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Agroécologie, recherche et innovation

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Academic year: 2021

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HAL Id: hal-02629448

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Submitted on 27 May 2020

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Agroécologie, recherche et innovation

Jean-François Soussana

To cite this version:

Jean-François Soussana. Agroécologie, recherche et innovation. Innovations Agronomiques, INRAE, 2015, 43, pp.i-v. �hal-02629448�

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Agroécologie, recherche et innovation Soussana J.F.

Directeur scientifique Environnement, INRA, Paris Correspondance : Jean-Francois.Soussana@paris.inra.fr

L’agroécologie considère les systèmes de culture et d’élevage comme des écosystèmes particuliers dans lesquels le milieu naturel est transformé par des pratiques agricoles. Elle cherche à comprendre le fonctionnement de ces systèmes pilotés par l’homme et utilisant les interactions dans le monde du vivant. En corollaire, l’ingénierie agro-écologique permet de mieux accorder les régulations naturelles, au sein des écosystèmes, avec l’intervention humaine.

Dans son document d’orientation 2010-2020, l’Inra a identifié l’agroécologie comme l’un des deux chantiers scientifiques prioritaires. Apparue dans la première moitié du 20

ème

siècle en tant que nouvelle discipline ayant l’ambition de croiser agronomie et écologie, l’agroécologie est également associée, selon les circonstances, à un ensemble de pratiques agricoles ou à un mouvement social. Mais c’est bien l’émergence, la reconnaissance et le rayonnement de la discipline scientifique qui sont visés dans le cadre de ce chantier prioritaire, dont la première phase s’est appuyée sur une étude bibliométrique originale, sur l’analyse des priorités scientifiques et du positionnement de l’Inra (Inra, 2012).

L’étymologie nous rappelle que le mot agronomie dérive des deux racines grecques agros : « champ », et nomos : « loi ». La question de la norme, de cette loi, qui s’appliquerait aux champs est donc fondatrice de l’agronomie, ou au sens large des sciences agronomiques. Partant des racines grecques oikos, « la maison, l’habitat » et logos « la science, le discours », l’écologie étudie les interactions entre organismes vivants et leurs relations avec l’environnement. Apparu dans les années 1930, le néologisme agroécologie définissait donc une science du monde vivant au champ, sans pour autant prescrire une nomos, une loi. Le terme a cependant été utilisé depuis pour désigner un nouveau modèle agricole, qui concilierait les enjeux économiques et environnementaux de l’agriculture (CEP, 2013).

Le corpus scientifique utilisant le terme agroécologie (ou son synonyme agro-écologie) est relativement limité (environ 1500 articles indexés dans l’ensemble des bases de données internationales depuis les années 1950). Néanmoins, l’étude du monde vivant au champ s’est rapidement développée et les passerelles entre l’écologie et les sciences agronomiques concernent aujourd’hui près de 6000 articles indexés par an. L’agroécologie n’a pas vraiment acquis le statut de discipline scientifique, mais s’est développée et intéresse aujourd’hui un large ensemble interdisciplinaire incluant l’écologie, les sciences de l’environnement, les sciences agronomiques et les sciences humaines et sociales. La dimension sociale et économique porte en tant que telle des enjeux de connaissance relatifs, par exemple, à la conception de nouveaux systèmes techniques et aux processus de partage et généralisation des innovations.

Les recherches en agroécologie portent sur une large gamme d’échelles spatiales et temporelles,

certaines étant liées aux milieux, d’autres aux activités agricoles. D’un point de vue spatial, cette

gamme va de la communauté microbienne du sol au paysage ou à la région, en passant par

l’exploitation agricole. Les territoires sont identifiés par des systèmes de production et des milieux

(climat local, sol, système hydrologique). Ils intègrent une biodiversité, des processus écologiques

(plasticité des organismes et des populations, assemblage des espèces, flux et cycles

biogéochimiques, …) et des activités humaines (adaptabilité des systèmes de production, vulnérabilité

économique,…). Les enjeux consistent donc à évaluer les flux écologiques et biogéochimiques, à

comprendre les interactions entre les milieux, les activités et ces flux. Le temps long, historique et

géologique, a laissé son empreinte sur les sols, les paysages mais aussi les génomes. Les échelles

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plus récentes traduisent l’influence de l’agriculture moderne, incluant notamment la domestication et la sélection de populations animales et végétales, la variabilité et l’évolution de l’usage des sols, des systèmes et des pratiques agricoles.

