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Le football et ses stridences au miroir de l'éthique. Entretien avec Denis Müller réalisé par Dominique Malatesta et Christophe Jaccoud

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Le football et ses stridences au miroir de l'éthique. Entretien avec Denis Müller réalisé par Dominique Malatesta et Christophe Jaccoud

MULLER, Denis

MULLER, Denis. Le football et ses stridences au miroir de l'éthique. Entretien avec Denis Müller réalisé par Dominique Malatesta et Christophe Jaccoud. International Review on Sport and Violence, 2009, vol. 3

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:4712

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31 Le football et ses stridences au miroir de l’éthique

Entretien avec Denis Müller réalisé par Dominique Malatesta et Christophe Jaccoud Denis Müller est théologien, professeur d’éthique aux Universités de Genève et de Lausanne, membre de plusieurs commissions d’éthique dans le domaine médical et de la santé, auteur d’un nombre considérable de travaux académiques axés sur les liens entre éthique philosophique et éthique religieuse, ou encore éthique, droit et philosophie du droit. Il est aussi, et de longue date, supporter de football, un sport auquel il a consacré diverses publications.

Dans quels termes, aujourd’hui, le football est-il un objet d’investigation pour l’éthicien ? C’est une question intéressante parce qu’elle est posée dans des termes qui ne sont pas exactement ceux de l’éthicien. Je suis donc obligé de faire un retour sur ce qu’est l’éthique et de quelle éthique on parle puisque on distingue classiquement, dans la littérature philosophique et méthodologique, l’éthique descriptive et l’éthique normative.

Le football est un objet d’investigation du fait que, dans les sciences sociales ou dans le domaine de l’histoire, ou plus généralement dans tous les écrits qui traitent du football, il y a toujours des éléments d’éthique descriptive. Le football est donc déjà un objet d’investigation pour l’éthicien dans la mesure où il est étudié dans de multiples travaux empiriques et théoriques, profanes ou savants. Dans ces termes, l’éthicien, qu’il se recommande de l’éthique descriptive ou de l’éthique normative, est obligé de s’interroger sur ce qui se dit dans la manière dont les autres disciplines analysent l’objet.

Pour donner un exemple, les sciences sociales et les sciences humaines font de l’éthique quand elles traitent d’objets comme la violence ou le hooliganisme ; elles sont sur un terrain de nature éthique.

En tant qu’éthicien, je pense que le football est un objet d’investigation dans un double sens.

Premièrement, et comme nous venons de le signaler, il comporte des éléments de dimension morale ou normative dans sa propre constitution d’objet par les sciences descriptives. Le football est donc un objet éthique, un objet de moralité dès le moment où il est décrit, narré et interprété, car il implique toujours aussi une dimension éthique. Deuxièmement, il peut être saisi d’un point de vue plus proprement éthique et normatif, tant il est vrai que le football peut être interprété et critiqué à l’égal d’institutions comme les banques ou l’armée. Dans cette seconde perspective, on part alors d’une position éthique à prétention normative mais qui est pour ainsi dire extérieure à sa propre constitution sportive ou footballistique.

La banalisation et la radicalisation des violences qui accompagnent les matches de football, alors même que la plupart des Etats durcissent les mesures de contrôle et de répression, posent la question de l’étiologie du phénomène hooligan. Qu’avez-vous à en dire ?

Les choses ici sont loin d’être simples, d’ailleurs je n’ai pas eu de chapitre plus difficile à écrire, dans le livre que j’ai récemment consacré au football, Le football, ses dieux et ses démons. Menaces et atouts d’un jeu déréglé, que celui consacré précisément au hooliganisme. En me documentant sur la question, j’ai trouvé une multitude de distinctions entre supporters violents, hooligans, ultras… J’ai constaté aussi que les travaux consacrés aux origines et aux causes du hooliganisme étaient d’une extrême complexité étiologique et

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32 généalogique. Pour ma part, il me semble qu’il faut poser la question suivante : d’où vient le mal ? A ce propos, les célèbres travaux de Norbert Elias et d’Eric Dunning, même s’ils sont contestables, me semblent contenir quand même cette question fondamentale du bien et du mal. Ces deux auteurs constatent en effet que le hooliganisme est consubstantiel à l’élaboration de la notion de fair-play, donc le mal est en quelque sorte toujours associé au bien. C’est pourquoi une reprise civilisationnelle est absolument nécessaire, pour lutter contre les incivilités et les violences inhérentes à l’imbrication étroite du sport et de la violence sociétale.

