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Monsieur D., âgé de 71 ans, est hospitalisé pour des céphalées intenses et inhabituelles qui durent depuis quelques jours, accompagnées d'une douleur...

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Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XXII - n° 5-6 - mai-juin 2018 136

C a s c l i n i q u e

* Service d’endocrinologie- diabétologie, CHU Côte-de-Nacre, Caen.

Une masse sellaire à extension infrasellaire peu habituelle

A sellar mass with an unusual infrasellar extension

Aurélie Turquetil*, Julia Morera*, Yves Reznik*

M

onsieur D., âgé de 71 ans, est hospitalisé pour des céphalées intenses et inhabituelles qui durent depuis quelques jours, accompagnées d’une douleur rétro-orbitaire droite, d’une diplopie verticale et de vomissements à répétition.

Il a pour antécédents une hypertension artérielle, une dyslipidémie, un diabète de type 2 insulinorequérant compliqué d’une rétinopathie diabétique bilatérale, et une insuffisance rénale chronique modérée sur une probable néphroangiosclérose.

L’examen retrouve une paralysie du nerf oculomoteur commun droit avec ptosis complet, mydriase, diplopie verticale. Le patient est apyrétique.

La biologie montre un syndrome inflammatoire (proté- ine C réactive [CRP] : 190 mg/l), sans hyperleucocytose.

Les hémocultures et l’examen cytobactériologique des urines (ECBU) sont négatifs.

Le scanner cérébral sans injection de produit de contraste iodé, justifié par les symptômes initiaux, montre un syndrome de masse de la selle turcique de 25 mm de grand axe, comblant le sinus sphénoïdal.

L’IRM hypophysaire montre un syndrome de masse de la région sellaire de 25 mm × 24 mm × 24 mm de dia- mètre transverse en hypersignal T1 et T2, peu réhaussé après l’injection de gadolinium. Une extension supra- sellaire est présente, refoulant l’hypophyse normale, sans contact avec le chiasma optique, ainsi qu’une extension dans le sinus sphénoïdal et un bombement dans les sinus caverneux. La tumeur comporte une portion nécroticohémorragique de 10 mm × 9 mm, en discret hypersignal T1 et franc hyposignal T2, pou- vant évoquer une apoplexie hypophysaire (figure 1).

Le bilan initial montre une prolactine à 82 µg/l (N < 15), un IGF-1 à 73,9 µg/l (N : 32-179), une cortisolémie à 8 heures à 146 µg/l, une adrénocorticotrophine (ACTH) à 82,2 pg/ml et un cortisol libre urinaire des 24 heures à 64,8 µg/24 h (21 ≤ N ≤ 111). Une thyréostimuline à 0,24 mUI/l et une thyroxine T4 libre à 7,7 pmol/l (8 ≤ N ≤ 21) évoquent un déficit thyréotrope. Le taux total de la testostéronémie s’effondre (0,11 µg/l), et les gonadotrophines (FSH : 16,9 mUI/l ; LH : 11,4 mUI/l) évoquent un déficit gonadotrope.

Ces images font alors évoquer une apoplexie d’un macroadénome hypophysaire non sécrétant. Une corticothérapie systémique par prednisone 1 mg/kg/j est instaurée en raison de la symptomatologie visuelle.

Le traitement antalgique par paracétamol et tramadol permet un bon contrôle des céphalées, et une insulino- thérapie par schéma de type basal-bolus est mise en place devant une hyperglycémie persistante induite par la corticothérapie.

Après 1 mois de corticothérapie, aucune évolution de l’atteinte neuro-ophtalmologique n’est observée, et le volume de la lésion à l’IRM est inchangé, ce qui justifie une exérèse chirurgicale de la masse sellaire par voie transsphénoïdale. Au cours de l’opération, on voit que la lésion siège principalement dans le sinus sphénoïdal ; elle apparaît nécrotique et liquide avec quelques frag- ments. Après l’opération, l’atteinte du nerf oculomoteur droit disparaît totalement.

L’analyse anatomopathologique des fragments retirés ne retrouve pas de tissu hypophysaire, mais elle révèle la présence de nombreux filaments mycéliens septés et ramifiés dont l’aspect est en faveur d’un Aspergillus sp. L’étude en biologie moléculaire (PCR d’ADN fongique) sur les pièces d’exérèse est négative.

La mise en culture fongique est impossible, car le prélèvement a été entièrement fixé dans la paraffine.