L’agroécologie favorise une compréhension plus systémique du vivant en agriculture, notamment grâce au développement d’approches de modélisation conceptuelle et quantitative (Inra, 2014). Cette vision systémique s’est enrichie des apports de l’écologie et bénéficie du potentiel scientifique qu’offrent les données à haut débit issues des sciences de la terre (télédétection, capteurs environnementaux), des sciences de la vie (génomique environnementale, métagénomique) et des sciences agronomiques (phénotypage, capteurs embarqués). Ces avancées, conjuguées à la révolution numérique des sciences de la communication et de l’information, créent un potentiel majeur d’innovation.

L’analyse scientifique du chantier agro-écologie (Inra, 2012) a été organisée autour de cinq priorités concernant :

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les interactions biotiques (réseaux écologiques) et leur maîtrise (biocontrôle, préservation de la pollinisation…) via des changements de pratiques ou d’environnement ;

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l’agro-écologie du paysage, dont les applications concernent notamment l’arbitrage entre services des agro-écosystèmes à des échelles allant du paysage à la région ;

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l’évaluation de la durabilité environnementale des systèmes agricoles, qui peut être renouvelée grâce à l’intégration de la biodiversité et des services écosystémiques ;

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l’écologie fonctionnelle, qui fait apparaître des invariants dans les couplages entre compartiments de l’environnement et entre grands cycles (C, N, P…) ; ces connaissances peuvent être mises à profit pour réduire les intrants et les rejets et préserver les ressources en sol et en eau.

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l’évolution des systèmes agricoles : cette priorité combine les réflexions des axes précédents et la met au service de deux attendus : (i) ce que pourraient être les systèmes agro-écologiques de demain, faisant appel aux notions de conception et d’évaluation, (ii) la manière dont ils pourraient être mis en place, faisant appel à la notion de transition, mobilisant fortement les compétences des sciences de l’homme et de la société.

Les écotechnologies, l’écologie des systèmes alimentaires et l’agroécologie pour l’action n’ont pas été placées au cœur de ce chantier scientifique, mais ces thèmes s’inscrivent dans la continuité directe des réflexions conduites et font également l’objet de recherches.

L’Inra apparait aujourd’hui comme un acteur incontournable des recherches interdisciplinaires en agro-

écologie. Il figure au troisième rang mondial dans ce domaine en termes de productions scientifiques et

dispose de nombreux atouts avec plus d’une centaine d’équipes scientifiques de plusieurs

départements, de méta-programmes sur les services des écosystèmes et sur la gestion intégrée de la

santé végétale et animale, du soutien d’une trentaine d’unités expérimentales et d’observatoires de

recherches en environnement répartis sur le territoire national. Au plan national, les recherches en

agroécologie se structurent au sein d’un groupe thématique de l’alliance de recherche sur

l’environnement (Allenvi). Les recherches de l’alliance contribuent également à la dimension

internationale de l’agroécologie ; le Cirad et l’Inra ont ainsi participé au symposium international (2014)

de la FAO sur l’agroécologie pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle. Dans ce contexte, l’Inra a

organisé fin 2013, avec l’appui du Ministère en charge de l’agriculture et de l’ACTA, un colloque

Agroécologie & Recherche qui a rassemblé 350 participants, dont une moitié de partenaires de la

recherche (développement agricole et profession, ministères et collectivités territoriales, environnement

et coopération internationale) (Inra, 2013a). Il comprenait un forum visant à discuter des grands enjeux

sociétaux de l’agroécologie en tant que praxis. Il comprenait aussi trois ateliers rassemblant des acteurs

du développement, de la formation et de la recherche. Ces ateliers ont permis d’aborder les principaux

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leviers techniques de transition vers des pratiques agroécologiques : mieux utiliser la biodiversité, gérer les paysages et les territoires et boucler les grands cycles.

