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Le plaisir de lire : recherche auprès d'enfants de 11-12 ans

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Le plaisir de lire : recherche auprès d'enfants de 11-12 ans

COMTE, Madeline, RISNES, Ann-Pascale

COMTE, Madeline, RISNES, Ann-Pascale. Le plaisir de lire : recherche auprès d'enfants de 11-12 ans . Genève : Université de Genève Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation, 1986, 96 p.

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:92917

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

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UNIVERSITÉ DE GENÈVE - FACULTÉ DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L'ÉDUCATION Cahiers de la Section des Sciences de l'Education

PRATIQUES ET THÉORIE

Madeline Comte, Ann-Pascale Risnes Préface de Laurence Rieben

LE PLAISIR DE LIRE

Recherche auprès d'enfants de 11-12 ans Série Mémoires de licence

Cahier N

°

45

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UNIVERSITE DE GENEVE

FACULTE DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L'EDUCATION

LE PLAISIR DE LIRE

Recherche auprès d'enfants de 11-12 ans

Madeline Comte et Ann-Pascale Risnes Préface de Laurence Rieben

Cahier No 45

Pour toute correspondance Section des Sciences de l'Education

UN 1 11 1211 - Genève 4 (Suisse)

Décembre 1986

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Edition : Groupe de travail de la section des Sciences de l'Education Préparation, composition, réalisation graphique : Serge Oueloz

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TABLE DES MATIERES

Préface

Première partie: ELABORATION THEORIQUE DU SUJET A. Introduction

B. La place de la lecture dans la société C. Les apports de la lecture

D. Notre perspective

6 8 24 14

Deuxième partie: RECHERCHE AUPRES D'ENFANTS DE 11-12 ANS

A. Procédure de la recherche 28

B. Analyse des résultats du questionnaire

et constitution des sous-groupes L, NL et M 35 C. Analyse des résultats obtenus à l'aide de l'entretien 46

Troisième partie: CONCLUSIONS A. Evaluation des instruments de recueil des données B. Synthèse des résultats

C. Implications pédagogiques Notes

Annexes Bibliographie

72 74 76

80

83

93

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REMERCIEMENTS

Nous tenons à remercier Madame Laurence Rieben pour tout l'intérêt porté à notre travail, ainsi que pour l'aide apportée au travers de ses suggestions quant au plan et au développement de notre sujet.

Nous remercions également Mesdames Linda Allal et Dagmar Hexel pour leur contribution quant à la méthodologie et aux instruments de recherche, et surtout Madame Hexel pour son aide précieuse dans la recherche des résultats scolaires des élèves.

De même, nous sommes reconnaissantes envers les instituteurs des classes de sixième que nous avons visitées, qui nous ont donné de leur temps sur leur programme et la possibilité de venir interroger les enfants à plusieurs reprises.

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PREFACE

Bien que les recherches sur l'apprentissage et surtout sur l'activité de lec­

ture se soient développées dès l'avènement de la psychologie scientifique et foisonnent actuellement (il est possible de recenser plus de 25.000 titres classés sous la rubrique lecture et enseignement dans la base de données ERIC), il n'est pas exagéré d'affirmer que de nombreuses facettes de cette problématique restent encore obscures voire inexplorées. Lorsque Madeline Comte et Ann-Pascale Risnes ont manifesté le désir de faire porter leur mémoire de licence sur le

plaisir de lire,

j'ai accepté ce sujet avec enthou­

siasme en pensant qu'il s'agissait précisément de l'une de ces facettes méconnues et aussi parce qu'aborder le sujet de la lecture sous cet angle positif faisait diversion aux nombreux travaux de chercheurs et d'étudiants qui analysent les difficultés d'apprentissage. Leurs questions étaient fonda­

mentales: elles voulaient comprendre comment naît le plaisir de lire et pourquoi certains enfants manifestent du plaisir dans la lecture alors que d'autres n'apprécient pas cette activité. Plus précisément, lectrices passion­

nées elles-mêmes, le constat que des enfants n'accèdent pas à ce plaisir leur paraissait inadmissible. En retraçant maintenant l'histoire de ce travail au-delà de l'enthousiasme lié au choix du sujet, j'ai le très net sentiment que mon rôle dans l'élaboration de ce mémoire a été essentiellement celui d'un

«rabat-joie» et j'espère que les auteurs me le pardonnent! J'ai en effet sou­

vent préconisé la prudence et la modération, en particulier sur deux plans.

D'abord, j'ai amené Madeline et Ann-Pascale à limiter leurs ambitions concernant la recherche des causes du plaisir de lire. Compte tenu des limites théoriques et méthodologiques dans lesquelles ce mémoire devait être réalisé (il n'était, par exemple, pas question de songer à une approche faisant intervenir un niveau de fonctionnement préconscient ou inconscient ni d'utiliser une méthode longitudinale), il me paraissait hors de portée de prétendre répondre à la question de la genèse et du pourquoi du plaisir ou non-plaisir de lire. Par contre, plus modestement, il était possible de cher­

cher à décrire un certain nombre de caractéristiques présentées par des enfants aimant la lecture, sur le plan individuel et sur celui de leur environ­

nement. C'est ainsi que, du point de vue expérimental, la recherche a consisté à constituer puis à comparer deux groupes d'enfants de 11-12 ans, c'est-à-dire aux termes de la scolarité primaire, dont l'un regroupait des enfants pour qui la lecture représente un de leurs loisirs préférés et l'autre des enfants qui ne lisent jamais ou presque en dehors des exigences que l'école leut· impose.

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Ensuite, je me suis employée à tempérer l'idée que l'environnement devrait viser à l'universalité du plaisir de lire. Il est sans doute difficile d'admettre, si l'on éprouve soi-même beaucoup de plaisir dans la lecture, que d'autres peuvent chercher et trouver leur plaisir ailleurs. Les historiens des sciences de l'éducation montrent que le degré d'exigence de la «culture écrite» que la société impose à travers les programmes scolaires a augmenté; alors qu'il suffisait, il n'y a pas si longtempss, de savoir apposer sa signature pour être considéré comme lettré, il faut maintenant faire preuve d'un niveau de compétence bien supérieur pour être considéré comme ayant satisfait aux objectifs de l'école primaire. Or, des enquêtes entreprises dans de nom­

breux pays montrent que, si ces standards de base sont atteints pour une très forte majorité, ceci ne signifie pas pour autant que cette majorité soit constituée de lecteurs. Les auteurs anglo-saxons ont une terminologie claire pour distinguer ces deux niveaux; ils parlent dans le premier cas de sujets

«formally literate» et dans le second de sujets «functionnally literate». On peut être d'accord pour charger l'école de combler la discrépance qui existe entre ces deux niveaux mais peut-on aller jusqu'il ériger le plaisir de lire au rang d'objectif pédagogique ou faut-il, au contraire, défendre le droit de ne pas aimer lire? Cette question en entraîne d'autres auxquelles des recherches futures devront tenter de répondre: peut-on devenir «function­

nally literate» tout en détestant lire; peut-on, en tant qu'enseignant, favori­

ser le plaisir de lire sans aimer lire soi-même; les enseignants aiment- ils lire ... ? Au fil de nos discussions, la tendance des auteurs du présent ouvrage à privilégier, voire surévaluer le plaisir de lire au profit d'autres activités sco­

laires ou extra-scolaires s'est progressivement nuancée. Toutefois, certaines traces en sont encore perceptibles dans leur position vis-à-vis des bandes dessinées; il reste quelque chose de l'idée que lire des bandes dessinées ce n'est pas vraiment lire ou tout au moins que le «vrai passionné» de lecture est celui qui lit de «vrais» livres.

