignettes d’animaux dont
le nom comporte le son complexe (par exemple
« ou » dans « hibou ») avec un prénom dans
lequel on entend de nouveau le son (notre hibou s’appelle « Abou »)
Texte publié une première fois en décembre 2013 aux
éditions Averbode, collection Tire Lire
Un immense merci à Sabrina Inghilterra et à Mehdi Dewalle qui ont récupérés leurs droits sur ce récit et le partagent, de
façon bénévole, avec Millecoulire !
Des personnes aussi sympa sont à découvrir d’urgence !
Comment j’ai
piégé le Père-Noël
Un récit de Sabrina Inghilterra illustré par Mehdi Dewalle
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Salut, je m’appelle Martin, je suis en CE1 et, dans ma classe, je suis le seul à savoir que le Père Noël existe ! Tous mes copains se sont bien moqués de moi quand je leur ai dit que je lui écrirais pour lui commander mes cadeaux.
tête pendant que le reste de la bande me regardait avec un sourire moqueur.
Ça m’a hyper énervé, j’avais des larmes de colère qui me montaient aux yeux, mais je ne me suis pas dégonflé :
- Alors, si le père Noël n’existe pas, qui est-ce Nicolas a crié :
- Martin, il croit encore au père Noël ! c’est un gros bébé !
Mon cousin Alex, qui est dans ma classe, en a rajouté :
- Martin c’est un super crétin ! a-t-il hurlé à tue-
qui fait les cadeaux, hein ? l’ai-je interrogé. - Ce sont les parents, petit malin, répondit mon cousin. L’année dernière, j’ai trouvé la planque de maman. Elle avait caché tous mes paquets sous l’escalier ! Le père Noël c’est rien qu’une INVENTION ! Ce sont les parents qui te disent qu’il
beaucoup des parents qui
racontent des
carabistouilles à leurs enfants ? demandai-je fièrement.
Ça a fait son effet. Tout le monde réfléchissait.
J’avais cloué le bec d’Alex, qui était bien embêté et ne savait que répondre.
existe pour que tu y croies.
Tout le monde autour de lui hochait la tête en me regardant tristement, comme si LA VÉRITÉ, CETTE VÉRITÉ était trop dure à entendre.
- Pourquoi, ils feraient ça hein ? Tu en connais
allait falloir une sacrée preuve.
- OKAY TOP-Là ! dis-je en tendant la main à Alex, je te prouverai que le père Noël existe !!!
- Je n’en sais rien, mais tout le monde sait que croire encore au père Noël c’est un truc de bébé. Alors, t’as qu’à nous prouver qu’il existe ! Moi, je crois ce que je vois.
Les copains étaient d’accord. Ils voulaient bien me croire, mais il
comment je vais faire pour prouver au reste de la classe qu’il existe pour de vrai ?
Il ne me reste plus qu’une semaine, et toujours aucune idée en vue.
Mais hier, alors que la maîtresse nous donnait un cours d’Histoire, elle
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Mon entreprise risquait d’être plus difficile à faire qu’à dire. Car, pour vous l’avouer, je n’ai – personnellement - JAMAIS rencontré le Père Noël.
Ça m’a préoccupé toute la semaine. Je ne pensais plus qu’à ça :
nous a parlé du cheval de Troie.
L’histoire se passe il y a très, très longtemps… la maîtresse nous a expliqué qu’une armée grecque s’était cachée dans un immense cheval de bois pour surprendre son ennemi. Et ça a marché ! Les Troyens, qui
méfiera pas et je pourrai le surprendre…
Le soir en rentrant chez moi, j’imagine toutes les solutions qui me permettront de me cacher dans mon salon. Je prends mon cahier et je note toutes mes idées de plan de bataille.
pensaient qu’il s’agissait d’un cadeau, ont fait entrer le cheval dans leur ville protégée et les Grecs les ont attaqués. Je me suis dit que c’était ça, l’IDÉE DE GÉNIE !
Il faut que je piège le Père Noël, qu’il ignore que je suis dans la pièce ; comme ça, il ne se
Je rature et recommence, en dessous :
Idée 2 : me déguiser en lampadaire.
Idée 1 : me dissimuler derrière le canapé. Problème, je risque de ne pas bien le voir.
et comment mettre les décorations ? Trop compliqué !!!
Argh… encore une page de gâchée. Je me gratte vigoureusement la tête, pas la moindre idée ne vient… quoique… mais, OUI, bien sûr !
Problème, maman ne veut pas que je touche aux ampoules.
