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Les stéréotypes de genre et les réseaux sociaux : une influence sur le développement identitaire à l’adolescence

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Sous la direction de Philip Jaffé

Les stéréotypes de genre et les réseaux sociaux :

une influence sur le développement identitaire

à l’adolescence

Présenté au

Centre interfacultaire en droits de l’enfant (CIDE) de l’Université de Genève en vue de l’obtention de la

Maîtrise universitaire interdisciplinaire en droits de l’enfant par

Jessica EXPOSITO de

Genève

Mémoire No CIDE 2020/MIDE 18-20/21

Jury :

Prof. Philip Jaffé, CIDE

Mme Özlem Lakatos, CIDE

SION

Août, 2020

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Résumé

Ce travail s’intéresse à l’influence des stéréotypes de genre et au rôle des réseaux sociaux dans la diffusion de ceux-ci sur le développement identitaire à l’adolescence.

La première partie sert à expliciter la problématique qui nous intéresse.

La seconde partie, quant à elle, s’applique à mettre en place le plan théorique en définissant les concepts nécessaires : la non-discrimination, la dyade genre - sexe, le stéréotype et en particulier celui de genre, le sexisme, l’identité et plus spécifiquement l’identité de genre, et enfin la socialisation différenciée. Dans un deuxième temps, nous abordons la thématique des médias sociaux, en mettant en avant leur rôle et l’importance qui leur est conférée par les adolescentes et adolescents de nos jours.

La troisième partie comporte une recherche empirique portant sur les thématiques des réseaux sociaux et des représentations de genre, et ayant pour sujets des adolescents et adolescentes entre 12 et 18 ans. Cette recherche est ensuite analysée.

Enfin, la dernière partie consiste en une discussion ainsi qu’en une ouverture vers d’autres perspectives qui n’ont pas été abordées au cours de ce travail.

Mots-clés : genre, stéréotype, sexisme, non-discrimination, identité, socialisation, médias sociaux, réseaux sociaux

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TABLE DES MATIERES

I. INTRODUCTION ... 1

II. PROBLEMATIQUE ... 2

III. CONTEXTE LEGISLATIF ... 3

A. LA NOTION DE NON-DISCRIMINATION ... 3

B. LA CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DE L’ENFANT (CDE) ... 4

C. AUTRES INSTRUMENTS LEGISLATIFS ... 6

IV. CADRE CONCEPTUEL ... 7

A. ÊTRE UNE FILLE / UN GARÇON : AUX ORIGINES DE LA DIFFERENCE ... 7

1. Genre ou sexe ? ... 7

2. De la représentation sociale au stéréotype ... 10

3. Stéréotype de genre ... 11

4. Sexisme ... 13

5. Identité ... 15

a) l’identité de l’ego, du « moi » ... 16

b) l’identité personnelle : « je » et les différents « soi » ... 16

c) l’identité sociale, de groupe ... 16

6. Identité sexuée ... 16 7. Socialisation différenciée ... 19 a) la famille ... 20 b) l’école ... 20 c) le groupe de pairs ... 21 d) les médias ... 22

B. LES MEDIASSOCIAUX : BENEDICTION OU FLEAU DE NOTRE SOCIETE ? ... 25

1. Médias sociaux ... 25

a) Un intérêt légal progressif ... 25

b) Des plateformes de négociations identitaires ... 28

2. Réseaux sociaux ... 29

a) Statistiques ... 29

b) Des plateformes d’expérimentations identitaires ... 29

c) Business et publicité ... 31

C. L’USAGE DES PLATEFORMES SOCIALES POUR BRISER LES TABOUS ... 32

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2. …aux personnes lambda ! ... 33

V. QUESTIONS DE RECHERCHE ET HYPOTHESES ... 35

VI. METHODOLOGIE ... 35

A. CHEMINEMENT ... 35

B. BIAIS ... 37

VII. RESULTATS ET ANALYSE DES DONNEES ... 38

A. HYPOTHESE 1 ... 39 1. Sous-hypothèses ... 39 2. Synthèse ... 45 B. HYPOTHESE 2 ... 46 1. Sous-hypothèses ... 46 2. Synthèse ... 59

VIII. DISCUSSION ET PERSPECTIVES ... 61

IX. CONCLUSION ... 62

X. BIBLIOGRAPHIE ... 65

XI. ANNEXES ... 71

A. ANNEXE I–TABLEAU RECAPITULATIF DES ARTICLES MENTIONNES ... 71

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I.

Introduction

Aux yeux de la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE), tout-e enfant a le droit d’exercer les droits le/la concernant au regard du principe de non-discrimination (art. 2). Autrement dit, tout-e enfant se doit d’être traité-e de manière égale et chacun-e doit pouvoir jouir des mêmes opportunités sur un pied d’égalité. Cependant, en dépit de nombreuses années de revendications, l’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes, n’est pas acquise, et ce « dans tous les domaines de la vie » (Sarlet & Dardenne, 2012, p. 436). Les stéréotypes notamment, solidement ancrés, permettent la pérennisation du sexisme que l’on appelle aujourd’hui ordinaire puisqu’il est omniprésent à divers degrés et difficilement décelable.

Du côté du monde numérique, les réseaux sociaux ont pris de l’ampleur. Issus de la famille des médias sociaux, ils sont aujourd’hui aussi variés qu’omniprésents dans la vie quotidienne de tous et toutes et principalement celle des jeunes. Multifonctionnels, ils permettent à la fois de s’exprimer librement, de garder contact avec autrui, ainsi que de se tenir informé-e sur tous types de sujets, événements et personnes. Ces médias sociaux n’échappent pas pour autant au phénomène que sont les stéréotypes, au contraire, ils regorgent de ces clichés genrés et les diffusent à travers la toile et au-delà.

Si nous sommes à tout âge influencé-es par ce qui nous entoure, les jeunes sont particulièrement sujet-tes à ces influences car l’adolescence, en tant que moment de transition entre l’enfance et l’âge adulte, est caractérisée par des bouleversements physiologiques et psychologiques. Les adolescent-es étant de plus souvent considére-es comme “hyperconnecté-es”, cette période charnière dans le développement de soi se prête donc bien à ce travail, qui se penche sur le contenu des réseaux sociaux sous la perspective du genre, ainsi que sur l’influence des stéréotypes genrés sur le développement identitaire.