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Le premier atelier a été consacré à l’utilisation accrue des différentes composantes de la biodiversité. Au sein de la composante cultivée, il est possible d’associer plusieurs composantes (ex.

agroforesterie), plusieurs espèces végétales (rotations longues, cultures intermédiaires, associations) ou animales (pâturage mixte), plusieurs variétés d’une même espèce (mélanges variétaux). La diversité associée aux parcelles peut également être modifiée en gérant les bordures, ou en favorisant l’habitat d’auxiliaires. Cette valorisation de la biodiversité concerne aussi bien les cultures annuelles que les cultures pérennes et l’élevage.

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Le second atelier était consacré à la gestion des paysages et des bassins versants et de l’ensemble des régulations qui s’y déroulent. Gérer, individuellement ou collectivement, une mosaïque paysagère ou un bassin versant et intégrer cette gestion agro-écologique dans l’aménagement et le développement d’un territoire peuvent permettre de mieux préserver des ressources cruciales pour l’agriculture (l’eau et les sols) et de renforcer la régulation des bio-agresseurs et la pollinisation. Il s’agit de travailler sur l’organisation spatiale des parcelles, des ateliers de production, des espaces interstitiels et d’infrastructures écologiques, comme les haies, les zones humides ou les bosquets. Ces éléments peuvent être mieux maîtrisés collectivement, à l’échelle du paysage ou du bassin versant. Par exemple, pour la gestion de la qualité de l’eau et pour la régulation des bioagresseurs.

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Le troisième atelier portait sur les cycles du carbone, de l’azote et du phosphore qui sont à la base des productions végétales et animales. Une ouverture excessive de ces cycles entraîne des pertes et des gaspillages de nutriments, de matière organique des sols et d’énergie, ainsi que des problèmes de pollution de l’eau, de l’air et d’émissions de gaz à effet de serre. Les transitions agro- écologiques favorisent le bouclage des grands cycles, en combinant une série de pratiques : fixation biologique d’azote, stockage de carbone et de nutriments dans la matière organique des sols, recyclages et valorisation des engrais de ferme, intégration des systèmes de culture et d’élevage. Le potentiel représenté par ces transitions peut être renforcé grâce à des recherches sur la biologie et l’écologie des sols, sur les symbioses racinaires, sur les cycles biogéochimiques et sur les technologies et options de recyclage et de valorisation des effluents.

Chaque atelier a été construit en trois temps afin de proposer un bilan : des innovations sur le terrain (1.

aujourd’hui), puis du potentiel des recherches (2. les possibles) et des transitions envisageables (3.

l’avenir) (Figure 1). Plusieurs questions avaient été posées par le comité de pilotage (formé de représentants du MAAF, de l’ACTA et de l’Inra) du colloque à ces ateliers. Elles portaient sur les circuits d’innovation, la coordination des acteurs, les parcours de formation, la place des nouvelles technologies et des ruptures scientifiques, la conception de systèmes multi-performants, la robustesse et la résilience des systèmes, leur insertion dans les territoires et les filières, mais aussi sur les facteurs du changement (économie, travail, risque).

Chaque intervention lors de ces ateliers a été préparée par un groupe souvent pluridisciplinaire et pluri-

organismes. Ce travail collectif, original, a offert un ample éclairage sur les expériences de terrain, sur

les bases scientifiques, sur les transitions vers l’agro-écologie et sur les freins et barrières. Au total, 112

exemples couvrant la plupart des filières agricoles et les enjeux des territoires ont été présentés au

cours de ces trois ateliers. Plusieurs d’entre eux illustraient les convergences entre les leviers d’action ;

ainsi, la biodiversité des sols est importante pour le bouclage des cycles, la gestion des paysages peut

favoriser la biodiversité, etc…

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Figure 1. Organisation des trois ateliers thématiques du colloque Agroécologie et Recherche (Octobre 2013).