C’est idiot, je déchire la page et en fais une boule. Puis, à nouveau, j’écris :
Idée 3 : me déguiser en sapin de Noël. Problème, que faire du vrai sapin
Ma quatrième idée SUPER GÉNIALE est la bonne. Je prends un beau feutre de couleur rouge et écris en belles lettres :
Idée 4 : me déguiser en cadeau pour le père Noël. Comme ça, lorsqu’il m’ouvrira, je pourrai le prendre en photo et j’aurai ma preuve !!!
prouver que le Père Noël existe ?
- Oui !
Alex, intrigué, ajoute d’une voix mielleuse :
- Ah, et tu ne veux pas nous en dire un peu plus ?
- Non.
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C’est le dernier jour de classe, et Noël est dans trois jours.
Les copains sont venus se renseigner :
- Alors ? demande Nico, t’as une idée pour nous
Je jubile, rien n’énerve plus Alex que de ne pas tout savoir.
- Ok, de toute façon, je le saurai bientôt, me répond-il énervé.
- On verra, on verra…
je lui réponds amusé.
Les copains se regardent, un peu impressionnés par mon assurance. Ils me précisent dix fois au
Lorsque je rentre chez moi, je fais la liste de ce dont j’ai besoin pour préparer mon PIÈGE AU PÈRE NOËL :
- une grande boîte de carton (suffisamment grande pour que je rentre dedans),
- du scotch, pour la fermer,
moins, qu’il leur faudrait une vraie preuve et comme ils voient que je ne faiblis pas, ils partent en me souhaitant de passer « QUAND MÈME » de très bonnes vacances.
Le matin, je demande à papa s’il ne peut pas me donner le carton dans lequel a été livrée une tondeuse à gazon l’été dernier.
- du papier cadeau (on ne va pas offrir une boîte en carton au Père Noël, quand même !),
- une belle étiquette avec son nom dessus.
courant, sinon il fera tout rater.
- Okay, me dit-il, tu m’appelles si tu as besoin d’aide, hein !
- Oui, oui, t’inquiète, mon papa. Je t’appelle si ça ne va pas.
Après, je vais voir maman pour qu’elle me donne du papier-cadeau. Quand je lui dis qu’il me faudrait - Pas de problème, mais
elle est énorme cette boîte ! Qu’est-ce que tu vas en faire ?
- Je… euh… je crois que je vais en faire… euh…
une CABANE.
Je n’aime vraiment pas mentir à mon papa mais là, c’est un cas de nécessité extrême. Il ne faut pas qu’il soit au
J’ai tout : reste plus qu’à se mettre AU BOULOT ! au moins un rouleau,
elle parait un peu surprise mais accepte finalement.
Comme papa, elle me demande si j’ai besoin d’aide. Et comme à papa, je lui réponds :
- Oui, oui, t’inquiète, ma maman. Je t’appelle si ça ne va pas.
que ça ferait mieux s’il y avait un ruban, après que non, ce ne serait pas pratique… bref, je le finis le 24 au soir, tout juste avant le repas du réveillon.
Je suis hyper-excité. Dans ma petite caboche, ça tourne super vite. Et si, cette année, il avait décidé de ne pas venir ?
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Le lendemain, ça me prend toute la journée de préparer mon faux paquet-cadeau. J’oublie d’abord de faire des trous pour respirer, puis je déchire au moins trois fois le papier en essayant de couvrir ma boîte, après, je me dis
Et si l’appareil photo ne marchait pas ? Ou que le père Noël émettait des ondes spéciales pour pas qu’on ne puisse pas le prendre en photo…
ARGHHHHHHHH ! C’est vraiment l’horreur, de penser à tout ça !
Heureusement, quand la famille arrive, je me suis détendu. Je suis même
chuchote-il à l’oreille pour pas que les parents nous entendent.
- Pas vraiment par magie, j’en ai eu l’idée pendant le cours d’histoire…, je lui réponds fièrement, tu sais cette drôle d’histoire avec un cheval de bois ! - Bah dis-donc, chapeau bas mon cher cousin, me dit-il en joignant le geste content de revoir mon
cousin qui est tout aussi agité que moi. Après les mille et une questions qu’il me pose pendant le repas, je finis par céder et lui révèle mon plan ; il le trouve…
ABSOLUMENT GENIAL.
- Alors, comme ça, tu as trouvé ça tout seul, comme par magie ? me
J’ai une grosse boule dans le ventre, mal au cœur et de plus en plus chaud. Je n’aurais jamais dû manger autant de gâteaux ! Et j’ai sacrément sommeil. Mais j’ai une mission à accomplir. Alors, pas question de faiblir.
J’attends une heure de plus pour que mes à la parole, je n’aurais
jamais trouvé ça tout seul !
On passe le reste de la soirée à se raconter des tas d’histoires en mangeant des gâteaux.
