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Texte intégral

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gate M A G A Z I N E - D E C E M B R E 2 0 1 8

RedistRibution des Revenus, globalisation et malédiction des classes moyennes

PolaRisation de l’emPloi

PouRquoi s’intéResseR à l’économie Politique RéPublicaine ?

aux Racines des liens entRe football et cRiminalité : l’aPPoRt de l’économie PouRquoi les Politiques euRoPéennes d’innovation et de déveloPPement Régional Peuvent êtRe inefficaces ?

PRendRe sa RetRaite… et gRossiR ? indonésie... de belles exPéRiences

lyon saint-etienne

#06

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SOMMAIRE

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GATE MAGAZINE décembre 2018 GATE MAGAZINE décembre 201811

Depuis plus de trente ans, le progrès technologique a engendré d’importantes mutations économiques dans les sociétés occidentales. En particulier, le marché du travail a subi un formidable choc inégalitaire en faveur des travailleurs qualifiés et en défaveur des moins qualifiés. Cette “polarisation de l’emploi”, popularisée par les travaux de Autor et Dorn (2009, 2013) ainsi que Goos et al. (2009), est marquée par l’essor de l’emploi qualifié qui a notamment bénéficié de la révolution numérique. Parallèlement, la désindustrialisation qui a résulté du progrès technologique a conduit à une disparition d’emplois de type routinier (généralement en usine, répétitif et automatisable) et à un basculement des travailleurs moins qualifiés vers des emplois manuels dans les services1. Enfin, ce changement technologique biaisé 1 Dans Autor et Dorn (2013), le terme service occupa- tions est utilisé. Celui-ci désigne un groupe d’occupa- tions nécessitant peu de qualifications (assistance aux personnes, le gardiennage, conciergerie, technicien de surface, garde d’enfant, serveurs, etc). Il est important de le distinguer du secteur des services au sens large.

dans les tâches2 s’est également traduit par un accroissement des inégalités salariales. Les travaux d’Autor et Dorn (2013) et de Spitz- Oener. (2006) parlent alors de polarisation des salaires.

Ma recherche s’inscrit dans le prolongement des précédentes études et a pour objectifs d’en identifier les causes et les implications pour la dynamique du marché du travail. En utilisant des modèles du marché du travail, l’article “Tale of Two Countries, A Story of the French and US Polarization” (2017, co-écrit avec François Langot, Jean-Olivier Hairault et Thepthida Sopraseuth) tente d’expliquer les écarts observés du niveau et du rythme de la polarisation de l’emploi entre la France et les Etats-Unis.

L’emploi routinier a diminué de façon significative en France jusqu’au milieu des années 90 puis a augmenté jusqu’à la crise financière de 2008.

Aux Etats-Unis, il a diminué depuis 2 Le terme anglo-saxon est task-biaised technological change.

ZOOM SUR LA RECHERCHE

les années 80. Nous cherchons à distinguer la contribution relative de trois phénomènes pouvant expliquer cette polarisation du marché du travail  : le progrès technologique, les changements institutionnels3 et l’augmentation du nombre d’actifs très qualifiés.

Notre étude indique qu’aux Etats- Unis, le progrès technologique et la hausse des actifs qualifiés semblent responsables de cette polarisation.

En France, les modifications de la composition de l’emploi semblent plutôt avoir été façonnées par les 3 Par structure institutionnelle ou institutions du marché du travail, nous entendons la rigueur de la protection de l’emploi, la générosité des indemnités chômage, le niveau du salaire minimum, le niveau des cotisations patronales et salariales, etc.

changements institutionnels. En particulier, la pression fiscale sur les employeurs, la hausse du salaire minimum et des minima sociaux se sont traduites par une baisse de l’emploi routinier devenu moins compétitif. Le rebond de l’emploi routinier en France au milieu des années 90 s’explique par la politique de baisse de charges sur les bas salaires. Enfin, si les institutions du marché du travail semblent plutôt jouer en défaveur de l’emploi total en France, celles-ci ont largement contribués à réduire la progression des inégalités salariales (le contraire des Etats-Unis).

Polarisation de l’emploi

Julien Albertini, Maître de conférences à l’Université Lumière Lyon 2, est membre de l’axe

«  Macroéconomie, finance et histoire économique  » du GATE Lyon Saint-Etienne. Ses travaux portent sur la dynamique du marché du travail et les politiques monétaires et fiscales.

Albertini J., Langot F., Hairault J.O. and Thepthida S. (2017)

«  A Tale of Two Countries, A Story of the French and US Polarization », , SFB 649 Discussion Paper 2015-05.

Autor D.H. & Dorn D. (2013). « The growth of low-skill service jobs and the polarization of the us labor market ». American Economic Review. 103(5), 1553-1597.

Autor D (2009) « This Job is ‘Getting Old:’ Measuring Changes in Job Opportunities using Occupational Age Structure.  ».

American Economic Review Papers and Proceedings. 99(2), 45–51 Goos, M.M.A. & Salomons A. (2009). « Job polarization in europe ». American Economic Review. 99(2), 58-63 Spitz-Oener A. (2006) «  Technical Change, Job Tasks and Rising Educational Demands: Looking Outside the Wage Structure ». Journal of Labor Economics. 24(2)

� En France, les modifications de la composition de l’emploi semblent plutôt avoir été façonnées par changements institutionnels —

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GATE MAGAZINE décembre 2018 GATE MAGAZINE décembre 201821

Le passage à la retraite est synonyme d’une myriade de changements dans la vie des individus. De temps libre en abondance, d’abord. De baisse non négligeable de revenu, ensuite. D’un arrêt soudain de l’activité physique et cognitive développée dans le cadre du travail, enfin et surtout. En ce sens le passage à la retraite est aussi une période critique pour le bien-être et la santé des individus. Leur poids, en particulier, est susceptible de varier subitement. Alors, grossirez-vous lors de votre passage à la retraite ? Les déterminants de la prise de poids chez les seniors sont très peu étudiés.

C’est pourtant vers 60  ans que les taux d’obésité sont les plus élevés et que cette pathologie présente le plus de risques pour la santé (hypertension, cholestérol, diabète, arthrose, maladies cardiovasculaires, etc.). La prise de poids chez les seniors peut s’expliquer par des facteurs directement liés à l’âge  : le métabolisme de base se ralentit et l’organisme consomme moins d’énergie.

Arrêt de l’activité physique Mais au-delà de cet effet biologique, un petit nombre de travaux suggèrent que le passage à la retraite augmente le risque d’obésité, en particulier chez les ouvriers et les individus exerçant un emploi exigeant du point de vue physique. Car si l’arrêt soudain de l’activité physique développée dans le cadre du travail n’est pas compensé par une hausse de l’activité physique en temps de loisir ou par une baisse des apports caloriques, le corps se trouve obligé de stocker le surplus.

Ces travaux souffrent toutefois de ne mesurer que des corrélations, sans tenir compte du caractère potentiellement «  endogène  » du passage à la retraite. Autrement dit, ils ignorent une relation circulaire entre passage à la retraite et poids : les personnes obèses partent, toutes choses égales par ailleurs, plus tôt à la retraite, départ précoce qui s’explique par leur état de santé dégradé…

Si deux articles récents consacrés au cas états-unien dépassent cette tautologie pour estimer l’effet causal du passage à la retraite sur le risque d’obésité, leurs résultats demeurent difficilement généralisables à l’Europe. En effet, la prévalence de l’obésité diffère largement entre les États-Unis et l’Europe, de même que le fonctionnement du marché du travail, des systèmes de protection sociale et de santé. Aussi ne sait-on toujours pas si les seniors européens prennent du poids lors de leur passage à la retraite.