Ainsi, ce travail commencera par approfondir la problématique nous intéressant, puis nous établirons le cadre législatif, et nous éclaircirons différentes composantes permettant de comprendre l’origine et le rôle des stéréotypes de genre qui, comme l’affirme Daréoux (2007) :

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« constitu[e]nt une toile de fond qui va fournir un matériel à l’enfant pour appréhender le monde, construire sa représentation de qui il[/elle] est, qui sont les autres, quels sont son cadre de vie et sa marge de manœuvre dans ce contexte-là. [Ils] vont nourrir son imaginaire et orienter la construction de son identité sexuée. » (p.93)

Enfin, nous associerons ces notions au monde numérique, et finirons avec une enquête empirique ayant pour protagonistes des adolescent-es, ainsi qu’une discussion ouvrant la thématique sur d’autres perspectives.

II.

Problématique

Tandis que le monde numérique s’agrandit et se réinvente de jour en jour, il prend progressivement un peu plus de place dans la vie des jeunes. Les types de réseaux sociaux accessibles au public de manière générale, voire particulièrement adressés aux adolescent-es, se sont rapidement multipliés ces dernières années : Facebook, Instagram, Snapchat, et Tiktok, pour n’en citer que quelques-uns parmi les plus populaires. Désormais, n’importe qui peut s’informer et s’exprimer à travers ces canaux. On y retrouve des contenus de toutes sortes : à la fois personnels, culturels, et professionnels. La publicité est un exemple typique de contenu. Plus transversal, il est présent dans la rue, se retrouve à la télévision et s’immisce dans les réseaux sociaux que ce soit de manière directe ou par l’intermédiaire de célébrités et influenceurs/euses dont les messages postés sont sponsorisés par des marques. Ces contenus à l’apparence anodine dissimulent souvent un certain nombre de stéréotypes de genre et idéaux.

Dans un même mouvement, certaines personnes ont décidé d’utiliser ces plateformes afin de renverser le sexisme, de dénoncer ouvertement les stéréotypes de genre en questionnant tabous et idées reçues. En s’appropriant ces médias sociaux, elles tiennent des discours d’égalité des sexes, liés à une ouverture au monde et aux possibilités jusque-là genrées, et véhiculent des messages de positivité et d’acceptation de soi ainsi que de son corps.

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Par conséquent, et étant donné mon intérêt personnel pour la thématique du genre, la problématique de ce travail est la suivante: l'influence des stéréotypes de genre et le rôle des réseaux sociaux sur le développement identitaire à l'adolescence. L’objectif de ce travail est de se demander en quoi les stéréotypes de genre que l’on retrouve dans ces médias sociaux contribuent à former les représentations et la vision du monde que se font les adolescent-es. Le questionnement repose donc sur l’importance des réseaux sociaux dans la socialisation des jeunes et dans leur construction d’une identité de genre, et ainsi parallèlement sur l’influence des stéréotypes de genre qui traversent ces réseaux sociaux.

III.

Contexte législatif

A travers ce chapitre, nous allons commencer par une mise en situation législative afin de mieux comprendre ce qui est en jeu au niveau de l’égalité des sexes.

A.

La notion de non-discrimination

La signification du principe de non-discrimination est souvent évoquée en lien avec la notion d’égalité. Les deux sont reliés en tant que deux faces d’un même principe. En ce sens, des individus sont traités de manière égale lorsqu’ils ne sont pas discriminés pour une quelconque raison et, réciproquement, ils ne subissent pas un traitement discriminatoire lorsqu’ils sont traités de manière égale (Besson, 2005). Dans son article, Besson (2005) distingue ces deux dimensions en attribuant à chacune une valeur : positive pour l’égalité et négative pour la non-discrimination. Appliquées au domaine de l’action, Besson (2005) relève ainsi deux types de devoirs : ceux qu’elle qualifie de « négatifs », c’est-à-dire d’abstention de discrimination, et ceux qu’elle qualifie de « positifs » qui peuvent se traduire par des campagnes d’information et des mesures d’encouragement.

La notion d’égalité est profondément ancrée dans la morale occidentale. C’est d’ailleurs probablement pour cette raison qu’elle est reconnue légalement en tant que fondement des démocraties modernes (Besson, 2005). En revanche, le contenu ainsi que la portée exacts du principe de non-discrimination demeurent flous. De manière générale, ce principe interdit la discrimination intentionnelle et injustifiée par

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une quelconque distinction lors de situations similaires, mais également par une distinction involontaire qui résulterait en des effets discriminatoires.

Concernant les enfants, la question se pose en termes d’adéquation et de spécificité à leurs besoins. En théorie, les enfants sont, tout comme les adultes, inclu-es et protégé-inclu-es par linclu-es articlinclu-es sur la non-discrimination prévus par linclu-es instruments internationaux. Toutefois, étant donné que les enfants sont particulièrement vulnérables face à l’Etat mais également face à leur environnement familial ainsi que face à d’autres individus, ce cadre légal est-il suffisant (Besson, 2005) ? C’est dans l’optique de mettre en lumière les spécificités et enjeux liés à l’enfance qu’entre en jeu la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE) : « [c]hildren’s interests are now deemed as equally fundamental to those of adults, and even sometimes as more fundamental and hence in more need of protection » (Besson, 2005, p.445).

B.

La Convention relative aux droits de l’enfant (CDE)

Conclue et adoptée par les Nations Unies le 20 novembre 1989, la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE) est entrée en vigueur pour la Suisse le 26 mars 1997. Cette convention ratifiée par la grande majorité des pays édicte les droits spécifiques aux enfants à reconnaître et à protéger, et accorde à l’enfant le statut de sujet de droits et plus seulement de bénéficiaire de ces derniers. Bien que tous les droits sont à interpréter au regard des autres, on lui reconnaît généralement trois principes fondateurs : la non-discrimination (art. 2), l’intérêt supérieur (art. 3), et le droit d’être entendu-e (art. 12).

Dans ce travail, la thématique qui nous intéresse rejoint, comme indiqué précédemment, l’idée de l’égalité entre filles et garçons. Ainsi, l’article 2 sur la non-discrimination précise :

« 1. Les Etats parties s’engagent à respecter les droits qui sont énoncés dans la présente Convention et à les garantir à tout[-e] enfant relevant de leur juridiction, sans distinction aucune, indépendamment de toute considération de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou autre de l’enfant ou de ses parents ou représentants légaux, de leur origine

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nationale, ethnique ou sociale, de leur situation de fortune, de leur incapacité, de leur naissance ou de toute autre situation.

2. Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour que l’enfant soit effectivement protégé contre toutes formes de discrimination ou de sanction motivées par la situation juridique, les activités, les opinions déclarées ou les convictions de ses parents, de ses représentants légaux ou des membres de sa famille. » (art. 2, CDE)

De ce fait, l’article reconnaît à la fois le statut et les besoins spécifiques des enfants, « due to their very dependency », ainsi que « their right to many of the same basic human rights and fundamental freedoms already recognized to adults » (Besson, 2005, p. 446).

Au niveau des personnes et instances ayant à la fois le pouvoir de discriminer, d’agir contre la discrimination ou de la prévenir, autrement dit ayant une quelconque responsabilité en la matière, Besson (2005) en distingue trois différents : l’Etat, les parents ou les responsables légaux, et les autres individus de la société. Cette troisième catégorie englobe entre autres les médias qui, selon Besson, « contribute to entrenching biases against children in social attitudes » (2005, p. 449).

Comme mentionné précédemment, la plupart des instruments internationaux ne définissent pas précisément ce qu’ils entendent par discrimination, et c’est aussi le cas de la CDE. Toutefois, l’Observation Générale établie en 2001 par le Comité des droits de l’enfant affirme que la discrimination, qu’elle soit ouverte ou cachée, ayant pour fondement l’une des raisons prescrites dans l’article 2 de la Convention « offends the human dignity of the child to benefit from educational opportunities » (cité par Besson, 2005, p. 450).

En l’occurrence, les stéréotypes de genre et la discrimination qui en découle, le sexisme, vont à l’encontre de ce principe conducteur de la CDE. Autrement dit, à partir du moment où ce droit transversal n’est pas respecté, les autres droits de l’enfant sont compromis.

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C.

Autres instruments législatifs

Par ailleurs, il me semble pertinent d’évoquer d’autres traités. La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF), par exemple, détaille un peu plus spécifiquement en quoi consiste l’égalité entre les femmes et les hommes dans son article 5. En effet, celui-ci exige de la part des pays signataires la mise en œuvre de moyens permettant de « modifier les schémas et modèles de comportement socio-culturel » des deux sexes, dans le but d’éliminer tout préjugé ou pratique fondés sur « l’idée de l’infériorité ou de la supériorité de l’un ou de l’autre sexe ou d’un rôle stéréotypé » (art. 5, let. A, CEDEF).

Allant dans le même sens, et plus récemment adoptée par la Suisse, la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, aussi appelée la Convention d’Istanbul, « constitue l’accord international visant à combattre ce type de violations des droits humains le plus complet »1 (Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes). L’article 14

contraint les Parties à entreprendre « les actions nécessaires » dans le but de promouvoir « l’égalité entre les femmes et les hommes, les rôles non stéréotypés des gens, le respect mutuel » entre autres, dans les domaines de l’éducation formelle comme informelle ainsi que « dans les structures sportives, culturelles et de loisirs, et les médias » (Convention d’Istanbul).

En résumé, il existe un nombre important de lois dans le domaine des droits de l’Homme qui concernent l’égalité entre les femmes et les hommes, ainsi qu’un traité spécifique aux enfants. Seulement, les inégalités et stéréotypes de genre se fondent sur des croyances profondément ancrées. Et même si les lois permettent de mettre le doigt sur ce qui est juste, et ont un certain pouvoir de contrainte sur les Etats signataires, leur mise en application, en revanche, implique un travail en profondeur. Afin de mieux comprendre les différents mécanismes mentionnés, nous tâcherons de les expliciter au fur et à mesure de ce travail2.

1 https://www.ebg.admin.ch/ebg/fr/home/themes/droit/droit-international/conseil-de-l-europe/convention-d-istanbul.html

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IV.

Cadre conceptuel

La recherche empirique que nous aborderons dans la deuxième partie du travail nécessite d’expliciter un certain nombre de notions que nous allons présenter dans ce chapitre. Ces notions sont pensées dans une perspective interdisciplinaire. Multiples et diverses, ces dernières s’imbriqueront les unes dans les autres au fur et à mesure de la discussion théorique. Le noyau de départ est évident : le genre et le sexe sont abordés dans un même temps. Ensuite, le stéréotype, et plus précisément celui de genre, ainsi que l’identité permettent de rentrer dans le vif du sujet. Les concepts de socialisation et de sexisme viennent ensuite approfondir la thématique. Pour finir, le concept de médias sociaux permet d’ouvrir le champ et surtout de définir la deuxième partie du sujet.

A.

Être une fille / un garçon : aux origines de la différence

1. Genre ou sexe ?

Etant donné la polysémie du concept « genre » en français, il s’agit de préciser ce qui est entendu par ce terme. Tantôt vu comme opposé au terme de « sexe », tantôt conceptualisés l’un par rapport à l’autre, il me semble nécessaire de passer en revue les diverses acceptations dans une perspective historique et féministe. Pour ce faire, Pruvost conçoit que le genre et le sexe entretiennent trois modes de relation (2013) :

Le premier présuppose que le genre est la traduction sociale du sexe biologique et qu’il est déterminé par celui-ci. Ainsi, le genre et le sexe sont en adéquation : un individu est dit un homme s’il est né avec le sexe correspondant, et cela en va de même pour une femme (Pruvost, 2013). Cette distinction entre ces concepts se veut principalement descriptive (Bereni et al., 2008). Elle peut notamment être retrouvée dans les travaux de l’anthropologue Mead et du sociologue Parsons dans les années 50/60. Ces scientifiques analysent le genre en tant qu’apprentissage des rôles sociaux correspondant au sexe biologique présumé (Parini, 2006). Cette perspective est centrée sur « l’équilibre, la complémentarité, la naturalité des rôles » (Parini, 2006, p. 23).

