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Submitted on 13 May 2013
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Les systèmes de traçabilité dans la filière viti-vinicole : quelle opportunité pour les coopératives?
Paméla Baillette, Bernard Fallery, Naoual Rahali
To cite this version:
Paméla Baillette, Bernard Fallery, Naoual Rahali. Les systèmes de traçabilité dans la filière viti-
vinicole : quelle opportunité pour les coopératives?. Revue Internationale PME, Editions Management
et Société (EMS), 2012, 25 (1), pp 59-88. �10.7202/1014874ar�. �hal-00822040�
Les systèmes de traçabilité dans la filière vitivinicole : quelle opportunité pour les coopératives ?
Paméla BAILLETTE Maître de conférences
MRM-Cregor, Université de Perpignan pamelabaillette@yahoo.fr
Bernard FALLERY Professeur
MRM-Cregor, Université Montpellier 2 bfallery@univ-montp2.fr
Naoual RAHALI Conseillère en logistique
IILM Montréal naoual.rahali@iilm.ca
RESUME :
Cette recherche se situe dans le domaine vitivinicole où une cave coopérative constitue un réseau de TPE entre les producteurs adhérents.
Sous la pression du marché, des pouvoirs publics et de l’offre technologique, ces coopératives mettent en place des systèmes de traçabilité pour assurer la qualité et la sécurité des produits, mais aussi pour piloter leurs activités internes.
Les systèmes de traçabilité qui sont développés présentent alors une particularité : celle de créer une traçabilité au niveau de la coopérative, et une traçabilité au niveau de la filière.
Compte-tenu de la grande hétérogénéité des acteurs et des technologies, cet article se fonde sur la théorie de l’Acteur-Réseau en tant que cadre d’analyse de la convergence à construire dans ces processus d’innovation.
Une étude en France auprès de six caves coopératives vitivinicoles montre alors les deux niveaux où s’organisent l’enrôlement des acteurs et la résolution des controverses. Entre les viticulteurs et les caves, la controverse « en amont » a porté sur le pilotage des activités et s’est soldée par une rationalisation au profit des caves. Entre les caves et la distribution, la controverse « en aval » porte sur le contrôle de qualité du produit et continue à se développer.
Mots clés : Agroalimentaire, Coopératives, Réseaux, TPE, Théorie de l’Acteur-Réseau,
Traçabilité.
INTRODUCTION
La traçabilité n’est pas une pratique nouvelle, c’est « une pratique antérieure au terme » (Viruéga, 2005, p.12). On peut dater son origine dès les années 1960 dans les manuels militaires sur la métrologie, où il s’agissait de définir les bonnes pratiques de mesure (étalonnage, échantillonnage, conformité…) et son développement a ensuite été étendu avec celui de l’assurance qualité. Cette pratique de la traçabilité a attiré l’attention de nombreux auteurs, notamment Torny (1998), Rot (1998), Golan et al. (2004), Faraggi (2006), Loureiro et Umberger (2007), Fabbe-Costes et Lemaire (2010), qui se sont intéressés aux outils de la traçabilité, à ses méthodes, à ses pratiques et aux responsabilités qui lui sont liées. Plusieurs recherches se sont concentrées sur les aspects plus conceptuels de la traçabilité, notamment Pedrot (2003), Hermitte (2003) et Mattei (2003). La traçabilité promeut l’idée que l’on pourrait, en suivant pas à pas les produits et les activités grâce à la technologie, remonter le cours du temps et maîtriser les objets et les personnes.
En logistique, les recherches présentent la traçabilité dans une logique de couplage entre les flux physiques et les flux d’information. Les chercheurs se sont intéressés en particulier au problème que pose la traçabilité au niveau global de la supply chain (Fabbe-Costes, 2000 ; Romeyer, 2004 ; Lemaire, 2005 ; Fabbe-Costes et Lemaire, 2001, 2010). Des travaux ont notamment été conduits dans le milieu hospitalier (Fabbe-Costes et Romeyer, 2004 ; Romeyer, 2005) et dans le secteur agroalimentaire (Salançon, 2005a, 2005b ; Violette, 2005 ; Filippi et Triboulet, 2006 ; Lecomte et al., 2006; Charlier et Valceschini, 2008).
Le travail de recherche présenté ici est centré sur les caves coopératives vitivinicoles en tant que réseaux de TPE formées par les exploitations des producteurs adhérents ; les TPE constituant l’essentiel en nombre des exploitations agricoles en France (Desriers, 2007 ; Marchesnay, 2003). Ces exploitations comme ces caves coopératives sont aujourd'hui insérées dans un réseau de traçabilité. Dans ce contexte, la traçabilité participe à la création d’un véritable Acteur-Réseau (Callon et al, 19 83 ; Callon et Latour, 1986). Bien connue, la théorie de l’Acteur-Réseau ou Actor Network Theory ANT, proposée par Akrich, Callon et Latour (2006 ; 1988) a été utilisée par de nombreux chercheurs, par exemple dans le cadre des projets en systèmes d’information (Walsham, 1997 ; McMaster et al., 1999) et notamment en France par Bardini (1996), Rorive (2003), Hussenot (2005), Mallet (2005), Lisein (2006) et Missonier (2008).