On sait bien en outre que, dès la fin du XIXème et dans les années qui ont suivi, le football britannique a connu des faits de violence chez les supporters, mais bien sûr sans cette échelle médiatique et mondiale qui existe aujourd’hui. Il y a donc bien une question d’anthropologie fondamentale et de « métaphysique » relative au fait de savoir d’où vient le mal, d’où provient cette violence, et il est heureux de constater que les travaux, divers et variés, qui se consacrent à l’étiologie du phénomène permettent d’aborder ce registre anthropologique.

Une explication étiologique ou causale ne suffira évidemment jamais à rendre compte à elle seule de l’origine fondamentale de la violence.

C’est-à-dire ?

Je considère personnellement qu’on ne peut pas distinguer, de manière tranchée et radicale, la violence dans la société et la violence dans le football. La violence dans la société et la violence dans le football entretiennent à l’évidence des relations étroites. Il y a donc, dans cette question, deux aspects à considérer. En premier lieu, un aspect synchronique et systémique qui consiste à se demander « qui a commencé ? » ou bien « où est-ce que ça a commencé ? » ; ici la question est donc bien de savoir si la violence va de la société vers les stades ou si elle emprunte la direction contraire. En second lieu, un aspect diachronique qui est celui de l’origine du mythe de l’innocence originelle du football par opposition au mythe de sa violence intrinsèque, qui le poursuit depuis le Moyen âge ou même depuis les Aztèques chez qui, on le sait bien, taper dans une balle c’était d’une certaine manière à la fois se hisser à la hauteur du dieu soleil et s’offrir à la décapitation triomphale en cas de défaite.

Est-ce à dire que vous n’êtes pas à l’aise avec cette classification des supporters calée sur un gradient de violence ?

On peut dire cela et je vais illustrer mon propos sur la question de l’insécurité sémantique et définitionnelle de la violence des supporters à l’aide de modestes anecdotes personnelles si vous le permettez. Je me trouvais récemment à Neuchâtel pour assister au match qui opposait « mon » équipe, Neuchâtel Xamax, à l’équipe des Young Boys de Berne (je suis moi- même originaire du canton de Berne, mais cela ne se voit ni ne s’entend). J’étais avec ma femme, tout près du « kop » bernois, puisque j’avais envie qu’elle voie de plus près cette ambiance. Nous nous sommes trouvés en fait au milieu d’une majorité de supporters des YB de Berne. Lorsque Neuchâtel Xamax a marqué un but, je me suis levé pour applaudir et je me suis retourné pour saluer les supporters bernois, de façon provocante sans aucun doute, mais sans violence bien sûr. La réaction ne s’est pas fait attendre, purement verbale heureusement, mais très hostile. Une autre fois, dans une situation analogue, j’ai reçu des jets de bière dans le dos. En Angleterre, pays que je connais bien, dans lequel j’ai habité, travaillé et officié comme pasteur, une telle chose n’arrive pas. En Angleterre, on ne jette pas de bière à la figure de l’autre au motif qu’il a applaudi au but de l’équipe qu’il soutient.

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33 En revanche le kop des Young Boys (comme bien d’autres naturellement) est tout à fait redoutable, ses supporters ont l’habitude de siffler l’adversaire, ils couvrent l’adversaire d’insultes quand un joueur de l’équipe adverse sort sur une civière… Je vous raconte cela pour illustrer la complexité du problème et des définitions de la violence. Il y a des situations où certains supporters décident qu’ils sont chez eux, alors tout applaudissement en faveur de l’équipe adverse devient une déclaration de guerre. La question se pose alors de savoir si un supporter qui applaudit aux actions de son équipe provoque de ce fait les autres supporters, ce qui pourrait inciter à penser qu’un supporter est violent dès lors qu’il applaudit énergiquement son équipe favorite. Autres questions essentielles : où commence vraiment la violence ? La violence verbale est-elle déjà de la violence ? Ma femme, en tous les cas, affirme que j’ai déjà eu un comportement violent en provoquant les supporters bernois…

