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La conscience disciplinaire des futurs enseignants spécialistes de la physique ou du français: construction et/ou déconstruction en formation initiale?

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La conscience disciplinaire des futurs enseignants spécialistes de la physique ou du français: construction et/ou déconstruction en

formation initiale?

MONNIER-SILVA, Anne Catherine, WEISS, Laura

Abstract

Ce chapitre s'intéresse à la construction de l'identité professionnelle des enseignants de français et en physique au secondaire. A partir d'un triple cadrage théorique portant sur les concepts de discipline scolaire, de conscience disciplinaire et d'identité professionnelle, cette recherche analyse deux types de données : les réponses à un questionnaire passé à deux groupes de stagiaires, l'un de français, l'autre de physique, ainsi que les narrations que ces derniers ont rédigées dans le cadre de la formation autour d'un dilemme professionnel vécu sur le terrain. Les résultats montrent que l'appropriation des logiques internes de sa discipline d'enseignement ne peut se faire que par la mise en arrière-plan de sa discipline académique, et que cette appropriation est favorisée par des dispositifs de formation centrés sur une forte articulation théorie-pratique.

MONNIER-SILVA, Anne Catherine, WEISS, Laura. La conscience disciplinaire des futurs enseignants spécialistes de la physique ou du français: construction et/ou déconstruction en formation initiale? In: Enseignement et formation: éclairages de la didactique comparée . Toulouse : Presses universitaires du Midi, 2019. p. 187-202

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:127881

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Collection QUESTIONS D'ÉDUCATION Sous la di·ection de Jean-François MARCEL

Le formidable développement contemporain des sciences humaines et sociales et l'importance croissante de l'éducation dans la vie des hommes sont à l'origine de travaux de recherche que QuESTIONS o'eoUCATION se propose de présenter aux étudiants, enseignants, formateurs et chercheurs qui œuvrent en éducation. Passerelle entre recherche et action, cette collection s'intéresse â tous les domaines de l'éducation, avec pour exigences l'originalité de l'information proposée et la rigueur scientifique.

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Théorie/Pratique? Dépasser les clivages dans l'enseignement musical Odile TRIPIER-MONDANCIN, Philippe CANGUILHEM (dir.)

La Classe : hier, aujourd'hui et demain ? Philippe VEYRUNES

Programmes et disciplines scolaires. Quelles reconfigurations curriculaires ? Christine VERGNOLLE MAINAR, Odile TRIPIER-MONDANCIN (dir.) Sur le chemin des textes. Comment s'approprier l'écrit de l'enfance à l'âge adulte

Catherine FRIER

Le système éducatif à l'heure de la société de la connaissance Martine BOUDET, Florence SAINT-LUC (dir.)

Savoir et savoir enseigner le territoire Jean-François Thémines Activité humaine et conceptualisation

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L'enseignement de la lecture au Japon Christian Galan

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L'entrée dans l'écrit Jacques Fijalkow (dir.)

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ENSEIGNEMENT ET FORMATION:

ÉCLAIRAGES

DE LA DIDACTIQUE , COMPAREE

Ingrid Verscheure, Mylène Ducrey Monnier, Lionel Pelissier (dir.)

Ouvrage réalisé avec le soutien du laboratoire EFTS (Éducation, formation, travail, savoirs)

PRESSES UNIVERSITAIRES DU MIDI

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i86 Enseignement et formation : éclairages de la didactique comparée

élèves 11 organise leur activité alors même qu'ils n'ont pas identifié les conduites de leurs élèves.

Il nous semble par conséquent important que les stagiaires apprennent non seulement à interpréter l'activité des élèves à partir d'indices pertinents, mais a.~ssi à se défair~

de ce sentiment d'urgence et d'obligation à conseiller. Il faut donc qu ils apprennent a regarder pour voir, et donc à prendre le temps d'observer.

Implications pratiques

De façon plus concrète, il nous paraît utile pour développer la<< vision profession- nelle 11 des stagiaires, d'organiser des vision nages de pratiques d'enseignants débutants en début de formation. La confrontation aux 11 difficultés typiques » des enseignants débutants permet en effet de rassurer les stagiaires dans la mesure où ils prennent conscience qu'il s'agit de passages incontournables 41, mais surtout, ces moments de visionnage leur donnent l'occasion de conceptualiser leur activité et de discuter avec d'autres, de nouvelles façons de faire, de nouvelles façons d'observer et d'interpréter l'activité des élèves notamment.

Cela ne suffit pas cependant. Il est nécessaire également d'utiliser les vidéos pour amener les stagiaires à centrer le regard sur l'activité des élèves et sur la manière dont ils apprennent. Il s'avère en effet que, même si la « vision professionnelle 11 est ~ien

plus complexe en temps réel, c'est-à-dire sous contrainte temporelle, elle semble etre avantageusement développée dans ce type de dispositif de formation 42

41. Leblanc, 2012.

42. Sherin et Van Es, 2009.

La conscience disciplinaire des futurs enseignants spécialistes

de la physique ou du français : construction et/ou déconstruction

en for· mation initiale ?

Anne Monnier et Laura Weiss

Introduction

Parmi les croyances présentes dans les discours sur la formation des enseignants 1 du secondaire, il en est une largement répandue dans la sphère sociale, mais aussi parfois scolaire: plus l'âge et le niveau cognitif des élèves augmentent. plus les connaissances et les compétences de l'enseignant dans la discipline académique doivent être impor- tantes. Inversement, plus l'âge et le niveau des élèves diminuent, plus des connais- sances et des compétences pédagogiques deviennent essentielles, dans un modèle de vases communicants où les unes remplacent progressivement les autres.