Dans cette recherche, nous voulons notamment montrer comment la traçabilité développée par les TIC (Technologies de l’Information et de la Communication) crée un Acteur-Réseau, c’est-à-dire un réseau qui devient lui-même un acteur associant de gré ou de force de multiples « actants » hétérogènes (des acteurs et des technologies) dans un processus d’innovation (Fallery et Rodhain, 2007b). Pour cela, la traçabilité est considérée comme étant un acteur-réseau à deux niveaux : d’une part au niveau des coopératives, entendues chacune comme un réseau de TPE, et d’autre part au niveau de la filière, entendue comme un réseau de réseaux.
Cette question, à la fois très actuelle et dont les composantes sont elles-mêmes en évolution,
présente des intérêts théoriques et pratiques. Au plan théorique, la mise en relation de la
traçabilité avec la théorie de l’Acteur-Réseau renforce et illustre la logique réticulaire inter-
organisationnelle de TPE, avec la mise en place de systèmes de traçabilité qui sont d’ailleurs
peu traités dans la littérature malgré leur importance actuellement grandissante. Ce travail vise
ainsi à apporter une contribution théorique originale et actuelle à l’étude de TPE organisées en
réseau. Au plan managérial, la question posée ici permet de situer concrètement les différents
acteurs au sein d’un réseau étendu et de comprendre les controverses auxquelles ces acteurs
doivent faire face. Il s’agit dans cette optique de tracer des pistes de résolution pratiques de ces controverses.
Dans une première partie, nous présentons les grands enjeux de la traçabilité avec ses différentes facettes et ses implications organisationnelles. Une seconde partie rappelle les fondements de la théorie de l’Acteur-Réseau. La troisième partie décrit la méthodologie de la recherche et présente six caves coopératives dans la filière vitivinicole de la région Languedoc-Roussillon. Deux résultats sont présentés et discutés dans une quatrième partie : le premier concerne les réseaux de TPE par la mise en évidence de la controverse cave- vignerons au niveau des coopératives, et le second résultat souligne la controverse caves- distributeurs au niveau de la filière.
1. Les enjeux de la traçabilité
La traçabilité a acquis sa notoriété dans les médias au cours des années 1990, suite aux crises successives apparues dans plusieurs secteurs (santé, agroalimentaire, automobile…). Qu’elles soient alimentaires (Dioxine, Listéria, ESB…) ou non alimentaires (défaillance technique, défaillance humaine…), ces crises ont fait apparaître l’importance de la garantie d’une sécurité. Elles ont conduit les gouvernements à mettre en avant le fameux principe de précaution. Elles ont également incité les consommateurs à prendre en compte de nouvelles dimensions dans leurs choix de consommation, et Hobbs (2004) considère par exemple que la traçabilité est une réponse à l’asymétrie d’information entre consommateurs et producteurs.
Elles ont enfin incité les entreprises à devenir vigilantes sur les questions de contrefaçons, de fraudes et de marchés parallèles des surplus, compte tenu des risques en termes d’image de marque, de manque à gagner ou de sécurité des composants ; la contrefaçon représentant de 7 à 10 % des échanges internationaux (Pôle Traçabilité, 2006).
La traçabilité a été définie par plusieurs normes, notamment la norme ISO 8402 qui la considère comme étant « l’aptitude à retrouver l’historique, la localisation ou l’utilisation d’un produit au moyen d’une identification enregistrée ». Elle permet de suivre et donc de retrouver un produit depuis sa création (production) jusqu’à sa destruction (consommation).
Dans l’agroalimentaire, le règlement CE 178/2002 de janvier 2005 définit une obligation de résultats mais non de moyens : libre à chaque entreprise de mettre en place ses procédures de traçabilité. Cette obligation de résultat conduit notamment les organisations à devoir identifier toutes les données concernant leurs fournisseurs en amont et leurs clients en aval, pour reconstituer la généalogie de leurs produits (origine, composants, condition de production, d'assemblage, de transport et de stockage) (Nanni et Salançon, 2005).
Pour mieux cerner la notion de traçabilité, nous en présentons d’abord ses différentes facettes, puis nous mettons en évidence ses différentes implications organisationnelles.
1.1. Les différentes facettes de la traçabilité
Plusieurs travaux en logistique s’attachent à distinguer deux fonctions de la traçabilité : le
Tracking et le Tracing (Fabbe-Costes, 1998 ; Fabbe-Costes et Lemaire, 2010, 2001). La
fonction « Tracking » consiste à pouvoir localiser géographiquement un produit tout au long
de la chaîne logistique pour permettre une meilleure réactivité. On peut ainsi parler de
traçabilité logistique et, d’un point de vue informatique, les systèmes d’informations
géographiques (SIG) y jouent un rôle clé. La fonction « Tracing » permet de reconstituer en
temps réel l’historique de fabrication du produit. On peut parler de traçabilité produits et d’un
point de vue informatique un rôle clé est joué par exemple par les progiciels de gestion
intégrés (ERP).