J’ai donc tendance à penser qu’il y a, chez chaque véritable supporter, une violence potentielle qui peut toujours éclater. Remarquez que c’est donc une thèse quasiment théologique sur le péché et la grâce que je défends ici entre les lignes : s’il est vrai que sommes tous pécheurs, il n’y a dès lors pas, d’un côté, les bons et de l’autre côté les méchants. En revanche, chacun de nous, et donc chaque supporter (pris individuellement ou en groupe) peut déraper dans la violence. Les mesures policières, si nécessaires soient-elles, ne suffisent évidemment pas à juguler une telle potentialité.

À vous entendre, nous toucherions alors ici au thème d’une nature humaine imparfaite ? Demeure quand même que tous les supporters, fussent-ils très engagés, ne manifestent pas tous la même inclinaison à la violence.

Sans doute. Mais je ne suis pas sûr de pouvoir répondre à cette question de manière précise, dans la mesure où je me considère juste comme un observateur impliqué et en aucune manière comme un expert de la question. Je peux là encore livrer des anecdotes et vous dire ce que je pense. Ainsi, l’année passée, alors que je traversais la ville de Sion au volant de ma voiture pour me rendre au match, nous nous sommes trouvés, ma femme et moi, bloqués par des supporters neuchâtelois. Notre voiture portait pourtant des plaques d’immatriculation neuchâteloise, mais nous avons néanmoins ressenti un moment de grande tension. Lorsque l’on tombe sur des supporters excités, même s’ils sont de sa propre équipe, on ne sait plus très bien s’ils sont d’authentiques supporters de football, aimant sincèrement leur équipe, où s’ils viennent pour casser tout ce qui fait obstacle à leur progression. Dans le stade, plutôt que d’encourager leur équipe, ils préfèrent manifester un comportement agressif et violent à l’égard de leurs adversaires. Je trouve cela regrettable, mais en même temps il y a ici quelque chose de profondément humain et, sans doute, de très universel.

Vous évoquez, à travers ces exemples et votre expérience, des faits qui évoquent des situations dans lesquelles les individus semblent plutôt réagir qu’agir face à des stimuli qu’ils perçoivent comme des agressions. Mais que faites-vous d’une violence dont on sait qu’elle est le plus souvent collective, organisée et préméditée, quand elle n’est pas tout simplement l’objet de stratégies qui se déploient indépendamment des événements du jeu lui-même ?

Je ne l’ignore pas. Il me semble que, du point de vue de l’éthique, la distinction entre le groupe et l’individu n’est pas totalement pertinente. L’éthique ne se distingue pas seulement entre éthique normative et éthique descriptive, elle distingue aussi différents plans : éthique individuelle, éthique interindividuelle et éthique sociale, économique et politique. Par rapport à mon expérience, et pour y voir plus clair dans ces attitudes, je considère qu’il faut

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34 privilégier un modèle systémique et interactif qui permet de relier ces trois dimensions.

Ainsi, et en revenant à la première anecdote, on peut voir toute la complexité de la situation.

Lorsque je soutiens mon équipe, en supporter excité et provocant, j’ai aussi à côté de moi des supporters bernois, dont des enfants, avec lesquels j’ai fort heureusement un comportement tout à fait amical. Derrière moi, il y a des idiots qui me jettent de la bière et devant moi des jeunes hommes qui portent des bombers et ont le crâne rasé. Ceux-là se mettent debout et refusent de s’asseoir quand on le leur demande. Ce que je veux dire alors c’est que, en pareil cas, on est dans quelque chose de systémique, dans quelque chose de complexe et d’imbriqué, dans une véritable situation microsociale où des supporters forment, pour un temps, une société provisoire. Il y a donc des éléments de socialité dans ces moments d’action, mais la complexité de la situation et des interactions fait que l’on n’a pas le recul critique qui nous permet de pouvoir analyser sociologiquement ce groupe de supporters, d’où ils viennent et pourquoi tous ne se comportent pas de la même manière. En même temps, je suis obligé de constater que les policiers en charge de la sécurité sont plus préoccupés par la protection des joueurs sur le terrain que par les rixes qui peuvent à tout moment se déclencher entre les supporters. En un sens, c’est bien : on nous fait confiance comme citoyens, on postule que nous allons savoir garder notre calme et faire preuve de civilité et de fair play. Notez que je parle d’une situation dans un petit stade de 12000 places, où la séparation des supporters n’est pas absolument étanche. Dans des matches internationaux à plus haut risque, les responsables de la sécurité vont jusqu’à établir des zones franches entre les supporters, afin d’éviter tout contact entre les deux camps. Mais le problème, on le sait, se retrouve en amont en aval, autour des stades et dans les gares notamment.