J’ai répondu à cette question dans un article récemment publié dans le Journal of Health Economics. J’ai utilisé l’enquête européenne SHARE (Survey of Health, Ageing and Retirement in Europe), qui fournit depuis 2004 des données longitudinales sur les plus de 50  ans. Afin de contourner le problème d’endogénéité évoqué plus haut, j’ai exploité l’existence d’âges bien définis d’ouverture des droits à la retraite, leur variation à travers les pays et les sexes, et les récentes réformes des retraites mises en place dans certains pays européens.

Les hommes grossissent plus Mes résultats montrent que si la majorité des individus ne prennent pas de poids lors de la retraite, les hommes et les femmes demeurent inégaux devant la balance. Le passage à la retraite augmente le risque d’obésité chez les hommes, notamment pour ceux qui sont en surpoids ou exercent un emploi physique. À l’inverse, les femmes ne semblent pas prendre du poids lors

du passage à la retraite. Quels sont donc les mécanismes qui expliquent cette disparité hommes/femmes ? Comme souvent lorsque l’on s’intéresse aux mécanismes de la prise de poids, je me suis tournée vers les deux usual suspects  : le régime alimentaire et l’activité physique. J’ai vite innocenté le premier suspect. La majorité des travaux sur le sujet montrent en effet que l’apport calorique varie peu lors du passage à la retraite et que le régime alimentaire des jeunes seniors est relativement stable au cours du temps.

J’ai retenu en revanche comme suspect principal la réduction soudaine de l’activité physique développée dans le cadre du travail.

Je me suis appuyée pour ce faire sur de récents travaux en épidémiologie (Barnett et al., 2013) qui montrent que la plus importante diminution de l’activité physique lors du passage à la retraite s’observe chez les hommes.

Ces derniers, en effet, occupent davantage des emplois physiques.

Ils doivent ainsi, lors du passage à la retraite, compenser une réduction plus importante de l’activité physique liée au travail. Et si les deux sexes augmentent leur activité physique en temps de loisir après la retraite, c’est toutefois chez les hommes que la diminution nette d’activité physique est la plus élevée, et ce d’autant plus qu’ils occupent un emploi physique.

Autant de résultats qui suggèrent la mise en place de politiques de prévention lors du passage à la retraite des hommes en surpoids et qui exercent un emploi physique. Des programmes visant à promouvoir l’activité physique auprès de cette population à risque seraient particulièrement adaptés.

Prendre sa retraite… et grossir ?

Mathilde Godard, Chargée de recherche au CNRS, est membre de l’axe «  Politiques Publiques et Espace  » du GATE Lyon Saint- Etienne. Ses travaux portent sur les liens entre incertitude sur le marché du travail et formation du capital humain.

Bibliographie : Barnett, I., van Sluijs, E., Ogilvie, D. and Wareham N. J. (2014).

« Changes in household, transport and recreational physical activity and television viewing time across the transition to retirement: longitudinal evidence from the EPIC-Norfolk cohort ». Journal of Epidemiology and Community Health, 68, 747-753.

Godard, M. (2016). « Gaining weight through retirement

? Results from the SHARE survey », Journal of Health Economics, Vol. 45, pp 27–46 ZOOM SUR LA RECHERCHE � Si la majorité des individus ne prennent pas de poids lors de la retraite,

les hommes et les femmes demeurent inégaux devant la balance �

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GATE MAGAZINE décembre 2018 GATE MAGAZINE décembre 201813

Depuis les travaux de J. G. A. Pocock et de Q. Skinner, les historiens de l’Ecole de Cambridge ont identifié deux langages opposés servant à exprimer la pensée politique moderne. D’un côté, la tradition

«  libérale  » qui trouvait ses origines dans l’individualisme lockéen.

L’homme, en tant qu’animal civil, se définirait par des rapports d’échange où le politique se réduirait au juridique, c’est-à-dire à la garantie des droits individuels. D’un autre côté, la tradition de « l’humanisme civique » ou du «  républicanisme classique  » trouverait ses racines dans l’Antiquité et la Renaissance. L’homme, en tant qu’animal politique, ne peut s’accomplir que par la participation à la vie de la cité. L’exercice de la liberté prime sur celle des droits individuels et se trouve menacé par le marché qui s’accompagnerait d’un repli de l’individu sur ses affaires privées. La pensée économique républicaine a dès lors suscité peu d’intérêt puisqu’elle s’inscrirait

dans la continuité de la critique dix- huitièmiste des sociétés marchandes selon laquelle la multiplication des richesses matérielles et la disparition de la petite propriété foncière sapent les fondements de la société civile.

De récents travaux soulignent le caractère caricatural d’une telle description de l’économie républicaine (voir Pettit, 2006 et Dagger, 2006). Cette dernière ne s’oppose pas frontalement à une économie de marché fondée sur la propriété privée. Ce qu’elle dénonce, ce sont les inégalités économiques que génère un tel système. Non seulement l’échange peut exprimer une relation de dépendance des plus pauvres à l’égard des plus riches, en outre, ces derniers peuvent utiliser leurs ressources pour acquérir un certain pouvoir politique. Tout l’enjeu est de trouver les moyens de réduire les écarts de richesse afin de garantir la liberté de chaque individu.

Pour ce faire les néo-républicains défendent, par exemple, un impôt

sur les successions. L’objectif est de limiter la concentration des richesses dans les mains de quelques-uns tout en protégeant les petits héritages pour ne pas désinciter les individus à entreprendre. Stuart White (2003) envisage par exemple un système de quota au sein duquel chaque citoyen peut hériter, sans être soumis à l’impôt, d’un certain montant de richesse. Mais une fois un plafond atteint, tous les autres transferts seront soumis à l’impôt. Un autre exemple est celui d’un impôt progressif sur la consommation. Le taux d’imposition augmente à mesure que les dépenses de consommation augmentent et dépassent un certain niveau jugé suffisant pour répondre aux besoins élémentaires. L’objectif

ici est d’encourager l’épargne plutôt que les dépenses (voir Dagger (2006) 164-165). Un dernier exemple mais non le moindre, est le revenu de base dont l’objectif principal est d’assurer la satisfaction des besoins fondamentaux. Cette mesure permettrait notamment de se libérer de la contrainte salariale, c’est-à-dire d’avoir la possibilité de refuser un emploi avilissant sans risquer de ne plus pouvoir subvenir à ses besoins, ou encore de se libérer du pouvoir de marché de certains vendeurs.

Ainsi selon le courant néo-républicain, en particulier Philip Pettit, il est donc possible de penser une économie politique républicaine qui, tout en défendant la liberté individuelle et la propriété privée, promeut le rôle

des institutions et des politiques économiques pour réguler le marché. Le républicanisme apparaît dès lors comme une alternative au libéralisme et au socialisme dont les limites ne sont plus à présenter.

Julie Ferrand, Maître de conférences à l’IUT de Roanne. Julie Ferrand, est membre de l’axe « Théorie des jeux, choix collectifs et marché » au GATE Lyon Saint-Etienne. Ses travaux portent sur la tradition républicaine en France au XVIIIe siècle.

Pourquoi s’intéresser à l’économie politique républicaine ?

Dagger, R. (2006). « Neo-republicanism and the civic economy » Politics, Philosophy & Economics, 5 (2): 151-173.

Pettit, P. (1997). « Republicanism: A Theory of Freedom and Government ». Oxford Political Theory Series Pettit, P. (2006). « Freedom in the market ». Politics, Philosophy & Economics, 5 (2): 131-149.