La traçabilité a non seulement l’ambition de permettre de suivre un produit depuis sa création jusqu’à sa distribution (traçabilité des objets), mais aussi de suivre les activités des personnes qui mettent en œuvre ces produits pour suivre tout le processus de production (traçabilité des activités). La traçabilité devient donc à la fois un outil de contrôle au sens réglementaire, mais aussi un outil de pilotage pour la recherche de performance. Torny (1998) présente ainsi la traçabilité comme une technique de gouvernement à la fois des choses et des hommes.
Plus largement, la question de la traçabilité s’inscrit à l’intérieur d’une certaine vision : soit une vision sécurité pour la traçabilité des produits, soit une vision pilotage pour la traçabilité des activités.
Au plan sécuritaire, en effet, et selon le règlement CE 178/2002, il s'agit d'appliquer une traçabilité à toutes les étapes de la production : « de la fourche à la fourchette », « de la grappe à la bouteille »… Lecomte, Ta et Vergote (2006) distinguent alors trois niveaux d’outils dans un système de traçabilité : les outils de premier niveau sont les supports d’information (codes à barres, étiquettes RFID, standards GS1, authentification ADN, biométrie, nano particules…), les outils de deuxième niveau permettent la capture de cette information (lecture à distance, terminaux mobiles, informatique embarquée…) et les outils de troisième niveau sont les logiciels permettant de reconstituer les traces (outils de stockage et outils de traitement, MES, ERP…). On peut ajouter un quatrième niveau d’outils constitué par des technologies permettant le partage d’informations entre organisations (échanges EDI, bases de données externalisées…). C’est cette dimension inter-organisationnelle de la traçabilité qui constitue actuellement une vraie difficulté de mise en place, puisqu’elle pose les difficiles problèmes d’interopérabilité et de standardisation.
Au plan du pilotage, ensuite, et sans pour autant minimiser l’importance de la vision sécurité, les entreprises cherchent surtout à être plus efficaces et plus réactives au quotidien.
L'enregistrement et l’accès à toutes les opérations internes de l'entreprise peuvent alors permettre de mieux partager les connaissances en conception collaborative (gestion documentaire, amélioration de la qualité…), de mieux réagir aux aléas logistiques (modification automatique de l’ordonnancement…), de concilier planification en flux poussés et gestion en flux tirés (taux de service, gestion partagée des approvisionnements...) et de mieux piloter l’ensemble des flux en cours dans un réseau de distribution (suivi des expéditions, gestion des linéaires…). Dans le cas de la filière vitivinicole, cette traçabilité des activités se traduit par exemple par la tenue du cahier de cave. La gestion des assemblages étant assez compliquée (terroirs différents, proportions particulières, produits œnologiques ajoutés...), il est important de connaître ce qui a été fait d'une année sur l'autre, dans une optique d'amélioration continue de la qualité.
1.2. Les implications organisationnelles de la traçabilité
On peut mettre en évidence que la traçabilité peut d’une part favoriser la coordination entre les acteurs et d’autre part favoriser le pilotage stratégique de l’organisation.
Au niveau de la coordination dans l’organisation, Fabbe-Costes (2000b) considère ainsi la
traçabilité comme un système d’information permettant à l’organisation de « se représenter »,
dans ses activités comme dans son environnement. A terme, il s’agit en effet d’assurer le suivi
des flux physiques et informationnels dans leur intégralité et en temps réel, au plan local
comme au plan global. Au niveau de la filière, la traçabilité utilise des supports d’information
intéressant l’ensemble de la Supply Chain, y compris le consommateur, à condition que ces
supports d’information soient contrôlés, fiabilisés et organisés (Lemaire, 2005 ; Hiesse et al.,
2010). La garantie de cette fiabilité, tant au niveau du recueil que de la transmission, requiert
donc une coordination de l’ensemble des acteurs intervenant sur les flux. Enfin l’informatisation des échanges nécessite une formalisation et une standardisation (Lemaire, 2005). Ceci suppose la mise en place de mécanismes de coordination facilitant l’acquisition, le traitement et la transmission des informations de traçabilité intra et inter-organisationnelles.
L’informatisation de la traçabilité suppose donc de la part des acteurs une volonté de partager certaines informations et certains outils, en faisant preuve de transparence vis-à-vis des partenaires amont et aval, mais également en interne (Lemaire, 2005).
