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Sociologie et police: un héritage en commun à préserver

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Sociologie et police: un héritage en commun à préserver

BOURRIER, Mathilde

Abstract

Les réflexions issues de ce texte s'appuient sur une enquête sociologique menée à la Police cantonale de Genève, qui avait pour objectif de mieux comprendre les modalités d'application de la réforme de la police du 1er mai 2016, développée dans le cadre de la nouvelle Loi sur la police (LPol) du 9 septembre 2014 et touchant tout spécialement trois services : la centrale d'engagement police secours, la police de proximité et la police routière. L'objet n'est pas ici de revenir sur les résultats de cette enquête, mais plutôt de réfléchir aux paramètres qui l'ont rendue possible en insistant sur le contexte dans lequel des opérations de recherche de ce type peuvent être envisagées avec les forces de police. En particulier, l'accent de cette étude porte sur deux points : premièrement, l'héritage commun partagé par les sciences sociales et la police et, deuxièmement, le cadre dans lequel cette enquête a été menée. Une conclusion sur l'éclairage qu'un tel partenariat peut produire, sans omettre de souligner les limites d'un tel point de vue, complète cet article. Il vise à rappeler combien [...]

BOURRIER, Mathilde. Sociologie et police: un héritage en commun à préserver. Format magazine , 2018, vol. 8, la police dans une société plurielle, p. 14-19

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:115448

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Sociologie et police :

un héritage en commun à préserver

Mathilde Bourrier Professeure de sociologie, Université de Genève

Les réflexions issues de ce texte s’appuient sur une enquête sociologique menée à la Police cantonale de Genève, qui avait pour objectif de mieux comprendre les modalités d’application de la réforme de la police du 1er mai 2016, développée dans le cadre de la nouvelle Loi sur la police (LPol) du 9 septembre 2014 et touchant tout spécialement trois services : la centrale d’engagement police secours, la police de proximité et la police routière. L’objet n’est pas ici de revenir sur les résultats de cette enquête, mais plutôt de réfléchir aux paramètres qui l’ont rendue possible en insistant sur le contexte dans lequel des opérations de recherche de ce type peuvent être envisagées avec les forces de police. En particulier, l’accent de cette étude porte sur deux points : premièrement, l’héritage commun partagé par les sciences sociales et la police et, deuxièmement, le cadre dans lequel cette enquête a été menée. Une conclusion sur l’éclairage qu’un tel partenariat peut produire, sans omettre de souligner les limites d’un tel point de vue, complète cet article. Il vise à rappeler combien l’héritage commun des sciences sociales et de la police est précieux et pourquoi il convient d’en prendre soin.

et la police routière. L’objet n’est pas ici de revenir sur les résultats de cette enquête, mais plutôt de ré- fléchir aux paramètres qui l’ont rendue possible en insistant sur le contexte dans lequel des opérations de recherche de ce type peuvent être envisagées avec les forces de police.

Comme souvent en sociologie des organisations, l’enquête est le fruit d’un intérêt partagé entre socio- logues et mandants. Les organisations et les institu- tions ouvrent leurs portes à la recherche d’un éclai- rage externe, susceptible de poser ou de travailler différemment un certain nombre de questions. Les réformes organisationnelles font partie des objets de prédilection de cette branche de la sociologie.

L’étude s’inscrivait dans une perspective de mana- gement du changement. L’angle sociologique choisi visait à identifier les ressorts de la collaboration opé- rationnelle entre les trois services issus de la gendar- merie, mais également les freins et les obstacles à cette même collaboration suite à une réorganisation d’importance. Cette dernière a, en chemin, favorisé l’émergence d’identités de services distinctes.

Au moment où est lancée cette enquête, en sep- tembre 2016, la réforme est récente et les acteurs ont encore peu de recul sur les évolutions organi- sationnelles impliquées par les choix structurels qui sont faits. L’enquête n’a été orientée que sur les pre- miers mois de mise en application et sa portée s’en trouve dès lors limitée.

