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Traversée de la rade : prendre un peu de recul
DEBARBIEUX, Bernard
DEBARBIEUX, Bernard. Traversée de la rade : prendre un peu de recul. La Tribune de Genève, 2014, vol. 25.09.2014
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Prendre un peu de recul s’impose Tribune de Genève / Suisse / BERNARD DEBARBIEUX (25.09.2014)
Les électeurs genevois s’apprêtent à voter pour ou contre une infrastructure qui va coûter fort cher et durer fort longtemps; cela mérite réflexion en des temps où les finances du canton se portent mal et où bien peu de gens, y compris les spécialistes, cultivent encore des certitudes sur les formes de l’urbanisation de demain; cela mérite aussi que l’on renonce aux raisonne-‐
ments trop simples et que l’on prenne un peu de recul.
Renoncer aux raisonnements trop simples: un tunnel à quelques centaines de mètres du Pont du Mont-‐Blanc que l’on sait saturé va-‐t-‐il résoudre les problèmes de circulation au centre-‐ville?
Certainement pas; il va peut-‐être alléger légèrement le trafic sur le pont, mais certainement déplacer ces problèmes sur les voies qui bordent la rade, aux abords des parcs et sur les voies d’accès, de l’avenue de Malagnou à l’avenue de France en passant par la rue de Lausanne et la route de Cologny. Pire, il va susciter un trafic supplémentaire, car, la chose est bien connue, toute infrastructure supplémentaire génère son propre trafic et ses propres bouchons. Dès lors, la question devient la suivante: où voulons-‐nous que soient les bouchons de demain? A la Perle du Lac et aux abords du parc des Eaux-‐Vives? Ou bien plus loin, vers le Vengeron par exemple?
La planification des villes d’aujourd’hui doit intégrer la planification des bouchons. Puisqu’ils sont inévitables, autant choisir où nous les voulons.
Prendre un peu de recul: plus aucune ville en Europe de l’Ouest, ni même aux Etats-‐Unis, ne décide d’un équipement routier supplémentaire sans le penser en fonction d’un projet urbain qui englobe sa région et prenne en tous en compte tous les aspects de la vie urbaine. Or nos villes sont d’abord et avant tout des villes à vivre et à habiter; un véritable projet urbain doit répondre à cet impératif.
Le Grand Genève dispose d’un tel projet, cohérent et dont la qualité est reconnue dans le monde entier. Il repose d’abord et avant tout sur l’idée que la mobilité, organisée autour de cheminements et d’infrastructures différenciées, peut être organisée en rapport avec le loge-‐
ment, la production économique et des espaces publics de qualité. Un tunnel de cette impor-‐
tance compromet tous les efforts conduits jusqu’à présent.
On ne peut pas inventer la Genève de demain avec les modèles des années 1960. Ignorer les expériences des villes comparables, c’est s’exposer aux plus grandes déconvenues. Et personne n’a le droit à l’erreur: une fois mise en place une infrastructure de cette ampleur, elle sera là pour toujours. Jamais une ville n’est revenue en arrière sur ce type d’investissement, même quand la déception est au rendez-‐vous. Cela mérite réflexion, non ?