Ce travail présente de grandes qualités. Il n'est pas très fréquent qu'un mémoire de licence atteigne un tel niveau d'approfondissement: question de temps d'abord, il s'agit en général d'une recherche ne portant que sur deux semestres; question de motivation aussi, l'étudiant ne s'appropriant pas suffisamment son objet d'étude. Ce mémoire est donc exemplaire dans la mesure où il démontre qu'il est possible, dans les limites imparties à un travail destiné à créditation universitaire, de faire de la «vraie recherche». Le cadre conceptuel a été construit après de nombreuses lectures. la réflexion et les démarches liées à la construction des instruments de recherche (questionnaire et interview) n'ont pas été escamotées et les analyses de données ont été entreprises avec beaucoup de rigueur. Enfin, il faut relever l'intérêt de ce travail pour les praticiens. Il est en effet souvent regrettable que les enseignants, parant au plus pressé, ne s'intéressent à un domaine

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d'acquisition que lorsqu'ils sont confrontés directement à son enseigne­

ment; ainsi, il est fréquent de constater que, au-delà de la troisième pri­

maire, ils ne se sentent plus concernés par les problèmes de lecture. Cette recherche, effectuée auprès d'enfants de 11-12 ans terminant leur scolarité primaire, devrait bien sûr apporter des informations précieuses aux ensei­

gnants de sixième mais aussi aux enseignants des petits degrés qui auront l'occasion de savoir comment et dans quelles circonstances lisent des enfants en fin de parcours primaire, et aux enseignants du cycle d'orienta­

tion qui pourront approfondir la connaissance de leurs futurs élèves. Au­

delà de leur ancrage sur le terrain pédagogique genevois, les données des­

criptives fournies par cette recherche devraient intéresser les pédagogues romands à l'heure où il est d'actualité de faire un bilan des effets de l'ensei­

gnement rénové du français.

Cette recherche comporte aussi des limites qu'il ne faut pas passer sous silence. Elle doit être considérée comme exploratoire et, à ce titre, il est pos­

sible de justifier l'inexistence des analyses statistiques: les différences entre les deux groupes, lecteurs et non-lecteurs, n'ont en effet jamais été testées statistiquement. Le lecteur soucieux du respect des règles méthodologiques risque d'en être choqué. Toutefois, compte tenu du petit nombre de sujets (25 lecteurs et 19 non-lecteurs tirés d'un échantillon total de 101 enfants; 12 enfants dans chacun des deux groupes ayant été interviewés individuelle­

ment), il nous semblait pertinent de favoriser la richesse et la profondeur de l'analyse plutôt que de chercher à tout prix à mettre en évidence des diffé­

rences significatives. Les résultats de cette recherche doivent donc être considérés comme des pistes à poursuivre et non pas comme des faits sta­

bles et éprouvés. D'autre part, la méthode des groupes contrastés a ses limites; elle nous a paru appropriée précisément parce qu'il s'agisait d'une étude exploratoire. Toutefois, il est important de mentionner que le groupe intermédiaire composé d'enfants qui ne sont ni des lecteurs passionnés ni des non-lecteurs présente aussi de l'intérêt. C'est la raison pour laquelle, lorsque c'était possible, les analyses ont été effectuées sur les trois groupes.

Enfin, il est important de souligner que l'utilisation de la méthode des groupes extrêmes ne doit pas laisser entendre que ces groupes sont homo­

gènes; les résultats obtenus dans ce travail sont là pour en témoigner.

Parmi les nombreuses pistes de réflexion que ce travail suggère, j'en relève­

rai trois qui m'apparaissent d'une grande pertinence. Les résultats montrent que les enfants-lecteurs aiment la solitude dans des proportions bien supé­

rieures aux non-lecteurs qui préfèrent des activités avec leurs «copains». Si cette caractéristique se révélait être confirmée comme un descripteur stable des sujets aimant lire, comment l'école pourrait-elle en tenir compte et l'articuler avec l'accent qui est mis sur l'apprentissage en situation de groupe et sur la valeur de communication du langage écrit? Le plaisir de lire

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serait-il incompatible avec le caractère social de la vie scolaire malgré la présence des «douillets coins-lecture» aménagés dans les petits degrés? On pourrait aussi utiliser ce résultat pour rappeler que l'école n'est ni seule en cause ni toute-puissante pour développer certaines caractéristiques indivi­

duelles.

Une autre piste intéressante est liée au rôle du milieu familial. On a souvent mis l'accent sur le fait que l'apprentissage de la lecture est facilité quand le milieu familinl de l'enfant est lui- même un milieu de lecteurs et on a décrit les situations où les parents racontent et lisent des histoires à leurs enfants comme une caractéristique de l'environnement favorable à cet apprentis­

sage. Les résultats obtenus ici confirment nettement ce point puisque tous les lecteurs ont entendu des histoires de la part de leur entourage lorsqu'ils étaient plus jeunes alors que cinq seulement des douze non-lecteurs font le même témoignage. Mais ce qui nous paraît plus intéressant, c'est le fait que les différences entre les deux groupes sont encore plus nettes lorsque l'on compare les souvenirs que les enfants gardent de ces moments de lecture.

Les lecteurs s'en souviennent avec précision, chaleur et enthousiasme alors que les non-lecteurs décrivent un vague souvenir qui ne semble pas les tou­

cher beaucoup. C'est donc moins des différences quant à la présence/

absence de certaines expériences de la petite enfance que des différences quant au mode et à l'intensité avec lesquels l'enfant est susceptible d'inté­

grer ces expériences qui seraient relevantes.

Enfin, un dernier résultat doit être mentionné ici; il concerne le lien entre plaisir de lire et degré de maîtrise de la lecture. Comme on peut s'y attendre, peu d'enfants n'aimant pas lire sont évalués comme de bons lecteurs par leur enseignant. Ce qui nous paraît plus intéressant encore, c'est de mettre en relation ce résultat avec le fait qu'une proportion non négligeable de non­

lecteurs souhaiterait avoir beaucoup plus de temps pour lire. Ces résultats montrent à nouveau que le groupe des non-lecteurs est loin d'être homo-

... ..:. ... ... ... 1 ... ... 1 ... : ... ... + ... 1 ... ... 1 ... : .... :- ,.,1,... 1: ... .... + 1 ... ... � ... ... 1 ... ...

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enfants manifestent dans cette activité prennent des formes variées que seul un enseignement différencié peut tenter de prendre en compte.

Comme ces quelques lignes devraient l'avoir montré, ce travail apportera davantage au lecteur soucieux de s'interroger qu'à celui désireux de trouver des réponses. L'origine du plaisir de lire, à l'instar de la plupart des satisfac­

tions humaines, garde encore tout son mystère.

Genève, le 2 septembre

Laurence Rieben

Professeur à la Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation

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Première partie

ELABORATION THEORIQUE DU SUJET

La première partie de ce travail propose une brève introduction à la problé­

matique choisie, suivie d'une réflexion sur la lecture selon deux axes:

une première approche, d'ordre sociologique, étudie la place de la lec­

ture dans la société;

une seconde approche, d'ordre psychologique, étudie les apports de la lecture au développement de la personnalité du lecteur.

En conclusion, de nouvelles perspectives d'étude du sujet seront proposées.

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A. INTRODUCTION

1. Problématique générale

La langue écrite imprègne la vie de notre monde occidental. L'évolution de notre société en a démocratisé l'usage en ouvrant, théoriquement à chacun, l'accès à la lecture et à l'écriture. Laissant de côté la question de l'écriture, nous concentrerons notre travail sur la lecture, et plus précisément sur le plaisir de lire.