Dans ce texte, deux points seront notamment mis en lumière : premièrement, l’héritage commun partagé par les sciences sociales et la police et, deu- xièmement, le cadre dans lequel cette enquête a Introduction

Les réflexions issues de ce texte s’appuient sur une enquête1 menée à la Police cantonale de Genève, qui avait pour objectif de mieux comprendre les modalités d’application de la réforme de la police du 1er mai 2016, développée dans le cadre de la nou- velle Loi sur la police (LPol) du 9 septembre 2014 et touchant tout spécialement trois services : la centrale d’engagement police secours, la police de proximité

1 Bourrier, M. et Kimber, L., en coll. avec Andenmatten, C., Dufour, L., Fontaine, M., Friedli, A., & Humerose, C. (2018).

La police en quête de transversalité. Chroniques de la réforme de la police genevoise de 2016, Sociograph n°36.

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été menée. Une conclusion sur l’éclairage que ce genre de partenariat peut produire, sans omettre de souligner les limites d’un tel point de vue, complète cet article.

1. Sociologie et police : étapes d’une rencontre La rencontre entre sociologie et police n’est pas nouvelle. Elle est riche d’un héritage fécond qui s’est illustré par des travaux importants.

Pourtant, il faut attendre la seconde moitié du 20e siècle pour que la sociologie s’intéresse à la police. Cet intérêt tardif pour une institution aussi ancienne peut s’expliquer par des raisons diffé- rentes. Tout d’abord, la police est restée peu étu- diée, historiquement, car elle est apparue longtemps comme plutôt rattachée à des activités marginales, s’occupant principalement des classes reléguées de la société, pauvres et délinquantes. Un fait qui est d’ailleurs paradoxal, puisque les sociologues vont progressivement développer un intérêt nourri vis-à- vis de ces mêmes classes sociales reléguées, pauvres et marginalisées. Ensuite, la considération pour la violence d’État produite par la police a cherché à revenir sur la consubstantialité entre policier·ière et politique (Loubet del Bayle, 2016). Ainsi, les premiers travaux ont eu pour but de comprendre les pratiques policières de l’usage de la violence. Une forme de dénonciation s’est, de fait, longtemps immiscée dans les publications scientifiques des sciences sociales (Jobard & Maillard, 2015). Enfin, la police restait de surcroît une institution très fermée et peu désireuse d’ouvrir ses portes aux chercheurs·euses en sciences sociales. Au milieu du siècle dernier, un tournant durable s’est pourtant amorcé.

Les premiers travaux sociologiques consacrés à la police ont été réalisés dans des contextes de crise dans lesquels cette institution était impliquée. Aux États-Unis, c’est dans les années 1950−60, avec la montée de la délinquance et de l’insécurité, que les premières études sont publiées (Jobard & Maillard, 2015). En Europe, il faudra attendre une décennie de plus pour que le même type de raisonnement émerge, avec la période de Mai 68 comme point de départ (Loubet del Bayle, 2016). Après ces premiers travaux critiques, la police est apparue comme un objet légitime de recherches. Les sociologues optent alors pour une vision davantage macrosociologique de l’institution. Néanmoins, un caractère idéolo- gique persiste puisqu’il est question de comprendre

Les premiers travaux ont eu pour but de comprendre les pratiques policières de l’usage de la violence.

Une forme de dénonciation s’est, de fait, longtemps immiscée dans les publications scientifiques des sciences sociales.

le rôle que joue la police dans « l’oppression des populations pauvres » et la « perpétuation de l’ordre social » (Jobard & Maillard, 2015, p. 13).

Ce n’est que dans un troisième temps que la sociologie va s’intéresser à la police pour la com- prendre de l’intérieur, allant même jusqu’à pro- duire des connaissances à son intention. Ce mou- vement inverse apparaît surtout aux États-Unis, où chercheurs·euses et réformateurs·trices policiers·ières sont parfois les mêmes

personnes (Jobard &

Maillard, 2015). En par- ticulier, la mise au point des concepts de police communautaire et de po- lice de proximité a consti- tué un objet privilégié de recherches pour des

générations de chercheurs·euses nord-américain·e·s ou européen·ne·s. Brodeur, Skogan, Sparrow ou Monjardet (et bien d’autres…) ont été des figures de proue de ces lignes de recherches prolifiques. À leurs côtés, la sociologie est passée « d’une réflexion militante vers une réflexion scientifique » (Loubet del Bayle, 2016, p. 44). De surcroît, si les recherches ont émergé lorsque la police et la population s’éloi- gnaient l’une de l’autre, les rapports qu’entretiennent ces deux groupes demeurent aujourd’hui au cœur des questionnements sociologiques liés à la police (Roché, 2016).