En tant que formatrices-chercheuses en charge respectivement des séminaires de didactique du français et de la physique destinés aux futurs enseignants de ces disci- plines pour l'enseignement secondaire, nous constatons que cette croyance, présente chez un certain nombre d'étudiants à l'entrée en formation, est ébranlée dès les pre- miers contacts avec. le terrain. Ceux-ci réalisent en effet qu'il ne suffit pas d'avoir une maîtrise de la discipline académique pour enseigner le français ou la physique au secondaire, dans la mesure où les savoirs à enseigner ne correspondent pas forcément exactement aux savoirs qu'ils ont acquis dans le cadre de leur formation universitaire.

Ils se rendent ainsi compte que la discipline scolaire français ou physique possède ses savoirs propres, et une logique interne.

1. Le masculin est ici utilisé de façon générique.

(4)

lèSèS tnse1gnement et tormation : éclairages de la didactique comparée Cette prise de conscience ne se fait néanmoins pas toujours facilement et constitue une véritable épreuve qui relève de ce que Barrère 2 a appelé le a deuil de la discipline».

Comme tout travailleur, l'enseignant vit en effet des « épreuves subjectives» dans l'exercice de sa profession, qui sont le 'fruit d'un bilan individuel concernant la manière de s'acquitter de ses tâches au quotidien sur le terrain. Partant de ces constats, on peut se demander d'abord si, loin d'être un obstacle à l'entrée dans le métier, le deuil de la discipline académique ne participerait pas, et ce de façon même importante, à la construction de l'identité professionnelle enseignante ; ensuite, si cette construêtion pourrait être favorisée en formation par des dispositifs centrés sur une articulation théorie-pratique.

Dans cette contribution, nous commençons par clarifier les concepts de disci- pline scolaire, de conscience disciplinai ré et d'identité professionnelle. À partir de ces clarifications, nous précisons nos questions de recherche, puis présentons le dispo- sitif de formation mis en place dans les séminaires de didactique du français e.t de la physique, sur lequel s'ancre le dispositif de recherche. Nous présentons ensuite les résultats marquants pour les deux disciplines scolaires dans une perspective comparée, afin de mettre en évidence si des spécificités se dessinent en fonction des deux disci- plines. Nous concluons par une réflexion sur la spécificité éventuelle de la conscience disciplinaire du côté de l'enseignant par rapport à celle de l'élève.

Clarifications conceptuelles

Discipline scolaire

Abordées sous l'angle de la transposition didactique, les disciplines scolaires ne sont pas, pour reprendre l'expression d'Audigier, « des enfants plus ou _moins bâtards des sciences éponymes, mais des constructions propres à l'école fondées sur des contenus et une organisation spécifique 3 ».Toutes les disciplines d'enseignement apparaissent en effet comme le résultat de redécoupages de champs distincts de la pratique scientifique, dans la mesure où chaque discipline emprunte à divers champs de savoir des thèmes. des concepts, des objets et des références.

De ce point de vue, la physique et le français sont dans un rapport différent avec leurs disciplines de référence. En effet, la physique enseignée peut être considérée comme une transposition, même si peu directe, de la discipline universitaire, alors que le français comprend des savoirs issus de plusieurs disciplines académiques, ainsi que des pratiques sociales. Qui plus

est.

elles n'ont pas le même statut'étans le cu~sus scolaire : si le français est présent sur l'ensemble du cursus scolaire d'un élève, la physique n'existe comme discipline qu'à partir du secondaire et s'inscrit avant tout dans des cursus scientifiques.

2. Barrère, 2002.

3. Audigier, 2006, p. 2.

La conscience a1sc1p11na1re aes tuturs enseignants ...

Cependant, en fonction d'une part des contextes, d'autre part des niveaux d'enseigne- ment on assiste à des recompositions de la discipline autour d'objets d'enseignement qui ne trouvent leur pendant, ni dans le degré précédent, ni dans le degré qui suit.

Ainsi, en Suisse romande 4, la séparation entre physique, chimie et biologie est un découpage qui apparaît dans les curriculums dès le secondaire, à différents degrés scolaires selon les cantons, mais qui n'existe pas en tant que tel au primaire où les sciences de la nature sont regroupées dans une seule discipline. Quant à la discipline français, elle désigne quelque chose de.relativement différent entre le secondaire 1

(élèves de 12 à 15 ans), où elle englobe la compréhension et la production de textes variés à l'oral et à l'écrit, le fonctionnement de la langue et l'accès à la littérature, et le secondaire Il (élèves de 15 à 19 an~), où elle tend à se réduire à l'enseignement de la littérature, même s'il y a continuité entre les différents ordres. D'où les questionnements, voire les plaidoyers 5 de certains didacticiens du français autour de l'unité de celle-ci : ensemble codisciplinaire 6? Français et littérature : une ou plusieurs ~isciplines 7? Enfin, si une discipline e~t d'abord fondée sur des contenus, elle implique également des principes d'organisation et des règles de conduite par rapport à la mise en œuvre de ces contenus. Ces principes et ces règles se concrétisent dans une pratique

disci- plinée

d'exercices caractéristiques et ordonnés selon une progression en fonction des degrés scolaires, qui donnent leur forme aux activités scolaires, mais aussi ~ l'évalua- tion de celles-ci 8

Conscience disciplinaire

Du latin

conscientia

qui désigne la «connaissance partagée avec un autre», la conscience en tant que concept est développée au xv11• siècle notamment par Descartes qui, dans le

Discours de la méthode,

en fait le socle de la connaissance: dans la mesure où elle est la seule réalité qui a résisté au doute méthodique, elle peut donc servir de fondement sur lequel s'édifierait l'ensemble du savoir. Au sens psychologique, la conscience désigne la connaissance, l'intuition ou le sentiment-qu'un sujet possède de lui-même, de ses états d'âme et de ses actes. Au sens moral, le concept désigne la capacité de formuler des jugements moraux sur le bien et le mal. Dans ces deux dernières acceptions cependant, la conscience englobe l'appréhension subjective de nos expériences et la perception objective de la réalité.