Enfin les traces de l’activité, une fois collectées, traitées et mémorisées, peuvent être utiles dans le processus de décision stratégique pour quatre raisons principales (Fabbe-Costes, 2000 ; Fabbe-Costes et Lemaire, 2001) : avoir une visibilité globale et actualisée sur la circulation physique ; pouvoir réagir de manière rapide et efficace ; pouvoir s’adapter plus facilement à des changements plus structurels, la traçabilité permettant de développer une vigilance automatisée ; et enfin pouvoir favoriser un apprentissage organisationnel et contribuer à la gestion des connaissances. Ainsi l’informatisation de la traçabilité prend une dimension stratégique en s’inscrivant soit dans une perspective de recherche d’un avantage concurrentiel (Lemaire 2005) soit dans une perspective de stratégies collectives (Yami et Le Roy, 2007). Certaines entreprises tentent seulement de répondre à une contrainte, alors que d’autres ont à l’inverse su tirer parti de cette contrainte pour en faire un atout stratégique.
Ayant présenté les grands enjeux de la traçabilité, nous nous appuyons sur la théorie de l’Acteur-Réseau en tant que cadre d’analyse pour cette recherche.
2. Le cadre théorique de l’Acteur-Réseau
La théorie de l’Acteur-Réseau, appelée aussi sociologie de la traduction (Callon, 1999 ; Akrich, Callon et Latour, 1988, 2006) met tout d’abord l’accent sur la construction sociale de l’innovation technique : l’innovation n’apparaît pas comme une simple diffusion réussie (Rogers 1995) mais comme le résultat complexe d'une interaction inédite entre des partenaires hétérogènes. La théorie identifie alors les jeux de réseaux des différents acteurs qui participent à l’élaboration de l’innovation : les uns parviennent à mobiliser les autres autour d’un projet commun, malgré la très grande multiplicité d’intérêts et d’actions. La théorie considère enfin que les réseaux sont composites et réunissent non pas des acteurs mais des « actants » : « ils mélangent humains et non humains (dispositifs techniques, électrons, anticorps monoclonaux...), inscriptions de toutes sortes et monnaie sous toutes ses formes » (Callon, 1991, p. 225).
L’innovation est donc appréhendée comme un dispositif d'intéressement par lequel les gestionnaires d’un projet d’innovation parviennent à « traduire » le projet dans différents registres, en prenant en compte des éléments aussi bien techniques que sociaux, économiques ou organisationnels. Les acteurs concernés par l’innovation doivent jouer un rôle par rapport à celle-ci, rôle qu’ils ont accepté et qui fait sens pour eux au regard de leurs propres objectifs.
En prenant l'exemple de la traçabilité dans un projet d’informatisation, elle sera sans doute synonyme de normes pour le responsable qualité, synonyme d’ERP ou de Middleware pour l’informaticien, synonyme de lecteurs ou de tags RFID pour les opérationnels, d’argument de vente pour le directeur marketing, de réglementation pour le juriste, etc. L’innovation requiert donc la présence de « traducteurs » capables d’articuler efficacement innovation technologique, contexte d’implantation et usages émanant des différentes catégories d’acteurs.
Dans un premier temps, il s’agit de prendre en compte, dès le début du projet, l’ensemble des
acteurs concernés par ledit projet. Depuis la direction jusqu’aux utilisateurs finaux en passant
par les prestataires techniques, l’encadrement, les spécialistes…, tous participent
conjointement à la construction de l’innovation, dans une sorte d’interaction permanente et de recherche de convergence (Orlikowski et Hoffman, 1997). C’est parce que chaque entité est mise en interaction avec les autres, dans une convergence d’intérêts, que l’innovation peut prendre corps (Amblard et al., 2005).
Dans un deuxième temps, il s’agit d’identifier les acteurs appelés à jouer un rôle clé, c’est-à- dire capables de « traduire » les différents intérêts en présence d’un registre à l’autre (logique technologique vers logique de métier, par exemple). Les différentes actions de gestion du changement mises en œuvre doivent contribuer à resserrer la convergence autour du projet et de ses objectifs. Il s’agit de favoriser et de maintenir l’implication des acteurs dans le projet, notamment en leur assignant un rôle précis au regard de celui-ci.
Un réseau se consolide ou s’affaiblit en fonction des épreuves de force qui s’engagent. Ces épreuves de force se manifestent à travers les différentes controverses qui marquent le réseau.
La controverse est ici décrite comme un mode d’expression des groupes concernés : expression de leurs intérêts et de leurs identités, mise à plat des problèmes posés et des solutions envisageables, reformulation des objectifs. Les controverses et les compromis sont alors des repères pour identifier la dynamique du réseau et l’évolution de sa convergence (Missonier, 2008).
