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L’emprunt à l’arabe dans la presse témoin d’une richesse et diversité linguistiques en Algérie.

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L’emprunt à l’arabe dans la presse témoin d’une richesse et diversité linguis-tiques en Algérie.

Sabrina MERZOUK Université A. Mira, Béjaïa

Introduction

La question du statut des langues en Algérie est très sensible à toute discussion ou débat. En effet, partagé entre une tenta-tive d’homogénéisation linguistique par le biais de la politique d’arabisation et une réalité sociale et linguistique diversifiée, ce pays dénote une situation de malaise et d’incompréhension. Dans ce milieu plurilingue, les langues s’engagent dans une perpétuelle course au pouvoir sans pour autant qu’il y ait un vainqueur. L’Algérie s’avère donc être une situation de concur-rence dans laquelle les langues subissent le martyr d’une pres-sion politique unificatrice, la politique d’arabisation en l’occurrence, aspirant à l’effacement des différences qui témoi-gnent de la diversité ethnique, linguistique et culturelle qui fait la richesse de ce pays. Cette question de statut, n’étant pas encore résolue sur le plan politique, entraîne souvent des inci-dents et des tensions sociales à visée revendicative.

Les langues en Algérie et leur statut

L’Algérie compte quatre langues ayant chacune un statut et une réalité fonctionnelle propre. Cette réalité comprend

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d’abord, l’arabe41littéraireconsacré comme langue nationale et offi-cielle, ayant servi de substitut pour chasser le français au lende-main de la colonisation. Cette langue tire sa légitimité du Coran :

« La langue arabe classique entretient donc un lien privilégié avec l’islam : emblème de l’identité musulmane, elle est ressentie comme telle par les musulmans depuis des siècles. Son lien avec l’islam la fait participer de sa légitimité religieuse et par dériva-tion politique, puisque l’islam est la Loi d’Allah à laquelle aucune autre ne peut être opposée pour les croyants» (Grand-guillaume, 2010).

L’usage de cette langue se rapporte exclusivement au secteur administratif, judiciaire, à l’école puisqu’elle est langue d’ensei-gnement, à la télévision, aux pratiques religieuses puisqu’elle est la langue du Coran. Le statut octroyé à cette langue est plus bolique qu’autre chose. Son officialisation reste un moyen ou sym-bole unificateur du monde arabe. Dans le cadre informel, l’arabe littéraire cède la place au français, à l’arabe dialectal et au berbère. Le français a longtemps été chassé et combattu par tous les moyens puisqu’il est considéré comme l’héritage d’une présence coloniale amère. Son statut correspond officiellement à celui de langue étrangère, statut, considéré par certains, (Queffélec, 2002 : 36) comme « théorique et fictif » puisque son usage touche bon nombre de secteurs à savoir l’administration et l’économie. Cette langue est vue comme une composante de l’identité même des Algériens. Ces derniers ont une vision positive du français, considéré comme la langue du savoir, du progrès scientifique et de la modernité. Il est, selon Grandguillaume (2004 : 15-40), « la langue de la réussite économique et sociale (…) ». Cette langue est très présente dans plusieurs secteurs : l’enseignement

supé-41. La langue arabe est répartie, selon Khaoula Taleb Ibrahimi, en différentes variétés. D’abord, l’arabe classique correspondant au registre le plus normé de la langue arabe, dont le modèle idéal est le texte coranique. Ensuite, l’arabe standard ou moderne assurant l’intercommunication entre les différents pays arabophones. L’arabe, langue de scolarisation utilisée également dans les productions intellectuelles, et est aussi la langue des médias. Enfin, l’arabe spontané, à usage exclusivement oral, est essentiellement utilisé en milieu familial, à la télévision et à la radio.

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rieur, la télévision, la presse, et même dans les discours du pré-sident Bouteflika.