C'est Reuter qui, associant le concept de conscience à celui de discipline, a développé l'expression 11 conscience disciplinaire» pour désigner, dans le champ didactique, la

4. Nous nous basons ici sur le plan d'études romand (PER) qui couvre l'ensemble de la scolarité obligatoire en Suisse romande, soit les cycles 1 et 2 qui couvrent le primaire et le cycle 3 qui couvre les troi5 ans du cycle d'orientation (qui correspond au collège en France).

5. Schneuwly, 2004.

6. Bernié, 2004.

7. Daunay, 2010.

8. Alpe, 2002.

(5)

t.nse1gnemem et rormat1on: ec1a1rages ae 1a 01aact1gue comµaree

manière dont les acteurs scolaires, en premier lieu, les sujets didactiques - élèves mais aussi enseignants - reconstruisent telle ou telle discipline 9

Attribuée à l'élève, la conscience disciplinaire s'articule pour Reuter au« sujet didactique, dans le sens où [elle] participe à la définition et à la constitution de ce sujet, par la manière dont l'élève devient ou non, de manière plus ou moins pertinente et plus ou moins consciente, un apprenant disciplinaire 10 ».Reuter 11 montre en effet qu'au fur et à mesure de leur parcours scolaire les élèves acquièrent une conscience disciplinaire des différentes disciplines qui leur sont enseignées. Dans une étude qui concerne les représentations - soit la manière dont les élèves définissent les disciplines scolaires - ici le français, les mathématiques et les sciences, à la fin de l'école primaire, Cohen-Azria, La ha nier-Reuter et Reuter 12 montrent que le repérage disciplinaire dépend d'une pluralité de critères : sous-domaines disciplinaires, contenus appris, mais aussi horaire, salle, matériel, tâches et exercices qui permettraient aux élèves de reconnaître les disciplines scolaires, tout en étant encore ignorants des nouveaux contenus à venir.

Attribuée aux futurs enseignants du secondaire, on pourrait dire par analogie que la conscience disciplinaire participe également à la constitution d'une identité enseignante par la manière dont le futur enseignant devient, de manière plus ou moins consciente, un professionnel, spécialiste de l'enseignement de telle ou telle discipline.

lden~ité professionnelle

La question de l'identité professionnelle, thème de la sociologie du travail, est spéci- fique pour la profession enseignante. Riopel 13 en analyse la construction qui se fait prioritairement sur le terrain. Cette construction commence par une phase d'iden- tification par le biais de l'acquisition de connaissances et compétences communes, et de l'adoption d'un système de normes, codes et manières de faire légitimées par le groupe d'appartenance. Elle se poursuit par une phase d'identisation, où la personne s'affirme comme enseignant, en tant qu'individu, dans son rapport à soi et aux autres.

Pour sa part, Cattonar 14, sur la base d'une large enquête sur le processus d'entrée dans la profession des enseignants du secondaire en Belgique, montre que le choc du terrain entraîne des choix, parfois douloureux (« le. sale boulot versus le vrai métier »), mais que ceux-ci - qui dépendent d'ailleurs fortement du contexte scolaire dans lequel l'enseignant novice débute le métier - sont des étapes nécessaires à la construction d'une identitè professionnelle enseignante.

9. Reuter, 2007.

1 O. Reuter, 2013, p. 13.

11. Reuter, 2007.

12. Cohen-Azria, Lahanier-Reuter et Reuter (dir.), 2013.

13. Riopel, 2006.

14. Cattonar, 2005.

La conscience disciplinaire des futurs enseignants ...

Dans des travaux précédents 15 les auteurs ont mis en évidence que cette construc- tion gagne cependant à être travaillée dès le début de la formation initiale, en parti- culier par le biais de dispositifs centrés sur l'appropriation des savoirs professionnels pluriels et intriqués 16, et qui reposent sur des études de cas laissant une large place aux interactions entre les enseignants en formation et faisant appel à leurs valeurs.

Questions de recherche

Dans cette contribution, nous cherchons à mettre en lumière les représentations des étudiants à propos de leur discipline d'enseignement à l'entrée en formation, l'éven- tuelle évolution de celle-ci au cours de l'année de formation, et les facteurs suscep- tibles d'influencer cette évolution.

D'abord, quels sont les éléments qui participent à la construction d'une conscience disciplinaire« scolaire 11 chez les enseignants novices, spécialistes de leur discipline ? S'agit-il de leur connaissance des savoirs académiques qui surplombent les savoirs sco- laires et leur donnent un recul vis-à-vis de ceux-ci? De l'appropriation de savoirs ins- titutionnels comme les plans d'études et les manuels? De l'intégration des démarches spécifiques à la discipline scolaire? Ou de la confrontation avec l'él~ve épistémique avec son lot de questions et d'erreurs et son niveau de compréhension ?