Pocock, J.-G.-A. (1975). « The Machiavellian Moment.

Florentine Political Thought and the Atlantic Republican Tradition ». Princeton: Princeton University Press.

Skinner, Q. R. D. (1978). « The Foundations of Modern Political Thought ». Cambridge University Press, 2 . White,S. (2003). « The Civic Minimum: On the Rights and Obligations of Economic Citizenship ». Oxford University Press ZOOM SUR LA RECHERCHE � Le républicanisme apparaît comme une alternative au libéralisme et au socialisme dont les limites ne sont plus à présenter �

Allégorie et effets du Bon et du Mauvais Gouvernement (1338-1339), Ambrogio Lorenzetti

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GATE MAGAZINE décembre 2018 GATE MAGAZINE décembre 201823

Julie Rosaz, Maître de Conférences à l’Université Lumière Lyon 2, est membre de l’axe «  Economie Comportementale » du GATE Lyon Saint-Etienne. Ses travaux portent sur les préférences sociales, le risque et le temps, l’engagement...

et mobilisent tous la méthodologie

expérimentale. L’objet du projet RISKADAPT est de mieux comprendre comment les gènes et les comportements interagissent. L’équipe se rendra sur différents volcans actifs pour faire des prélèvements d’ADN et observer grâce à des jeux expérimentaux les comportements des individus vis à vis du risque.

Jour 1. Rencontre à Jakarta avec Bambang Suryobroto, professeur de biologie à l’université de Bogor et de Sarah Nilea, sa doctorante. Ils nous ont été d’une aide inestimable lors de cette étape administrative nécessaire pour la suite de notre mission.

Jour 2. Départ pour Malang où nous rencontrons Ayu Winati une autre doctorante de Bambang, Kadafi un étudiant de master natif de la région autour du Semeru et notre chauffeur, Vito. Puis départ en bus pour notre camp de base Ranu Pronojivo, village situé dans la zone à risque sur le Semeru. Vérification du matériel et mise en place du programme pour les jours à venir.

Jour 3. L’équipe se divise en trois groupes. Un groupe part à la rencontre des chefs des villages voisins et de la police locale afin d’avoir leur accord préalable à notre venue. Un second groupe part à Lumajang pour acheter le petit matériel nécessaire aux sessions et le dernier groupe finalise le repérage sur carte des futurs villages exposés et non exposés. Nous sommes devenus l’attraction du village, les gens sont adorables et nous ressentons une grande solidarité afin que notre séjour se passe pour le mieux.

Jour 4. Nous commençons la formation de l’équipe indonésienne. Rectification de certaines parties du protocole afin d’améliorer la compréhension des jeux expérimentaux et la prospection dans les villages alentours continuent. Nous nous rendons vite compte qu’il nous faudrait revenir pour finir les sessions, le temps de prospection et les accords administratifs sont beaucoup plus longs que prévus et notre présence est nécessaire à l’obtention de ceux-ci.

Jour 5. Départ pour Sumbersari, village en zone à risque, afin de tourner notre session 1. Après quelques bugs informatiques, tout se passe bien. Les participants sont ravis, de l’expérience, des gains et des photos prises par dizaine. Ils nous demandent de revenir dès que possible...

Jour 6. La session 2 se déroule à Tulung Agungan en fin de journée, heure à laquelle les participants sont le plus disponibles. Une certaine routine de préparation se met en place mais nous devons à chaque fois nous adapter au lieu afin de respecter au mieux les exigences du protocole expérimental.

Jour 7. Nous revoilà à Sumbersari pour la 3ème session. Les villageois sont très appliqués lors de l’expérience et dès que la session s’arrête nous partageons un café/thé avec eux.

Jour 8. Les responsables de la mission se rendent à Lumajan afin d’avoir accès aux statistiques démographiques et économiques locales. Le reste de l’équipe en profite pour faire une excursion à la mer, autre zone à risque (deux tsunamis ont eu lieu depuis le début de l’année). Mais la beauté du paysage nous fait vite oublier le danger et nous profitons du sable noir, d’une noix de coco fraîche et du bruit des vagues de l’océan indien pour nous ressourcer.

Jour 9. Rowobaung : une seule session aujourd’hui, mais beaucoup de route pour y arriver. Nous sommes toujours parfaitement accueillis et le sérieux lors des expériences est remarquable.

Indonésie... de belles expériences

DOSSIER SPECIAL � Mieux comprendre comment les gènes et les comportements interagissent �

Financement : ANR Destination de la mission : Semeru, Indonésie du 9 au 21 septembre 2018 Equipe française  : Michel Raymond (PI), Valérie Durant, Clément Metling, Charlotte Faurie, Marc Willinger, Dimitri Dubois, Mickael Beaud et Julie Rosaz Equipe indonésienne : Bambang Suryobroto, Sara Nilea et Ayu Winati Objectif de la mission : mettre en place les premières sessions afin de récolter 600 observations dans des zones à risque et des zones non à risque 4

GATE MAGAZINE décembre 2018 GATE MAGAZINE décembre 20185

gate

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Ingénieurs Techniciens / BIATSS

9

Chercheurs CNRS

43

Enseignants- Chercheurs

37

Doctorants Post-doctorants

1 membre de l’IUF 1 médaille d’Argent du CNRS en 2017 1 médaille de Bronze du CNRS en 2011 1 membre de l’Academia Europaea collaborations internationales

47

+

de

60 60

Répartition Femmes/Hommes

Ressources scientifiques 4 Axes de recherche

Théorie des jeux, choix collectifs et marchés Economie comportementale Politiques publiques et espace Macroéconomie, finance et histoire

Plateforme expérimentale GATE-Lab Cellule de valorisation EuroLIO Laboratoire international associé CHINEQ

Partenaire de 2 laboratoires d’Excellence et d’1 chaire Labex Cortex Labex IMU Chaire habiter ensemble la ville de demain EDITO

Sonia Paty : Directrice du GATE Lyon Saint- Etienne, Professeur à l’Université Lyon 2.

Le GATE Lyon-Saint-Etienne est une force de recherche en économie qui vise à décrire et analyser les décisions individuelles et collectives avec une attention particulière aux dimensions éthique, comportementale et spatiale.

Les membres du GATE Lyon Saint-Etienne publient des travaux dans toutes les strates de la recherche, de la recherche fondamentale (économie comportementale et théorie des jeux portant sur la coopération entre agents économiques, l’allocation des ressources, les normes et les réseaux), vers la recherche appliquée (économie du travail, économie géographique, macroéconomie monétaire et expérimentale permettant l’évaluation des politiques publiques, monétaires, urbaines, de santé, de concurrence, d’innovation) jusqu’à la recherche finalisée (études économiques, recommandations de politique). Nos axes de recherche sont ainsi complémentaires : « Théorie des jeux, choix collectifs et marchés » ; « Économie comportementale » ; « Politiques publiques et espace » ; « Macroéconomie, finance, histoire ».

Les sept dossiers que vous pourrez lire dans ce 6ème numéro de GATE magazine reflètent la diversité de nos thématiques de recherche.

En vous souhaitant une bonne lecture,

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GATE MAGAZINE décembre 2018 GATE MAGAZINE décembre 201815

Phénomène sportif planétaire, le football cristallise d’importants enjeux socio-culturels et géopolitiques.

Comme le résume Ignacio Palacios- Huerta, le football c’est «  le clan (le club), le temple (le stade), l’ennemi (le club voisin, la ville voisine, le pays voisin) et l’éternité (les couleurs)  ».