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Le second mode consiste à voir le genre comme un construit social à part, sans rapport nécessaire avec une détermination biologique. Dans ce cas, les différences de genre sous-entendent « la hiérarchisation symbolique et matérielle des activités » impliquant « un rapport de pouvoir et une domination masculine » tandis que « les différences anatomiques entre les deux sexes restent […] posées comme universelles » (Pruvost, 2013). C’est avec la sociologue Oakley que cette distinction s’inscrit dans le mouvement féministe dans les années 70 (Bereni et al., 2008). Elle met ainsi en évidence la distinction biologique mâle/femelle, donné invariant, et celle culturelle « entre les rôles sociaux, les attributs psychologiques et les identités des hommes et des femmes » (Bereni et al., 2008, p. 17). Cette dernière serait modifiable « par l’action politique » (Bereni et al., 2008, p. 17). En outre, selon Delphy « le sexe est conceptualisé comme une division naturelle de l’humanité […] dans laquelle la société met son grain de sel. » (citée par Bereni et al., 2008, p.19). Delphy ajoute que cette vision des choses a été le point de départ de la critique féministe, la seconde critique a mené au troisième mode présenté ici. Ceci dit, le genre comme « sexe social » est le sens tel qu’il est généralement accepté de nos jours en sciences sociales, et c’est donc cette définition que nous retiendrons pour ce travail.

Enfin, le dernier mode suggère que le sexe est lui-même une construction sociale : « il n’existerait donc pas de corps, vierge de sens, sur lequel viendrait se poser la signification culturelle du genre » (Pruvost, 2013). Selon cette conception, le genre produit le sexe : « [l]es corps sont sexués par le fait de “jouer” le genre tout au long de la vie » (Parini, 2006, p.26). Ce sont les normes de genre et leur réitération qui établissent et fixent un ordre pseudo-naturel (Pruvost, 2013). Ainsi, le genre se réfère au système qui engendre et divise les sexes, les rendant antagonistes l’un par rapport à l’autre (Bereni et al., 2008).

Quoi qu’il en soit, il est aujourd’hui reconnu que les différences établies de manière systématique entre les hommes et les femmes n’ont rien de naturel mais sont le produit d’une construction sociale (Bereni et al., 2008). En 1949 déjà, Simone de Beauvoir clamait dans son célèbre ouvrage Le deuxième sexe : « On ne nait pas femme, on le devient »3 (citée par Bereni et al., 2008, p. 5). Par déduction, il en va de

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même pour un homme. Dans cette optique, le genre « renvoie à l’ensemble des attributs et conduites qui vont être assignés aux personnes identifiées comme mâle ou femelle » (Dayer, 2014, p. 46) dans une société donnée. Les individus se doivent de les apprendre et les assimiler. Butler emploie même le terme de « performance » pour qualifier l’ensemble des actes et pratiques récurrentes qui créent le genre (Butler, 2006, cité par Balleys, 2017). Dayer fait d’ailleurs référence à une police du genre dont la mission serait de s’assurer que chaque personne remplisse les rôles de genre correspondant à son sexe assigné à la naissance, ainsi que la conformité de son identité de genre (se sentir femme ou homme) et son expression de genre. Cette dernière notion se réfère aux diverses façons, verbales comme non verbales, dont la personne exprime ou traduit des aspects considérés comme masculins ou féminins. S’il s’avère que la superposition attendue est transgressée, des sanctions (tel que le harcèlement) peuvent tomber (Dayer, 2014).

Selon Bard, une historienne questionnée par Mistral (2010), la question du genre est très importante à l’adolescence puisqu’il s’agit d’un moment clé dans la construction de l’identité. Elle souligne également que le genre est un produit de consommation. En ce sens, vouloir être féminine peut avoir comme conséquence de consentir à faire des dépenses dans le but de se conformer à une image spécifique.

D’autre part, le concept de « genre » est également utilisé par plusieurs instruments juridiques internationaux et européens lorsqu’il est question de lutter contre les discriminations et remettre en cause les stéréotypes de genre (Fondimare, 2014). Pour cela, le terme « genre » est pris en compte en tant que « construction sociale des identités sexuées et des rôles sociaux de sexe, hiérarchisés car ayant conduit historiquement à désavantager les femmes par rapport aux hommes en termes de jouissance de droits » (Fondimare, 2014, p. 9). Autrement dit, il s’agit de repenser le droit de la non-discrimination sous le prisme du genre : considérer que les différences dites naturelles et normales sont en fait discriminatoires. Pour ce faire, il est nécessaire de lutter contre les croyances sociales qui en sont le fondement : les stéréotypes de genre.

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2. De la représentation sociale au stéréotype

La représentation sociale est définie par Jodelet comme étant « une forme de connaissance, socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social » (1989, p. 36). Les représentations sociales sont donc à la fois utiles et nécessaires, puisqu’elles nous permettent d’interpréter ce qui nous entoure, ainsi que d’orienter nos conduites et interactions sociales (Jodelet, 1989). Elles « s’élaborent à travers et dans les rapports de communication » (Doise, 2003, p. 248), quelle que soit la forme de cette dernière. Se basant sur les travaux de Moscovici, Doise (2003) soutient par ailleurs que ce sont des prises de position symboliques qui diffèrent selon leur organisation, par exemple en opinions, attitudes ou stéréotypes, elle-même dépendant des rapports sociaux donnés. Staerklé, Clémence et Spini affirment que « social representations both connect and divide people, for example through shared ingroup and outgroup stereotypes derived from antagonistic social representations. Through asymmetrical intergroup communication and influence, in turn, social representations are formed, maintained, and contested » (2011, p. 759). Les stéréotypes sont en ce sens une composante des représentations sociales. Dans cette même optique, Villain-Gandossi précise que le stéréotype apparaitrait « comme un élément de la structure des représentations : il ne prend toute sa signification que rapporté à sa composante individuelle et aux coordonnées sociales » (2001, p. 28). En ce sens, en quoi consistent les stéréotypes ?

A première vue, les stéréotypes semblent inoffensifs, automatiques. Certains nous font rire ou sourire… et d’autres un peu moins, voire pas du tout. Issus de la catégorisation, ils nous facilitent la vie à bien des égards, mais ils ont également le don de nous la compliquer. Seulement, que peut-on qualifier de stéréotypes et en quoi peuvent-ils être néfastes ?

Cette notion telle qu’elle est entendue aujourd’hui a été inventée par le journaliste Lippmann en 1922 afin de se référer aux systèmes de croyances appris et partagés par les membres d’une même culture (Blakemore et al., 2009). A cette époque, Lippmann se base sur le terme stéréotype, existant depuis 1798 et nous venant du domaine de l’imprimerie, afin de souligner la rigidité de ces croyances (Schadron, 2006). Dans la Théorie des opinions de Stoetzel, mentionnée par Villain-Gandossi

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(2001), les stéréotypes sont décrits comme ayant un effet puissant comparable aux clichés, symboles ou slogans, du fait d’être des « significations elles-mêmes ». En ce sens, ils sont facilement communicables et assimilables par tout un chacun. Par ailleurs les stéréotypes ont la caractéristique d’apparaître véridiques et valides, bien que leur contenu ne soit qu’en partie conforme à la réalité. Etant indépendants de l’expérience, ils résistent fortement au changement (Villain-Gandossi, 2001).

