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Les aéroports et le transport aérien face à l’environnement : questions territoriales et enjeux à l’échelle internationale

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Les aéroports et le transport aérien face à l'environnement : questions territoriales et enjeux à l'échelle internationale

FABUREL, Guillaume, LEVY, Lisa

FABUREL, Guillaume, LEVY, Lisa. Les aéroports et le transport aérien face à

l'environnement : questions territoriales et enjeux à l'échelle internationale.

Questions internationales

, 2016, no. 78, p. 34-37

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:96301

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Ú POUR ALLER PLUS LOIN

Les aéroports et le transport aérien face à l’environnement Questions territoriales et enjeux à l’échelle internationale

La problématique des impacts environnementaux s’est imposée depuis plus de trente ans dans les discours tant institutionnels qu’opérationnels, tant de la part des opposants locaux que des chercheurs, et elle constitue pour les aéroports l’une des principales limites à leur développement 1 voire simplement à leur fonctionnement.

1. Les aéroports dans la tourmente environnementale

De Bruxelles National à Francfort Rhin Main, de San Francisco International Airport à Sydney Kingsford Smith, les impacts environnementaux du transport aérien suscitent des oppositions croissantes aux constructions, aux extensions de plateformes et à leurs développements annexes – dessertes, centres commerciaux, centres logistiques, de congrès...

L’aéroport est même devenu un symbole des débats en cours sur les enjeux environnementaux de la mondialisation, incarné par le détournement du sigle programmatique ZAD, « zone d’aménagement différé » en « zone à défendre », que l’on voit se développer jusqu’au Brésil ou en Corée du Sud. « Non à l’aéroport et à son monde » est un slogan qui est apparu ces dernières années au nom de la crise écologique.

Ni la croissance du trafic aérien – à peine ralentie par les récentes crises économiques et vouée à se poursuivre d’après les projections de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) – ni les oppositions – de collectifs ou d’associations de riverains – ne s’infléchissant, il apparaît nécessaire de s’interroger sur les problèmes environnementaux actuels, et ce à partir de plusieurs expériences étrangères, principalement des pays du Nord.

1 Bleijenberg A.N., 1995, “A future for air transport”, World Transport Policy and Practice, Vol.1,

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2. De la maîtrise des pollutions à la responsabilité environnementale des aéroports

À l’échelle de l’infrastructure aéroportuaire, les gestionnaires font

dorénavant

la démonstration croissante de leur maîtrise des impacts environnementaux de diverses natures. Leur catégorisation est standardisée à travers le Global Reporting Index, qui constitue partout l’épine dorsale des rapports environnementaux des acteurs de la filière (voir encadré).

Le Global Reporting Initiative (GRI)

Élaboré depuis 1997 par des ONG américaines (Coalition for Environmentally Responsible Economies et Tellus Institute), en partenariat avec le programme d’environnement des Nations Unies, le référentiel du GRI propose aux entreprises et ONG, 79 indicateurs (dont 49 de base, 30 complémentaires) pour évaluer leurs programmes d’action et rédiger leurs rapports de développement durable. Il couvre les champs de l’économie, de l’environnement, de la responsabilité sociale et sociétale des organisations, et des droits de l’homme. Utilisé par les acteurs du secteur aérien, il intègre systématiquement les émissions sonores (appareils au sol), de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques, des critères de consommation de l’eau, d’usage des sols et des actions de gestion des déchets ou encore de maîtrise de l’énergie.

Source : www.globalreporting.org.

L’évaluation de tels impacts s’inscrit dans le processus de normalisation caractéristique du management environnemental (normes ISO 14001, 5001, 14064). À travers ce prisme, les actions et progrès réalisés apparaissent importants, même si certaines questions conflictuelles demeurent d’actualité, comme le régime d’exception du prix du kérosène vis-à-vis de sa contribution environnementale, ou encore les effets sanitaires de ces pollutions démontrés par des études épidémiologiques.

Le développement du label Airport Carbon Accreditation par l’Airports Council International (ACI) témoigne de la nécessité pour les gestionnaires de s’ouvrir à une autre échelle. Pour gravir les échelons du label et atteindre la « neutralité carbone », ils doivent associer non seulement les

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entreprises présentes sur la plateforme aéroportuaire mais également au- delà, et prendre en compte les déplacements générés par les flux de voyageurs et d’employés.

L’évaluation ne vise donc plus seulement à faire la démonstration de l’innocuité environnementale des aéroports mais aussi celle de leur développement dit responsable, en relation étroite avec leur territoire d’accueil. « L’environnement du projet, c’est ce qui a cessé de l’environner pour l’envahir et le concerner »2. Les problèmes environnementaux des aéroports sont dorénavant à définir aussi à l’aune de leur environnement urbain.