La théorie de l’Acteur-Réseau s’exprime dans notre étude à deux niveaux : d’une part dans les réseaux formés autour de chaque coopérative et d’autre part dans le réseau de la filière. Dans le domaine vitivinicole, les coopératives constituent en effet un premier niveau de réseau pour permettre aux producteurs adhérents de s’associer afin de vinifier et de commercialiser un vin qui corresponde aux standards actuels
1de qualité et de traçabilité. Le réseau des adhérents dirigeants de leur TPE ainsi créé forme un collectif, un lieu d’échange d’expérience et d’apprentissage en matière de construction de la qualité au vignoble (Chiffoleau, 2001). Les processus d’innovation sont particulièrement favorisés dans les coopératives (Filippi et Triboulet, 2006 ; Touzard et al., 2008) ; et partant, les systèmes de traçabilité permettent de créer un deuxième niveau de réseaux capable de fédérer les caves coopératives entre elles – il se crée donc un réseau de réseaux - dans un système agroalimentaire localisé. Dans le champ de l’agroalimentaire ce système constitue une forme de système productif localisé (Courlet, 2000 ; Fourcade, 2006), capable de tenir compte de la dynamique réticulaire entre PME et d’autres formes d’organisations : fondée sur la proximité relationnelle et cognitive, cette dynamique contribue à favoriser des projets en commun
2(Messeghem et al., 2008). Dans une filière ou une chaîne logistique la traçabilité s’exprime en amont comme en aval (Fabbe- Costes et Lemaire, 2001). En amont, la traçabilité part ici de la vigne jusqu’à la mise en bouteille pour répondre aux exigences tant réglementaires que sécuritaires. En aval, la traçabilité va de la bouteille jusqu’au consommateur par l’identification des processus capables de faciliter la gestion et la commercialisation du produit.
Le cadre théorique de la recherche ayant été présenté, nous explicitons la méthodologie utilisée.
1
Les normes ISO, HACCP et Agri Confiance sont en effet de plus en plus recherchées par les entreprises vitivinicoles pour être à même de répondre aux exigences croissantes dans la filière quant à la sécurité et à l’environnement.
2
Nous faisons ici en particulier référence aux pôles de compétitivité visant l’accroissement et l’accélération de la production d’innovations via la dynamisation des entreprises et structures implantées dans un territoire.
Nous notons que parmi les 71 pôles de compétitivité existant actuellement, 14 sont directement concernés par
des thématiques relevant du ministère chargé de l’agriculture, parmi lesquels « Qualiméditerranée » dans le
Languedoc-Roussillon avec pour principales thématiques les fruits et légumes, la vigne et le vin, les céréales et
les cultures méditerranéennes.
3. La méthodologie de la recherche
Cette recherche a pu bénéficier d’un terrain d’étude très concerné par les problématiques de traçabilité développées par des réseaux de TPE : celui de la viticulture dans le cadre des caves coopératives.
En amont de la filière on peut d’abord parler d’une traçabilité de la grappe à la bouteille. Dans le cadre des exigences réglementaires et sécuritaires, les solutions de traçabilité peuvent permettre la gestion d’un vignoble (parcellisation, encépagements, planification, suivi et contrôle du travail des équipes, observations biologiques, météorologiques, analyses du sol...), la gestion de la vendange et de la vinification (suivi des lots vendangés, suivi des lots de vinification, traçabilité des intrants...) et la gestion des opérations au niveau du chai (élevage, analyse, dégustation, assemblages, gestion des cuves...).
En aval de la filière on peut ensuite parler d’une traçabilité de la bouteille à l’acheteur. Il s'agit alors d'identifier une bouteille ou une cuve pour en faciliter la gestion et la commercialisation.
Il s’agit aussi de garantir l'authenticité du produit et l'intégrité du contenu, de permettre à l'acheteur et au consommateur d'accéder au référentiel du produit, de suivre la bouteille dans le circuit de distribution et de détecter les situations anormales de localisation.
Notre étude a alors été organisée selon deux directions. La première porte sur les usages dans les caves et la seconde sur les changements dans la filière. Concernant les usages dans les caves, il s’agit d’évaluer les pratiques autour des outils et des méthodes de traçabilité développées avec les TIC. L’objectif est de mettre à jour les logiques d’usage aujourd’hui à l’œuvre dans ces pratiques de traçabilité : interactions quotidiennes, compétences et objectifs des acteurs, influence de ces pratiques sur les structures qui se mettent en place, et influence de l’offre technologique et des structures sur les pratiques quotidiennes. Concernant les changements dans la filière, il s’agit d’étudier le changement d’une part intra-organisationnel induit par la traçabilité développée avec les TIC, et d’autre part inter-organisationnel induit par les TIC du fait de la mise en œuvre de la réglementation sur la sécurité/traçabilité des aliments.