3. Stéréotype de genre

Les stéréotypes de genre sont ainsi des croyances à propos des caractéristiques personnelles des mâles et des femelles dont les composantes sont, entre autres, la personnalité d’un individu, ses attributs physiques, ses rôles et activités, voire même son orientation sexuelle supposée (Blakemore et al., 2009).4

Le bleu c’est pour les garçons, le rose pour les filles. Les garçons jouent avec des petites voitures, tandis que les filles s’amusent avec des poupées. Les filles se doivent d’être douces, sensibles et sages alors que les garçons sont forts, courageux et ont du caractère. Les premières aiment la danse tandis que les seconds adorent le football et le skateboard. Ces propos ne sont que quelques exemples de stéréotypes bien connus de tous et toutes et appris dès le plus jeune âge. Mistral les compare à un corset, puisqu’ils restreignent l’individu et lui imposent une certaine forme. Elle soutient que ces « opinions toutes faites, enferment les individus dans un rôle et empêchent l’épanouissement de leur personnalité » (2010, p. 9). Mistral ajoute que des lois existent afin de les réprimer, toutefois nous préférons généralement essayer de les ignorer (2010). Selon Clauzard, cette restriction, sous prétexte de qualités naturelles, a pour conséquence d'accroître « l’emprise des uns sur les autres avec des théories de complémentarité qui veulent que la soi-disant force et virilité de l’homme protège la prétendue fragilité des femmes » (2010, p. 9).

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L’enjeu est de taille. En effet, si l’on considère l’aptitude comme étant du fait de la nature, de la biologie, et ainsi différant selon que l’individu soit une femme ou un homme, « cela devient une fatalité » (Mistral, 2010, p. 82). En ce sens, « les lois de la nature sont en principe immuables : les choses sont ainsi depuis les origines et on ne peut rien y changer…» (Mistral, 2010, p. 82). A l’inverse, en faisant le constat que les différences entre les sexes sont « le résultat d’un conditionnement culturel, d’une éducation, la fatalité disparaît, car on peut toujours influer sur une éducation » (Mistral, 2010, p. 83).

D’autre part, appréhender les stéréotypes de genre par le droit « permet ainsi de repenser les discriminations, dans une perspective structurelle, comme issues d’un ordre social qui organise les représentations des rôles sexués, intégrés inconsciemment par chaque individu » (Fondimare, 2014, p. 9). Désormais, les politiques publiques européennes s’orientent davantage dans une perspective d’égalité en œuvrant pour la déconstruction des rôles sociaux et le changement des rapports sociaux de sexe (Fondimare, 2014). L’objectif est ainsi d’ouvrir le monde historiquement réservé aux hommes aux femmes, et dans un même mouvement d’inciter les hommes à occuper des rôles et exercer des fonctions traditionnellement considérées comme féminines (Roman, 2012, cité par Fondimare, 2014).

Dans cette même optique, le Comité des droits de l’enfant (2016) appelle notamment les Etats à investir « dans des mesures énergiques » afin de « favoriser l’autonomisation des filles et remettre en question le patriarcat et les autres normes et stéréotypes de genre préjudiciables » (p. 9). En parallèle, il évoque les « conceptions traditionnelles de la virilité », ainsi que les « normes de genre associées à la violence et à la domination » auxquelles les garçons font face, et enjoint les Etats à ne pas négliger la vulnérabilité des garçons face aux violences (2016, p. 9). Au contraire, le Comité les incite entre autres à « promouvoir une masculinité positive » ainsi qu’à « combattre les valeurs culturelles fondées sur le machisme » (2016, p. 9). Tout ceci dans un but d’instauration de l’égalité des sexes.

Au niveau individuel, même en ayant conscience du poids des stéréotypes, il est parfois compliqué de les refuser lorsque les proches, l’entourage ou les institutions desquelles nous faisons partie les imposent. D’autres fois, l’ancrage dans la société est tel que nos agissements sont conditionnés par eux sans que nous nous en

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rendions compte (Mistral, 2010). Daréoux (2007) accentue ce point en précisant que les propositions stéréotypées sont sous-jacentes à nos réflexions et déclarations de tous les jours, et ce, de manière inconsciente. De ce fait, les idées reçues persistent, en prenant parfois une forme « plus moderne, plus insidieuse, mais toujours solidement ancrée, intériorisée » (Mistral, 2010, p. 10). Ainsi, selon Schadron (2006), les stéréotypes jouent un rôle actif dans le développement et le maintien des comportements discriminatoires, dont le sexisme.

4. Sexisme

Le point précédent nous amène à nous questionner sur le sexisme, cette forme de discrimination ayant pour objet le sexe d’un individu. Selon la définition employée par le Ministère de la Communauté française de Belgique, le sexisme correspond à :

« l’utilisation des différences physiques et biologiques entre les sexes comme prétexte pour établir des différences de statut, de position, de droits […] Cette utilisation des différences se traduit par des paroles, des gestes, des comportements ou des actes qui excluent, marginalisent ou infériorisent un sexe par rapport à l’autre. Ce terme renvoie presque toujours à la domination, consciente ou non des hommes sur les femmes. » (p. 26, 2010) 5

6

En l’occurrence, selon Boussuge et Thiébaut (citées par Mistral, 2010) le fonctionnement du sexisme est comparable à celui du racisme : « [c]’est un système de valeurs qui consiste à penser que les femmes sont inférieures aux hommes, et par conséquent elles n’ont pas droit au même respect en tant qu’être humain » (p. 10).

5 http://egalitecontreracisme.fr/sites/default/files/atoms/files/bd_discrimination_toi_meme.pdf (Discrimination

toi-même, Ministère de la Communauté française de Belgique, Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme, Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, 2010).

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De ce fait, la science a souvent servi à justifier la supériorité de l’homme par rapport à la femme, notamment, au XIXe siècle, en y trouvant un lien entre la taille du

cerveau et le niveau d’intelligence d’un individu (Mistral, 2010). Vidal (mentionnée par Vouillot, 2002) explique dans ses écrits qu’il n’existe pas au niveau biologique de preuves concernant ces supposées capacités et aptitudes spécifiques à un sexe. Elle dénonce ainsi le fait que les croyances idéologiques au regard des différences entre les sexes prennent le dessus vis-à-vis des observations scientifiques (Vouillot, 2002).