Pour ce qui est de l’arabe dialectal, cette langue, à usage exclusi-vement oral, est essentiellement utilisée en milieu familial, à la télévision et à la radio. Elle ne bénéficie d’aucune reconnaissance officielle et se développe grâce au nombre important de locuteurs qui la parle. Ce qui contribue à sa vitalité, c’est son enrichisse-ment continuel par voie d’emprunts aux langues présentes sur ce territoire à savoir le français et le berbère, ce qui l’oppose à l’arabe littéraire qui s’avère imperméable et se prête moins à ces contacts avec les autres langues. L’arabe dialectal est réparti en parlers locaux différents de l’est à l’ouest et du nord au sud. Leur différence réside dans les particularités les caractérisant à diffé-rents niveaux, lexical, phonologique, syntaxique et sémantique :

« L’arabe algérien, appelé aussi darija, est éclaté en plusieurs parlers régionaux non écrits et non normalisés. Malgré cet écla-tement, il demeure la première langue de communication des Algériens. Il sert également souvent de langue véhiculaire entre locuteurs de communautés amazighophones éloignées géogra-phiquement lorsque l’intercompréhension est jugée laborieuse » (B. Nadia, 2013).

L’arabe dialectal constitue aujourd’hui un centre d’intérêt pour bon nombre de chercheurs qui tentent de lever toute ambiguïté sur son statut, puisque celui-ci n’est pas évoqué dans la consti-tution. Ouardia Aci42, spécialiste en sociodidactique, affirme,

pour sa part, que « l’arabe algérien n’est pas un dialecte, mais bien une langue ». Cet avis est soutenu par l’écrivain et essayiste Kamel Daoud43pour qui « l’algérien est une langue à

42. Cité par Maïna, F., 2013, « La langue algérienne existe-t-elle vraiment ? Quelques articles sur l’enseignement et les langues en Algérie », Pour une Algérie démocratique et sociale

http://mohbelkacimi.overblog.fr/article-quelques-articles-sur-l-enseignement-et-les-langues-en-algerie-118324490.html

43. Kamel Daoud, chroniqueur au Quotidien d’Oran et auteur de plusieurs ouvrages dont : Raïna

raïkoum, (2002), Oran, Dar El Gharb ; Ô Pharaon, (2005), Oran, Dar El Gharb ; Minotaure 504 (2011), Paris, Sabine Wespieser.

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part entière comme toutes les autres langues utilisées pour com-muniquer. On parle, on commerce, on débat, on vit, on aime en algérien». À propos de son statut non évoqué dans la Constitu-tion, Aci avance : « qu’on le veuille ou non, cette langue algé-rienne est nationale » (Maïna : 2013)

Face à cette obstination de l’État algérien à répandre l’arabe stan-dard et à rejeter les autres langues à savoir l’arabe dialectal et le berbère, les locuteurs berbères ont tout fait pour la revalorisation de leur langue et l’affirmation de leur identité :

« Après de longues années de silences et d’interdits, la question de la langue et de la culture berbères a enfin gagné droit d’être matière à débat ». (Lounaouci, 1998 : 138).

Ce droit légitime a été arraché par la force. Ainsi, différents évé-nements se sont succédés en Kabylie et à l’échelle nationale à savoir ceux de 1980 et la grève des cartables en 1994. En avril 2001, dans le cadre d’une commémoration des événements du Printemps berbère, des troubles violents ont éclaté entraînant la mort de plusieurs citoyens, le prix à payer pour une langue ber-bère qui acquiert alors le statut de langue nationale.

L’emprunt et son intégration

La langue, notamment quand elle baigne dans un milieu pluri-lingue, recourt le plus souvent à l’emprunt. Celui-ci, vu comme moyen d’enrichissement externe, lui permet de puiser, en cas de manque, dans les autres langues avec lesquelles la langue en question est en contact. C’est le cas du français en Algérie. Plusieurs auteurs tentent d’établir une distinction entre les deux procédés d’emprunt et de xénisme, car, même s’ils sont tous deux des procédés résultant du transfert d’unités lexicales, les deux se distinguent par un certain nombre de critères faisant que le xénisme préserve toujours son caractère étranger alors que l’emprunt, lui, est dit intégré ou en voie d’intégration. Ce qui

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caractérise le xénisme, en tant que premier stade de l’emprunt, c’est son apparition en contexte souligné par la présence de marques typographiques comme le gras, l’italique, les guille-mets et le fait qu’il est souvent paraphrasé pour montrer qu’il n’appartient pas à la langue en question. Le passage de l’unité lexicale du statut de xénisme à celui d’emprunt est facilité par l’effacement des marques typographiques, des remarques méta-linguistiques et l’adjonction des marques morphologiques  : genre, nombre, préfixe et suffixe.