Ensuite, la constitution de la conscience disciplinaire s'opère-t-elle de la même manière chez de futurs enseignant de français et chez de futurs enseignants de physique?

Autrement dit, dans quelle mesure est-elle dépendante de la discipline enseignée?

Enfin, dans quelle mesure et de quelle manière la construction d'une conscience disci- plinaire participe-t-elle à la construction d'une identité professionnelle d'enseignant du secondaire?

Approche méthodologique

Pour répondre à ces questions, nous menons une recherche comparative avec des étudiants futurs enseignants de français et de physique au secondaire, qui s'ancre sur un dispositif de formation élaboré et expérimenté dans le cadre des séminaires de didactique en formation initiale (en Suisse, nde). Ce dispositif, identique pour les deux groupes disciplinaires (23 étudiants en master spécialisé en enseignement secondaire en physique et 22 étudiants de la formation équivalente en français), comprend les étapes suivantes :

15. Pellanda Dieci, Weiss et Monnier, 2012.

16. Tardif et Lessard, 1999.

(6)

192 Enseignement et formation : éclairages de la didactique comparée

Étape 1

.

Relevé par les formateurs des représentations initiales sur la discipline scolaire à l'aide d'un questionnaire fermé.

.

Analyse avec les étudiants des textes institutionnels (plans d'études, manuels, etc.).

.

Lecture et présentation d'articles par les étudiants sur l'enseignement et la didactique de la discipline.

Étape 2

.

Tâche 1 : narration par les étudiants de cas reposant sur un dilemme professionnel en lien avec l'enseignement du français ou de la physique.

La notion de dilemme est explicitée aux étudiants à l'aide d'exemples. Il ne s'agit pas pour eux de narrer une simple« difficulté n du métier ; le cas doit évoquer une situation dans laquelle le protagoniste se trouve devant un choix entre plusieurs solutions problématiques.

.

Tâche 2 : choix d'un cas et analyse de celui-ci en petits groupes.

Étape 3

.

Bilan du formateur sur les cas et leurs analyses .

Tableau 1 : Le dispositif de formation

Ce dispositif s'appuie ainsi fortement sur le triple enjeu de la tâche de narration en formation d'enseignants, mis en évidence 17Il s'agit en effet:

- d'amener la réalité du terrain et le savoir enseignant dans la formation académique pour tendre vers une approche« ho liste, idiographique et anthropogénique de la formation des enseignants 18 »,qui permet d'articuler savoir enseignant et savoir académique, en prenant conscience de leur différence et de leur complémentarité ; de prendre conscience de ses propres valeurs, croyances et affects dans une situation précise pour

in fine

participer à la construction du sujet enseignant ;

de prendre conscience de l'absence de solutions toutes faites et de l'importance du contexte pour penser le travail enseignant en termes de stratégies contextualisées et incarnées.

Dans le cadre de ce dispositif, nous recueillons les réponses des étudiants au question- naire, leurs narrations, ainsi que les traces 19 des analyses des cas choisis et travaillés en petits groupes.

Le questionnaire est une grille - élaborée par les chercheurs - d'assertions à accepter, rejeter ou ignorer (selon une échelle de Likert à trois niveaux). Les prises de posi- tion des étudiants par rapport à ces assertions sont analysées de façon quantitative, d'abord par discipline, puis de façon comparée, afin de mettre en évidence les points similaires et les spécificités de chaque discipline.

Les narrations, quant à elles, font l'objet d'une analyse qualitative à deux niveaux par les chercheurs. Dans une première étape, les cas sont analysés à l'aide d'une grille comprenant les items suivants: acteurs, thématiques en jeu, rapport à la discipline enseignée (la définition de la discipline telle qu'elle apparaît dans le cas). rapport aux

17. Ma let, 2000.

18. Ma let, 2000, p. 45.

19. Ces traces sont en cours d'analyse et ne sont pas intégrées dans cette contribution.

La conscience disciplinaire des futurs enseignants ... 193

savoirs à enseigner (les savoirs disciplinaires qui interviennent dans le cas), rapport au métier, rapport aux autres acteurs (élève, collègues, institution). types de savoirs convoqués dans le cas, savoirs de référence nécessaires pour résoudre le cas. Dans une deuxième étape, des régularités sont dégagées dans l'ensemble des càs - le recours aux différents savoirs en jeu et leurs interactions, l'apparition concomitante de certains items - qui permet de dégager des éléments de la conception de la profes~ion en tant que spécialiste d'une discipline .

Résultats de· la recherche

Les graphiques (annexes 1 et 2) synthétisent les choix par les étudiants des assertions sur la discipline (par exemple en français<<

apprendre aux élèves

à

communiquer ora- lement et par écrit»,

et en physique«

acquérir une culture scii;ntifique

n) qui mettent en évidence les représentations de la discipline d'enseignement des étudiants de fran- çais et de physique à l'entrée en formation. Les analyses des narrations sont ensuite traitées par mots-clés. Ces seconds résultats, plus qualitatifs, sont mis en rapport avec ceux obtenus à l'aide du questionnaire, afin d'examiner dans quelle mesure ils les précisent, les complètent ou les nuancent.