Mistral affirme alors que la condition féminine a connu une révolution dans les pays occidentaux ces dernières années. En effet, depuis cinquante ans, l’instauration de plusieurs lois a permis de mettre en évidence que la différence entre les sexes n’impliquait pas la supériorité de l’un par rapport à l’autre (2010). Depuis des siècles, des femmes se sont battues afin de défendre leurs intérêts ainsi que les droits qui devaient, au nom des droits de l’Homme, leur revenir : le droit de vote, le droit à une protection contre le licenciement pendant la grossesse, le droit de conserver son nom ou de faire le choix commun d’un nom de famille lors du mariage, et ainsi de suite. Nous pourrions de ce fait croire que le sexisme n’est plus d’actualité dans notre société, que nous avons déjà atteint l’égalité en tant que telle (Sarlet & Dardenne, 2012). Seulement, il ne s’agit que d’une égalité de surface. En effet, de nombreuses études et données mettent en exergue les disparités de genre. En Suisse, par exemple, une étude de l’Office fédéral de la statistique (OFS) a montré les inégalités salariales en 20167 : dans le secteur privé, les femmes ont gagné 19.6% de moins que

les hommes. En dépit de l’article 8 de la Constitution fédérale suisse8 qui affirme que

« l’homme et la femme sont égaux en droit » et qu’ils ont, de ce fait, « droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale » (al. 3), de cette différence, 42.9% demeure inexpliquée. Le reste peut être dû à des facteurs structurels tels que le niveau de formation, le nombre d’années de service ou encore la position cadre assumée. Nous ne nous attarderons pas sur ce point, cependant, là encore, des études ont montré que les femmes n’accédaient que difficilement à de hautes fonctions.

7https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/actualites/quoi-de-neuf.assetdetail.7206414.html 8https://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/19995395/index.html

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Ainsi, bien que nécessaires et donnant lieu à des droits durement acquis, les lois, qui ont brièvement été énoncées au début de ce travail, ne sont pas suffisantes si l’on veut atteindre une égalité incontestable entre les deux sexes. Premièrement, elles ne sont pas toujours respectées. Deuxièmement, il y a toujours « des modes de pensée, des comportements, parfois de simples paroles, en apparence anodins, qui révèlent la permanence des stéréotypes sur les hommes et les femmes » (Mistral, 2010, p. 8). Clauzard affirme que ce sont justement ces stéréotypes qui légitiment « l’ordre établi dans une division des sexes, une hiérarchisation entre femmes et hommes, en faveur de ces derniers » (2010, p. 9). Sarlet et Dardenne (2012) soulignent d’ailleurs l’existence de différents types de sexismes plus complexes et subtils, et en particulier le sexisme dit bienveillant. Ce dernier, plus implicite que le sexisme hostile et ses remarques méprisantes, donne aux attitudes sexistes une apparence positive. D’apparence anodine, le sexisme bienveillant semble présenter les femmes favorablement : ces dernières seraient des « créatures pures, qui doivent être protégées et adorées par les hommes, et dont l’amour est nécessaire à ces derniers pour qu’ils se sentent complets » (Sarlet & Dardenne, 2012, p. 438). Pourtant, ces idées chevaleresques suggèrent que les femmes sont « inférieures et moins capables qu’eux » (Sarlet & Dardenne, 2012, p. 438). Ainsi, même si les esprits ont évolué, l’objectif d’égalisation des relations entre les femmes et les hommes n’est pas encore atteint (Clauzard, 2010).

5. Identité

Selon Quilliouy-Rioual (2014), la notion d’identité fait référence aux normes et valeurs à travers lesquelles un individu se reconnaît et, réciproquement, par lesquelles les autres le reconnaissent. Le sociologue soutient que l’identité s’affirme en permanence grâce à des signes extérieurs qui permettent à l’individu de montrer à la fois sa singularité ainsi que sa similitude avec les membres d’un même groupe identitaire.

Afin de rendre compte des différentes dimensions qui s’insèrent sous un même terme, l’identité, il est intéressant de se pencher sur la théorie du psychanalyste Erikson. Celui-ci, s’appuyant sur les travaux de Freud dans le but de les améliorer (mentionné par Thomas, Michel, 1994), affirme que l’on peut parler d’un développement de l’identité du fait de l’interaction entre l’ego, c’est-à-dire le moi

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du sujet, et l’environnement social de ce dernier qui comporte des « offres d’identification et de réalisation ainsi que [d]es exigences » (Cohen-Scali, Guichard, 2008, p. 2).

Ainsi, Erikson distingue trois entités qui interagissent dans la constitution structurée de l’identité :

a) l’identité de l’ego, du « moi »

Elle se réfère aux croyances relatives à soi, dans la sphère privée, et parfois même inconscientes. Autrement dit, elle synthétise et filtre tout ce qui peut constituer le caractère du sujet, tels que les émotions, les souvenirs et les impulsions, afin d’assurer un sentiment de cohérence et de continuité interne dans le temps. Il s’agit en ce sens de « se connaître et s’accepter soi-même » (Thomas, Michel, 1994, p. 242).

b) l’identité personnelle : « je » et les différents « soi »

Elle consiste en « l’ensemble des buts, des valeurs et des croyances que l’individu donne à voir […] ainsi que de tout ce qui constitue sa particularité individuelle par rapport aux autres » (Cohen-Scali, Guichard, 2008, p. 3). En ce sens, elle repose sur deux aspects : la perception que l’individu a de soi-même et la reconnaissance des autres envers celle-ci.

c) l’identité sociale, de groupe

Elle est constituée du sentiment d’appartenance à un groupe, du lien de solidarité avec les idéaux et les valeurs de celui-ci. Dans une volonté de réciprocité, il est question d’inclure des éléments caractérisant ce-s groupe-s au « moi » du sujet et en retour celui-ci s’attend à avoir un impact positif sur le groupe et à être accueilli par ce dernier (Cohen-Scali, Guichard, 2008). Cet aspect implique le partage d’une spécificité fondamentale (Thomas, Michel, 1994).