L'apprentissage de la lecture dépend en grande partie de l'institution sco­

laire. Cette question a été largement débattue, comme en témoigne l'abon­

dance d'ouvrages écrits par des enseignants. L'attention portée à ce pro­

bléme n'est-elle pas liée au fait que la lecture est la clef de la plupart des autres apprentissages scolaires? La nécessité, pour la réussite scolaire, de savoir lire, expliquerait ainsi pourquoi, au niveau de l'adulte ensuite, manier la langue écrite conditionne souvent aujourd'hui - sera-ce encore vrai dans quelques années? - la réussite professionnelle. Mais lire signifie-t-il seule­

ment savoir lire? Lit-on simplement par nécessité sociale et professionnelle?

Ne trouve-t-on pas en effet des personnes qui lisent par choix, par passion?

Ce plaisir de lire apporte-t-il alors un sens supplémentaire à la lecture? Mais s'agit-il vraiment d'ajouter un sens? Ou s'agit-il peut-être de donner son sens à la lecture?

Quand il existe, comment se manifeste ce goût de lire? Quelles relations s'établissent entre des personnes aimant lire et les livres? Ces personnes représentent-elles une majorité ou une minorité, voire une simple élite de la population?

Si le goût de la lecture est l'apanage d'une fraction de la population seule-

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Serait-ce parce que l'institution familiale n'a pas été un véritable lieu de pré­

paration à la lecture?

Serait-ce plutôt, comme nombre d'ouvrages le laissent entendre, parce que l'école n'a pas réellement su développer le goût de la lecture, en dépit de ses recherches et de ses efforts pour l'intégrer dans la vie quotidienne des enfants? Est-il possible de relier cela à la constatation que la majorité des recherches consacrées à la lecture s'intéressent presque exclusivement au côté mécaniste de celle-ci, en en négligeant les autres?

Serait-ce aussi parce que des techniques nouvelles concurrencent et ten­

dent à supplanter la langue écrite et plus particuliérement le livre en le dépouillant de l'exclusivité de ses fonctions (fonction d'information ou de détente par exemple), bien que, paradoxalement, le livre connaisse, au XXe

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siècle, un essor sans pareil? ( 1 ) Serait-ce enfin, sur un plan plus général, parce que la société se désintéresse de la question et néglige le domaine de la lecture? A-t-elle conscience de lacunes à ce propos? Le livre et la lecture occupent-ils réellement la place qui devrait leur revenir?

Ces questions ne sont nullement exhaustives et essayer d'y répondre nous conduirait, outre les facteurs psychologiques et pédagogiques, à soulever d'immenses problèmes. Il nous faudrait tenir compte de facteurs politiques, philosophiques, sociologiques, économiques, etc ... Une telle recherche dépasserait nos compétences. Aussi, dans le cadre de cette étude, nous avons décidé de concentrer notre effort sur l'étude du plaisir de lire chez des enfants de 1 1 -1 2 ans. Les questions précédentes ne sont toutefois pas inutiles, et nous serons sans doute amenées à leur fournir des réponses par­

tielles.

Nous intéresser au plaisir de lire chez une personne nous conduira à cher­

cher ce que la lecture ainsi vécue lui apporte directement ou indirectement.

La lecture est-elle une activité importante? Le livre joue-t-il un rôle détermi­

nant dans le développement de la personnalité? sur quel plan? Est-il néces­

saire d'aimer lire pour bénéficier des apports positifs de la lecture? Mais alors, d'où vient le goût de lire? Si ce goût de la lecture est une réalité, quels sont les facteurs qui contribuent à le développer?

La majorité des livres que nous avons pu consulter, concernant la lecture, sont des regards d'adultes sur un monde qui leur est étranger : celui de l'enfance. De ce fait, ils laissent peu l'occasion aux enfants d'exprimer leurs idées ou de relater leurs expériences dans ce domaine. Notre objectif sera de rencontrer des enfants qui manifestent des attitudes marquées, soit posi­

tivement, soit négativement, vis-à-vis de la lecture, de dialoguer avec eux, de connaître leurs attitudes et réflexions à son égard. Ne pouvant, ni ne désirant interroger au hasard une multitude d'enfants d'âges et d'horizons divers, nous avons rencontré un groupe précis : des enfants genevois de 1 1 -1 2 ans (2). Pour des raisons pratiques, la recherche se fera dans les classes, sans toutefois se limiter au domaine scolaire. Nous chercherons à savoir comment et pourquoi ces enfants-là sont arrivés à se passionner ou à se désintéresser de la lecture.

La connaissance de quelques-uns de ces facteurs qui ont pu contribuer à développer ou, au contraire, à entraver le goût de lire, permettra-t-elle alors de faire des propositions pour offrir à d'autres l'accès à ce plaisir, afin d'envisager une psychopédagogie de la lecture?

Autant de questions que ce travail se propose d'explorer.

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2. Justifications du choix du sujet

Rappelons, si cela est nécessaire, que dans nos sociétés occidentales, la lecture fait partie - plus ou moins rapidement selon les milieux (3) - de l'univers des enfants pour lesquels apprendre à lire constitue l'accent essen­

tiel des premières années de scolarité obligatoire. Or, les premières années de la vie sont une période capitale où la personnalité se construit. La recherche des incidences de la lecture sur ce développement d'une part, et l'étude de la nature et de l'importance des liens qui se créent <Jinsi avec les livres d'autre part, s'inscrivent donc dans le domaine de la psychologie de l'enfant, qui sous-tend la réflexion pédagogique.

Le nombre de travaux effectués sur le thème de la lecture en manifeste l'importance, mais ces recherches sont loin d'avoir épuisé le sujet. Elles s'intéressent davantage à l'acte de lire (fonctionnement, rapport à l'oralisa­

tion, pré-requis .. ) qu'au goût de lire, et ont tendance à restreindre le sujet a u domaine scolaire. Ainsi, u n travail sur l'importance d u plaisir d e lire e t la recherche de facteurs scolaires et extra-scolaires contribuant à le favoriser est susceptible de fournir des éléments nouveaux.

Plusieurs stages effectués dans le secteur de la petite enfance nous ont inci­

tées à réfléchir davantage aux rôles du livre et de la lecture dans la vie de l'enfant et à l'importance d'aimer lire. Ils nous ont fait prendre conscience de la nécessité d'une politique institutionnelle plus réfléchie à cet égard, plus ouverte à ce qui se passe autour d'elle, et décidée à se donner davan­

tage de moyens pour relever ce défi : créer et entretenir chez les enfants le plaisir de lire.

Enfin - faut-il le préciser? - nous sommes personnellement impliquées dans le choix du sujet parce que nous aimons lire. Un désir plus ou moins conscient de comprendre comment ont pu s'établir ces liens avec les livres a donc aussi, au départ, orienté nos options, tandis que plusieurs événe­

ments venaient, par la suite, corroborer l'r1r.tur1lité du sujet (4)

C'est donc, principalement, la conviction de la pertinence de ce thème pour les sciences de l'éducation, et l'envie d'explorer un terrain encore en friche, qui nous ont poussées à choisir ce sujet et décidées à entreprendre une recherche parmi les enfants.

B. LA PLACE DE LA LECTUR E DANS LA SOCIETE

Traiter notre sujet sans esquisser d'abord la place de la langue écrite au sein de la société dans laquelle nous vivons serait priver notre travail d'un appui, en l'occurrence, d'une meilleure connaissance de la rèalitè en ce qui concerne la relation q uotidienne à l'écrit.

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1. Bref historique de la langue écrite

L'écrit n'a pas toujours eu, dans la société, la place qu'il occupe aujourd'hui.