C’est aussi un levier de politique extérieure et une organisation internationale, la FIFA, comptant plus de membres que l’ONU.

Pourtant, en comparaison de sa place dans la société, le football comme le sport de haut niveau, occupe une place assez étroite dans la recherche en sciences humaines et sociales. Cette place est toutefois grandissante en économie et il y a trois raisons principales à cela.

Par ses caractéristiques, le football est un objet privilégié d’analyse et d’expérimentation économique.

La première raison pour laquelle les économistes s’intéressent au football réside dans son statut de secteur économique à part entière. Comme

le montrent Arrondel et Duhautois dans « L’argent du football », la boîte à outil de l’économiste peut servir à l’analyser et à le comprendre.

Le football moderne renferme une économie avec ses bénéfices privés et ses coûts sociaux, formée d’acteurs divers, de contrats régulant sa production (marché des transferts), sa consommation (marché des droits télévisuels), de comportements à la rationalité variable dont la composante émotionnelle prédomine parfois.

La deuxième est que le football constitue un formidable terrain pour tester les théories économiques.

Nous n’avons que très rarement l’occasion d’observer un salarié dans l’exercice de ses fonctions. Au football, les travailleurs (joueurs, arbitres et entraîneurs) sont filmés et leurs actions et décisions analysées.

Leur effort ou leurs choix stratégiques peuvent être observés dans des contextes variés, notamment de prise de décision sous pression et

ainsi analyser les comportements stratégiques et le rôle des émotions.

Dans «  L’économie expliquée par le foot  », Palacios-Heurta offre un large panorama de questions d’économie du travail et d’économie comportementale qui peuvent être abordées par l’observation du sport de haut-niveau et en particulier par le football.

La troisième raison qui incite les économistes à s’intéresser au football est le phénomène de société qu’il représente et son impact sur les citoyens et le fonctionnement de la cité. L’économie permet d’apporter des éléments de compréhension sur un ensemble de questions sociales liées au football. Au cœur de ces questions sont les externalités positives mais surtout négatives.

Il existe une littérature désormais relativement fournie mesurant le coût économique et social du football professionnel. Elle traite notamment des violences, de la corruption et des nuisances et méfaits générés par la concentration massive en ville de spectateurs, autour des stades et des lieux festifs.

On sait depuis Becker (1968) qu’une part de la criminalité1 peut être expliquée par des comportements rationnels où les criminels arbitrent entre la valeur du butin, le risque d’être arrêté et la peine encourue en cas d’arrestation. Cette approche permet d’expliquer pourquoi la criminalité est proportionnellement 1 Entendue au sens commun du terme, et non juridique, c’est-à-dire regroupant les crimes et délits.

plus importante en ville que dans les zones rurales ou peu denses. Il y est plus aisé pour les criminels de trouver des butins à dérober et la densité de population et du réseau de communication rend l’action des forces de l’ordre plus complexe, diminuant la probabilité de se faire prendre. En ville et dans les zones densément peuplées, on trouve des taux de criminalité plus élevés qu’ailleurs (Glaeser et Sacerdote, 1999). Par ailleurs, on sait aussi qu’une part de la criminalité n’a pas de rationalité économique mais est reliée aux émotions, souvent vives et négatives, qui engendrent des comportements impulsifs pouvant se traduire par des dégradations ou des violences sur les personnes. Le football est à la croisée des chemins.

En affectant ces deux mécanismes il modifie la répartition spatiale et

temporelle de la criminalité. Cela passe essentiellement par trois canaux.

Tout d’abord, la concentration spatiale des supporters les jours de matchs, dans et aux abords des stades et dans les quartiers festifs, est susceptible d’accroître les voies de faits, les violences sur les personnes et les dégradations.

Ces faits peuvent être accrus par la rencontre de supporters rivaux, l’euphorie et l’alcoolisation des supporters. Il y a ensuite un effet de déplacement de la criminalité.

Les jours de matchs, les forces de l’ordre sont concentrées dans les zones à risque et d’autres zones en ville seront moins surveillées ouvrant des perspectives pour les effractions et les vols. Enfin, il existe potentiellement une forme d’auto- neutralisation liée au fait que la tenue Julien Salanié, Professeur à

l’Université Jean Monnet, est membre de l’axe «  Politiques publiques et espace » du GATE Lyon Saint-Etienne. Ses travaux portent sur les liens ville, agriculture et environnement.

Stéphane Riou, Professeur à l’Université Jean Monnet, est membre de l’axe «  Politiques publiques et espace  » du GATE Lyon Saint-Etienne. Ses travaux se trouvent au croisement de l’économie géographique et de l’économie publique.

DOSSIER SPECIAL

Aux racines des liens entre football et criminalité : l’apport de l’économie

� Le football modifie la répartition spatiale et temporelle de la criminalité �

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GATE MAGAZINE décembre 2018 GATE MAGAZINE décembre 20187

Le système fiscal remplit deux objectifs  : d’une part rendre plus juste l’allocation des richesses ; d’autre part améliorer l’efficacité de l’économie par la fourniture de biens publics, la correction des défaillances de marché et la stabilisation de la conjoncture. Or, dans un monde ouvert, les entreprises et les ménages les plus qualifiés ont la possibilité de migrer pour échapper à l’impôt. Ce nomadisme instaure une concurrence entre États qui les incite à rendre leur territoire national plus attractif pour attirer les facteurs les plus productifs. Ainsi, l’ouverture rend plus difficile la taxation du capital et du travail qualifié. Parallèlement, la nécessité de financer les dépenses publiques conduit les États à augmenter la fiscalité sur les bases les moins mobiles, comme la consommation ou le travail peu qualifié, ce qui va à l’encontre de l’objectif de redistribution des richesses au niveau national. La globalisation semble donc exacerber les tensions entre les objectifs d’efficacité et d’équité du système fiscal.

Une baisse tendancielle de l’imposition du capital et du travail qualifié…

Le graphique 1 illustre la baisse tendancielle de l’impôt sur les sociétés dans les pays de l’Union européenne (UE) depuis vingt ans. Il représente en effet le taux effectif d’imposition, qui résulte de la combinaison des effets de taux (taux nominal apparent) et de base (« assiette » à laquelle on applique le taux), et correspond donc au taux réellement acquitté par l’entreprise. Il souligne également que les nouveaux États-membres1 appliquent des taux nettement inférieurs aux quinze pays ayant adhéré à l’Union européenne avant 2004 (Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, France, Grèce, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni et Suède).

1 Nouveaux pays membres. En 2004 : Chypre, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, République tchèque, Slovaquie et Slovénie. En 2007 : Roumanie et Bulgarie.

DOSSIER SPECIAL

Redistribution des revenus, globalisation et malédiction des classes moyennes

Laurent Simula, Professeur à l’Ecole Normale Supérieure de Lyon, est membre de l’axe «  Politiques publiques et espace  » du GATE Lyon St-Etienne. Ses travaux de recherche portent principalement sur la redistribution optimale des

revenus en économie ouverte. Graphique 1 : Taux moyens effectifs de l’impôt sur les sociétés dans l’Union européenne

Légende : Ensemble de l’UE (UE 27), se décomposant en UE 15 (15 États-membres avant 2004) et UE + 12 (12 États ayant adhéré depuis 2004).

Source : Commission européenne (2009), Taxation Papers : Corporate Effective Tax Rates in an Enlarged European Union, Christina Elschner et Werner Vanborren.

Graphique 2 : Taux marginaux supérieurs d’imposition sur le revenu Source : Piketty T. (2013), Le capital au XXIème siècle, Éditions du Seuil, chapitre 14.