6. Identité sexuée

La Convention des droits de l’enfant évoque l’importance du droit à l’identité (art. 8). Compris dans un sens plus large que le nom, le prénom et la nationalité, il sous-entend également l’identité de genre (Zermatten, 2013), comprise comme l’identité

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sexuée, puisque cette dernière, plus intime et personnelle, fait partie de l’identité d’une personne dans sa globalité. Nous reviendrons sur ce point dans le paragraphe consacré à la discussion, où nous ouvrirons la thématique vers d’autres perspectives.

Bien que chaque personne se pense et parle en « Je », ce sujet est loin d’être neutre (Chiland, 1998, p.32 ; mentionné par Vouillot, 2002). En effet, l’une des composantes fondatrices de l’identité individuelle et sociale de chacun est son appartenance de sexe (Vouillot, 2002).

Selon Dafflon Novelle, l’expression française « identité sexuée » désigne les diverses étapes traversées par un-e enfant afin de devenir un garçon ou une fille de sa culture, et se rapproche donc de l’idée de « construction » de l’identité (2006). Elle serait l’équivalent de gender identity, expression anglophone introduite par E. Hooker (Chiland, 2014), qui renvoie au fait de se sentir homme ou femme. Ainsi, l’identité sexuée « se construit et s’affirme » selon les normes sociales associées au sexe biologique, lui-même déterminé par les organes génitaux externes (Vouillot, 2002, p. 485). Dans cette optique, une personne se définit selon son orientation de genre, autrement dit son degré de conformité aux catégories de rôles de sexe prédéfinies pour son sexe biologique. Ces rôles prescrivent des modèles de féminité et de masculinité qui valent pour une culture donnée et prennent en compte les traits psychologiques, comportementaux, ainsi que les activités spécifiquement réservées à l’un des deux sexes (Vouillot, 2002). Pour résumer, l’identité sexuée résulte de l’interaction de trois dimensions : celle des facteurs biologiques, l’influence des normes culturelles, et enfin l’activité structurante de l’individu « qui implique sa capacité mais aussi son désir d’être comme on attend qu’il soit » (Vouillot, 2002, p. 486).

Se référant aux diverses étapes du développement d’un enfant, Dafflon Novelle remarque que la flexibilité et la rigidité du respect des rôles sexués change à plusieurs reprises. Elle note ainsi qu’il y a à l’adolescence un retour à la rigidité vis-à-vis des rôles de sexe de chacun, alors qu’une certaine flexibilité semble permise à l’âge adulte. C’est ce qui rend à mon avis cette période de l’adolescence si intéressante à analyser. Lerner et Galambos la définissent comme étant « la période de vie où les caractéristiques biologiques, psychologiques et sociales de l’individu

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passent d’un état « enfantin » à un état propre à l’âge adulte » (1998, p. 4159 ; cités

par Poscio 2018) De ce fait, en Occident, on considère en général qu’elle se situe entre l’âge de 12 et 18 ans (Poscio, 2018). Cette période est particulièrement caractérisée par une rapide évolution à la fois sur les plans physique, intellectuel et social. Entre transformations, les adolescent-es « se cherchent », ils/elles construisent leur personnalité et doivent gérer leur sexualité (Comité des droits de l’enfant, 2003). Il s’agit d’une période où ils/elles gagnent en autonomie et, par conséquent, ils/elles se retrouvent face à des attentes plus élevées quant à « leur rôle dans la société » (Comité des droits de l’enfant, 2016, p. 4). D’autre part, à l’adolescence, les jeunes ont droit à une double injonction : développer une « identité à la fois singulière et socialement conforme » (Balleys, 2017).

En outre, selon Chiland, « l’identité sexuée commence à se construire en même temps que le sentiment de la continuité d’exister, le self ; à l’adolescence, elle se confirme » (2014, p. 165). A l’adolescence, ce sont les changements physiques, affectifs et sexuels de la puberté qui vont compléter voire parfaire « l’identité que l’enfant reconnaissait déjà pour sienne en faisant sortir la personne d’une certaine androgynie de l’enfance » (Chiland, 2014, p. 165). Les caractères sexués secondaires tels que les seins chez la fille ou la mue de la voix et la pomme d’Adam du garçon font leur apparition durant cette période. Cette transformation retentit telle une annonce : selon les nouvelles caractéristiques acquises, telle personne est une fille ou un garçon. Par ailleurs, à cette période les choix que les jeunes font concernant leur futur, tels que ceux par rapport à leur profession, sont particulièrement ancrés sur leurs perceptions d’eux/elles en tant que futur homme ou future femme (Dafflon Novelle, 2006). En effet, certains choix peuvent impliquer une transgression des normes de sexe et ainsi engendrer un coût à la fois identitaire et social (Vouillot, 2002). Le/la jeune peut se demander si, pour lui/elle, il/elle est toujours un garçon ou une fille, se référant aux normes sociales apprises, ainsi que si du point de vue des autres, il/elle sera reconnu-e comme tel-le et toujours estimé-e de la même façon (Vouillot, 2002).

La sortie de l’androgynie est, dans la culture occidentale, considérée comme un passage à l’âge adulte. En dépit des progrès accomplis jusqu’ici, ce nouveau monde est en général plus favorable aux garçons qu’aux filles, notamment pour ce

9 Lerner, R. M., & Galambos, N. L. (1998). Adolescent development: Challenges and opportunities for research,

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qui est des libertés accordées à chacun-e et du droit à disposer de son corps (Chiland, 2014).

7. Socialisation différenciée

Nous l’avons vu précédemment, l’identité se construit aussi socialement. Nous allons de ce fait expliciter quels sont ces apports sociaux et en quoi ils diffèrent selon le sexe de l’individu auquel ils s’adressent.