L'histoire et les coutumes des peuples se sont d'abord transmises principa­

lement par la tradition orale, accessoirement par l'art visuel (cf. les gravures préhistoriques), et ceci jusqu'à environ -4000 ans avant Jésus-Christ. Puis, l'invention de l'écriture révolutionne l'histoire de la communication et de la culture. le livre (5) devient un témoin privilégié (6) des époques et des cou­

rants de pensée. Toutefois, pendant de longs siècles, seule une èlite sait lire et possède des livres. Ceux-ci sont une marchandise rare et chère car la copie manuscrite est une besogne fastidieuse (confiée aux scribes dans

!'Antiquité, aux esclaves dans la Rome antique, aux moines à l'époque médiévale). Deux inventions modifient cette situation : celle du papier et celle de l'imprimerie (en 1440) qui permettent la fabrication rapide d'une quantité illimitée d'exemplaires d'un même ouvrage. Alors, pouvant désor­

mais atteindre un public beaucoup plus large, la littérature connaît un essor prodigieux.

Les premiers livres sont destinés au monde des adultes. Les enfants, quant à eux considérés comme des adultes en miniature, ont parfois accès aux livres de leurs parents, à savoir: la Bible, la vie des Saints, quelques légendes de chevalerie ou des œuvres de Virgile, Ovide ...

Ce n'est qu'au XVIe siècle que commence à se développer le sentiment de l'enfance avec la découverte de caractéristiques propres à cette période de la vie. De là naît l'idée de besoins spécifiques à l'enfance et - pour ce qui nous intéresse - d'ouvrages adaptés à celle-ci. Cette prise de conscience est progressive et la littérature enfantine a en fait son origine au XVIIe siècle seulement. La publication, en 1 697 .. des « Histoires et Contes du Temps passé» de Charles Perrault, ouvrage au style frais, plein de spontanéité et d'humour, bientôt suivi par d'autres et qui tous ont fait la joie des enfants en témoigne.

Cet élan est rapidement freiné parce qu'au XVIIIe siècle jaillit l'idée (qui durera jusqu'au XIXe siècle) d'utiliser ce plaisir à des fins didactiques. Ceci ouvre en fait la voie aux livres doucereux, moralisateurs et mortellement ennuyeux d'une Madame Leprince de Beaumont ou de Genlis. Les enfants déçus leur préfèrent certains ouvrages, pourtant destinés aux adultes, comme «Robinson Crusoé» de Daniel Defoe (1 719) ou l'essai philosophique de Swift « Les voyages de Gullivern (1 726).

Pendant ce temps, en Angleterre, dès 1702, se développent les premiers journaux imprimés dont les histoires-feuilletons connaissent un vif succès.

C'est alors que John Newberry (7) a l'idée de remettre en valeur, avec des mots nouveaux, des légendes de !'Antiquité et du Moyen-Age, des contes de nourrices et des comptines, créant la première édition entièrement

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consacrée aux livres pour enfants. Hetzel et H achette suivent son exemple et renouvellent ainsi une littérature enfantine gaie et attrayante.

A partir de 1880, l'apparition des «Comics» ou bandes dessinées contribue à orienter la littérature vers une fonction de distraction. « Bécassine» de Pin­

chon {1904). «Tintin» de Hergé {1929) ou les «Pieds Nickelés» de Norton {1924) sont accueillis avec joie par un public d'enfants et d'adultes.

Après la guerre de 1914-18, on ne demande plus au roman pour enfants de moraliser ou d'éduquer, mais plutôt d'être un jeu, au même titre que le bal­

lon ou la poupée. A partir de 1930, les nouvelles connaissances dans le domaine de la psychologie et de la pédagogie amorcent une évolution des conceptions du livre pour les moins de 15 ans. On apporte plus d'attention à la forme, à l'esthétique, à la facilité de manipulation, aux illustrations.

Aujourd'hui, la littérature enfantine est en pleine expansion: on observe, par exemple, une multiplication des bibliothèques spécialisées dans ce domaine, une augmentation constante des publications destinées à la jeu­

nesse, la création de formation de bibliothécaires spécialement affectés à ce secteur.

La littérature enfantine a donc évolué, au cours de l'histoire, en étroite rela­

tion avec l'image qu'avait la société de l'enfance et en étant liée aux options pédagogiques de ses dirigeants.

2. Importance de la lecture dans notre société

L'écrit s'est répandu avec tant d'ampleur dans nos sociétés occidentales et fait tellement partie de notre environnement quotidien que nous lisons sou­

vent sans même nous en rendre compte (panneaux indicateurs, affiches, publicités, enseignes de magasins, étiquettes des prod11its de consomma­

tion courante, gros titres des journaux, mode d'emploi des appareils ména­

gers ... ). Devant l'ampleur du phénomène, nous pouvons nous demander à quoi est due cette expansion de l'écrit.

Depuis la découverte de l'imprimerie, de nombreux genres de lecture se sont développés, favorisant aussi un plus grand nombre d'auteurs. Nous voici donc contraints d'opérer des choix parmi tous ces ouvrages.

Résultat des progrès de la technique, de nouveaux médias (8). les audio­

visuels (9) en particulier, ont aujourd'hui envahi notre vie quotidienne et sont de plus en plus présents à l'école. Mais, la technologie ne dépasse ni ne dévalorise la lecture. Au contraire, elle lui est intimement liée car, d'un côté l'apprentissage des techniques nouvelles se fait, entre autres, par le moyen des ouvrages d'enseignement, et d'un autre côté, le progrès favorise le développement des livres. Par exemple, la technique de la photocompo-

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seuse électronique permet d'impressionner directement un papier photo­

sensible, même à distance (donc bientôt chez soi), réduisant ainsi le temps d'édition d'un livre à quelques jours, voire quelques heures, et redoublant donc les possibilités de développement de l'imprimerie.

L'écrit est le «gardien» de la culture d'une société, de son langage, de ses pensées, de ses idées et ses aspirations, de ses traditions et de son mode de vie. Il devient donc un reflet de la société en en faisant transparaître les traits individuels. Il permet aux informations ainsi qu'aux idéologies de cer­

tains de s'étendre à d'autres, rendant ainsi à la société son propre produit et lui offrant des modèles à imiter. C'est une sorte de cycle perpétuel dans lequel la culture inspire les écrits tandis que ceux-ci nourrissent à leur tour la culture. L'écrit offre l'accès à un nombre formidable de connaissances dans tous les domaines. Son pouvoir est parfois considérable: il dirige alors la pensée autant que possible vers un progrès, parfois malheureusement vers une régression. Certains ouvrages, idéologiques par exemple, entraînent parfois une sorte d'interprétation collective parce qu'ils s'adres­

sent indifféremment à tous. Toutefois, la lecture est d'abord une activité individuelle, qui demande une réponse active et personnelle du lecteur car, lire c'est choisir.

Dans le domaine pédagogique, la lecture a un rôle déterminant pour le suc­

cès de la scolarité. L'écrit est en effet un outil nécessaire à l'éducation et à l'acquisition des connaissances. De ce fait, il garantit la réussite sociale des individus, en étant devenu un puissant instrument de sélection. C'est pour­

quoi, parents et enseignants s'inquiètent, avec raison, de l'avenir des enfants rencontrant des difficultés dans l'apprentissage de la lecture. De nombreuses réformes scolaires sont alors mises en place régulièrement pour tenter de résoudre les problèmes posés par la lecture.

Les enfants vivent, nous l'avons vu, dans un monde où affluent de toute part des signes écrits. Ils ont alors souvent automatiquement le désir d'appren­

dre à lire. Pour certains, le but de la lecture est saisi dès le plus jeune âge.