3. Dépasser les logiques fonctionnelles et économiques

Bien que pièces maîtresses du développement métropolitain, les aéroports n’ont en effet pas le statut de pièce urbaine à part entière. L’impact paysager des plateformes, qui ont souvent fait le vide autour d’elles, traduit bien cette contradiction. Surtout, leurs emprises et celles des voies de desserte qui les accompagnent, ainsi que les contraintes réglementaires imposées à l’urbanisation, génèrent d’importantes discontinuités dans l’urbanisation. En marge des agglomérations, les fronts urbains sont modifiés. Les aéroports sont source de cloisonnement entre et au sein même de certaines communes, ou encore d’une sédimentation du bâti, le renouvellement et la mutation du tissu urbain étant fortement ralentis voire entravés, avec parfois des vieux villages progressivement désertés3.

Pourtant, les aéroports attirent, et les vides se remplissent au gré des opportunités et des spéculations foncières. Les pourtours aéroportuaires sont en particulier marqués par un intense développement de zones d’activité – hôtels, logistique, bureaux, centres d’expositions – partout en

2 Lolive J., Soubeyran O., 1999, « Comment prévenir les controverses environnementales », Aménagement et Nature n°134, 136-139.

3 Voir l’analyse de Faburel G., Barraqué B., 2002, Les impacts territoriaux du bruit des avions, le cas de l’urbanisation à proximité de Roissy CDG. Ne pas évaluer pour dire tout et son contraire, Rapport Final du CRETEIL pour l’ADEME dans le cadre du programme Concertation, Décision et Environnement du Ministère de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement, 43 p.

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Europe4 comme aux États-Unis5. Ce phénomène, qui peut s’étendre jusqu’à 40 kilomètres, a orienté et reconfiguré le développement d’une agglomération comme Amsterdam vers le Sud ou Stockholm vers le Nord.

On voit ainsi émerger de véritables « territoires aéroportuaires », en interaction directe avec les espaces métropolitains et leurs densifications périphériques.

L’ambiguïté de la notion d’Airport City atteste la difficulté à penser le rôle de l’aéroport non pas dans l’espace de la concurrence internationale mais dans le développement multiple d’une ville. Se référant tantôt au développement commercial et tertiaire de l’aéroport, tantôt à la proximité et parfois aux villes dans lesquelles ils s'implantent – telle Vantaa, à Helsinki – , cette notion d’Airport City reste associée à des logiques économiques d’attractivité.

Les pourtours aéroportuaires demeurent souvent réduits à des espaces peuplés de voyageurs et de navetteurs, et la riveraineté considérée seulement sous l'angle de l’offre commerciale ou environnementale… de loisirs – à l’exemple des grands parcs d’attractions, tel Robot Land en construction à proximité du 1er aéroport sud coréen (Incheon International Airport). Largement décrié, le grand projet immobilier Europa City dans les pourtours de l'aéroport Paris-Roissy-Charles-de-Gaulle, porté pour une filiale d’Immochan par des grands noms de l’architecture, incarne bien un tel tropisme.

4. Dépasser la rhétorique des impacts pour penser l’intégration dans la ville

La présence aéroportuaire a des effets directs sur l’espace habité. En Île- de-France par exemple, le bruit des avions constitue l’un des trois principaux facteurs environnementaux de répulsivité des espaces

4 Güller M., Güller M., 2003, From Airport to Airport City, Editorial Gustavo Gili, Barcelone.

5 Cidell JL., Adams JS., 2001, The Groundside Effects of Air Transportation, Center for Transportation Studies, Department of Geography, University of Minnesota ; De Neufville R. et A. R. Odoni, 2003, Airport systems: planning, design and management, McGraw-Hill, New York, 883 p.

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résidentiels6, facteurs par ailleurs supérieurs à la valorisation immobilière également liée à la proximité aéroportuaire (emplois, desserte...7). Ce facteur entraîne alors des décotes immobilières voire des difficultés à vendre un bien8.

Tandis que certains espaces se dépeuplent, d’autres voient leur composition sociodémographique évoluer, les espaces proches des aéroports attirant alors des populations plus modestes et plus jeunes. Ces évolutions ont été soulignées par les travaux d’économie de l’environnement conduits autour de 20 aéroports dans le monde au tournant des années 20009, et depuis localement confirmées par des analyses statistiques croisant données sociales et environnementales10.

Notons ici que les outils réglementaires de planification urbaine chargés de la gestion préventive de l’exposition sonore (Noise Compatibility Programs, Plan d’exposition au bruit) renforcent voire provoquent eux-mêmes les phénomènes décrits ci-dessus. En maintenant les emprises foncières nécessaires à l’implantation d’infrastructures, en orientant l’affectation fonctionnelle des espaces, en freinant constructions et renouvellement urbain...

Premier enjeu environnemental partout reconnu pour les relations aéroports et territoires, la gêne due au bruit des avions a notamment fait l’objet de recherches qui ont produit quantité d’indicateurs – day-evening-

6 Faburel G., Gueymard S., 2008, « Inégalités environnementales en région Ile-de-France : le rôle structurant des facteurs négatifs de l’environnement et des choix politiques afférents », Revue Espace - Populations – Sociétés, n°1, 159-172.

7 Voir Button K., 2003, “The potential of meta-analysis and value transfers as part of airport environmental appraisal”, Journal of Air Transport Management, Vol. 9, 167-76.