Les représentations 11

ante»

de la discipline d'enseignement

En français, les finalités de communication de la discipline sont plébiscitées par 1 OO 010 20

des étudiants. La discipline est ensuite définie par trois domaines: l'argumentation, la maîtrise de la langue, ainsi que le développement de la réflexion et l'acquisition de solides connaissances chez les élèves. Les exercices canoniques du français au secondaire (dissertation et explication de texte) sont également largement choisis, alors que la proposition de considérer la littérature comme matière unique du français au secondaire est fortement rejetée. Enfin, l'idée selon laquelle le français est au service de la sélection des meilleurs est très largement refusée. Il apparaît donc qu'à l'entrée en formation, la représentation de la discipline des étudiants se situe dans la ligne des plans d'études actuels du secondaire genevois qui inscrivent le français dans des finalités communicationnelles. Deuxièmement, leurs représentations apparaissent relativement éloignées des recherches en didactique qui consistent à savoir si la discipline français est une ou plurielle 2

1.

ou si la littérature constitue une discipline à elle toute seulè au secondaire supérieur 22 •

En physique, tous les étudiants adhèrent à ((

entraîner

/es

élèves

à

réfléchir (raison- nement et logique)

et à

les initier

à

la démarche scientifique,

et tous sauf un à

faire

20. Nous avons choisi de donner les résultats en pourcentage, malgré le nombre restreint d'ctudiants interrogés dans les deux disciplines, afin de faciliter la comparaison entre les résultats en français et en physique.

21. Bernié, 2004.

22. Daunay, 2010.

(7)

194 Enseignement et formation : éclairages de la didactique comparée

comprendre (en renonçant

à

certains contenus)

» et à «

enseigner aux élèves

à

com- muniquer clairement leurs résultats»,

ce qui met en évidence que leur représentation des finalités de la discipline donne la priorité à l'apprentissage des démarches vis- à-vis des contenus, ces derniers étant même partiellement rejetés (refus des«

solides connaissances en physique, même s'ils

ne

comprennent pas tout»).

Sur un autre plan, les étudiants considèrent que la classe ne peut constituer un mini-groupe de recherche ; en effet. si la plupart ont une expérience de la recherche (ils sont majori- tairement docteurs ès sciences), Ifs imaginent difficilement pouvoir l'adapter au niveau des classes. Or, la recherche en didactique des sciences 23 montre que mettre les élèves en recherche sur des situations-problèmes et les introduire à la démarche d'investiga- tion présente un réel intérêt.

Si les questionnaires sur les représentations de la discipline français et physique sont différents parce que spécifiques, ils permettent néanmoins de dégager quatre conver- gences dans les réponses des étudiants. D'abord, les étudiants définissent leur disci- pline avant tout à travers des compétences et des exercices caractéristiques de l'ensei- gnement de celle-ci au secondaire. Ensuite, dans les deux cas, l'argumentation est vue comme un savoir essentiel. De même, dans les deux cas, ils plébiscitent les objedifs de communication. Enfin, dans les deux disciplines, ils considèrent que le rôle de l'enseignant n'est pas principalement de transmettre un savoir. Cependant, en français, les étudiants se considèrent avant tout comme des médiateurs entre le savoir et l'élève, alors qu'en physique les rôles d'11 entraîneur>> au raisonnement ou d'« initiateur>> à une démarche sont davantage retenus.

Les domaines disciplinaires touchés par les dilemmes des narrations

Nous nous intéressons à présent aux domaines disciplinaires évoqués spontanément par les étudiants dans leurs narrations de dilemmes.

En physique, le dilemme ne découle explicitement de l'enseignement de la physique que dans moins de deux tiers des cas ; en effèt, dans 40 010 des situations, le dilemme concerne surtout un problème de gestion de classe ou de relation avec les collègues et l'institution et pourrait tout aussi bien se dérouler dans une autre discipline. Dans les autres cas, les prêoccupations des futurs enseignants de physique portent d'une part sur les prérequis necessaires aux élèves pour entrer dans l'étude de la physique, ce qui va de pair avec les éventuelles lacunes de ceux-ci en particulier en mathématiques, d'autre part sur les dîfficult~s spécifiques au travail en laboratoire. En ce qui concerne les différents domaines de la discipline, deux chapitres appar<li.ssent de façon pré- pondérante : la « cinématique », l'un des premiers sujets abordés en mécanique -au secondaire 11 et la• matière», thème principal de l'enseignement obligatoire de la physique au secondaire 1 pour tous les élèves de Sui5se romande, comme le montre le graphique 1.

23. Voir parmi de nombreux autres: De Vecchi et Carmona-Magnaldi, 2015; Boilevin, 2013; Venturini et Tiberghien, 2012 ; De Vecchi, 2009 ; Dumas-Carré et Goffard, 1997.

La conscience disciplinaire des tuturs enseignants ...

cinématique 9%

lacunes

mathématiques~-

13%

laboratoire 13%

culture scientifique 9%

matière 4%

disc.ipline prétexte 39%

Graphique 1 : Les domaines disciplinaires présents dans les narratï'ons en physique

195

Contrairement à la physique, en français, 75 D/o des dilemmes décrits dans les narra- tions sont intrinsèquement liés à l'enseignement du français. 30 D/o sont en lien avec l'enseignement de la littérature, 20 O/o avec l'enseignement de la langue, 10 O/o avec l'enseignement de l'argumentation, 10 O/o également avec l'enseigne.ment de la pro- duction de texte et seulement 5 O/o avec la lecture. Dans ces cas, la discipline est donc appréhendée par le biais des contenus, plus que par celui des démarches ou des exer- cices, comme le montre le graphique 2.