Les discussions dans les différents ateliers ont convergé vers quelques messages généraux. Ainsi, les connaissances scientifiques mises en avant sont bien souvent absentes de la formation initiale des agriculteurs. Leur mise en œuvre suppose un effort d’observation accru et une réflexion élargie : de la parcelle à l’agro-écosystème et au paysage, du raisonnement de la fertilisation à celui du cycle des éléments et de la saison à la dynamique pluriannuelle. L’organisation du travail dans l’exploitation est donc modifiée, puisqu’il s’agit d’ajuster continuellement les décisions en fonction des observations, ce qui peut prendre un temps important surtout durant les périodes de transition. Des indicateurs et des outils spécifiques de formation et d’aide à la décision sont donc nécessaires, ainsi que des technologies nouvelles pour faciliter l’observation et l’interprétation et pour gagner du temps dans l’exécution de pratiques plus complexes. La question d’agro-équipements adaptés se pose aussi en agroécologie, puisqu’il faut disposer d’outils spécifiques pour certains itinéraires techniques et pour certains systèmes (semis sous couverts, mélanges, agroforesterie, etc…). Ces changements questionnent également l’organisation des filières comme le montre une étude conduite par l’Inra (Inra, 2013b) sur les freins et leviers à la diversification des cultures.

Ce numéro spécial d’Innovations Agronomiques’ a été construit à partir des ateliers du colloque.

Chaque partie fait ainsi l’objet d’un exposé introductif, puis plusieurs exemples de recherches et d’innovations sont fournis. Enfin, une synthèse offre un panorama du potentiel de recherche et d’innovation dans chaque domaine. Ces contributions fournissent un éclairage original sur les interactions entre recherches et pratiques et soulignent le potentiel d’innovation de l’agroécologie pour conjuguer les performances économiques, environnementales et sociales de l’agriculture.

Références bibliographiques

CEP, 2013. L’agroécologie : des définitions variées, des principes communs. Analyse, n°59, Juillet 2013. Les publications du Centre d’Etudes et de Prospective du Ministère de l’Agriculture, de la Forêt et de l’Agroalimentaire.

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FAO, 2014. Symposium international Agroécologie pour la sécurité alimentaire et la nutrition.

http://www.fao.org/about/meetings/afns/fr/

INRA, 2012. Rapport du chantier agro-écologie. (Coordonné par J-F Soussana, C. Gascuel-Odoux et M. Tixier-Boichard. 107 pp). http://Inra.dam.front.pad.brainsonic.com/ressources/afile/228001-a8d94- resource-chantier-agro-ecologie-fevrier-2013-4-pages.html

INRA, 2013a. Synthèse des ateliers du colloque agro-écologie et recherche. (Coordonné par J-F Soussana, C. Gascuel-Odoux et M. Tixier-Boichard), 87 pp. http://Inra-dam-front-resources- cdn.brainsonic.com/ressources/afile/243333-ebff3-resource-caer-synthese-du-colloque-agroecolgie- et-recherche-17-10-2013.html

INRA, 2013b. Etude"Freins et leviers à la diversification des systèmes de culture" menée par l'Inra à la demandes des ministères en charge de l’Agriculture et de l’Écologie. (Coordonnée par J-M Meynard et A Messéan), 229 pp. https://www6.paris.Inra.fr/depe/Projets/Diversification-des-cultures

INRA, 2014. Colloque « Nouveaux défis de la modélisation pour l’agroécologie ». (Coordonné par J-F

Soussana, C. Gascuel-Odoux et F. Garcia) Février, 2014 ;

https://colloque6.Inra.fr/modelisation_agroecologie/Programme-Actes

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