On retient donc le dia gnostic d’aspergillose sphénoïdale avec envahissement de la selle turcique. Le bilan d’extension de l’infection aspergillaire, réalisé par la suite (radiographie thoracique, relecture du scanner cérébral initial), ne retrouve pas d’autre localisation, notamment au niveau des sinus de la face (maxillaires, frontaux et ethmoïdaux).

La recherche d’anticorps sériques et d’antigènes solubles témoins d’une aspergillose est négative, ainsi que la recherche d’un contexte d’immuno dépression (sérologies du VHB, du VHC, des VIH 1 et 2, électro- phorèse des protéines sériques et dosage du complé- ment). Un traitement systémique antifongique par voriconazole 400 mg en 2 prises quotidiennes est mis en route. Le patient présente une intolérance, avec des œdèmes des membres inférieurs, un syndrome

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Une masse sellaire à extension infrasellaire peu habituelle

dyspeptique sévère, des vomissements, une asthé- nie, qui l’amènent à interrompre le traitement au bout de 10 semaines sur les 12 initialement prévues.

L’IRM hypophysaire, réalisée à l’arrêt du traitement anti- fongique, montre la persistance d’une lésion arrondie dans la selle turcique et le sinus sphénoïdal, en hyper- signal T1 et hyposignal T2, bien limitée, sans envahisse- ment des structures de voisinage, dont la nature reste difficile à définir : aspergillome résiduel ou collection postchirurgicale ? (figure 2).

Depuis l’arrêt du traitement, le patient n’a aucune plainte fonctionnelle et a pu reprendre ses activités habituelles. Nous n’avons pas pu récupérer les résultats de son bilan hormonal antéhypophysaire de contrôle, mais les IRM hypophysaires réalisées 1 an et 2 ans après la chirurgie ont montré la stabilité du reliquat postopératoire.

L’aspergillose hypophysaire est une infection rare, généralement consécutive à une aspergillose du sinus sphénoïdal envahissant secondairement la selle turcique. Il s’agit alors d’une forme pseudotumorale d’aspergillose invasive chronique.

Aspergillus est un genre de champignon pathogène saprophyte, qui peut être à l’origine d’infections opportunistes en situation d’immunosuppression (neutropénie profonde, greffe de moelle osseuse ou d’organes solides, corticothérapie prolongée, immuno- suppresseurs de type anti-TNFα, etc.). L’inoculation se fait par inhalation de spores par les voies respiratoires.

L’infection concerne donc préférentiellement les pou- mons et les voies aériennes supérieures (bronches et sinus), et volontiers les sites où les muqueuses et le tapis mucociliaire sont altérés. Les aspergilloses sinusiennes se développent sous 2 formes : les formes non invasives (aspergillome ou sinusite aspergillaire allergique), essen- tiellement décrites chez le sujet immunocompétent, et les formes invasives, survenant préférentiellement chez les sujets immunodéprimés, qui sont de mauvais pronostic, avec une mortalité d’environ 50 % (1). Ces infections invasives comprennent les formes fulmi- nantes et les formes chroniques indolentes d’aspect pseudo tumoral. En cas d’infection chronique invasive des sinus de la face, on observe un processus refoulant et détruisant les parois osseuses adjacentes et envahissant les organes voisins, comme l’orbite, les méninges, l’en- céphale ou encore la selle turcique. Les sinus maxillaires, ethmoïdaux et frontaux sont les premiers atteints, et l’atteinte du sinus sphénoïdal reste exceptionnelle (1, 2).

Des cas d’aspergillose sphénoïdale invasive chez le sujet immunocompétent ont déjà été décrits dans la littérature (3) ; un diabète déséquilibré ou une hospita- lisation prolongée sont des facteurs favorisants (1, 4, 5).

Le diagnostic d’aspergillose du sinus sphénoïdal est difficile, car la présentation clinique est fruste et aspécifique, associant des céphalées à prédominance rétro-orbitaire, une rhinorrhée purulente antérieure ou postérieure et une obstruction nasale. Dans les formes invasives, d’autres symptômes sont observés : signes ophtalmologiques en cas d’envahissement orbitaire ou d’atteinte du sinus caverneux (diplopie, ophtalmoplégie, ptosis), signes neurologiques liés à l’envahissement des structures neuroméningées (céphalées, vomissements, rhinorrhée), et signes endocriniens en cas d’envahis- sement de la glande hypophysaire (insuffisance anté- hypophysaire) [5, 6].