L'écrit fait partie de leur milieu de vie, tout comme la parole, et ils savent bientôt l'utiliser pour se guider de manière plus autonome. Malheureuse­

ment, l'écrit n'est pas appréhendé de la même manière dans d'autres milieux, car il ne fait pas partie intégrante de leur univers quotidien. De plus, à l'école, il existe souvent un écart important entre l'apprentissage méca­

niste de la lecture et la représentation de son utilité, qui est souvent suggé­

rée de manière très artificielle. Une telle erreur peut entraîner une perte de l'intérêt pour la lecture et rendre difficile son développement dans les milieux où elle est déjà très peu va lorisée. Elle peut même finir par y être complètement ignorée et nous verrons plus loin quelle est l'envergure de ce problème dans la société.

(19)

Car, qu'est-ce finalement que lire? Bien que l'étude des mécanismes de la lecture n'entre pas dans notre sujet, rappelons- en brièvement quelques notions. Lire, c'est remplir plusieurs fonctions. C'est adopter une conduite relationnelle. L'enfant- lecteur questionne l'écrit qui devient une source de réponses, dans une relation où existe une dimension affective. La lecture n'est pas un but en soi, mais plutôt un projet. En lisant, l'enfant doit parvenir à adapter sa quête à son projet, et donc choisir ses lectures en fonction des questions qu'il se pose. Lire est aussi une activité i ntellectuelle. L'enfant doit agir par rapport à un code ou à un référent. Pour cela, il doit avoir des connaissances et maîtriser divers processus. L'enfant se trouve en effet devant une série de signes qu'il devra s'exercer à reconnaître afin de les organiser dans le contenu d'un texte, à partir de ce qu'il sait déjà. L'enfant doit associer à chaque signe graphique un sens, et non un son comme l'école l'a longtemps soutenu. L'oralisation dans l'apprentissage entraî11e alors un déchiffrage inutile car «La compréhension précède la prononcia­

tion» ( Foucambert, 1978, p. 42). Si l'enfant a compris, c'est qu'il a lu. Il serait fastidieux d'entrer dans le grand débat des méthodes. Nous retiendrons simplement l'importance de la compréhension de l'écrit dans l'apprentis­

sage de la lecture, pour favoriser la relation de l'enfant au livre. En résumé, lire c'est donc saisir le sens de la langue écrite afin de l'utiliser dans un pro­

jet, projet d'instruction, d'information et de plaisir. Lorsque tel est le cas, l'apprentissage est assurément une réussite, même si. finalement, on n'a jamais terminé d'apprendre à lire.

3. Paradoxe : le désintérêt porté à la lecture

En dépit de l'actualité et de l'importance de l'écrit dans notre société, il existe un désintérêt allant parfois jusqu'à un rejet de la lecture.

Le cas de l'analphabétisme est un cas extrême. Il prend cependant des pro­

portions inquiétântes, bien qu'üfficiellernent îl n'existe pas, la scolarité éiant obligatoire. Des enquêtes effectuées à ce propos remettent en cause les idées préconçues. Prenons l'exemple de la France: en 1981, le rapport

«Oheix» reconnaît que «le problème posé par les citoyens de langue mater­

nelle française qui ne maîtrisent pas la lecture est particulièrement préoccu­

pant» (article «Les illettrés invisibles», Le Monde, 11 octobre 198 1 , p. 10) et propose que soit mise en œuvre «une campagne de lutte contre l'illet­

trisme» (10). Certaines enquêtes tentent de quantifier le phénomène. Mais, comme le rappelle l'association Aide à toute détresse quart-monde, «les illettrés ont honte de l'avouer et les frontières de l'illettrisme sont floues»

(Le Monde, 1981 ). Elle avance alors avec prudence ces chiffres: «Au moins 10% des jeunes soumis à l'obligation du service national sont illettrés au sens de l'U NESCO» (Le Monde, 1981 ).

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Comment expliquer ceci? La première tendance de ce genre de rapports est de mettre en cause la formation reçue et d'incriminer les mèthodes d'apprentissage de la lecture. Beaucoup d'èlèves, selon ces enquêtes, en restent au stade de l'épellation syllabique. Ils «lisent» très lentement et sans même comprendre la moitié des signes lus. En dehors des méthodes, un autre facteur déterminant pour la réussite ou l'échec de l'apprentissage de la lecture est celui du milieu social. Les «vrais lecteurs», en effet, se repro­

duisent de génération en génération, dans les familles qui se chargent de compléter l'enseignement scolaire. «L'inégalité dans l'utilisation de l'écrit constitue le goulot d'étranglement de toute vie démocratique» écrit juste­

ment J. Foucambert dans le journal Libération, en 1983. L'écrit permettant l'accès au pouvoir, les possibilités de maîtriser la lecture devraient être par­

tagées équitablement. Il s'agit là apparemment d'un choix politique. Toute­

fois, la politique n'est pas la seule responsable de cette situation. Le déve­

loppement de nouveaux outils tels que le téléphone ou la télévision tendent à dévaloriser l'écrit : le téléphone se substitue très facilement au papier à lettres et le journal télévisé à la lecture des quotidiens. On parle ainsi de la

«crise» de la lecture et on imagine même sa fin.

Une majorité de gens a en effet une attitude passive à l'égard de la lecture.

Beaucoup n'achètent jamais de livres. Un grand nombre d'entre eux n'en lisent jamais. Selon Diatkine, «si tout le monde en France est »alphabétisé«, une minorité utilise la langue écrite par goût, pour le plaisir ou pour la nécessité de se tenir informé» {G. F. E.N., 1 976, p. 35).

On se demande alors s'il est encore nécessaire aujourd'hui d'apprendre à lire à des enfants qui auront vingt ans en l'an 2000 ... Le bruit court que l'ère de l'écrit est terminée et que nous vivons désormais à l'ère de l'audio-visuel.

Ces idées semblent alors être en contradiction avec l'incessant développe­

ment de l'écrit que nous constatons autour de nous. Si l'écrit n'a plus le monopole de la culture, ne peut-il cependant trouver sa place au sein des autres médias? Cette préoccupation légitime n'égale toutefois pas celle qu'engendre l'indifférence massive que la lecture rencontre aujourd'hui

4. Le plaisir de lire

Le nombre de personnes qui aiment lire n'est cependant pas négligeable. Il regroupe ceux pour qui la lecture est un moyen de connaître, de découvrir, d'éprouver de nouvelles émotions. Ces derniers ont évidemment acquis une bonne maîtrise de la lecture qui leur permet d'atteindre directement le contenu sans être freinés ou arrêtés par la nécessité de déchiffrer les signes. Ces lecteurs lisent silencieusement, avec une rapidité et une effica­

cité qui augmentent leur plaisir. Tout leur être est engagé dans cette acti­

vité. La lecture permet de s'évader, de satisfaire un goût de solitude et de

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silence. Elle répond ain si à un désir d'individualité, de prise de conscience et relation avec différentes réalités existant en et à l'extérieur de soi. R. Escar­

pit écrit à ce sujet: «L'acte de lecture littéraire est à la fois sociable et asso­

ciai. 11 supprime provisoirement les relations de l'individu avec son univers pour en reconstruire de nouvelles avec l'univers de J'œuvre.» (1978, p. 119.) La lecture est donc un véritable outil pour construire quelque chose corres­

pondant à un désir chez le lecteur.

Ainsi, tout en ayant une influence considérable sur les habitudes et Je fonc­

tionnement de notre société, la lecture occupe une place ambiguë et son avenir peut paraître incertain. Elle offre toutefois, à ceux qui la connaissent, de nombreuses satisfactions.