Malgré le secret qui entoure les activités liées à ce corps de métier, les sociologues font l’expérience, rare et réitérée, d’être autorisé·e·s à mener leurs re- cherches au sein même des organisations de police.

Ce point est à souligner, à une époque où d’autres institutions ne sont toujours pas prêtes à ouvrir leurs portes. La police, tout comme l’hôpital, l’école ou certains services de l’État, est régulièrement l’objet d’enquêtes sociologiques, en Suisse comme ailleurs (Bourrier, 2013), ce qui mérite d’être salué.

2. Un cadre pédagogique à construire, une ren- contre à organiser

Dans le cas qui nous intéresse, un mandat a permis de formaliser un cadre de travail nécessaire aux mo- dalités concrètes du déploiement de l’enquête. Pour la réaliser, deux techniques de recueil de données ont été utilisées : premièrement, le suivi d’activités quotidiennes dans certains postes de police, états-

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police ont fait couler beaucoup d’encre. Des cas d’école ont ainsi pu constituer des modèles et des contre-modèles pour les cadres et décideurs·euses policiers·ières du monde entier. C’est le cas des polices montréalaise, française ou new-yorkaise (en particulier, l’introduction de la police communau- taire et de proximité et la déclinaison de ses prére- quis) qui ont été auscultées par nombre d’expert·e·s (Brodeur, 2003 ; Monjardet, 1996 ; Froidevaux, 2011).

C’est ainsi que de nombreux travaux ont retracé les douloureuses gestations de la « police de proxi- mité » partout dans le monde. D’autres travaux ont aussi porté sur les efforts de spécialisation des polices du monde entier et sur les tensions que ces mêmes efforts produisaient. On a pu constater que les exigences de la mise en réseau des affaires de sécurité et les capacités relationnelles étaient deve- nues également communes à toutes les polices. Si les réticences existent, la tendance à la police de proximité est confirmée dans les pays d’Amérique du Nord ainsi qu’en Europe occidentale. Enfin, pour beaucoup d’expert·e·s, la police n’est pas seule res- ponsable (au sens de « propriétaire » de la résolution publique de problématiques complexes) des actes délictueux. L’idée est bien de passer à un partage des responsabilités par la mise au travail d’un réseau d’acteurs diversifié et dense, coordonné et animé par la police.

La réforme de la Police cantonale genevoise de 2016 s’inscrit donc totalement dans ce mouvement plus vaste, brièvement retracé ci-dessus. Cette nou- velle organisation de la police, dont la gestation a duré plusieurs années, fut le fruit de nombreux efforts réflexifs et prospectifs qui ont mobilisé les cadres de la police, des expert·e·s internes et ex- ternes, des représentant·e·s syndicaux·ales et des élu·e·s locaux·ales. De telles réformes ont déjà servi de toiles de fond à la rencontre entre sciences so- ciales et police et c’est dans ce contexte scientifique que cette recherche se construit.

Mais il est très important, pour lutter contre un certain sociocentrisme, que les étudiant·e·s (en parti- culier en sciences sociales) aient la possibilité de dé- couvrir le fonctionnement d’organisations et d’ins- titutions majeures. Il s’agit d’institutions qui sont au cœur de la démocratie dans un État de droit, comme la police et la justice, ou au cœur de prestations sociales cruciales, telles que le soin, la protection majors et patrouilles, en voiture comme à pied ; et,

deuxièmement, l’entretien semi-directif auprès d’un échantillon de policiers·ières. En tout, 40 obser- vations ont pu être menées à bien, de longueur et d’intensité variables, et 100 entretiens ont été réali- sés entre les mois de novembre 2016 et mars 2017.

Conduite dans le cadre pédagogique de l’Atelier de recherche de la maîtrise de sociologie de l’Universi- té de Genève, l’enquête a impliqué cinq étudiant·e·s et deux encadrantes.

La nouvelle Loi sur la police (LPol) du 9 septembre 2014 – adoptée par le Grand Conseil genevois, acceptée en votation populaire en 2015, puis entrée en application le 1er mai 2016 – offre de nouvelles perspectives pour le développement des services de police du canton de Genève. Les interlocuteurs·trices expliquent, en juin 2016, qu’un remaniement conséquent de la structure même des services et des identités professionnelles est à l’œuvre. Certains deuils sont en train d’être faits par les effectifs : un corps unifié de gendarmerie n’existe plus, par exemple, même si l’appellation de

« gendarme » subsiste ; un badge unique « police » est en passe d’être créé.