Ce fait stylisé témoigne d’une tendance au nivellement par le bas des taux d’imposition du capital.

Ce nivellement peut être lié à une concurrence fiscale accrue entre États-membres et, plus largement, au niveau mondial.

En raison du marché unique au sein de l’UE et de la globalisation, les entreprises sont a priori plus mobiles internationalement. Dans la mesure où la fiscalité constitue l’un des éléments qui influencent les conditions locales de production, un État (ou une région dans les États fédéraux) peut décider de réduire l’imposition sur les sociétés afin d’attirer des entreprises localisées jusqu’alors à l’étranger. Il génère ainsi sur son territoire une activité économique source d’emplois et de croissance, tout en élargissant sa base fiscale. Mais cette politique se fait au détriment des autres pays. Pour éviter le départ de leurs entreprises à l’étranger et attirer les entreprises étrangères, ces derniers peuvent donc à leur tour décider de réduire la pression fiscale sur les entreprises.

On observe une évolution similaire de l’impôt sur le revenu des ménages riches. Le taux d’imposition marginal pour la dernière tranche a fortement diminué des années 1960 à la fin des années 2000 (voir graphique 2).

Avec la Grande récession de 2008, cette tendance s’est très légèrement inversée, mais les taux d’imposition restent cependant nettement plus faibles que pendant les Trente Glorieuses.

� la globalisation exacerbe les tensions entre les objectifs d’efficacité et d’équité du système fiscal—

18 GATE MAGAZINE décembre 2018

19 GATE MAGAZINE décembre 2018 Le processus d’innovation est com-

plexe et multiforme. Les entreprises étant inscrites dans un contexte local spécifique, en particulier un système de recherche et développement ré- gional plus ou moins développé, leur positionnement géographique constitue une dimension fondamen- tale de leur potentiel innovant. En effet, la localisation des entreprises affecte leur capacité à innover par différentes voies et on observe une plus forte concentration spatiale des activités innovantes que des autres activités économiques.

La co-localisation avec d’autres en- treprises à hautes technologies, dynamiques et performantes, mo- bilisant des compétences pointues, spécifiques ou diverses, conduit à des économies d’agglomération qui favorisent l’innovation. La possibilité de partage de compétences poin- tues et d’échange d’informations et de connaissances, grâce à la proximi- té géographique, affectent leur capa- cité à innover.

L’existence d’économies d’agglomé- ration liées à la diffusion spatialisée de connaissances et à la concen- tration de capital humain a donné lieu à la mise en place de politiques publiques d’innovation basées sur la spécialisation locale dans un do- maine spécifique. En France, les Pôles de Compétitivité en sont la principale illustration. A l’échelle de l’Europe, le Traité de Lisbonne (2009) insiste sur la mise en œuvre de ces politiques, constituées principalement des Pro- grammes Cadres pour la Recherche et le Développement Technologique (PCRDT), dont le principal objectif est de favoriser la croissance et la compétitivité, en focalisant sur les systèmes d’innovation régionaux.

Ces Programmes constituent donc également un levier important mo- bilisé pour réduire les disparités de développement régional, aux côtés des politiques régionales. Ces der- nières, deuxième ligne budgétaire européenne (après la Politique Agri- cole Commune) ont pour but le rat-

trapage des régions en retard de dé- veloppement et les régions les moins accessibles.

Dans une analyse (Charlot, Cres- cenzi et Musolesi, 2015), basée sur un modèle économétrique nous avons cherché à expliquer l’innova- tion entre 1995 et 2004, mesurée par le nombre de brevets déposés dans les régions européennes, par le montant des dépenses régionales publiques et privées en recherche et développement, et la part de la population active ayant un diplôme de niveau bac plus 2 ou plus, me- surant le niveau régional de capital humain. Nous avons également dis- tingué les régions bénéficiant des politiques régionales européennes.

L’apport méthodologique principal de ce travail est de lever l’hypothèse de contrainte sur le type de relation testée (linéaire, log-linéaire,log-log…) permettant ainsi de révéler la forme

de la relation par ce qui est obser- vé et d’identifier différents effets de seuils de montant de dépenses en R&D ou de niveau de capital humain.

Le principal résultat de cet article est qu’il existe une « trappe à inno- vation  » pour les régions ayant un niveau de dépenses en R&D et en capital humain très faible. Cela si- gnifie que n’investir que marginale- ment dans ces deux facteurs d’in- novation serait à fonds perdus  ; les effets positifs des investissements en R&D sont maximum lorsque ceux-ci représentent entre 2 et 3 % du PIB et les effets du capital humain sont également positifs sur l’innovation lorsque au moins 20 % de la popula- tion régionale dispose d’un niveau de diplôme supérieur ou égal à bac +2.

De même, pour les régions en retard de développement, bénéficiant des politiques d’aide au développement régional, l’impact de ces facteurs sur

l’innovation est non significatif.

Nous montrons en outre qu’il existe une forte complémentarité entre les dépenses régionales de R&D et le niveau de capital humain  ; les deux facteurs sont nécessaires simultané- ment en quantité suffisante dans la région pour y favoriser l’innovation.

Les implications de ces résultats en termes de politiques publiques sont donc principalement que pour être efficaces, les politiques d’innova- tion et de développement régional doivent absolument éviter le saupou- drage des dépenses et ne pas négli- ger l’importance de l’investissement dans les systèmes d’enseignement régionaux, en particulier l’ensei- gnement supérieur. Les arbitrages peuvent donc être extrêmement dif- ficiles en période de restrictions bud- gétaires.

Référence Charlot S., Crescenzi R., Musolesi A. (2015). « Econometric Modelling of the Regional Knowledge Production Function in Europe ». Journal of Economic Geography, 15(6), 1227- 1259.

Sylvie Charlot, Professeure à l’Université Lumière Lyon 2, est membre de l’axe «  Politiques publiques et espace  » du GATE Lyon Saint-Etienne. Ses centres d’intérêts sont les effets des politiques publiques sur les choix de localisation des activités économiques et des ménages.

Pourquoi les politiques européennes d’innovation et de développement régional peuvent être inefficaces ?

� il existe une forte complémentarité entre les dépenses régionales de R&D et le niveau de capital humain � ZOOM SUR LA RECHERCHE

P4 ¬ 5 EDITO P6 ¬ 9 DOSSIER SPECIAL

Redistribution des revenus, globalisation et malédiction des classes moyennes

P10¬ 11 ZOOM SUR LA RECHERCHE Polarisation de l’emploi

P12 ¬ 13 ZOOM SUR LA RECHERCHE

Pourquoi s’intéresser à l’écono- mie politique républicaine ?

P14¬ 17 DOSSIER SPECIAL aux racines des liens entre football et criminalité : l’apport de l’économie

P18 ¬ 19 ZOOM SUR LA RECHERCHE Pourquoi les politiques européennes d’innovation et de développement régional peuvent être inefficaces ?

P20 ¬ 21 ZOOM SUR LA RECHERCHE

Prendre sa retraite… et grossir ?

P22 ¬ 24 DOSSIER SPECIAL indonésie...

de belles expériences

(3)

gate

18 ingénieurs

techniciens / Biatss

9 Chercheurs CnRs

43 enseignants- Chercheurs

37 doctorants post-doctorants

1 membre de l’iUF

1 médaille d’argent du CnRs en 2017 1 médaille de Bronze du CnRs en 2011

1 membre de l’academia europaea collaborations internationales

47

+ de 60 60

Répartition

Femmes/Hommes

Ressources scientifiques

4

axes de recherche

Théorie des jeux, choix collectifs et marchés Economie comportementale

Politiques publiques et espace Macroéconomie, finance et histoire

Plateforme expérimentale GATE-Lab cellule de valorisation EuroLIO

laboratoire international associé CHINEQ

Partenaire

de 2 laboratoires d’excellence et d’1 chaire

labex Cortex labex IMU

chaire habiter ensemble la ville de demain

EDITO

Sonia Paty : directrice du gate lyon saint- etienne, Professeur à l’université lyon 2.