C. LES APPORTS DE LA LECTURE

Il existe donc des personnes pour qui la lecture est plus qu'un outil ou une simple technique. Elle est un loisir, un passe-temps captivant, un plaisir. Ce plaisir de lire mérite-t-il qu'on lui prête attention? Pourquoi est-il important d'aimer lire? Nous répondrons : pour lire. En effet, le plaisir de lire pousse à lire beaucoup, régulièrement. Il faut aimer lire pour lire vraiment. Mais alors, pourquoi est-il important de lire? (11) Ne serait-ce pas parce que la fréquen­

tation assidue des livres constitue une source d'apports bénéfiques au lec­

teur? C'est l'objectif de ce chapitre que de mettre en évidence un certain nombre de ces apports directs et indirects qui découlent de la lecture (12).

attirant ainsi l'attention sur les liens existant entre ces apports et le plaisir de lire, sans toutefois démontrer scientifiquement la nature de ces liens.

1 . Apports de lâ lecture au niveau relationnel

'"'- - - · ·-.&.-- ____ .!_ _: _ _ _ _ _ ....1--- ..J - - ; _ _ .&. : .&. • • .&.: .... �- ....J : . ... _ ... .... .... .&. ... 11 .... ... ... L....--� - U t:: liUUI lt::� CAl-)t:l l t:: l ll;t::;:, u c:1 1 1 .::, u c .:, 1 1 1 .:) L I LU LIVI 1 ;:, U I V V I .::, c; .::, u::; 1 1 c; .::, y u c I I U I 1 1 c;

d'enfants, crêches, centres de vacances, nous ont permis de vérifier bien souvent à quel point les moments de lecture pouvaient devenir des occa­

sions d'entrer en contact avec des enfants, et particulièrement avec des enfants inhibés ou violents. De tels enfants refusent souvent le dialogue. Il sont aussi incapables de supporter une présence physique trop proche, tout en souffrant de leur solitude. La lecture offre alors une possibilité de rappro­

chement indirect. L'enfant s'approche de l'adulte, un livre dans ses bras, et réclame une histoire. Ce peut être aussi l'adulte qui tente une démarche d'approche. Le livre joue alors un rôle d'objet médiateur, évitant Je face à face. C'est une relation à trois qui s'établit: enfant-adulte-livre, relation posi­

tive dans une atmosphère non conflictuelle. La lecture qui a procuré une satisfaction et permis un échange est alors perçue comme activité agréable,

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de même que le livre qui a occasionné ce rapprochement devient objet dési­

rable. La lecture qui permet des rencontres et qui contribue peut-être à bri­

ser la solitude d'un enfant, apporte alors des satisfactions au niveau affectif.

Elle répond au besoin fondamental d'établir des relations avec son entou­

rage et apporte, au petit enfant particulièrement, tout un champ d'expé­

siences, de rencontres, de dialogues et d'échanges.

«La lecture est une amitié», écrivait Marcel Proust. En effet, sur un plan plus général, la lecture peut être définie, en elle-même, comme une forme de rencontre. En dépit de la solitude qu'elle réclame, la lecture sort le lecteur d'un isolement. Le livre, porteur d'un discours, matérialise une présence ras­

surante et süre. Il devient un interlocuteur, un vis-à-vis discret mais attentif et respectueux qui parle et sait se taire.

La lecture fournit une occasion de contact avec des peuples et des individus disparus qui ont apporté leur contribution à l'humanité, et une occasion de pénétrer les modes de pensées de ceux qui nous entourent : «les livres, ce sont les testaments des peuples, leurs conversations ou leurs rêves», a dit Napoléon (Mareuil A., 1971, p. 288). Ainsi, si elle ne remplace pas la rencon­

tre véritable avec des hommes et des femmes vivants, la lecture est malgré tout une forme de contact et d'échange qui peut déboucher ensuite sur un désir de rencontre réelle.

Un autre apport de la lecture est l'évasion qu'elle permet hors du cadre, par­

fois étriqué, de la réalité quotidienne. Le lecteur cherche un dépaysement.

La lecture le transporte alors dans un monde inconnu et attirant, loin des tensions et des crises. Elle lui permet d'oublier un instant ses propres conflits. La lecture est alors un recours contre l'absurdité de la vie. Nous dirons, plus généralement, que la lecture naît d'un besoin - besoin de com­

prendre, d'expliquer les difficultés, ou besoin de les relativiser, mais aussi besoin d'exprimer ses joies ou de les retrouver chez les autres - et corres­

pond ainsi à une attente. En effet, l'écrit vient de l'extérieur. La lecture sup­

pose donc une aptitude à sortir de sa propre pensée pour s'adapter à celle d'autrui, pour entrer en communication et pratiquer ainsi ce que l'on serait tenté d'appeler un acte social, à savoir : un mouvement qui le dirige vers l'extérieur. La nature de ce mouvement exige une précision. Si c'est une coupure, une fuite qui font perdre contact avec la réalité et sapent les rela­

tions, une lecture de ce type est stérile. Elle est négation de la lecture elle­

même. En revanche, si elle est un refuge nécessaire et fécond dans le monde intérieur des autres. un bain de calme et de solitude, la lecture ne restreint pas l'univers du lecteur, ni n'enferme celui-ci dans une tour d'ivoire, mais, en apportant une dimension nouvelle, elle permet au lecteur de mieux appréhender son propre monde. L'évasion réelle qu'elle procure est temporaire et conduit à un retour au concret.

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, Ainsi, la lecture donne l'occasion de nouer, de manière indirecte, des rela­

tions. En même temps, et paradoxalement, parce qu'elle peut être en elle­

même une présence rassurante et suffisante, elle contribue à renforcer l'autonomie du lecteur. D'autre part, elle l'introduit dans l'univers d'un autre.

Elle développe ainsi une aptitude à l'écoute et au dialogue utile pour créer ou entretenir, avec son entourage, des relations satisfaisantes et durables.

2. Apports de la lecture au niveau des affects, des émotions et des désirs

L'enfant lecteur découvre dans ses lectures des héros fascinants qui sédui­

sent son imagination et enrichissent son univers. Ces «idoles» incarnent des possibles auxquels l'enfant aspire, à l'âge où l'indécision le caractérise et où sa personnalité est en élaboration. Par le moyen du livre, de nombreux modèles, qui sont autant de rencontres permettant des identifications par­

tielles, sont proposés au lecteur, qui peut leur donner une signification per­

sonnelle. Ainsi, la lecture comme «pourvoyeur de modèles» (13) permet de déclencher des mécanismes inconscients de projection et d'identification, qui sont des données fondamentales de notre développement.

Pour cela, il est important que les livres proposent des modèles vraisembla­

bles, c'est-à-dire pas uniquement désincarnés, ni totalement étrangers au monde de l'enfant, comme un extra- terrestre sans famille, sans soucis, sans faiblesse par exemple, sinon l'enfant ne peut établir de liens, ni s'iden­

tifier, même partiellement.

D'autre part, l'enfant a aussi besoin que ces modèles vraisemblables soient

«positifs», c'est-à-dire que les héros incarnent des valeurs que lui-même intériorise et que, confrontés à des difficultés, ils parviennent à les surmon­

ter. Ceci favorise le mécanisme de projection pour un futur que l'enfant envisage avec plus de confiance.

Les héros fantastiques jouent aussi un rôle. En effet, la littérature fantasti­

que, qui fait intervenir des personnages imaginaires, des mondes étranges et saugrenus aux lois inconnues, traduit tout un monde de désirs. La lecture de ces ouvrages apporte donc, par le biais de l'identification, une possibilité de réaliser ses désirs. Elle offre un moyen de compensation. De plus, décou­

vrir que d'autres créent des fantasmagories peut libérer un enfant de la peur d'être «à part», anormal, et le faire évoluer vers une plus grande confiance en lui-même.