Ces comportements de violence dans les tribunes renvoient pour partie aussi à des questions d’expressions virilistes. Sur le terrain de jeu aussi d’ailleurs, avec cette habitude prise par un nombre croissant de joueurs qui retirent leur maillot lorsqu’ils ont marqué un but.

C’est vrai qu’il y sans doute ici matière à réflexion. A l’évidence, certaines choses se sont accélérées, mais je crois que ce n’est qu’une pièce du puzzle. Bien d’autres domaines de la vie sociale sont touchés par un débordement et par un affichage de la sexualité. C’est indéniable qu’il y a, pour paraphraser l’écrivain Michel Houellebecq, une extension du champ de la violence et de l’indécence.

Dans cette perspective, est-il alors possible d’envisager le supportérisme violent dans les termes d’une rupture, d’une licence, d’un relâchement de certains verrous ? Un exemple probant pourrait être celui des trains : on facilite le transport des supporters à l’aide de trains spéciaux, lesquels sont systématiquement vandalisés par les supporters.

Il y a ici un problème général, pas seulement de licence parce que je réserve cette notion au domaine sexuel, en sachant bien sûr que la pornographie est autant de la licence que de la violence. On constate de fait une libéralisation des mœurs mais aussi une incivilité structurelle en croissance importante. On doit alors établir une distinction pour se demander ce qui, dans le football, est globalement social et ce qui est spécifique au football et aux sports collectifs. Je pense qu’il y a plus de violence dans les sports collectifs que dans les sports individuels, par nature en quelque sorte. D’ailleurs, même un sport violent comme la boxe ne semble pas connaître cette violence dans les gradins.

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35 Quelle est alors la part de ce qui est social dans la violence qui accompagne le football et quelle est la part qui lui appartient en propre ?

La thèse que je défends me paraît pouvoir être formulée ainsi : le football, d’un point de vue anthropologique, est par définition un sport non violent puisque le contact physique illicite y est interdit, selon une subtile déclinaison des règles codifiées dans les 17 lois du jeu. En tant que moyen, le football est quasiment un art d’évitement de la violence. D’un autre côté, le football obéit aussi à des pulsions de victoire, il faut gagner, il faut « tuer » l’équipe adverse… Autrement dit, le football sécrète de la violence dans l’exacte mesure où il est un art d’évitement de la violence, dans la mesure où il relève de ce que Roger Caillois nommait la « mimicry », mais une mimicry conjugué avec l’agôn : le football relève en quelque sorte du simulacre agonistique qui suscite, au niveau de l’individu mais aussi des foules, un sentiment de catharsis.

La référence à la catharsis est très largement répandue chez les sociologues du sport aujourd’hui. Est-elle pertinente et ne donne-t-elle pas une image caricaturale de l’être humain et de son économie psychique ?

Je crois que c’est un élément d’explication pertinent à condition de ne pas l’isoler et de bien le comprendre. Il est sûr que si on prend pour exemple les villes anglaises, qui ont en général un taux de violence sociale élevé, dans lesquelles on consomme beaucoup d’alcool et dans lesquelles la mondialisation de l’économie a eu des effets brutaux, la théorie de la catharsis marche assez bien. Peut-être même que la violence verbale dans les stades entre supporters de Manchester, par exemple, a permis d’éviter des affrontements plus graves dans les rues.

Cela dit, la catharsis ne signifie pas la sortie naïve hors de toute violence sociétale.

Si vraiment les sports collectifs constituaient un exutoire systématique et parfait, cela ne permettrait pas de comprendre la permanence des incivilités et des violences dans la société.