Le GATE Lyon-Saint-Etienne est une force de recherche en économie qui vise à décrire et analyser les décisions individuelles et collectives avec une attention particulière aux dimensions éthique, comportementale et spatiale.

Les membres du GATE Lyon Saint-Etienne publient des travaux dans toutes les strates de la recherche, de la recherche fondamentale (économie comportementale et théorie des jeux portant sur la coopération entre agents économiques, l’allocation des ressources, les normes et les réseaux), vers la recherche appliquée (économie du travail, économie géographique, macroéconomie monétaire et expérimentale permettant l’évaluation des politiques publiques, monétaires, urbaines, de santé, de concurrence, d’innovation) jusqu’à la recherche finalisée (études économiques, recommandations de politique). Nos axes de recherche sont ainsi complémentaires : « Théorie des jeux, choix collectifs et marchés » ; « Économie comportementale » ; « Politiques publiques et espace » ; « Macroéconomie, finance, histoire ».

Les sept dossiers que vous pourrez lire dans ce 6 ème numéro de GATE magazine reflètent la diversité de nos thématiques de recherche.

En vous souhaitant une bonne lecture,

(4)

Le système fiscal remplit deux objectifs  : d’une part rendre plus juste l’allocation des richesses ; d’autre part améliorer l’efficacité de l’économie par la fourniture de biens publics, la correction des défaillances de marché et la stabilisation de la conjoncture. Or, dans un monde ouvert, les entreprises et les ménages les plus qualifiés ont la possibilité de migrer pour échapper à l’impôt. Ce nomadisme instaure une concurrence entre États qui les incite à rendre leur territoire national plus attractif pour attirer les facteurs les plus productifs. Ainsi, l’ouverture rend plus difficile la taxation du capital et du travail qualifié. Parallèlement, la nécessité de financer les dépenses publiques conduit les États à augmenter la fiscalité sur les bases les moins mobiles, comme la consommation ou le travail peu qualifié, ce qui va à l’encontre de l’objectif de redistribution des richesses au niveau national. La globalisation semble donc exacerber les tensions entre les objectifs d’efficacité et d’équité du système fiscal.

Une baisse tendancielle de l’imposition du capital et du travail qualifié…

Le graphique 1 illustre la baisse tendancielle de l’impôt sur les sociétés dans les pays de l’Union européenne (UE) depuis vingt ans. Il représente en effet le taux effectif d’imposition, qui résulte de la combinaison des effets de taux (taux nominal apparent) et de base (« assiette » à laquelle on applique le taux), et correspond donc au taux réellement acquitté par l’entreprise. Il souligne également que les nouveaux États-membres 1 appliquent des taux nettement inférieurs aux quinze pays ayant adhéré à l’Union européenne avant 2004 (Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, France, Grèce, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni et Suède).

1 Nouveaux pays membres. En 2004 : Chypre, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, République tchèque, Slovaquie et Slovénie. En 2007 : Roumanie et Bulgarie.

DOSSIER SPECIAL

Redistribution des

revenus, globalisation et malédiction des classes moyennes

Laurent Simula, Professeur à l’ecole normale supérieure de lyon, est membre de l’axe «  Politiques publiques et espace  » du GATE lyon st-etienne. ses travaux de recherche portent principalement sur la redistribution optimale des

revenus en économie ouverte. Graphique 1 : Taux moyens effectifs de l’impôt sur les sociétés dans l’Union européenne

Légende : Ensemble de l’UE (UE 27), se décomposant en UE 15 (15 États-membres avant 2004) et UE + 12 (12 États ayant adhéré depuis 2004).

Source : Commission européenne (2009), Taxation Papers : Corporate Effective Tax Rates in an Enlarged European Union, Christina Elschner et Werner Vanborren.

Graphique 2 : Taux marginaux supérieurs d’imposition sur le revenu

Source : Piketty T. (2013), Le capital au XXIème siècle, Éditions du Seuil, chapitre 14.

Ce fait stylisé témoigne d’une tendance au nivellement par le bas des taux d’imposition du capital.

Ce nivellement peut être lié à une concurrence fiscale accrue entre États-membres et, plus largement, au niveau mondial.

En raison du marché unique au sein de l’UE et de la globalisation, les entreprises sont a priori plus mobiles internationalement. Dans la mesure où la fiscalité constitue l’un des éléments qui influencent les conditions locales de production, un État (ou une région dans les États fédéraux) peut décider de réduire l’imposition sur les sociétés afin d’attirer des entreprises localisées jusqu’alors à l’étranger. Il génère ainsi sur son territoire une activité économique source d’emplois et de croissance, tout en élargissant sa base fiscale. Mais cette politique se fait au détriment des autres pays. Pour éviter le départ de leurs entreprises à l’étranger et attirer les entreprises étrangères, ces derniers peuvent donc à leur tour décider de réduire la pression fiscale sur les entreprises.

On observe une évolution similaire de l’impôt sur le revenu des ménages riches. Le taux d’imposition marginal pour la dernière tranche a fortement diminué des années 1960 à la fin des années 2000 (voir graphique 2).

Avec la Grande récession de 2008, cette tendance s’est très légèrement inversée, mais les taux d’imposition restent cependant nettement plus faibles que pendant les Trente Glorieuses.

� la globalisation exacerbe les tensions entre les objectifs d’efficacité et

d’équité du système fiscal—

(5)

Des travaux récents ont souligné que les ménages riches sont relativement sensibles aux différences de fiscalité entre pays. Au Danemark, par exemple, une hausse de 10  % du taux d’imposition pour les 1  % les plus riches entraînerait le départ d’au moins 2,5  % de cette population. 2 Mais au sein de ces 1 %, ce sont les expatriés qui sont les plus réactifs  : 10 % à 20 % d’entre eux décideraient de « voter avec leurs pieds » en réaction à cette hausse. Ceci peut expliquer la mise en place dans de nombreux pays de l’Union européenne (à l’exemple de la Suède, du Danemark, des Pays-Bas ou de la France) de dispositions fiscales spécifiques s’appliquant aux travailleurs étrangers qualifiés. En Suède par exemple, les travailleurs qualifiés étrangers recrutés pour moins de cinq ans peuvent bénéficier d’une réduction de leur revenu imposable de 25 % pendant les trois premières années. À la concurrence fiscale sur le capital semble donc s’ajouter une concurrence fiscale sur le travail qualifié. En France existe depuis 2003 un régime fiscal particulier destiné aux « impatriés ». Le régime de l’impatriation vise à attirer en France des cadres supérieurs et des dirigeants d’envergure internationale en exonérant partiellement d’impôt une patrie de leurs revenus (« prime d’impatriation  ») et en graduant leur assujettissement à l’ISF. Les conditions d’octroi ont été plusieurs fois assouplies.

2 Kleven H. et al. (2014), «  Migration and Wage Effects of Taxing Top Earners: Evidence from the Foreigners’ Tax Scheme in Denmark », Quarterly Journal of Economics, n.

129 (1), p. 333 à 378.