3.1. L’échantillon des six caves coopératives
Les six caves coopératives font partie d’un groupe de caves adhérentes au programme de Développement Durable initialisé par l’institut coopératif du vin (ICV) en 2007 3 . Elles font également partie des 360 coopératives dénombrées en 2001 en région Languedoc Roussillon, qui rassemblent 50.000 adhérents, cultivent 71 % du vignoble régional (214 000 ha), produisent presque les trois quarts de la récolte régionale (près de 15 millions d’hl) avec un chiffre d’affaires autour de 1.000 millions d’euros, et emploient une quantité de travail évaluée à 3.000 équivalents temps plein (coopératives, unions et filiales) (Agreste, 2002) 4 . Les six caves de l’étude constituent un échantillon de convenance, mais elles offrent des caractéristiques distinctives qui reflètent bien la diversité des situations et des contextes dans lesquels elles sont ancrées :
- la date de création : de 1913 à 1947 pour la plus récente ;
- le nombre d’adhérents viticulteurs : de 100 à 400 coopérateurs de type TPE ;
3
Six autres caves coopératives de la région voisine (Provence Alpes Côte d’Azur) participent à ce programme Développement Durable.
4
Agreste Languedoc Roussillon. Recensement 2001 des caves coopératives : diversité des stratégies et des
résultats économiques.
- les effectifs salariés : de 11 à 69 salariés ; - les volumes : de 65.000 hl à 270 000 hl ; - la surface du vignoble : de 1200 ha à 3300 ha ;
- le mode de commercialisation principal : vrac (2), bouteilles (2) et mixte (2).
Dans les six premières colonnes du tableau 1 ci-dessous les caractéristiques principales de ces six caves coopératives sont présentées. Les deux dernières colonnes du tableau présentent les outils informatiques de traçabilité et les politiques de certification. La palette des outils informatiques s’échelonne depuis le tableur Excel jusqu’aux logiciels Géo Coop ou GéoVini (Vitarea) en passant par Win Coop (Logaviv) et autres Véodev, sans oublier la plate-forme extranet Agréo (Néotic) ou les pocket-PC (Vitarea). Cette pénétration des produits informatiques dans les caves s’est réalisée par strates successives (à partir des années 1980 pour la plus ancienne et jusqu’à 2006 pour la plus récente) et par avancées prudentes de la part des décideurs. Le rêve d’une intégration totale est encore loin d’être réalisé.
Tableau 1 : Présentation des caves coopératives
Vignerons du Grenache
Avant même l’imposition d'une traçabilité « réglementaire», il apparaît ici une forme de traçabilité « choisie » pour assurer la commercialisation : en maîtrisant les facteurs de production par la cave, et aussi en échangeant des données informatiques avec les adhérents (le cahier du vigneron, les cahiers des charges, les diverses déclaration...). Le système d’information que la cave a mis en place représente un pouvoir réel, structuré et quasiment
Nom Cave Effectifs Production Clientèle CA Certifications
28 salariés 60/65 000 hl 10/11 M €
Cave du Merlot 1949 11/12 M € Agriconfiance
Cave de la Syrah 1947 22 salariés
30 salariés 260 coopérateurs 75 000 hl 12 M €
Cave du Carignan 1913 69 salariés 300 dont 120 en AR Veodev et Geovini IFS, BRC
4 M € En cours ISO 9001
Date création
Nombre d'adhérents ou coopérateurs
Outils informatique de traçabilité Vignerons du
Grenache
en cours de 1939 fusion avec Laudun
70 exploitations, 100 coopérateurs, 1350 ha
3 millions de
cols Logiciels traçabilité
Geocoop et Geovini ISO 9001, IFS, Agriconfiance
7 salariés cave + 4 union de services = 11
330 Coopérateurs 2600 ha
180 000 hl (2ème cave de
France)
UCCOAR, Chais de France
et Castel
Depuis 1981, Multilog Puis l’an dernier Excel, Acces (formation en
cours) Mais aussi Win coop et
Geo coop utilisés par responsable informatique
et secrétaire cave et technicienne viticole 400 adhérents,
350 exploitations, 11 communes forment un groupement de producteurs avec cave d'Arzens (EVOC), 3300 ha
250000 hl -
270000 hl Vend 50% de la production à UCCOAR, le reste aux négociants
Win Coop, Geo Coop, Geo trace net de Geodasea 5 Uilisateurs
(cf interlocuteurs)
ISO 9001 Agriculture raisonnée
Vignerons du Chardonnay
1923 cave st estève
« englobée » 1991
Win coop, Geo coop
(2000) ISO 9001 depuis 2001 et IFS depuis
2007
1800 ha dont
1500 en AR 22 M
€Vignobles Marselan
1925 fusion avec
Cave de Connaux en juillet 2006
12 dont 4 au
caveau 141 coopérateurs 1200 ha sur 3 communes principales
65/68000 hl = St Victor 45000 Connaux 23000 hl
hl
15 négociants et 5 courtiers CHR: 100000hl vente directe au caveau: 5000hl
Après Excel et Access, Depuis 2000, Win coop et geo Coop, puis depuis 2006 Geo Vini pour la
gestion cave.
sans partage vis à vis des viticulteurs. Mais il faut noter que ces changements ont été impulsés par une interaction forte de l’aval pour l’aspect commercial : au-delà de la sphère de production, le pouvoir de la cave semble rencontrer des limites, du fait des pouvoirs d’autres acteurs de la filière avec lesquels elle doit négocier le partage de l’information.