Dans sa distinction entre emprunt et xénisme, Morsly (1995 : 47) estime que, dans l’étude de l’emprunt, il est important d’établir des critères permettant de mesurer et d’évaluer la distance de l’unité empruntée par rapport à la langue réceptrice. C’est en fonction de ces critères que l’on peut distinguer les deux phéno-mènes d’emprunt et de xénisme. L’intégration de l’emprunt se fait sur différents plans : morphologique, phonologique, syn-taxique et sémantique. À l’écrit, la présence de marques typogra-phiques rend compte de l’insertion de l’emprunt dans le texte et de la façon dont l’énonciateur se l’approprie (utilisation ou pas des guillemets, soulignement, italique, gras, explications, para-phrases…). Pour Gaudin et Guespin (2000  : 295), le mot em-prunté est effectivement intégré lorsque celui-ci perd toutes les caractéristiques de la langue d’origine et adopte celles de la langue d’accueil. Des critères énumérés, ils retiennent le critère morpho-syntaxique, c’est-à-dire que le mot fait l’objet d’une pro-ductivité dérivationnelle. La déspécialisation de l’emprunt est aussi retenue en tant que signe d’intégration sémantique qui permet l’élargissement du domaine d’utilisation de l’unité empruntée. Pour Derradji (1995), l’intégration se résume dans le fait que le locuteur utilise :

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lin-guistique français et leur applique pour les circonstances de la communication toutes les ressources de la langue d’accueil, notamment les règles de dérivation morphologiques, syn-taxiques, lexicologiques et sémantiques (préfixation, suffixation, composition, adjonction d’actualisateurs et de déterminants, de marques de genre et de nombre… ».

Notre étude se situe dans cette perspective : celle de l’analyse de l’intégration des emprunts à l’arabe dans la presse de langue française. Nous avons constitué un corpus qui atteint 400 unités lexicales empruntées à l’arabe et recueillies dans les six quoti-diens d’expression française que sont : El Watan, Liberté, Le Soir

d’Algérie, L’Authentique, La Dépêche de Kabylie et La Tribune. Une

analyse des mots relevés nous a permis de constater la présence de plusieurs signes révélateurs de l’intégration des unités lexi-cales empruntées. Ces signes se résument en l’attribution de marques de genre, de marques de nombre ; en la création de dérivés, en une adaptation phonologique et une insertion contextuelle qui se traduit par la mise en relation de l’unité empruntée avec ce qui précède et suit dans l’énoncé.

L’intégration morphologique

L’intégration morphologique du mot emprunté à l’arabe (littéral ou dialectal) est effective lorsque le mot acquiert les marques de genre, de nombre et contribue à la création de dérivés. Les marques justifiant l’intégration des emprunts à l’arabe contenus dans notre corpus peuvent se résumer en :

L’attribution des marques de genre et nombre

Un bon nombre des mots empruntés à l’arabe se présente dans les contextes d’apparition avec les marques de genre du français. Hormis quelques exceptions, le genre véhiculé par l’article en langue d’accueil (le français) correspond généralement à celui de la langue source (l’arabe). C’est le cas pour des mots comme :

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Un kotb « pôle », un burnous « manteau sans manches à capuche, fabriqué en laine » ; le chikh « maître de la chanson chaâbie » ; un gaouri « Européen »,

pour les noms masculins singuliers.

La baladia « commune » ; la rachwa « corruption » ; la hogra « l’injustice » ;

la tchipa« la gratification » ; une dar el fetwa « maison des avis religieux » ;

la basmallah « au nom de Dieu Le Miséricordieux » ; la zakat « l’aumône »,

pour ce qui est des noms féminins singuliers.