Cependant, le regroupe- ment de toutes les forces de la Police cantonale sous la même bannière et la volonté d’insuffler un même esprit, une même culture institutionnelle et un même objectif général de service à la population prennent du temps à se diffuser dans les postes et les brigades. Si les états- majors des trois services créés issus de la gendar- merie (police secours, police de proximité et police routière) sont convaincus de l’utilité d’une telle com- plémentarité, sur le terrain, les métiers et les appar- tenances d’origine restent marqués.

Il se trouve que les réformes des services de po- lice ont déjà fait l’objet de travaux conséquents en sciences sociales. Le management du changement dans une institution aussi centrale au fonctionne- ment des démocraties modernes (Roché, 2016) ne peut laisser les analystes indifférent·e·s. La réforme de la Police cantonale genevoise n’est donc pas un cas isolé. En Suisse, en Europe ou, plus largement, au niveau mondial, de nombreuses réformes de la

Le regroupement de toutes les

forces de la Police cantonale sous

la même bannière et la volonté

d’insuffler un même esprit, une

même culture institutionnelle

et un même objectif général de

service à la population prennent

du temps à se diffuser dans

les postes et les brigades.

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des personnes vulnérables, la prison, ou l’école. Si le learning by doing a un sens à l’université dans les études de sciences sociales, cela passe forcément par une immersion dans des milieux, organisations et communautés différents et inconnus que l’on n’étudie pas comme des tribus lointaines, mais avec lesquelles on construit un dialogue.

En d’autres termes, les affaires de police re- gardent éminemment les « apprenti·e·s » en sciences sociales, qui méritent leur accès, à la condition qu’ils ou elles posent sur ces domaines un regard candide (et non pas naïf). Car, au fond, les efforts d’interconnaissance doivent s’envisager dans les deux sens. Dans cette enquête, les policiers·ières les ont accueillis sur leurs lieux de travail, mais il a aussi fallu que les apprenti·e·s sociologues prennent la mesure de la réalité des situations de travail et des contraintes qui pesaient sur ces professionnel·le·s.

Chacun·e croit savoir ce que fait la police. À la différence de nombreux milieux de travail, dont nous ignorons tout et dont nous avons une expé- rience éventuellement purement livresque ou ci- nématographique, il se trouve que chacun d’entre nous a eu, au moins une fois dans sa vie, affaire aux policiers·ières : le franchissement d’une ligne blanche, un excès de vitesse, des phares de voiture défectueux, un cambriolage, une bagarre qui dégé- nère, etc. De surcroît, nous sommes tous friands de ces séries télévisées, de ces films et de ces romans policiers, qui font le délice des jours de pluie. Les policiers font à la fois partie de notre imaginaire col- lectif (tout comme les soignant·e·s, par exemple) et sont inscrit·e·s dans notre quotidien.

Dès lors, sociologues et étudiant·e·s de l’équipe avaient toutes et tous une expérience préalable de la police et des policiers·ières. Les sociologues, comme les ethnologues et les anthropologues, mais l’ensemble des chercheurs·euses en sciences sociales en général, doivent se méfier des a priori et des constructions préalables. Même si les cli- chés, les raccourcis, le sens commun servent tout un chacun à se repérer rapidement dans des situa- tions sociales, le ou la sociologue doit, par défi- nition, faire exactement l’inverse et questionner l’intégralité de ce qu’il ou elle voit. L’apprentissage de ce b.a.-ba doit être enseigné hors de la salle de classe. C’est une immense chance de pouvoir aller à la rencontre des policiers·ières dans leur quotidien professionnel. C’est aussi capital pour s’assurer que

les représentations des mondes des un·e·s, celui des policiers·ières, et des autres, celui des universitaires en l’occurrence, ne soient pas abstraites et fantas- mées, mais le plus possible fondées sur une expé- rience commune. Tenter de construire des passe- relles pour que des représentations sociales soient, sinon partagées, du moins comprises dans leurs contextes, est ce que peuvent offrir ces enquêtes de terrain. Et ce, d’autant plus pour le cas qui nous occupe, aller à la rencontre des policiers·ières, c’est aussi aller à la rencontre de « spécialistes » de la so- ciété. Les policiers·ières sont aussi des spécialistes de l’urbain, de la famille, de la délinquance, de l’ad- diction, de la violence,

de la migration, du terro- risme ou encore de la di- plomatie internationale.