Cave du Merlot
L’expérience avec les outils et méthodes de traçabilité interne est ici avérée, à la fois pour la facilité de traitement de données et pour le gain de temps dans la recherche d’informations.
Mais de nombreuses critiques sont formulées : sur l'ergonomie des outils informatiques, sur les contrainte des saisies, sur les craintes des contrôles, sur les changements dans les pratiques des métiers... Quant aux outils introduits pour gérer la traçabilité règlementaire, ils sont aussi utilisés, adoptés et justifiés, mais la pression de la clientèle (vin en vrac, négociants et metteurs en marché) est reconnue comme plus légitime que celle de l'administration dont on craint d'ailleurs les contrôles.
Cave de la Syrah
A la recherche d'une efficacité dans le processus de production, les TIC se sont imposées ici pour rationaliser les pratiques. Mais ceci introduit de nouvelles normes dans les relations entre les acteurs : d'abord entre les coopérateurs adhérents et le personnel de la cave (autour des enjeux économiques, notamment les rémunérations différenciées suivant la segmentation des apports), mais aussi entre la direction de la cave et les clients en aval (par des rapports de forces où chaque acteur tente d’imposer sa domination par le truchement de normes de production et de commercialisation).
Vignerons du Chardonnay
Ici la traçabilité n’est pas séparée de la politique de qualité (certification ISO depuis plus de dix ans). Pour maintenir l’activité économique, les changements dans l’élaboration des vins et dans les conduites des vignobles ont d'abord été guidés par le choix de cette politique de certification, mais aussi imposés par les décrets sur la traçabilité alimentaire (IFS). Il y a donc eu une remise en question des savoir-faire antérieurs (par exemple l'obligation d’enregistrer les pratiques phytosanitaires) et un contrôle accru (à la fois de la cave sur les viticulteurs, mais aussi de la direction de la cave sur les techniciens de la cave). La direction légitime ce contrôle interne accru par les contrôles externes demandés respectivement par la clientèle des centrales d’achat et par les services de la répression des fraudes.
Caves du Carignan
Ici TIC et traçabilité sont presque confondus et ces pratiques ont produit des changements vis à vis des viticulteurs adhérents, notamment par la mise en place des cahiers des charges. On reconnaît toutefois que le moteur principal est constitué par les acheteurs de l’aval et l’environnement réglementaire. Le client-acheteur joue en fait avec les critères réglementaires de traçabilité jusqu’à tenter d’imposer, en contrepartie d'une rémunération améliorée, une production correspondant à ses propres normes souvent définies au-delà des critères minima.
Ainsi, au delà des caractéristiques opérationnelles, les TIC et la traçabilité entrent dans le jeu des acteurs - internes et externes - de l’organisation.
Vignobles Marselan
Ici la traçabilité se trouve noyée dans les rapports très marchands entre la cave et ses quelques
grands clients : le négoce et la grande distribution. La traçabilité ne semble pas provoquer de
changements sensibles dans l’organisation de la filière, car les règlements sont en fait
supplantés ou dominés par la loi de l’offre et de la demande : ainsi l'amélioration de la qualité de la production n’est pas suivie d’une meilleure valorisation des vins mis sur le marché.
Cette présentation des caves ne serait pas complète si n’étaient mentionnés les changements majeurs de la viticulture régionale au cours du dernier quart du XXème siècle, marqué par une réduction importante de la production, une modification de la composition de l’offre, l’arrachage et la replantation transformant le vignoble, des unités économiques en permanente restructuration… (Laporte, Touzard 2004)
5.
Compte tenu de l’objet de la recherche trente-deux personnes ont été interviewées entre juillet 2007 et mai 2008, parmi des personnes qui avaient un rapport direct avec la mise en œuvre de la traçabilité dans l’organisation, à savoir principalement la direction-présidence de la coopérative (8), le personnel responsable Qualité (6), les responsables et techniciens intervenant dans le vignoble (9), les techniciens et responsables de cave (9). Ceci représente un ensemble de 3 à 7 entretiens pour chaque cave coopérative.
Cette étude auprès de personnes travaillant dans les coopératives a été complétée par une série d’entretiens menés auprès de trois constructeurs informatiques (Vitarea, Logaviv et Néotic) et de trois organismes administratifs et coopératifs (DGCCRF, DRAF et ICV) qui élaborent et développent pour le secteur de la viticulture des solutions innovantes en matière de sécurité/traçabilité.
3.2. Les méthodes d’analyse des entretiens
Nous avons d'abord procédé à une analyse de contenu « classique » qui a permis dégagé cinq représentations différentes de la traçabilité. Nous avons ensuite effectué une analyse lexicale qui a séparé cinq classes de discours. Enfin nous avons fait une analyse factorielle qui a permis de valider deux controverses.