Les noms féminins arabes

Les noms féminins arabes sont, pour la plupart, terminés par un -afinal quand ils sont au singulier. Nous citerons, à titre d’exem-ple :

rahma« miséricorde, pardon », amana « bien placé sous la protection de quelqu’un » ; haraka « organisation » ; khotba « prêche, discours religieux » ;

qaâda« soirée, veillée » ; qacida « poème » ; ziara « visite des mausolées de saints » ; loudjna « organisme »…

Le pluriel des noms arabes féminins contenus dans notre corpus est formé de deux façons différentes :

– par ajout des marques du pluriel arabe : à partir de la marque du

pluriel féminin arabe, -te,:[تا] est formé le pluriel pour des mots comme :

houmate« quartiers », hadjate « pèlerines, titre attribué aux femmes ayant fait le pèlerinage à La Mecque », Chebate « jeunes filles », halakate « cercles »,

chouaffate« voyantes », cheikhate « maitresses d’école, chanteuses »,

guez-zanate« mendiantes »…

Mais en plus de cette formation régulière qui se résume en l’ajout du -te, la formation du pluriel féminin arabe est réalisée par le remodelage du signifiant, chose constatée à partir de mots comme :

tarika (ou tariqa) « voie ou doctrine religieuse » → tourouk.

Certains mots ont un pluriel qui résulte de l’ajout de l’infixe /ã/, [ا], servant à la formation d’un bon nombre de pluriels en arabe à l’exemple de :

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Madihmadaïh (louanges) dans madaïh diniya « louanges religieuses » 

Maoussimmaouassim « saisons ».

Madhabmadhahib « voies, courants religieux ».

– par ajout des marques de la langue d’accueil, le français: le pluriel féminin des mots arabes résulte alors du recours aux règles mor-phologiques de la langue française à partir de l’ajout du -s (mor-phème du pluriel français).

houma« quartier »→houmas(houma (singulier + -s)

ziara« visite des mausolées »→ziaras(singulier +-s)

– par un double marquage du pluriel de l’unité

En plus de la formation plurielle qui consiste à ajouter au mot soit la marque plurielle de la langue arabe44, soit celle du français

–s, il existe, dans notre corpus, des mots ayant subi les deux marques à la fois. Ceci est visible à partir de mots comme : Chikhatesde chikha +-te (marque du pluriel arabe) + -s (marque du plu-riel français).

Fatawatesde fatwa « avis religieux » + -te (marque du pluriel arabe) + -s (marque du pluriel français).

Chikayatesde chikaya « plainte » + -te (marque de pluriel arabe) + -s (marques du pluriel français).

Et ce ne sont pas les seules unités ayant un pluriel doublement marqué, puisque nous avons aussi :guezanetes « mendiantes »,

koui-rates« boulettes », moukhabarates « services secrets d’information ou d’es-pionnage », chebates « chanteuses du style raï»…

– par le singulier avec valeur de pluriel

La formation du pluriel féminin peut également se manifester sur le plan de la forme par le seul ajout d’un déterminant plu-riel : les, des, ces à un mot singulier, qui lui ne subit aucune alté-ration ni ajout quelconque (-s). Nous avons l’exemple de :

Des meïda« tables » dans :

« La khaïma est une authentique tente fabriquée à Djelfa, elle est très

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cieuse. Le confort est assuré par des matelas recouverts de tapis, des tables basses, des meïda, des vases en terre cuite décorés à la berbère », (La Dépêche

de Kabylie, 25/08/2004).

Des qaâda« soirées, veillées » dans :

« Des « qaâda » musicales avec Mohamed Tahar El Fergani et avec Hamdi Bennani », (L’Authentique, 03/03/2004).

Le tableau ci-dessous résume toutes les variations dans l’attri-bution des marques de genre et de nombre aux noms féminins arabes :

Les singuliers à l’origine de ces pluriels

Article français + singulier arabe (+ -s)/ Article français + pluriel arabe.