Le bilan d’imagerie est essentiel au diagnostic diffé- rentiel. Le scanner cérébral, peu spécifique, montre un comblement total du sinus sphénoïdal par un matériel

Figure 1. Coupes coronales de l’IRM hypophysaire initiale (A : séquence T1, B : séquence T2) : masse sellaire de 25 mm × 24 mm × 24 mm envahissant le sinus sphénoïdal, comportant une portion nécroticohémorragique de 10 mm × 9 mm en antéro-inférieur.

A B

Figure 2. Coupes frontales de l’IRM hypophysaire 3 mois après l’intervention chirurgicale (A : séquence T1, B : séquence T2) : résidu arrondi dans la selle turcique et le sinus sphénoïdal, en hypersignal T1 et hyposignal T2, bien limité, sans envahissement des structures de voisinage, et refoulant la glande hypophysaire normale en suprasellaire.

A B

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C a s c l i n i q u e

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.

hyperdense (avec la présence de densités de tonalité calcique et métallique correspondant à la présence de calcium et de fer fabriqués par la mycose), et, en fenêtre osseuse, une lyse des parois sinusiennes dans les formes invasives (5).

L’IRM est plus spécifique. Elle montre une lésion hétéro gène, en isosignal T1 et hyposignal T2 (effet ferro magnétique des métaux lourds présents dans la lésion fongique) [1, 7, 8]. Cependant, des images de lésions en hypersignal T2 avec portion intralésionnelle en franc hyposignal T2 ont été décrites (1, 9), comme dans le cas exposé ici.

L’IRM permet d’évaluer l’envahissement des tissus mous avoisinants, de rechercher une lyse osseuse associée (en cas de forme invasive) et d’écarter les autres dia- gnostics possibles : sinusite bactérienne principale- ment (notamment à Pseudomonas aeruginosa), atteinte inflammatoire granulomateuse, tumeur sphénoïdale, tumeur sellaire à développement infrasellaire (adénome hypophysaire, craniopharyngiome), ou anévrisme caro- tidien géant thrombosé (2, 9). Le diagnostic de certi- tude est obtenu par l’examen anatomopathologique et mycologique des prélèvements réalisés lors de l’exérèse chirurgicale. Il retrouve des filaments mycéliens septés et ramifiés à un angle de 45°, positifs à la coloration PAS (Periodic Acid Schiff) et à l’imprégnation argentique.

L’identification complète de l’agent pathogène peut être réalisée par culture mycologique (positive dans seulement 34,5 % des cas [10]) et PCR de l’ADN fon- gique sur prélèvement non fixé. Les sérologies sont généralement négatives (5). Aspergillus fumigatus est le pathogène le plus fréquemment retrouvé dans les infections fongiques sphénoïdales (11).

Dans les formes d’aspergillose invasives, on doit rechercher une extension (radiographie ou scanner pulmonaire, scanner des sinus) et un état d’immuno- suppression : neutropénie, dosage du complément, électrophorèse des protéines plasmatiques, sérologie des VIH 1 et 2, diabète, immunosuppression iatrogène – dont greffe d’organes solides et de moelle osseuse –, corticothérapie à forte dose et prolongée, nouveaux immunosuppresseurs de type anti-TNFα.

L’évolution spontanée en l’absence de traitement effi- cace est souvent fatale, notamment en cas d’immu- nodépression. Le traitement de l’aspergillose invasive est médicochirurgical, associant une résection neu- rochirurgicale du foyer aspergillaire et un traitement antifongique systémique. En cas d’aspergillose sphé- noïdale avec extension sellaire, l’exérèse doit être réalisée par voie transsphénoïdale, la cranio tomie augmentant le risque de dissémination et d’infection cérébro méningée (7, 8, 12). L’amphotéricine B lipo- somale et le voriconazole i.v. puis p.o. sont le plus souvent utilisés dans cette indication, pour une durée de 4 à 12 semaines (7, 8). Le contrôle des facteurs favo- risants – notamment du diabète – est indispensable.

En conclusion, il faut savoir évoquer le diagnostic d’aspergillose sphénoïdale devant une présenta- tion associant céphalées, troubles visuels et lésion intra sphénoïdale, même chez un patient immuno- compétent. L’aspect à l’IRM peut aider au diagnostic, qui doit être confirmé par l’examen anatomopatholo- gique réalisé après l’exérèse chirurgicale de la lésion.

Le traitement est médicochirurgical, associant une exérèse chirurgicale et un traitement antifongique

systémique. ■

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R é f é r e n c e s

Références

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