Comment expliquer que dans les deux disciplines, les dilemmes mis en évidence dans les narrations ne soient pas tous articulés directement à la discipline, en particulier en physique ? Notre hypothèse est que les représentations des étudiants concernant l'enseignement de leur discipline sur le terrain sont en décalage avec l'organisation de la formation qui établit une séparation entre les didactiques disciplinaires et les approches transversales 24. Pour dire les choses autrement, leurs préoccupations en classe dépasseraient les problématiques didactiques (transposition didactique, analyse

a priori,

etc.) qui sont le noyau dur des séminaires de didactique, alors que ce sont les séminaires d'approches transversales qui traitent par exemple de la gestion de classe, de l'autorité de l'enseignant ou de l'hétérogénéité des classes. Cela est d'ailleurs corroboré par le fait que les thématiques sous-jacentes aux dilemmes des narrations font apparaître, et ce dans les deux disciplines, une tension entre la dimension péda- gogique, plus centrée sur les élèves, et la dimension didactique, focalisée sur le savoir du métier : la présence du 11 sale boulot »

versus

le 11 vrai métier», pour reprendre l'expression de Cattonar 25

24. Nous nous référons ici à la bipartition établie à l'lnstitu.t universitaire de formation des enseignants de Genève pour le secondaire (IUFE, FORENSEC).

25. Cattonar, 2005.

(8)

Enseignement et formation : éclairages de la didactique comparée

production 10%

argumentation 10%

langue 20%

lecture 5%

discipline prétexte 25%

.,... littérature 30%

Graphique 2 : Les domaines disciplinaires présents dans les narrations en français

Des narrations où les thématiques didactiques et pédagogiques font système Pour approfondir cette hypothèse, nous avons recensé toutes les thématiques pré- sentes dans chaque cas et non seulement celles qui touchent directement la discipline.

Dans une démarche tour à tour déductivo-inductive et inductivo-déductive - faisant évoluer la liste des thématiques et son organisation a priori au fur et à mesure de

!'.analyse des cas supplémentaires - les thématiques qui ressortent dans les deux disci- plines sont synthétisées dans le tableau 2 ci-dessous :

Gestion de la Apprentissage Évaluation Choix

classe / d'un didactiques/

élève autonomie

Élève(s) Gestion Difficultés Iniquité versus Prise en corn pte d'un élève d'apprentissage. inégalité de du vécu de problématique

Lacunes dans traitement. l'élève pour /d'un groupe

la discipline, Ce thème les choix classe difficile.

voire dans la joue le rôle didactiques.

Inégalité versus discipline outil de premier iniquité de (mathématiques révélateur traitement pour la des difficultés d'un individu physique). d'apprentissage

par rapport au d'un ou de

groupe. plusieurs élèves.

Violence; mépris, moqueries, bouc émissaire.

Enseignant Autorité : Gestion de Critères et Planification de autoritarisme l'hétérogénéité. barèmes. \'enseignement.

versus manque d'autorité, laxisme.

La conscience disciplinaire des futurs enseignants ... 197

Savoir Sens des Adéquation

apprentissages. de la tâche

par rapport au niv,eau des élèves.

Institution École inclusive. Choix d'un

support d'enseignement dans le cadre de l'école inclusive.

Textes Difficulté Difficulté Autonomie de

institutionnels d'application du d'application du l'enseignant

règlement. règlement. vis-à-vis des

documents institutionnels.

Tableau 2 : Les thématiques présentes dans les narrations

L'analyse des cas par thèmes met cependant en évidence que les thèmes présents dans les dilemmes ne sont jamais traités isolément, mais toujours en lien avec un ou plusieurs autres thèmes.

En français, plusieurs cas traitent de la gestion d'un élève problématique au détriment du groupe classe qui est mise en rapport, d'une part avec les difficultés d'appren- tissage de l'individu et avec celles potentiellement présentes dans le groupe classe, d'autre part avec l'autonomie de l'enseignant vis~à-vis des documents institutionnels.

Par exemple, dans une narration, les moqueries des élèves sont reliées à la question de l'adéquation de la tâche proposée par l'enseignant par rapport aux intérêts et aux difficultés des élèves dans la rédaction et la compréhension de textes littéraires :

Dans le cadre d'une lecture suivie (Des souris et des hommes de Steinbeck) avec une classe de 11' CT (éleves de 15 ans en difficulté scolaire}, Géraldine propose aux élèves de choisir une photo de Dorothea Lange qui témoigne de la misêre et des conditions de travail difficiles des ouvriers agricoles, de Io décrire, avant de faire un lien avec les personnages du roman. Or, ou lieu de prendre au sérieux /'activité, les éléves se mettent à rire et à se moquer des individus pris en photo, créant chez Géraldine, qui a passé beaucoup de temps à concevoir cette activité, un sentiment de colere et de honte [ ... ] 26

Dans une autre narration, l'autonomie de l'enseignant vis-à-vis des textes institution- nels est posée à propos de l'évaluation : peut-on, en tant qu'enseignant. choisir de ne pas appliquer le règlement pour ne pas être responsable d'une possible réorientation d'un élève ?

Christophe, redoublant, est surpris par Jacques en train de tricher lors d'une disserta- tion sur un sujet en lien avec Les Liaisons dangereuses, une œuvre que les élèves ont

26. Extrait de la narration d'un enseignant de français en formation.

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Enseignement et formation : éclairages de la didactique comparée

étudiée en classe durant l'année. Christophe avoue à Jacques qu'il a triché car il 11 ne [s]e sentai[t) pas sûr de [lui) et avai[t] très peur d'échouer~-Quelle réaction adopter face à cette situation dont l'enjeu est important ? Si Jacques applique le règlement, il doit mettre à Christophe la note de 1. Or, cette mesure impliquera pour l'éléve une moyenne insuffisante en français qui risque de mettre fin à son parcours gymnasial (extrait de la narration d'un autre enseignant de français en formation).