Cependant, ils ou elles ne se revendiquent pas, à l’instar des sociologues, comme des analystes de

la société. Ils ou elles protègent leur monde privé (Pruvost, 2007 ; Monjardet, 2005).

On oserait parler d’une forme de déniaisement sociologique salutaire en ce qui concerne cette enquête. Peneff (2009), ardent défenseur du recours à l’observation dans la connaissance des mondes sociaux, constate que « la conscience de l’étroitesse de notre connaissance produit un sens pratique, début d’une prise de distance élémentaire. Quand elle s’affaiblit, les effets négatifs apparaissent sous la forme de la perte du réalisme des professionnels (ignorance de la finalité de leurs actes), que ce soit dans le travail social, dans la justice, dans la méde- cine, dans le journalisme ou dans les métiers de plus en plus isolés et bureaucratisés. La segmentation des savoirs, la fragmentation du monde du travail en cellules autonomes freinent l’observation des cel- lules voisines. Le sociologue cherche à traverser ces murs, mais il se heurte aux mêmes barrières que le quidam, que ce soit le repli des questionnés face aux enquêteurs, le rétrécissement général des expé- riences sociales ou bien le manque d’occasions de rencontres physiques ou intellectuelles entre classes sociales » (p. 162−163).

Les auteur·e·s de cette étude pourraient sans doute reprendre à leur compte ces remarques et se sentent en phase avec ce projet d’interconnaissance des mondes sociaux.

T enter de construire des passerelles

pour que des représentations sociales

soient, sinon partagées, du moins

comprises dans leurs contextes, est

ce que peuvent offrir ces enquêtes

de terrain.

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Conclusion : un éclairage à partager

In fine, l’équipe a porté un regard outillé par la sociologie des organisations, en s’intéressant tout naturellement aux occasions de collaboration, aux outils de coordination mis en place et à la coopé- ration naturelle, formelle comme informelle, entre services, brigades et dans les postes de police. Dans la mesure où le thème choisi portait sur la transver- salité entre les services de police, c’est naturellement que ces thèmes ont fait l’objet de toute son attention.

Les difficultés structurelles ne sont pas inhérentes aux services de police. Elles sont liées à la spécia- lisation des métiers d’intervention. Au dé- cours de cette réforme sont mis en lumière les enjeux actuels du métier de policier·ière.

Ainsi, on a pu conclure que la transversalité ne se décrète pas. Elle doit entrer en résonnance avec les besoins du métier, et les besoins de sécurité et de protection des citoyen·ne·s genevois·es. La créa- tion de trois services a amené un gros travail de réflexion sur les missions d’une police moderne.

Les promesses de rationalisation du service rendu, d’un fonctionnement plus efficace et d’un déve- loppement des compétences de chacun·e habitent la réforme. Mais, ce faisant, le diagnostic posé a mis en lumière que la réforme avait touché à trois points cruciaux : l’identité du policier ou de la po- licière, l’équité entre les policiers·ières et la doxa professionnelle.

Cet éclairage aurait pu conduire à davantage de co-construction du diagnostic, néanmoins, il a constitué un premier pas prometteur. En particulier, il a conforté les auteur·e·s dans l’idée que ces col- laborations entre police et sciences sociales étaient de nature à faire tomber des barrières entre profes- sions, milieux et organisations de travail, de manière à favoriser l’émergence de solutions sociétales davantage partagées, car mieux contextualisées.

Un constat qui, bien sûr, dépasse les organisations policières et s’applique à toutes les organisations qui peuplent notre quotidien (Bourrier, 2017). Cette

« société d’organisations », décrite par Perrow (1991) mérite d’être analysée avec des regards croisés, sans cesse renouvelés.

Les difficultés structurelles ne sont pas inhérentes aux services de police.

Elles sont liées à la spécialisation des métiers d’intervention.

Bibliographie

Bourrier, M. et Kimber, L., en coll. avec Andenmatten, C., Dufour, L., Fontaine, M., Friedli, A., & Humerose, C. (2018).

La police en quête de transversalité. Chroniques de la réforme de la police genevoise de 2016, Sociograph n° 36.