Houma Tariqa/tarika Ziara Qacida Qaâda Halaqa Meïda Mouhafadha Daâwa Guezzana Chikaya Chouaffa Cheikha Cheba Ouaâda/waâda Hachia Hadja Meddaha Maâlma Fetwa/fatwa Tabouna Ustada Article français (-s) pluriel français

ou pluriel arabe+ -s Pluriel arabe

Singulier à valeur pluriel Des Les Les Les Les Des Des Les Les Des Les Les Les/des Des/les Des Des Ces Des Des Des Les Des Houmas -Ziaras -Kaâdettes -Mouhadadhas -Guezzanates Chikayates Chouaffates Cheikhates -Waâdas/ouaâdas -Fatawates/ Fetwas -Houmate Tourouq tourouk Ziarate, Qassidate/quassaïd Qaâdate/quaâdet Halaqate/halaqat -Mouhafadhate Daâwi Guezzanate Chikayate Chouafate Cheikhate Chebate -Hachiate Hadjate Maddahate/Medahate -Tabounette ustadate -Qaâda -Meïda -Maâlma

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-Les noms masculins arabes

Le genre masculin des mots arabes est repérable à partir de l’ajout de l’article45vu comme indice d’intégration. Le genre de

ces mots correspond à celui auquel répondent ces mêmes mots en langue source, l’arabe. Et comme exemples, nous aurons :

Ce chebbek« volet de fenêtre », le cheikh « interprète de la chanson chaâ-bie ».

Contrairement aux noms féminins, les noms masculins arabes ont différentes terminaisons, chose constatée dans des mots comme : halouadji, « pâtissier », sayd « chasse », t’bal « tambour », bendir « instrument de musique fait à base de peaux d’animaux et de bois », ferkh

« moineau », f’tour « repas de rupture du jeûne », chahid « martyr », houl « terreur », zaouali « démuni », nadher « responsable d’une institution reli-gieuse », qussid « poésie », raed « leader » ...

Le pluriel des noms masculins arabes est formé de différentes façons. Celles-ci se résument en :

– ajout d’un article au pluriel au mot singulier

Le pluriel des noms masculins est formé par l’attribution d’un article défini, indéfini ou d’un adjectif démonstratif masculin français : des, les, ces qui vient s’additionner au signifiant du mot masculin arabe singulier, qui est gardé intact ; comme c’est le cas pour :

berrah, singulier du pluriel arabe berrahine « crieurs publics » qui donne par voie d’addition de l’article pluriel les berrah.

ustade, singulier dont le pluriel arabe est asatida « enseignants » et qui donne les ustade.

taleb, dont le pluriel en arabe est talaba ou tolba « étudiants de la théologie musulmane »46qui donne : des taleb.

– ajout de la marque du pluriel français

45. Puisque, contrairement aux mots féminins (terminés généralement par un -a final), les noms masculins n’ont pas une seule terminaison qui indique leur genre.

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Le pluriel est formé par voie d’ajout de la marque du pluriel français -s. Sont ainsi formés :

kelbs, dont le pluriel arabe est kleb, sur la base du singulier kelb

« chien » + -s (marque du pluriel français),

gawri singulier qui signifie « personne originaire de l’Occident » et par ajout de -s est formé le pluriel gawris,

chikoursdu singulier chikour « rival » « concurrent »+ -s,

karakous vient du singulier karakou « veste traditionnelle en velours brodée de fils d’or »+ -s,

minbar,qui désigne la « chaire d’une Mosquée », donne

min-bars.

Et c’est sur ce même modèle de formation (n.m.sing. + -s) que sont formés :

archs « tribus », chebs « jeunes, chanteurs de la musique raï », muhajîrs « voyageurs », hadiths « paroles du prophète », hadjis « pèlerins »,

baza-ris« vendeurs », talebs « étudiants de la théologie musulmane »…

– ajout des marques du pluriel arabe

Un bon nombre des mots collectés ont un pluriel formé à partir des marques du pluriel arabe. Cette formation se résume en l’ajout de morphèmes du pluriel en arabe ou par le remodelage complet du signifiant du mot.

Pour ce qui est de la formation régulière du pluriel arabe, celle-ci résulte de l’ajout, au singulier du mot, des morphèmes arabes: -ine ou -a.