Enfin, dans plusieurs narrations, la prise de compte du vécu d'un élève est mise en rapport avec le choix d'un ouvrage: doit-on tenir compte, et si oui dans quelle mesure, du vécu et de la sensibilité des élèves, voire d'un élève, pour choisir un texte littéraire à étudier avec les élèves? Peut-on lire par exemple le Grand Cahier d'Agota Kristof avec des élèves du secondaire qui ne sont pas majeurs?

En physique, on retrouve fréquemment la préoccupation de la gestion d'un élève particulier - malade, aux prises avec des problèmes identitaires, vivant des problèmes familiaux, essayant de sortir d'une spirale d'échec, adoptant une posture agressive, bouc émissaire des camarades, etc. - vis-à-vis de la gestion du groupe classe, avec des situations qui se cristallisent, soit lors de l'évaluation, soit pendant le travail de laboratoire. À propos de l'évaluation, l'enseignant protagoniste de la narration se trouve dans le dilemme d'évaluer pareillement toute la classe ou de prendre en compte la situation spécifique de l'élève particulier : égalité est-elle alors synonyme d'équité ? Au laboratoire, la forme sociale de travail en dyades nécessite la collaboration entre deux élèves qui peut être problématique et amener l'enseignant à devoir intervenir : relève-t-il de son rôle d'enseignant du secondaire de gérer des conflits entre élèves et comment le faire sans risquer de renforcer ces conflits?

Presque aussi important est le souci du choix du niveau et du type d'enseignement face aux difficultés d'apprentissage des élèves :

Convaincu de l'apport de la physique dans la vie de tous les jours, en termes de culture scientifique utile à la compréhension et à la participation aux enjeux de société, Richard, qui entame une nouvelle carrière dans /'enseignement après plusieurs années de recf]erche au CERN, se demande quel serait le contenu de /'enseignement le plus approprié à des élèves qui n'ont pour l'instant pour la plupart d'entre eux qu'une image imprécise de leur devenir professionnel (extrait de la narration d'un enseignant de physique en formation).

L'enseignant doit-il privilégier la préparation à des études scientifiques, qui laisse en arrière une partie de la classe, ou axer les cours sur une culture scientifique, qui serait moins exigeante sur les contenus et sur la mathématisation de la physique, au risque de moins bien préparer les meilleurs?

Enfin, dans plusieurs narrations, des tensions avec des collègues, des problèmes avec les parents interventionnistes ou avec la direction de l'école s'entremêlent aux questions didactiques, faisant apparaître des enseignants novices davantage inquiets des rela- tions avec: les autres acteurs du monde scolaire qu'avec la transposition didactique du savoir avec laquelle ils se présentent comme relativement à l'aise.

La conscience disciplinaire des futurs enseignants ... 199

Comment expliquer que c:es préoccupations d'ordre relationnel soient plus présentes dans les narrations des futurs enseignants de physique que dans celles de leurs collègues de français ? Selon nous, cette différence est à attribuer, moins au.x caractéristiques différentes des disciplines enseignées, qu'au parcours académique et professionnel antérieur des deux groupes : alors que les futurs enseignants de français entrent pour la plupart en formation directement après leur master en français, les futurs ens-eignants de physique ont majoritairement un doctorat et ont travaillé auparavant en tant que physiciens. Ainsi, alors que les étudiants venant d'achever leur master dis- ciplinaire et n'ayant pas d'expérience professionnelle antérieure, seraient davantage centrés sur les élèves, ceux qui ont au préalable suivi un cursus académique poussé, et/ou qui ont exercé une autré activité professionnelle avant d'entrer dans l'enseigne- ment, seraient davantage préoccupés par les relations avec leurs collègues et avec les parents d'élèves. Comment expliquer cela ? Sans qu'on puisse répondre à cette ques- tion, il nous semble qu'on a là un indice qui permettrait d'induire que la construction de l'identité professionnelle enseignante ne peut être séparée des expériences scolaires et/ou professionnelles les plus proches avant l'entrée dans le métier.

Au-delà de cette différence, l'intrication de thématiques didactiques et pédagogiques met en évidence une conception de la discipline qui s'élabore, dans les deux groupes, en lien avec l'apprentissage du métier et la construction progressivè d'une identité professionnelle. Celle-ci se constitue aussi par l'intégration d'une pluralité de savoirs professionnels qu'on peut classer, selon une catégorisation classique, en savoirs à ensei- gner et en savoirs pour enseigner. Parmi les savoirs à enseigner, on relève, et ce dans les deux disciplines, une préoccupation autour des contenus, desexerciceset des démarches dans des domaines disciplinaires particuliers. Parmi les savoirs pour enseigner, les dilemmes, dans les deux groupes d'étudiants, portent avant tout sur les questions de planification, de choix et de gestion des tâches, de gestion de l'hétérogénéité et d'évaluation en lien avec l'orientation/sélection des élèves.