Cinq représentations de la traçabilité, validées par une analyse de contenu
Nous nous appuyons d’abord sur une analyse de contenu « classique ». Le corpus est constitué des 32 entretiens entièrement retranscrits, ce qui correspond au total à 324 pages de texte. Le travail d'analyse s'est ici effectué en trois temps.
Le premier temps a constitué à lire toutes ces pages pour en extraire six résumés décrivant chacune des caves : on a ainsi obtenu 40 pages.
Ces quarante pages ont ensuite été codées individuellement par chacun des quatre chercheurs (pour assurer la fidélité inter-codeurs) et une liste de treize propositions a alors pu être établie par une « négociation » entre les chercheurs. Ces propositions ne constituent pas les hypothèses d'un modèle de recherche, elles sont entièrement issues des entretiens et elles en constituent une synthèse que l'on organiser sous la forme de cinq représentations différentes de la traçabilité.
L’accord ou le désaccord des locuteurs avec chacune de ces propositions a ensuite été testé en relisant une deuxième fois les 324 pages des entretiens et en se posant la question : dans cette phrase est-ce que la personne qui parle aurait été d'accord avec telle ou telle proposition ? On a alors pu compter 512 accords et 13 désaccords avec les propositions qui avaient été établies (Tableau 2). A ce stade ces propositions sont donc validées.
5
La grande transformation d’un vignoble de masse (JPLaporte, JM Touzard AgroLine mars 2004 n°32).
Tableau 2. Analyse de contenu « classique » : Cinq représentations différentes de la traçabilité
1. La
traçabilité dans les vignes
1. Dans les vignes, la traçabilité n’est qu’un moyen, ce qui importe c’est en fait l’agriculture raisonnée.
2. Dans les vignes, l’objectif premier de la traçabilité est la réglementation sanitaire.
3. La traçabilité a commencé dans les vignes il y a dix ans, avec la standardisation par parcelles des informations et une normalisation des pratiques professionnelles (traitements raisonnés, segmentation des apports, rémunérations différenciées…)
2. La
traçabilité des caves
4. Dans les caves, la traçabilité n’est qu’un moyen, l’objectif premier est la rationalisation des activités qui augmente leur pouvoir dans la chaîne (gestion qualité, fusions...)
5. Dans les caves, l’informatisation est rendue nécessaire par l’accès aux données exigées par l’aval (planification des apports, parcellaire cartographié et numérisé, certifications ISO, IFS
6…)
6. Dans les caves, la traçabilité des activités (suivi des procédures) est un outil de pilotage interne sur le fonctionnement des caves (indicateurs, tableaux de bord…)
3. La
traçabilité informatique
7. La traçabilité informatique, c’est l’intégration des saisies et des logiciels en réseau tout au long de la chaîne (pour pouvoir répondre aux besoins de l’aval) 8. L’informatisation se fait par étapes et par logiciels successifs, mais avec une
appropriation différenciée (saisies parallèles, difficultés techniques avec les terminaux mobiles, planification difficile des apports…)
9. La traçabilité informatique modifie peu le rôle des techniciens, mais remet en cause leur autonomie par le développement du « Reporting » (contrôles de la direction, audits extérieurs…)
4. La
traçabilité des clients
10. La traçabilité est un moyen de pouvoir imposer les exigences des clients (produit, approvisionnement, prix…).
11. C’est la crise commerciale au niveau du marché qui pousse à la traçabilité : appellations, marques, certification, concurrence internationale…
5. La
traçabilité des administrations
12. Pour l’administration, la traçabilité n’est qu’un moyen, l’objectif, c’est en fait le contrôle des fraudes et le renversement de la preuve
13. Les systèmes de double saisie dans les caves (papier et informatique) assurent une certaine confidentialité vis à vis de l’administration : « traçabilité à 80 % »
Cinq classes de discours, validées par une analyse lexicale
Nous nous appuyons ensuite sur Alceste, logiciel d’Analyse de Données Textuelles, pour extraire les structures signifiantes les plus fortes (Fallery et Rodhain, 2007a).
Le corpus est constitué des 32 entretiens, soit plus de 170.000 mots. Nous avons distingué les personnes par leur fonction (direction, qualité, technique) et les caves par leur mode de commercialisation principal (vrac, bouteille, mixte).
Après la lemmatisation (le remplacement d’une forme textuelle par sa forme réduite standardisée dans un dictionnaire) on obtient un nombre de mots significatifs de 1.330, et un nombre de « phrases significatives » de 3.777 (U.C.E, unités de contexte élémentaires).
Après une classification hiérarchique descendante (CHD), qui analyse la proximité entre les mots de chaque phrase, on obtient le profil de 5 classes. Un indicateur de chi2 mesure, pour chaque mot, son degré de signification pour sa classe, ce qui permet de qualifier ces 5 classes : l'informatique, l'organisation de la cave, le marché, la gestion des cuves et la pacelle.
6 IFS : International Food Standard, un référentiel d'audit des fournisseurs d'aliments à marques de distributeurs.