Par ajout du morphème du pluriel –ine sont formés, par exem-ple :

mounafiqine de mounafiq «  hypocrite  », moudjahidine de moudjahid « combattant de la guerre de Libération », madrourine « sinistrés »,

chiya-tine« opportunistes », mankoubine « sinistrés », tabakhine « cuisiniers »,

beggarine « Maquignons »…

Par ajout d’un –a final au mot singulier sont formés des pluriels comme :

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beznassia, du singulier beznassi « personne qui fait des affaires » + –a.

djbaïliaest le pluriel de djbaïli « montagnard » +-a, 

zaoualia, du singulier zaouali « démuni »+ -a.

– ajout des marques de pluriel des deux langues

Parmi les pluriels contenus dans notre corpus, il y a des lexies qui comportent à la fois les marques de la langue source (l’arabe) et celles de la langue d’accueil (le français). Ce sont des pluriels arabes auxquels ont été annexées les marques plurielles du fran-çais. Nous citerons les mots suivants :

chouyoukhsdu pluriel arabe chouyoukh « maîtres de la chan-son chaâbie »+-s (marque plurielle du français).

beznassasdu singulier arabe beznassi « personne qui fait des affaires » et par annexion de la marque du pluriel arabe -a, est formé le pluriel arabe beznassa lequel, par voie d’ajout du -s (marque du pluriel français), donnera besnassas.

taleb «  étudiant de la théologie musulmane  », singulier qui donne en arabe le pluriel tolba lequel par voie d’addition du –s du français au mot tolba est obtenu tolbas

beggaraspluriel de beggar « maquignon »+ -a donne le pluriel arabe beggara auquel est ajouté le –s, (marque du pluriel français). – par double formation plurielle pour un même singulier

Pour certaines lexies, sont repérés des pluriels formés tantôt par recours aux marques de la langue source, et tantôt à celles de la langue d’accueil. Il en résulte :

une forme plurielle en français pour : talebs du singulier taleb « étudiant de la théologie musulmane » + -s.

Deux formes plurielles en arabe : tolba / talaba ;

cheïkh« maître de la chanson chaâbie », singulier dont les dif-férentes formes au pluriel se résument  en langue arabe à  :

chouyoukh (chyoukh, chioukh)47, cheyoukha;

47. Variations formelles repérées pour le pluriel du mot cheikh. La variation formelle pour la même unité dénote, selon Cheriguen (2002 : p 73), une hésitation dans l’intégration de l’unité en question.

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En français, le pluriel du mot cheikh est formé par ajout au sin-gulier cheïkh d’un -s (marque du pluriel français), ce qui donne

cheïkhs.

Le tableau ci-dessous résume toutes les variations dans l’attri-bution des marques de genre et de nombre aux noms masculins arabes.

Les mots à l’origine de ces masculins

pluriels

Les marques de nombre (formation du pluriel) des masculins arabes

Cheïkh/ chikh/ chekh Karakou Kelb Khamr Gawri Chikour Hadj Hizebs Meddah Mufti Moudjahid Harki Tebakh Madrour mankoub Beznassi Beggar Berrah Bazari Taleb Taghout Alim Ustade Zaouali Djbaïli Arch/aârch Faqih Hallab Harrag Harz Hagar Chahid Article français Les marques de nombre (formation du pluriel) des

mas-culins arabes Pluriel arabe Singulier à valeur de Pluriel, singulier + - s du français Des Des Les Des Des Des Des Des Des Les Les Les Des Des Les Les Les Les Les Des Des Les Les Les Les Les Les Les Des Des Des Des chioukhs, chouyoukhs Karakous Klebs/ klabs -Harkis -Beznassas Bagarras, -Bazaris/bazaristes Tolbas -Archs/ aârches/ -Harzes Hagarines chahids chouyoukh, chioukh, chyoukh, cheyoukha -khoumour -- -Moudjahidine Harka tabakhine Madrourin Mankoubin Besenassia Beggarine/ Baggara Berrahine -Tolba, talaba Taghout Uléma -zaoualiya/ zaoualia Djbaïlia Arouch/aârouche Fukaha/fouqaha Hallaba Harraga Harouz -Chouhada cheikhs -kelbs -Gawris chikours Hadjis Hizebs Meddah/meddahs Muftis -- Beznassi -Berrah -Talebs/ taleb -Ustade -Aârch

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-La dérivation comme marque d’intégration de l’emprunt Sur le plan morphologique, l’intégration est effective lorsque le mot subit les règles de la langue d’accueil. Parmi ces règles, nous avons le fait que l’unité ait pu générer de nouvelles unités lexi-cales par voie de dérivation (préfixation, suffixation). C’est le cas de mots comme :

zodmeur, formé à partir du verbe arabe azdom « foncer » +suff. –eur « personne qui squatte un logement ».

soukiste de souk + suff. –iste « vendeur dans un souk ».