La lecture peut devenir un lieu de reconnaissance de ses conflits. Si elle aborde les problèmes existentiels de l'enfant, c'est-à- dire si elle s'enracine dans sa réalité et son questionnement, elle va lui permettre de se reconnaître, de retrouver ses propres peurs et angoisses, de les revivre en imagination et de dépasser peut-être ses conflits. Il est en effet inutile de

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nier J 'a ngoisse de l 'enfant qui grandit. Chacun doit faire un jour l'apprentis­

sage de la souffrance, de la privation, de la séparation, de la mort. Or, les histoires qui offrent la possibilité de faire ces découvertes au niveau symbo­

lique, donc de maniére moins brutale car mieux proportionnée aux forces de l'enfant, vont permettre à celui-ci de focaliser son angoisse diffuse en une histoire (de lui donner une forme), ce qui, paradoxalement, l'aidera à la maîtriser.

Attention toutefois à ! '«overdose» d'angoisse qui provoque plutôt un effet destructeur. L'enfant doit pouvoir trouver des dénouements positifs à ses conflits et des solutions satisfaisantes à ses questions. I l doit, en tout cas, avoir toujours le choix entre un théme anxiogéne et un thème rassurant. En effet, l'enfant est attiré par les histoires dramatiques, les contes cruels, parce qu'il y projette ses fantasmes et s'en délivre. Par identification, il connaît la peur mais peut la dominer. La lecture a donc un effet cathartique au sens où elle provoque une résurgence émotionnelle d'affects bien sou­

vent refoulés (et aux effets donc pathogénes), permet au lecteur de les évo­

quer à nouveau, de les revivre, et ainsi le décharge et le laisse dans un état plus positif. Cet apaisement est particulièrement observable au moment du coucher quand l'enfant s'apprête à plonger dans le sommeil et son cortège d'appréhensions (peur de la nuit, de l'isolement). C'est ce qu'appelle, à juste titre, 1. Jan, «la fonction d'endormissement des contes» (1977, p. 62).

De plus, parce qu'elle exige concentration, persévérance et discipline, la lec­

ture apporte indirectement «l'occasion de cette frustration particuliérement formatrice qu'est l'effort» (Mareuil A., 1973, p. 48). Elle contribue ainsi de manière inconsciente à a lléger le sentiment de culpabilité qui s'attache au conflit œdipien et à l'angoisse de l 'enfant.

Le livre s'offre bien sûr à la curiosité visuelle .. La lecture propose ainsi un moyen de sublimation. Les pulsions sexuelles sont intégrées mais en substi­

tuant à leurs buts et objets primitifs des buts et objets autres (par exemple:

une curiosité intellectuelle ou artistique nourrie par les textes et les images livresques) représentant une valeur sociale positive.

En élargissant l'univers du lecteur, la lecture lui fait prendre conscience de ses possibilités et peut le libérer de certains conditionnements. Son rôle est ainsi formateur car elle peut aider à l a constitution de ses propres interdits et à la relativisation de ceux d'autrui. Nous parlerons a lors de la fonction idéologique de la lecture au sens où elle nourrit et permet de constituer son Surmoi. Les éducateurs-pa rents doivent donc s'attacher à discerner ce que les livres véhiculent comme interdits, comme réa lité répressive et proposer aux enfants des lectures diversifiées, voire contradictoires, qui augmentent leur capacité de choix personnel.

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La littérature enfantine, réaliste et fantastique, alimente l'imagination du jeune lecteur en l'introduisant, par une sorte de délire, dans d'autres «possi­

bles». La lecture constitue alors un enrichissement de la vie fantasmatique (les images intérieures) et cet apport peut rejail lir ensuite par exemple dans l 'expression orale ou picturale ou dans les jeux du lecteur. La richesse des idées mais aussi la saveur du langage, la magie des mots peuvent être source d'émotion. Même le jeune enfant est sensible à l'expression litté­

raire, au style. I l peut goûter très tôt les jeux de mots, les assonances, le rythme des phrases, l'humour, les tournures de style, etc ... et y trouver du plaisir. La lecture alimente donc la créativité du lecteur en même temps qu'elle affine sa sensibilité.

Ainsi, en apportant un apaisement de certains conflits intérieurs et en nour­

rissant son imagination, la lecture contribue à faire évoluer le lecteur. En effet, par son moyen, des mécanismes inconscients constitutifs du dévelop­

pement psychologique de l 'individu sont susceptibles de s'exercer. Ces divers aspects de la lecture mettent ainsi en lumière toute une action dis­

crète mais réelle et profonde de celle-ci sur la personnalité du lecteur.

3. Apports de la lecture au niveau cognitif

La lecture répond à une soif de découverte, à un besoin d'exploration. Le plaisir de lire introduit le lecteur dans l'univers d'un savoir presque illimité où un livre conduit à un autre et où la lecture, stimulant l 'exploration, est une continuelle possibilité d'augmenter ses connaissances. C'est ainsi que la lecture joue un rôle d'initiation. A ce propos, André Mareuil constate que rares sont les ouvrages qui abordent les questions sexuelles, et propose que

« ... le livre a encore son rôle à jouer comme pourvoyeur d'information, mais surtout pour situer la sexualité dans sa dimension humaine» (Mareuil A., 1 973, p 1 56) Nous pensons qu'une prise de conscience de lacunes de ce type pourrait conduire à faire tomber certains tabous et permettrait de répondre à des demandes réelles, plus ou moins conscientes, des lecteurs.

En effet, comme nous l'avons définie, la lecture est fondamentalement pro­

jet, demande, questionnement, et non simple vernis culturel.

La lecture centre sur la pensée d'un autre. Elle exige de dépasser sa pensée égocentrique. Elle développe la capacité de maintenir son attention sur une activité donnée pendant un laps de temps variable: elle concentre. Dévelop­

per le goût de la lecture offrirait, aux enfants souffrant d'instabilité motrice et intellectuelle, une possibilité de gérer leur fougue en la canalisant dans un effort formateur et gratifiant. Ainsi, un livre intéressant, ni trop ardu (14), ni bêtifiant, développera les capacités de concentration du lecteur, qui lui seront utiles dans bien d'autres domaines.

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La langue écrite est la langue de la prise de conscience, de la conceptualisa­

tion. Parce q u'elle permet de différer un message, elle introduit une dis­

tance. De plus, la lecture développe l'aptitude à se représenter les choses de façon désintéressée, i ndépendamment d'une action i m m édiate s u r elles.

Ce décalage, i ntrodu it par le l ivre e ntre pensée et action, fou rnit l 'occasion d'un recul, d'une analyse. D'autre part, parce q u 'elle est une activité essen­

tiellement individuelle, la lecture stimule l'autonomie du l ecteur. Et, parce q u'elle est projet, elle l u i demande des actes volontaires ( prendre un livre, l 'ouvrir ... ), des choix ( u n dictionnaire ou un roman policier), un développe­

ment de son habitude de questionnement et d'analyse critique lui permet­

tant d'affirmer son i ndivid ualité.

C'est ici que les anti-héros jouent un rôle trés i m portant. Ces modèles, i ncarnant des valeurs morales en contradiction avec celles du lecteur, pous­

sent à la critique, à l 'évaluation et contribuent à fortifier l'indépendance i ntellectuelle du l ecteu r, l e garantissant a i n si d ' u n e adhésion aveugle et i rré­

fléchie à un discours. B ien sûr, ce pouvoir de d istanciation, ces capacités de réflexion et d 'analyse ne découlent pas automatiquement de la lecture. Ils s'apprennent.