… Associée à une hausse de la fiscalité sur la consommation

La baisse des taux d’imposition sur le capital et le travail qualifié conduit automatiquement à une diminution des recettes fiscales. Dans le contexte de crise des finances publiques, il a donc fallu que les États trouvent des recettes alternatives. Du point de vue politique, on ne voit pas vraiment comment un gouvernement pourrait explicitement augmenter l’imposition sur le travail peu qualifié alors qu’il est en train de réduire celle des ménages les plus productifs. La hausse de la fiscalité sur la consommation a donc été privilégiée 3 . La consommation est en effet une base fiscale peu mobile, à l’exception de celle liée au tourisme (restauration, hôtellerie, etc.).

Le graphique 3 montre l’évolution du taux moyen normal de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) dans l’UE. Les taux sont restés quasi constants jusqu’en 2008, avant de connaître une hausse marquée. Depuis 2009, seulement trois États-membres ont eu recours à des baisses (transitoires) de la TVA et le taux moyen a augmenté de 2 points. En France, le taux normal de TVA est passé

3 En France, la CSG a également été augmentée.

pour aller plus loin

Lehmann E., Simula L., et Trannoy A. (2014), «  Tax Me if You Can! Optimal Income Tax Between Competing Governments  », Quarterly Journal of Economics, 129(4), 1995-2030.

Simula L., et Trannoy A. (2010), « Optimal Income Tax under the Threat of Migration by Top-Income Earners », Journal of Public Economics, 94, 163-173.

Simula, L. et Trannoy, A (2012), « Shall We Keep Highly Skilled at Home? The Optimal Income Tax Perspective  », Social Choice & Welfare, 39, 751-782.

Simula, L. et Trannoy, A (2018), « Is high-skilled migration harmful to tax systems’ progressivity? », IZA World of Labor, doi: 10.15185/izawol.423

Graphique 3 : Évolution du taux normal de TVA dans l’Union européenne (UE 28)

Lecture : la courbe représente la moyenne arithmétique du taux normal de la TVA au sein des 28 États-membres de l’UE.

Source : Eurostat, Taxation Trends in the European Union, 2014.

Graphique 4 : Coefficient de Gini, calculés en fonction du revenu disponible des ménages

Lecture : Le coefficient de Gini est un indicateur synthétique d’inégalité. Plus il s’approche d’un, plus les inégalités sont marquées. Source : OCDE.

de 19,6 % à 20 % le 1 er  janvier 2014, alors que le taux intermédiaire passait de 7 % à 10 %, le taux réduit de 5,5 % restant inchangé.

Cette triple évolution (baisse des taux d’imposition sur le capital et le travail qualifié, hausse des taux sur la consommation) n’est pas simplement le résultat de choix contraints. On peut en effet la justifier en s’appuyant sur la théorie de la fiscalité optimale. Les impôts affectent les revenus disponibles des agents ; mais ils modifient également les prix relatifs et donnent lieu à des effets de substitution. En raison de ces distorsions, les impôts génèrent une «  perte sèche  », c’est-à-dire une diminution du surplus total de l’économie. En d’autres termes, les impôts ne correspondent pas seulement à un transfert de revenu des consommateurs ou producteurs vers l’État  ; ils détruisent aussi une partie des richesses produites dans l’économie. Dans un article célèbre de  1927 4 , l’économiste et mathématicien anglais Frank Ramsey a montré que pour minimiser la perte sèche, il convenait de taxer davantage les biens, services ou facteurs, les moins mobiles. Si l’on retient pour seul critère l’efficacité économique, il est donc logique que l’ouverture des économies s’accompagne d’une baisse de la fiscalité sur le capital et le travail qualifié, assez mobiles, et d’une hausse de celle sur la consommation ou, pour prendre un exemple récent, des prélèvements sociaux sur les retraités peu mobiles.

4 Ramsey F. (1927), « A Contribution to the Theory of Taxation », Economic Journal, vol. 37, n. 145, p. 47 à 61.

Une malédiction des classes moyennes sur fond d’exacerbation des inégalités ? Les impôts sont juridiquement payés par des entreprises et par des personnes physiques. Cependant, cette distinction n’a aucun sens économique. Ce sont en effet toujours des personnes physiques,

« en chair et en os », qui supportent le poids de l’impôt. L’entreprise fait en effet peser la charge fiscale sur ses fournisseurs, ses clients, ses employés et ses propriétaires. Au niveau agrégé, c’est donc sur les ménages, chacun consommateur, salarié et propriétaire en des proportions variables, que pèsent finalement les impôts sur les entreprises.

La baisse de la fiscalité sur le capital bénéficie a priori aux ménages qui le détiennent, c’est-à-dire à la minorité de ménages détenteurs d’un patrimoine de rapport. La baisse de la fiscalité sur le travail qualifié réduit, quant à elle, la redistribution opérée par l’impôt sur le revenu.

La hausse de la TVA enfin pèse davantage sur les ménages pauvres et les classes moyennes qui affectent à la consommation une plus grande part de leur budget que les ménages riches. Ceci contribue à la hausse des inégalités observée dans la plupart des pays développés au cours des trente dernières années (voir graphique 4). En outre, en raison des évolutions que nous avons décrites, la courbe des taux moyens d’imposition tend vers une forme en cloche (ou U inversé), le fardeau fiscal devenant maximal pour les

agents des classes moyennes, qui sont les agents les mieux rémunérés parmi les non mobiles. Cette malédiction des classes moyennes est particulièrement problématique car elle risque de fragiliser le consentement à l’impôt et donc, plus largement, la confiance des citoyens dans le bien-fondé de l’action publique (Simula et Trannoy, 2010, 2012 et 2018  ; Lehmann, Simula et Trannoy, 2014).

� La malédiction des classes moyennes risque de fragilise le

consentement à l’impôt et donc, plus largement, la confiance dans le bien- fondé de l’action publique —

DOSSIER SPECIAL

(6)

Depuis plus de trente ans, le progrès technologique a engendré d’importantes mutations économiques dans les sociétés occidentales. En particulier, le marché du travail a subi un formidable choc inégalitaire en faveur des travailleurs qualifiés et en défaveur des moins qualifiés. Cette “polarisation de l’emploi”, popularisée par les travaux de Autor et Dorn (2009, 2013) ainsi que Goos et al. (2009), est marquée par l’essor de l’emploi qualifié qui a notamment bénéficié de la révolution numérique. Parallèlement, la désindustrialisation qui a résulté du progrès technologique a conduit à une disparition d’emplois de type routinier (généralement en usine, répétitif et automatisable) et à un basculement des travailleurs moins qualifiés vers des emplois manuels dans les services 1 . Enfin, ce changement technologique biaisé

1 Dans Autor et Dorn (2013), le terme service occupa- tions est utilisé. Celui-ci désigne un groupe d’occupa- tions nécessitant peu de qualifications (assistance aux personnes, le gardiennage, conciergerie, technicien de surface, garde d’enfant, serveurs, etc). Il est important de le distinguer du secteur des services au sens large.

dans les tâches 2 s’est également traduit par un accroissement des inégalités salariales. Les travaux d’Autor et Dorn (2013) et de Spitz- Oener. (2006) parlent alors de polarisation des salaires.

Ma recherche s’inscrit dans le prolongement des précédentes études et a pour objectifs d’en identifier les causes et les implications pour la dynamique du marché du travail. En utilisant des modèles du marché du travail, l’article “Tale of Two Countries, A Story of the French and US Polarization” (2017, co-écrit avec François Langot, Jean-Olivier Hairault et Thepthida Sopraseuth) tente d’expliquer les écarts observés du niveau et du rythme de la polarisation de l’emploi entre la France et les Etats-Unis.