Et c’est de la même façon que sont formés houmiste, houliste,

nahdiste, chababiste, hadjadjienne, ramdhanesque… L’intégration phonologique

Pour Derradji, la non-correspondance de la phonie arabe et celle du français ne facilite pas l’adoption et l’intégration de l’unité lexi-cale néologique. Le seul moyen qui permet de répondre à cette difficulté, c’est la francisation des phonèmes par recours à des sons proches du français. En raison de cette incertitude dans l’adoption phonologique de l’emprunt, le mot possède plusieurs graphies différentes. Chose constatée à partir de mots comme :

halaqa « cercle», dont le pluriel est orthographié

en halaqat/hala-kate, dans lequel, le son de l’arabe [ق], qui n’existe pas en français, est substitué par deux sons plus proches, à savoir le [k], [q]. Nous pouvons dire qu’il s’agit ici d’un premier signe d’intégra-tion du mot.

Certains des sons qui n’ont pas leurs équivalents en français comme [ذ]prennent, en français, une graphie en [dh] dans adhan « appel à la prière ».  Mais, ce même graphème [dh] en français est pris aussi comme équivalent du son arabe [ض]dans des mots comme Mouhafadha « comité régional du parti FLN » ou dans aïd el Adhha, parfois noté en [dh] équivalent du [ض]et en d [د]

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dans aïd en adha, d’autres fois. Il s’agit ici d’une divergence de sons en arabe pour un seul en français :

(en arabe) - aïd el adhha, mouhafadha.

[dh] (Français)

[ذ] (en arabe) - adhan, mouadhan.

Mais cette correspondance multiple ou divergente pour un seul son se présente aussi dans le sens inverse, c’est-à-dire de l’arabe vers le français.

Pour le [w] = [و] dans des mots arabes comme dawla « État » représenté parfois en [w], ou en [ou] dans daoula, ainsi que pour

tarawihet taraouih.

[ou] (en français), dans daoula, taraouih [و] ((wa) arabe)

[w] (en français), dans dawla, tarawih Pour le graphème arabe [ي],[ٻ], celui-ci est représenté différem-ment en [y] dans chouyoukh et en [io] dans chioukh.

[y] chouyoukh

[ي] ((arabe

[io] chioukh

Pour ce qui est de la diphtongue arabe [يٲ], celle-ci est représentée différemment dans les deux graphies chouwaï et chouway. Cette différence dénote selon Derradji « que le processus d’intégration est en cours ». Pour les autres lexies possédant une seule graphie et prononciation, leur intégration est vue comme achevée.

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L’insertion en contexte comme marque d’intégration

Lorsque le mot étranger (arabe) est issu d’une composition, il peut regrouper un mot arabe auquel s’ajoute une caractérisation en français de la manière suivante : 

la daâwaislamique « la prédication islamique » ; la halqa

précé-dente « l’épisode précédent » ; le Madjliss echoura national « le Conseil consultatif national ».

L’insertion contextuelle des emprunts à l’arabe permet de résou-dre le problème des genre et nombre de ces mots. La solution réside dans la mise en relation de l’emprunt avec ce qui précède et ce qui suit dans l’énoncé :

Accord déterminant/ nom :

« La hogra ! Ce mot intraduisible dans toutes les langues », « Le khaznadji, grand trésorier du dey, ministre des finances ». – Accord adjectif/ nom

« Cette houma fort connue »,

« Le madih religieux sera en outre le thème d’une conférence organisée à l’occasion »

« Des qaâda musicales »

« Des halakate assez virulentes dans de nombreuses Mosquées de la capitale »

– Accord verbe/ sujet

« Les houlistes des stades (ceux qui font le houl grabuge en argot algérois) portent haut leurs chants ».