Bourrier, M. (2017). « Conditions d’accès et production de connaissances organisationnelles ». Revue d’anthropologie des connaissances, 11(4), pp. 521–547.

Bourrier, M. (2013). « Embarquements ». Revue de Socio- anthropologie, n° 27, pp. 12–24.

Brodeur, J.-P. (2003), Les visages de la police. Montréal : Presses universitaires de Montréal.

Froidevaux, D. (2011), « La police de proximité à la croisée des chemins ». Format magazine – Revue de formation et de recherche policières, n° 2, pp. 11–14.

Jobard, F. & Maillard, J. (2015), Sociologie de la police. Politiques, organisations et réformes, Paris : Armand Colin.

Loubet del Bayle, J.-L. (2016), Sociologie de la police, Paris : L’Harmattan.

Monjardet, D. (1996), Ce que fait la police. Sociologie de la force publique, Paris : La Découverte.

Monjardet, D. (2005). « Gibier de recherche, la police et le projet de connaître ». Criminologie, pp. 13–37.

Peneff, J. (2009). Le goût de l’observation. Comprendre et pratiquer l’observation participante en sciences sociales. Paris, La Découverte.

Perrow, C. (1991). « A society of organizations. » Theory and society, 20(6), pp. 725–762.

Pruvost, G. (2007). Enquêter sur les policiers. Entre devoir de réserve, héroïsation et accès au monde privé (n° 48, pp. 131–148). Ministère de la culture/Maison des sciences de l’homme.

Roché, S. (2016), De la police en démocratie, Paris, Grasset.

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Zusammenfassung

Soziologie und Polizei: ein gemeinsames Erbe, das es zu erhalten gilt

Die Überlegungen in diesem Text stützen sich auf eine soziologische Studie bei der Kantonspolizei Genf, welche zum Ziel hatte, die Umsetzungsmoda- litäten der Polizeireform vom 1. Mai 2016 zu prüfen.

Diese war aus dem neuen Genfer Polizeigesetz vom 9. September 2014 hervorgegangen und wirkte sich in erster Linie auf folgende drei Dienstzweige aus:

Einsatzpolizei, Community Policing und Verkehrs- polizei. Im vorliegenden Artikel liegt der Fokus nicht auf den Ergebnissen, sondern auf den Voraussetzun- gen der Studie; insbesondere geht es um den Kon-

text, der für die Durchführung derartiger Forschungs- projekte in einem Polizeikorps notwendig ist. Zwei Aspekte stehen dabei im Vordergrund: einerseits das gemeinsame Erbe der Sozialwissenschaften und der Polizei und andererseits der Forschungs- rahmen, der die Studie möglich gemacht hat. Im Fa- zit schliesslich werden die Erkenntnisse aufgezeigt, die aus einer solchen Forschungspartnerschaft ent- stehen können, ohne dabei deren Grenzen zu ver- nachlässigen. Ziel des Artikels ist es nicht zuletzt, die Wichtigkeit des gemeinsamen Erbes der Sozial- wissenschaften und der Polizei hervorzuheben und darzulegen, wieso dieses erhalten werden muss.

Riassunto

Sociologia e polizia: un’eredità condivisa da pre- servare

Le riflessioni scaturite da questo testo poggiano su uno studio sociologico svolto presso la Polizia can- tonale di Ginevra con l’obiettivo di approfondire la comprensione delle modalità di applicazione della riforma della polizia del 1° maggio 2016, sviluppata nel quadro della nuova legge sulla polizia – la LPol entrata in vigore il 9 settembre 2014 – con parti- colare riferimento a tre servizi: la polizia di pronto intervento, la polizia di prossimità e la polizia stra- dale. In questa sede non si intende ripercorrere i ri- sultati di questa ricerca, quanto piuttosto riflettere

sui parametri che l’hanno resa possibile, insistendo sul contesto in cui si possono considerare progetti di ricerca di questo tipo in collaborazione con le forze di polizia. In particolare, vorremmo sottoline- are due aspetti: innanzitutto, l’eredità che le scienze sociali e la polizia condividono; in secondo luogo, il quadro nel quale questo studio è stato svolto e infine la prospettiva che un partenariato di questo tipo può aprire, senza dimenticare di sottolineare i limiti di un simile punto di vista. L’argomento vuole ricordare che l’eredità condivisa da scienze sociali e polizia è preziosa e vale la pena preservarla.

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