En disant cela, nous ne prétendons pas vouloir ré-instituer u n e Pédagogie

« Livresque» Traditionnelle qui aurait pour objectif l'appre ntissage et la mémorisation d u conte n u des livres. Nous nous plaçons, au contra i re, d a ns la ligne de la Pédagogie active q u i conçoit l 'éducation, non comme un apport de connaissances, mais comme u n entraînement à l'autonomie, à la réflexion person nelle et à l'expression créative, à partir de ses propres besoins et i nterrogations. Toutefois, il est i l l usoire de penser qu'autonomie, analyse ou créativité peuvent s'exercer à vide. Or, j ustement, le livre est un matériau précieux, disponible et soumis. Si certains pédagogues ont boudé avec plus ou moins de force le livre ( 1 5), c'était plutôt pour réagir contre un usage abusif et erroné de celui-ci, q u i consistait à le considérer comme u ne Vérité à mémoriser passivement, a u lieu d 'en faire un outil d'éve i l à la réflexion, au questionnement, à l ' i n itiative et au d ialogue.

O n peut s'interroger aussi sur un aspect précis d u développement cogn itif de l'enfant et se demander si la lecture ( principalement les histoires imagi­

naires) freine ou favorise la construction d u réel chez l'enfant. Le livre entraîne effectivement dans un autre monde, mais l 'enfant y projette le sien, puis en confrontant les deux. i l apprend progressivement à les situer respec­

tivement. D'autre part, Pierre Gamarra note que la l ecture d'images donne l'occasion, a u petit enfa n t, de s'exercer à distinguer le principal du secon­

daire. Il souligne encore que, dans un l ivre (objet bien délimité), l ' histoire est perçue avec un début, une fin et des l iens précis ainsi qu'une logique, ce qui va aider l'enfant à apprendre à circonscrire, dans u n espace don né, un cer­

ta i n nombre de connaissances ayant des liens entre elles (Gamarra P., 1 973, p. 67).

(27)

Nous résumons ceci en disant que la lecture va permettre à l'enfant de structurer son réel.

L'oralisation de la lecture et le déchiffrement, que l'on a longtemps cru être des étapes de base, nécessaires à l'apprentissage de la lecture, partaient, entre autres choses, de l'idée que l'oral structurait l'écrit. C'était méconnaître le fonctionnement de la lecture. En effet. selon certains cher­

cheurs, c'est la langue écrite qui structure l'oral et non l'inverse. C'est elle qui enrichit, prt'lcise le vocélbulê!ire, nourrit, stimule et affine l'expression orale. La lecture devient alors « ... un puissant levier dans l'évolution linguisti­

que de l'individu» ( Foucambert J., 1 978, p. 47).

D'autre part, d'accord avec ce qu'écrit René Diatkine : «Seuls les enfants trouvant du plaisir dans le maniement de la langue s'amusent à découvrir comment celle-ci s'organise» (Collectif: G.F. E.N., 1976, P. 39), nous pensons que le fait d'aimer lire motive à se pencher sur le fonctionnement (étude ingrate et rebutante) de la langue. Dans cette perspective, développer la lec­

ture, c'est offrir une possibilité d'enrichissement linguistique à des enfants de milieu socio-culturel défavorisé qu'handicape, au départ, une expression orale pauvre. C'est faire du livre un moyen d'accès à la culture, un outil de progression personnelle. «La lecture ... est, en elle-même, une motivation formidable à l'apprentissage en maintenant constant l'intérêt de l'enfant et en lui offrant sans cesse des horizons nouveaux», écrit Catherine Tourrette (Bulletin de Psychologie, 1981-82, p. 415). Nous venons de voir en effet que le livre crée un appétit, stimule le lecteur, structure sa personnalité et contri­

bue à faire de lui un adulte actif, indépendant et communicatif.

4. L'apport du livre

Grâce à sa forme et à sa dimension, le livre constitue un outil très maniable et facilement accessible même aux enfants. !! s'offre à !a découverte tant manuelle que visuelle. Le petit enfant ouvre, ferme, feuillette, tourne, regarde, développant ainsi sa motricité et son habileté manuelle.

Si une poupée ou un chiffon ont pu être désignés comme des objets transi­

tionnels possibles, que dire du livre (objet qui n'est pas sans odeur! ) lu, relu, abîmé à force d'avoir été ouvert, que l'enfant affectionne et qu'il conserve jusque dans son lit? Un véritable lien affectif peut se créer entre le petit enfant et cet objet matériel qu'est le livre. Celui-ci peut permettre à l'enfant d'effectuer une transition entre la première relation orale à la mère et la véri­

table relation d'objet, c'est-à-dire vers la perception d'un objet nettement différencié du sujet lui-même.

Le livre présente un attrait visuel certain. Toutefois, une question se pose:

quel rôle joue ou devrait jouer l'illustration au sein d'un livre? Capitale dans les livres pour tout-petits (16), l'illustration a tendance ensuite à se raréfier.

(28)

Destinée à capter l 'attention d u jeune enfant tout heureux d e découvrir dans un livre des objets familiers ou des person n ages étranges et attirants, l'image devient ensuite davantage une aide, un s upport du texte et un sti­

m u la nt pour l'attention. L'image s'adresse à la curiosité du lecteu r. Elle fait diversion et permet parfois de relâcher la tension du débutant lecteur.

De plus, l'illustration fait appel à la sensibilité du lecteur en provoqu a nt une émotion d'ordre a rtistiq ue, qui a besoin d'être éveillée. Attention toutefois au piège de la profusion d'images q u i tend à i m poser u n e vision du merveil­

leux et se substitue a insi à l 'élaboration créative personnelle de l'enfant lec­

teur. Le rôle de l ' i mage, du dessin ou de l a photog raphie ( pour lesquels on devrait toujours exiger la qualité) est de prolonger le texte, d'ouvrir des pistes et en a ucun cas de «termi ner» l'imagin ation du lecteur.

Le livre peut devenir u n ouvrage de collection. Cet attrait pour u n genre d e livres peut tradu i re u n besoin de continuité, de sécurité, d e stabilité, s e manifestant par u n attachement à d e s héros qu'il est possible de retrouver dans plusieurs histoires. André Mareuil caractérise assez j ustement cette attitude comme u n e « réaction naturelle contre l'éparpillement scolaire » ( 1 97 1 , p. 1 08). N u l doute q u e ces d ifférents éléments sont à prendre e n considération et i l n'est pas question d'en nier l'importance. Toutefois, ce goût pour la série présente un danger : il risque d'enclore le lecteur dans u n e forme de pensée, en bloquant s o n i ntérêt p o u r a utre chose. Envisagée sous cet a n gle, la série risq ue de devenir une a nti-création puisq u ' a u lieu d ' appor­

ter d u nouveau, elle conforte dans d u déjà con n u .

Ainsi, cet objet fa mil ier e t facile à manipuler qu'est le livre peut contribuer, par la qualité de ses images, à nourri r l'imagination, à développer la créati­

vité et à éveiller la sensibilité a rtistiq ue, si du moins deux pièges principaux sont évités : u n e illustration surabondante et le refuge dans l a collection.

5. Le rapport livre - médias audio-visuels

Notre objectif n'est pas d'entrer dans la grande querelle de l'audio-visuel ennemi du livre. Toutefois, notre souci d'insertion de l a lecture dans la vie quotidienne, dans u n monde qui est devenu une «civilisation de l 'image», nous oblige à mentionner la télévision et l a radio, sans intention polémique, mais afin de noter certains rapports et de relever des d ifférences pour tenter de préciser la spécificité du livre.

N u l doute que les mass--médias audio-visuels prennent de plus en plus d'importance au sein de notre civilisation, tant chez les ad ultes q u e chez les enfa nts, au point q u 'André Mareuil, à propos des i nfluences extra-scola i res de la rad io, de la télévision et de l ' i nfra-littérature, s'interroge sur l'existence d' une véritable «école parnllèle» ( 1 97 1 , p. 252). Pouvons-nous ignorer cette réa lité?

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