L’emploi routinier a diminué de façon significative en France jusqu’au milieu des années 90 puis a augmenté jusqu’à la crise financière de 2008.

Aux Etats-Unis, il a diminué depuis

2 Le terme anglo-saxon est task-biaised technological change.

ZOOM SUR LA RECHERCHE

les années 80. Nous cherchons à distinguer la contribution relative de trois phénomènes pouvant expliquer cette polarisation du marché du travail  : le progrès technologique, les changements institutionnels 3 et l’augmentation du nombre d’actifs très qualifiés.

Notre étude indique qu’aux Etats- Unis, le progrès technologique et la hausse des actifs qualifiés semblent responsables de cette polarisation.

En France, les modifications de la composition de l’emploi semblent plutôt avoir été façonnées par les

3 Par structure institutionnelle ou institutions du marché du travail, nous entendons la rigueur de la protection de l’emploi, la générosité des indemnités chômage, le niveau du salaire minimum, le niveau des cotisations patronales et salariales, etc.

changements institutionnels. En particulier, la pression fiscale sur les employeurs, la hausse du salaire minimum et des minima sociaux se sont traduites par une baisse de l’emploi routinier devenu moins compétitif. Le rebond de l’emploi routinier en France au milieu des années 90 s’explique par la politique de baisse de charges sur les bas salaires. Enfin, si les institutions du marché du travail semblent plutôt jouer en défaveur de l’emploi total en France, celles-ci ont largement contribués à réduire la progression des inégalités salariales (le contraire des Etats-Unis).

Polarisation de l’emploi

Julien Albertini, maître de conférences à l’université lumière lyon 2, est membre de l’axe

«  Macroéconomie, finance et histoire économique  » du GATE lyon saint-etienne. ses travaux portent sur la dynamique du marché du travail et les politiques monétaires et fiscales.

Albertini J., Langot F., Hairault J.O. and Thepthida S. (2017)

«  A Tale of Two Countries, A Story of the French and US Polarization », , SFB 649 Discussion Paper 2015-05.

Autor D.H. & Dorn D. (2013). « The growth of low-skill service jobs and the polarization of the us labor market ». American Economic Review. 103(5), 1553-1597.

Autor D (2009) « This Job is ‘Getting Old:’ Measuring Changes in Job Opportunities using Occupational Age Structure.  ».

American Economic Review Papers and Proceedings. 99(2), 45–51

Goos, M.M.A. & Salomons A. (2009). « Job polarization in europe ». American Economic Review. 99(2), 58-63 Spitz-Oener A. (2006) «  Technical Change, Job Tasks and Rising Educational Demands: Looking Outside the Wage Structure ». Journal of Labor Economics. 24(2)

� En France, les modifications de la composition de l’emploi semblent

plutôt avoir été façonnées par changements institutionnels —

(7)

Depuis les travaux de J. G. A. Pocock et de Q. Skinner, les historiens de l’Ecole de Cambridge ont identifié deux langages opposés servant à exprimer la pensée politique moderne. D’un côté, la tradition

«  libérale  » qui trouvait ses origines dans l’individualisme lockéen.

L’homme, en tant qu’animal civil, se définirait par des rapports d’échange où le politique se réduirait au juridique, c’est-à-dire à la garantie des droits individuels. D’un autre côté, la tradition de « l’humanisme civique » ou du «  républicanisme classique  » trouverait ses racines dans l’Antiquité et la Renaissance. L’homme, en tant qu’animal politique, ne peut s’accomplir que par la participation à la vie de la cité. L’exercice de la liberté prime sur celle des droits individuels et se trouve menacé par le marché qui s’accompagnerait d’un repli de l’individu sur ses affaires privées. La pensée économique républicaine a dès lors suscité peu d’intérêt puisqu’elle s’inscrirait

dans la continuité de la critique dix- huitièmiste des sociétés marchandes selon laquelle la multiplication des richesses matérielles et la disparition de la petite propriété foncière sapent les fondements de la société civile.

De récents travaux soulignent le caractère caricatural d’une telle description de l’économie républicaine (voir Pettit, 2006 et Dagger, 2006). Cette dernière ne s’oppose pas frontalement à une économie de marché fondée sur la propriété privée. Ce qu’elle dénonce, ce sont les inégalités économiques que génère un tel système. Non seulement l’échange peut exprimer une relation de dépendance des plus pauvres à l’égard des plus riches, en outre, ces derniers peuvent utiliser leurs ressources pour acquérir un certain pouvoir politique. Tout l’enjeu est de trouver les moyens de réduire les écarts de richesse afin de garantir la liberté de chaque individu.

Pour ce faire les néo-républicains défendent, par exemple, un impôt

sur les successions. L’objectif est de limiter la concentration des richesses dans les mains de quelques-uns tout en protégeant les petits héritages pour ne pas désinciter les individus à entreprendre. Stuart White (2003) envisage par exemple un système de quota au sein duquel chaque citoyen peut hériter, sans être soumis à l’impôt, d’un certain montant de richesse. Mais une fois un plafond atteint, tous les autres transferts seront soumis à l’impôt. Un autre exemple est celui d’un impôt progressif sur la consommation. Le taux d’imposition augmente à mesure que les dépenses de consommation augmentent et dépassent un certain niveau jugé suffisant pour répondre aux besoins élémentaires. L’objectif

ici est d’encourager l’épargne plutôt que les dépenses (voir Dagger (2006) 164-165). Un dernier exemple mais non le moindre, est le revenu de base dont l’objectif principal est d’assurer la satisfaction des besoins fondamentaux. Cette mesure permettrait notamment de se libérer de la contrainte salariale, c’est-à-dire d’avoir la possibilité de refuser un emploi avilissant sans risquer de ne plus pouvoir subvenir à ses besoins, ou encore de se libérer du pouvoir de marché de certains vendeurs.

Ainsi selon le courant néo-républicain, en particulier Philip Pettit, il est donc possible de penser une économie politique républicaine qui, tout en défendant la liberté individuelle et la propriété privée, promeut le rôle

des institutions et des politiques économiques pour réguler le marché. Le républicanisme apparaît dès lors comme une alternative au libéralisme et au socialisme dont les limites ne sont plus à présenter.

Julie Ferrand, maître de conférences à l’iut de Roanne, est membre de l’axe  «  Théorie des jeux, choix collectifs et marché » au GATE Lyon saint-etienne. ses travaux portent sur la tradition républicaine en france au xviiie siècle.

Pourquoi s’intéresser à l’économie politique républicaine ?

Dagger, R. (2006). « Neo-republicanism and the civic economy » Politics, Philosophy & Economics, 5 (2): 151-173.

Pettit, P. (1997). « Republicanism: A Theory of Freedom and Government ». Oxford Political Theory Series

Pettit, P. (2006). « Freedom in the market ». Politics, Philosophy & Economics, 5 (2): 131-149.

Pocock, J.-G.-A. (1975). « The Machiavellian Moment.

Florentine Political Thought and the Atlantic Republican Tradition ». Princeton: Princeton University Press.

Skinner, Q. R. D. (1978). « The Foundations of Modern Political Thought ». Cambridge University Press, 2 . White,S. (2003). « The Civic Minimum: On the Rights and Obligations of Economic Citizenship ». Oxford University Press

ZOOM SUR LA RECHERCHE � Le républicanisme apparaît comme une alternative au libéralisme et au socialisme dont les limites ne sont plus à présenter �

Allégorie et effets du Bon et du Mauvais Gouvernement (1338-1339), Ambrogio Lorenzetti

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