Quand Alex part, je me retrouve tout seul avec mon plan.
pas de loup dans le noir jusque dans le couloir.
Mes mains sont moites et je serre de plus en plus fort cette énorme boîte pour pas qu’elle ne m’échappe. Mon cœur bat très vite et très fort ; j’ose à peine respirer de peur de me faire surprendre ; et puis une horrible idée me passe parents soient bien
endormis. Lorsque la maison est silencieuse, je sors de mon lit et me saisis de mon paquet. Je sors mon appareil photo de ma table de nuit et l’accroche autour de mon cou.
Je suis bien encombré maintenant, et ce n’est pas évident de marcher à
Peut-être qu’il faudrait renoncer, faire demi-tour et retourner me coucher. Et puis je pense aux
copains qui se
moqueraient de moi, je les entends déjà à mon retour de vacances chantant à tue-tête
« Martin, c’est qu’une poule mouillée » et puis surtout il y a mon cousin par la tête : je me
demande si le père Noël ne sera pas fâché d’avoir été piégé car je ne voudrais pas qu’il m’en veuille. J’imagine : me faire gronder par le Père Noël, être puni et ne plus recevoir de cadeaux les 25 décembre… Ce serait affreux ! Il ne pourrait rien m’arriver de pire...
Je dépose mon paquet silencieusement au pied du sapin et me glisse à l’intérieur, puis j’attends, j’attends… le temps me semble avancer plus lentement et au bout de quelques minutes j’ai l’impression d’être dans ma boîte depuis des heures déjà. Je suis mal installé et mes jambes Alex… Lui, je n’ai pas
envie de le décevoir, il a trouvé mon idée géniale après tout et il fait
rarement des
compliments gratuits. Ça me redonne du courage.
Je finis par arriver dans le salon éclairé par les guirlandes clignotantes de Noël. C’est bien pratique pour y voir un peu clair.
ferment de plus en plus ; mais que fait-il, pourquoi n’est-il toujours pas là ? Et s’ils avaient tous raison et que finalement il n’existait pas ? Je me font mal, mais il est
trop tard maintenant pour faire marche arrière.
A 2 heures du matin j’entends l’horloge qui sonne ; mes paupières se
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Le matin, lorsque je me réveille, je suis bien au chaud dans mon lit. Je regarde autour de moi et je suis dans ma chambre.
Je ne comprends pas ! Pourtant hier j’étais dans
mon paquet et
j’attendais… près du sapin… Que s’est-il m’endors et puis plus
rien… j’entends des bruits, je crois, dans mon sommeil.
passé. J’attrape mon réveil, il est 11 HEURES PASSÉES !!!!!!!! Oh ! là ! là !. Qu’est-ce qui m’est arrivé ? Zut, le Père Noël ! Il a dû partir depuis bien longtemps maintenant ! J’enfile un peignoir à toute vitesse et me précipite dans le salon. Mes parents m’y a t t e n d e n t ,
confortablement installés sur notre canapé :
Alors, bien dormi ? me demandent-ils avec un grand sourire.
J’ai du mal à avaler ma salive. Et je leur fais une drôle de grimace en guise de réponse. C’est eux : ils ont dû me retrouver là ce matin et m’ont ramené dans ma chambre
sans me réveiller… Ma maman s’approche de moi doucement.
- Il n’y a peut-être pas
« le paquet » que tu attendais ? me dit-elle avec un air malicieux.
Je secoue la tête tristement. Si elle seulement elle savait comme je suis déçu.
- As-tu bien regardé ? insiste-t-elle.
Je découvre autour de moi des tas paquets cadeaux de toutes les couleurs, mais pas la moindre trace de Père Noël. J’aperçois d’un coup mon énorme paquet qui est resté sous le sapin.
Maman me fait un signe de tête.
- Peut-être que… tu devrais y jeter un coup d’œil, m’encourage-t-elle, énigmatique.
Intrigué, j’attrape mon propre paquet et regarde dedans. Il y a au fond une grande enveloppe dorée, à mon nom… Je l’ouvre aussitôt et la lis…
« Cher Martin,
Il ne fallait pas m’attendre aussi tard. Je me suis permis de te remettre au lit. Comme tu as été un petit garçon sage (et mon plus fervent défenseur), je te donne ce dont tu as tellement rêvé ! »
Dans l’enveloppe, je trouve LA PHOTO DU
PÈRE NOËL !!! Il me regarde avec un grand sourire et, pendant un instant, j’ai l’impression qu’il me fait un clin d’œil. Je suis en CE2 maintenant et, dans ma classe, je suis le seul à avoir UNE PREUVE QUE LE PÈRE NOËL EXISTE !