8 Faburel G. Maleyre I., 2007, « Dépréciations immobilières, polarisation sociale et inégalités environnementales pour cause de bruit des avions. Une application de la méthode des prix hédoniques à proximité d'Orly », Développement Durable et Territoires, https://developpementdurable.revues.org/2775

9 Schipper Y., Nijkamp P., Rietveld P., 1998, “Why do aircraft noise value estimates differ? A meta-analysis”, Journal of Air Transport Management, Vol.4, 117-24. ; Navrud S., 2002, The State-Of-The-Art on Economic Valuation of Noise, Department of Economics and Social Sciences, Agricultural University of Norway, Final Report to European Commission DG Environment.

10 Cf. Inégalités sociales et environnementales autour des grandes plateformes aéroportuaires franciliennes, Bruitparif pour l’Agence régionale de la santé Île-de-France, 2012.

http://www.bruitparif.fr/projet-survol

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night level (Lden) en Europe, day-night average sound level (DNL) aux États-Unis. Quel que soit le degré de sophistication de l’indice considéré, les limites méthodologiques et techniques, liées à la nécessaire modélisation, sont toutefois nombreuses. Les décalages observés entre les cartes de bruit officielles et les périmètres de gêne déclarée lors d’enquêtes sont alors fréquents. Et alors que, officiellement, l’empreinte sonore diminuerait du fait du renouvellement des flottes d’avions, la gêne tendrait à augmenter (voir figure)

Périmètre de bruit et gêne exprimée autour d’Heathrow

Source : British Airports Authority, 2015.

Les indicateurs officiels deviennent ainsi source d’incompréhensions et de contestations, en particulier lorsqu’ils sont introduits dans la réglementation pour définir les périmètres de droits à l’insonorisation ou encore fixer les limites et conditions des règles à bâtir. De tels zonages, et la rhétorique de la maîtrise des impacts qui les accompagne, maintiennent villes et aéroports à distance.

5. De l’Airport city à l’aéroport dans la cité ?

Les territoires de la contestation politique liés au bruit se sont étendus de façon constante ces vingt dernières années, jusqu’à 30 à 35 kilomètres des plateformes11. Cela renvoie souvent à d’autres réalités, en lien avec des

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tensions sociopolitiques et/ou interculturelles (Bruxelles National), transfrontalières (Genève Cointrin), qui pointent le caractère réducteur et illusoire des politiques de planification et de gestion actuelles, basées sur les indicateurs. En France, la mobilisation contre le projet de Notre-Dame- des-Landes s'est étendue à l'échelle nationale, témoignant d'une profonde disjonction entre les visions des autorités (aéroportuaires comme publiques) et celles de la population (riverains, agriculteurs, écologistes...).

Les procédures administratives et de concertation, marquées par la culture aménagiste des années 1970-1980, dorénavant accompagnée de mesures compensatoires, semblent incapables de les rapprocher.

Dès lors, débattre de ces indicateurs constitue certes une intéressante piste de dialogue entre les aéroports, les collectivités locales et leurs populations (Vienna International Airport ou encore Sydney Kingsford Smith), mais ne saurait suffire à introduire une autre logique de gestion des interfaces entre les aéroports et leurs territoires d’accueil12.

La mise en œuvre de politiques actives et globales d’insonorisation, comme à Chicago O’Hare ou à Amsterdam Schiphol semblent parvenir à réduire notablement les tensions. Plutôt qu’une manœuvre pour acheter la paix sociale, ces exemples semblent aboutir à une conception de l’aéroport qui pense sa condition urbaine et cherche les voies de son intégration dans l’espace métropolitain non seulement fonctionnel mais aussi habité.

Dans cette perspective, les aéroports pourraient d’ailleurs également assumer des fonctions positives, en offrant par exemple de véritables espaces de respiration pour les riverains, une ouverture sur l’horizon raréfiée dans les espaces métropolitains toujours plus denses.

À condition toutefois de reconnaître la nécessité d’une gestion sociale et environnementale qui pensent les aéroports et leurs effets en liens étroits avec les villes. Cette évolution implique d’engager les débats nécessaires

Towards a Cosmopolitical Approach”, in Saulo Cwerner, John Urry and Sven Kesselring (dir.).

Aeromobilties, Routledge, 211-24

12 Faburel G., Lévy L., Rui S., Déroubaix J-F., 2007, Expériences étrangères de dialogue (Europe, Etats-Unis, Australie) et rôle des indicateurs pour une gestion plus concertée des aires aéroportuaires, Rapport du CRETEIL pour le CNRS et Aéroports de Paris, 112 p.

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sur le développement métropolitain des villes directement concernées par l’offre aéroportuaire.

Guillaume Faburel * et Lisa Lévy **

* Professeur, Université Lumière Lyon 2, UMR Triangle (CNRS - Ecole Normale Supérieure – Universités de Lyon 2 et de Saint Etienne - IEP de Lyon), Labex Intelligences des Mondes Urbains, Coordinateur du Bureau de recherches Aménités : Aménagement, Environnement, Territoires

** Maître assistante, université de Genève, Institut des Sciences de l'Environnement

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