« Les fouqaha n’ont pas connu de postérité » Les différentes formes graphiques de l’emprunt

Certaines des unités contenues dans notre corpus ont au moins deux graphies différentes pour un même et unique signifié ou pour des signifiés différents, notamment lorsque le mot est poly-sémique. Cette diversité dans la graphie peut toucher aussi bien

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la forme des mots au singulier que celle qu’ils prennent au plu-riel. Concernant les variantes orthographiques, Cheriguen (2002 :73) estime qu’elles sont révélatrices du non achèvement du processus d’emprunt : « Dans les xénismes comme dans les emprunts, les variantes orthographiques sont notables (il s’agit, évidemment, d’emprunts non achevés) ».

Donc, à un ou plusieurs pluriels peuvent correspondre une ou plusieurs formes au singulier. Parmi ces mots, celui qui a donné naissance au plus grand nombre de variations graphiques (au singulier et au pluriel) est bien le mot cheikh. Ainsi, aux formes que prend le mot au pluriel, à savoir chouyoukh, chioukh,

chyoukh, cheyoukha, correspondent, au singulier, chikh48/

chekh/ cheikh «  maître de musique chaâbie», «  leader d’un mouvement politique »…

Même si certains estiment que la variation dans l’orthographe des mots est essentiellement due à une variation d’auteurs, il s’avère que ce n’est pas toujours le cas. Le mot cheikh, par exem-ple, apparaît, dans le même contexte et chez le même auteur, sous deux formes différentes à savoir celles de chekh et cheikh, mais, dans les deux, le sens est le même.

« De tous les moments forts qu’a eus à déguster le public bgayti, on distinguera particulièrement celui où le chekh Abdesslam Omar  : (mon ami qu’on acclame ici à Bougie) est monté sur scène avec son luth accompagné de sa chorale, composée de cinq jolies femmes et de trois beaux jeunes gaillards. Le cheikh ne tarda pas à conquérir l’auditoire et ce, dès les premières notes de son Istikhbar ». (La Dépêche de Kabylie, 08/08/ 2005).

Conclusion

En raison d’une situation sociale, économique, culturelle, idéo-logique et religieuse spécifique, le français en Algérie évolue

48. Repérés dans différents contextes avec différents sens : «vieux », « sage d’un village », « en-seignant », « leader politique d’un mouvement islamiste », « maître de la chanson chaâbie».

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d’une manière très particulière. Ce dynamisme de la langue française est perceptible dans la presse écrite d’expression fran-çaise. Découle de cet usage une création lexicale impression-nante dans laquelle est mis en avant le procédé d’emprunt permettant au français de s’adapter à un milieu différent du sien. Pour ce faire, cette langue emprunte beaucoup à l’arabe. Ce qui en résulte un foisonnement de lexies ayant une morphologie et une phonologie typiques. Le mot arabe est, en effet, remodelé et adapté à partir d’une addition de marques de genre (articles, désinences) généralement compatibles avec celles auxquelles répond l’unité en langue arabe. Aux mots sont ajoutées égale-ment les marques de nombre. Le pluriel des mots empruntés est formé soit par ajout des marques du pluriel arabe, soit par ajout des marques du pluriel français, ou des deux en même temps. Ces emprunts constituent aussi, dans certains cas, des bases contribuant à la création de dérivés majoritairement suffixaux. Sur le plan phonologique, les mots empruntés subissent une adaptation phonologique qui résulte du remplacement des pho-nèmes arabes par des phopho-nèmes français plus proches des carac-téristiques articulatoires. En plus d’une insertion morphologique et phonologique, l’insertion en contexte est aussi vue comme preuve de l’intégration de l’unité empruntée dans la langue fran-çaise. Le mot en contexte se comporte comme n’importe quel autre mot français.

Comme vecteur principal du changement linguistique, l’em-prunt à l’arabe est le moyen par le biais duquel la langue s’adapte aux préoccupations grandissantes de l’époque de la mondialisation. Cette époque, favorisant les échanges et la communication rapide, contribue à l’effacement des frontières laissant libre cours aux échanges de tous genres, notamment linguistiques.

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