Corollaire.ment, ces narrations laissent ainsi transparaître une identité professionnelle en construction : quelle serait la posture la plus adéquate dans ces situations complexes qui ne peuvent être résolues par des solutions données a priori? Quel regard adopter vis-â-vis d'élèves qui, dans ces cas, ne sont plus l'élève générique, mais des élèves bien réels avec leur liberté d'action? Comment se situer en tant que professionnel ayant ses propres valeurs, tout en étant membre d'un groupe professionnel régi par des règles et des valeurs communes, en partie inscrites dans les règlements et la loi, mais aussi en partie implicites, et qu'il faut apprendre à décoder?

Conclusion

Ces questionnements, sous-jacents dans les narrations produites en cours d'année, montrent ainsi l'évolution du regard des étudiants sur leur discipline et sur le métier d'enseignant par rapport aux représentations premières, inférées par les questionnaires

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200 Enseignement et formation : éclairages de la didactique comparée

du début de la formation. En effet, même si une part du manque de nuances peut être attribuée au format du questionnaire, /'unanimité des acceptations et des refus de certaines assertions met en évidence qu'en début de formation les étudiants sont plus catégoriques sur un certain nombre de thèmes. Les narrations, qui interviennent après une expérience de plusieurs mois sur le terrain, leur permettent au contraire de mettre en mots des situations vécues, qui sont encore peu prises en compte par la recherche en didactique, tout en constituant un champ de possibles pertinent pour celle-ci.

Il apparaît ensuite que la construction en formation d'une identité professionnelle enseignante chez des étudiants futurs enseignants spécialistes d'une discipline se fait à travers l'intégration de savoirs et d'outils professionnels. En particulier, les futurs ensei- gnants se reconstruisent progressivement une conscience disciplinaire, en reconfigu- rant leur rapport au savoir disciplinaire par le biais de la transposition didactique, mais également à travers l'intégration de valeurs collectives qui touchent la posture ensei- gnante. Ainsi, la reconstruction d'une conscience de la discipline d'enseignement en tant que futur enseignant s'opère sur d'autres bases que chez les élèves. En acquérant les savoirs institutionnels, les savoirs à et pour enseigner de la profession, ils prennent progressivement conscience qu'ils sont les acteurs principaux de l'évolution de leur discipline d'enseignement.

Les résultats de cette recherche découlent de choix méthodologiques sur lesquels il convient de revenir in fine. D'abord, l'étude porte sur un corpus concernant deux dis- ciplines scolaires, et avec un nombre d'étudiants relativement restreint lié aux contrain- tes institutionnelles, ce qui a permis de mener une analyse qualitative dans les deux disciplines venant enrichir l'analyse quantitative. Il pourrait cependant être intéressant d'élargir cette étude à un corpus plus vaste, en intégrant d'autres disciplines scolaires.

Ensuite, /'articulation des deux analyses - quantitative à partir du questionnaire sur les représentations, et qualitative à partir de.s narrations des étudiants - se révèle avoir un intérêt certain. En effet. le croisement de celles-ci assure à cette recherche un double champ de données avec des caractéristiques spécifiques : grâce au questionnaire, les étudiants se sont interrogés sur les différentes facettes de leur discipline d'enseignement (ses finalités, ses objectifs, ses contenus, ses méthodes, etc.) ; à travers les narrations, ils ont pu exprimer leurs préoccupations spontanées, c'est-à-dire non induites par des suggestions des chercheurs. Ainsi, cette recherche pointe tout autant une vision focalisée du métier de ces futurs enseignants que les représentations des étudiants à propos de leur future discipline d'enseignement.

La conscience aisc1p1ina1re aes tuturs enseignants ...

Annexe 1 : Réponses au questionnaire pour la physique (nombre d'étudiants pour chaque assertion, en négatif les rejets)

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202 Enseignement et tormation: éclairages de la d1dact1que comparee

Annexe 2 : Réponses au questionnaire pour le français (nombre d'étudiants pour chaque assertion, en négatif les rejets)

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La question des ressources dans le travail de conception des formateurs

d'enseignants : cadres théoriques et perspectives de recherche

Laurence Leroyer

Introduction

Dans le-système éducatif français, et plus précisément dans le premier degré, exercent des conseillers pédagogiques. Leurs missions se déploient dans trois champs.d'actions: l'accompagnement pédagogique des maîtres et des équipes d'école, la formation initiale et continue des enseignants et la mise en œuvre de la politique éducative 1. Exercer ces missions nécessite des compétences professionnelles spécifiques définies dans le référentiel de compétences professionnelles du formateur de personnels enseignants

er

éducatifs 2Dans ce référentrel, quatre domaines de compétences sont identifiés :

" Penser - Concevoir - Élaborer»,« Mettre en œuvre - Animer•. 11 Accompagner l'indi- vidu et le collectif» et « Observer - Analyser - Évaluer ».

Dans le cadre de la formation continue des enseignants, les conseillers pédag9glques sont amenés à concevoir et mettre en œuvre des u animations pédagogiques • et des stages. Lorsqu'ils réalisent ce travail, la question des ressources se pose

à

eux. D'ailleurs savoir« [ ... ] construire des ressources pédagogiques» est une compétence du domaine

1< penser, concevoir, élaborer ». Comment se pose alors cette question des ressources

lorsqu'ils doivent imaginer et construire des formations à destination des enseignants? Apporter des éléments de réponse à cette question, visant une meilleure connaissance de l'activité de conception du formateur, nous a conduits à préciser notre objet de recherche et à en définir le cadre. Pour ce faire, nous mobilisons des travaux qui

1. MEN, 2015a.

2. MEN, 2015b.

Références

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