Les explications mono-causales, en éthique comme en sociologie, sont toujours affectées de candeur, mais je note que c’est aussi le cas chez les théoriciens de l’homo oeconomicus prétendument rationnel. Pour ma part, j’ai une idée plus holistique de l’être humain. S’il y a une part de vérité dans la théorie de la catharsis il y en a aussi une dans les théories marxistes d’aujourd’hui qui associent le football à une institution capitaliste faite d’exploitation et de violence.

Les attitudes des clubs de football et, plus largement des institutions sportives, face à ces problèmes conduisent à poser la question suivante : sont-ils des acteurs éthiques qui défendent des points de vue éthiques ?

C’est vrai qu’il y a une lourde responsabilité des clubs. On peut s’interroger par exemple au sujet des connivences qui lient les propriétaires de clubs et les clubs de fans, au nom des intérêts du club et d’objectifs uniquement commerciaux et financiers. Il y a souvent ici de la tolérance et de la mansuétude qui ne sont pas acceptables. Je dirai même que le laxisme des clubs au niveau éthique et normatif est scandaleux. Mais il ne faut pas perdre de vue qu’il y a aussi des intérêts communs, dont certains sont positifs et légitimes. Les clubs et les propriétaires ont besoin des supporters, il leur faut du monde et de l’ambiance dans les gradins. Je crois aussi que les institutions ont petit à petit perdu le pouvoir de domestiquer leurs troupes et bien des clubs n’ont probablement plus la maîtrise de leur public.

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36 Des institutions débordées par leur public, des institutions qui, comme le dit le sociologue François Dubet, peinent à imposer un « programme institutionnel » ; le diagnostic ne déborde-t-il pas du football ?

Sans doute, oui. On peut faire l’hypothèse que notre méta-modernité a pour trait caractéristique cette espèce de déconstruction généralisée dans laquelle on ne voit plus émerger de groupes, de collectifs ou d’instances de référence en mesure d’énoncer un discours unificateur, au double sens de rassembleur et de sécurisant. Les entraîneurs eux- mêmes d’ailleurs ont probablement perdu ce pouvoir. Aussi ne faut-il pas s’étonner si, comme on vient de le voir en Suisse, un arbitre de renommée internationale, dans un petit stade favorisant une proximité extrême, en vient à adresser un doigt d’honneur aux supporters qui l’insultent pendant tout un match par des invectives sexistes. La question est d’abord celle de l’attitude des supporters, et pas tellement celle de savoir si un arbitre peut, parfois, déraper.

Qu’en est-il alors de l’éthique sportive ?

Il serait bien sûr erroné de dire que tous les clubs défendent une éthique sportive, puisque ce n’est manifestement pas le cas. Il faut dénoncer par ailleurs une tendance à l’instrumentalisation de l’éthique dans l’institution sportive, comme c’est aussi le cas dans les banques ou dans les entreprises. Disons qu’en général, il y a un manque de conscience quant au devoir éthique des clubs et une pesée pas toujours bien résolue entre une éthique nécessaire pour amener à de bons comportements et l’exigence impérative de gagner. Les premières victimes en sont les entraîneurs, limogés sans intelligence après une série de défaites. Le fait qu’ils soient grassement payés semble justifier une telle politique à court terme, mais les clubs doivent sortir de cette logique managériale néo-capitaliste et brutale pour opérer de profondes réformes de leur structure et de leur planification à moyen et à long terme. Cela suppose aussi l’existence d’une politique de la formation et de la relève. On le voit : les problèmes éthiques des clubs de football ne sont pas bien différents de ceux de la société dans son ensemble. Cela confirme me semble-t-il la thèse selon laquelle éthique sportive, éthique médicale (pour les questions de dopage par exemple), éthique économique et éthique sociale forment une boucle systémique.

Une brève sélection bibliographique des travaux de Denis Müller Müller, D. (2006). Le football comme miroir. Etudes, 617-626.

Müller, D. (2008). Le football, ses dieux et ses démons. Menaces et atouts d’un jeu déréglé.

Genève, Labor et Fides.

Müller, D., Causse, J.-D. (dir) (2009). Introduction à l’éthique. Penser, croire, agir. Genève, Labor et Fides.

Références

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