10

Le concept de socialisation désigne « les mécanismes de transmission de la culture

ainsi que la manière dont les individus reçoivent cette transmission et intériorisent les valeurs, les normes et les rôles qui régissent le fonctionnement de la vie sociale » (Castra, 2013). Il s’agit donc d’un apprentissage : en interagissant avec les autres, l’individu apprend à se comporter conformément aux attentes sociales (Riutort, 2013). Deux phases sont habituellement distinguées : la socialisation primaire qui se déroule de la naissance jusque pendant l’enfance, et la socialisation secondaire qui fait référence à la suite du parcours en société de l’individu (Riutort, 2013). C’est donc un processus continu se déroulant tout au long de la vie et permettant à l’individu de constituer son identité (Castra, 2013) pour lequel « la société tout entière se manifeste […] dans la transmission des règles sociales » (Riutort, 2013, p. 64). Deux aspects sont à prendre en compte dans ce processus de construction : « l’activité de l’adulte sur l’enfant et l’activité de l’enfant à travers son observation du monde sexué » (Dafflon Novelle, 2006, p. 21). Par socialisation différenciée, est impliqué que certaines caractéristiques, dans ce cas le genre, établissent une différence dans la façon dont les individus sont socialisés : « pensés, projetés, traités » (Dafflon Novelle, 2006, p. 22). Blakemore, Berenbaum & Liben (2009), relèvent plusieurs « agents in process of gender development ». Dans cette partie sont mentionnés les agents qui me semblent les plus pertinents pour ce travail :

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a) la famille

Avant même sa naissance, l’identité sociale de l’enfant commence à se constituer. En effet, grâce à l’usage de l’échographie permettant de connaître le sexe de l’enfant, les parents se projettent et communiquent les informations à leur entourage (Bereni et al., 2008). Ainsi, dans un premier temps, les parents créent un monde genré pour leur enfant : en lui donnant un nom, lui achetant des habits ou en choisissant des activités pour lui/elle. Ce type d’action peut être appelé « channeling or shaping » afin que les enfants correspondent à un certain genre (Blakemore et al., 2009, p. 272). Ensuite, ils interagissent et traitent différemment leurs filles par rapport à leurs fils, acceptant de parler émotions avec les premières et encourageant les seconds à être plus téméraires. D’autre part, les parents donnent des instructions directes, du type « ne joue pas aux poupées » pour les garçons et « habille-toi de façon plus féminine » pour les filles, qui servent à orienter voire réorienter les enfants sur la bonne voie selon leur perception de ce qui est socialement accepté. Enfin, les parents servent de modèles à leurs enfants, et par observation et immitation les enfants peuvent intégrer les relations de pouvoir ou les rôles spécifiques à chaque sexe (contrôler l’argent versus s’occuper de la maison, par exemple) (Blakemore et al., 2009).

b) l’école

Riutort (2013) souligne la place déterminante que tient cette instance dans la socialisation des enfants, d’autant que ceux/celles-ci sont scolarisé-es de plus en plus tôt et que la durée des études est souvent allongée. En principe, l’école se doit de promouvoir l’égalité entre les filles et les garçons. C’est ce qui ressort de la Convention des droits de l’enfant (1989) et de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (1979) qui décrètent respectivement les nécessités suivantes :

« l’éducation de l’enfant doit viser à […]

préparer l’enfant à assumer les

responsabilités de la vie dans une société libre, dans un esprit de compréhension, de paix, de tolérance, d’égalité entre les sexes » (CDE, art. 29, let. d).

« l'élimination de toute conception stéréotypée des rôles de l'homme et de la femme à tous les niveaux et dans toutes

les formes d'enseignement en

encourageant l'éducation mixte et

d'autres types d'éducation qui aideront à réaliser cet objectif et, en particulier, en révisant les livres et programmes scolaires

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et en adaptant les méthodes pédagogiques » (CEDEF, art 10, let. c)

Toutefois, il semblerait que ce ne soit pas toujours le cas. En effet, de façon consciente ou non, les enseignant-es se comportent différemment selon le sexe de l’élève : par exemple, ils/elles interagissent plus avec les garçons qu’avec les filles et sont plus enclin-es à commenter les copies des garçons sur le fond et leur qualité alors qu’ils/elles mentionneront la présentation et la propreté de celles des filles. Ils/Elles ont également des attentes différentes, que ce soit au niveau du comportement des élèves (sages pour les filles, dissipés pour les garçons) ou au niveau des résultats en fonction de la matière (garçons forts en sciences et filles fortes en langues). Ces attentes peuvent par la suite avoir un effet auto-réalisateur. Par ailleurs, les manuels scolaires contiennent, en plus des savoirs, des représentations de la société. Les femmes y sont moins représentées que les hommes, par exemple, les auteures étudiées sont largement minoritaires, ou encore

l’histoire des femmes demeure absente des livres d’histoire (Bereni et al., 2008).

c) le groupe de pairs

Puisque le temps scolaire s’allonge, enfants et adolescent-es se cotoient sensiblement plus qu’avec leurs parents et le contrôle exercé par ces derniers tend à s’affaiblir. Un certain nombre de pratiques sociales, telles que le sport et la musique, contribuent à la création d’un lien entre les jeunes. Les groupes se forment selon une classe d’âge et des comportements et goûts communs s’établissent progressivement (Riutort, 2013). Ils/Elles ont également tendance à rester entre enfants de même sexe. Les enfants et jeunes s’imitent entre eux, ils/elles renforcent les comportements genrés ou les punissent s’ils sont perçus comme peu appropriés (Blakemore et al., 2009). Ainsi, certain-es jeunes qui seraient perçu-es comme s’écartant de la norme peuvent subir de la pression de la part de leurs camarades, une pression qui les pousseraient à se conformer aux comportements typiques de leur genre. S’ils/Si elles ne sont pas accepté-es par leurs pairs, les difficultés d’adaptation résultent fréquemment en une baisse de l’estime de soi voire en une dépression (Yunger, Carver, & Perry, 2004 ; mentionné par Blakemore et al., 2009).

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d) les médias

Dans les sociétés modernes, nous passons beaucoup de temps à consommer les produits culturels et ne pouvons généralement pas les éviter (Gauntlett, 2003). Gauntlett affirme : « [t]hat’s a lot of information going into people’s heads – even if they don’t see it as “information”, and even if they say they’re not really paying much attention to it » (2003, p. 6).

Au niveau de la littérature enfantine, diverses études montrent que les personnages masculins sont à la fois plus présents et visibles que leurs homologues féminins. Que ce soit dans l’histoire en incarnant des rôles principaux et des héros, sur les couvertures et les illustrations ou directement dans les titres des ouvrages, le masculin est nettement plus valorisé que le féminin qui reste cantonné à l’univers familial et privé (Daréoux, 2007).

Il en va de même pour ce qui est des émissions pour enfants, qu’elles soient d’ordre éducatif ou simplement de divertissement, il y a davantage de personnages masculins que féminins et ces derniers sont souvent stéréotypés. L’une des raisons expliquant cet univers plus masculin serait qu’il est perçu que les filles ont tendance à regarder les émissions adressées aux garçons mais que l’inverse est moins probable (Blakemore et al., 2009).

La téléréalité est un autre type d’émission de divertissement qui plait particulièrement aux jeunes et aux adolescent-es. Récemment le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) a dénoncé dans son rapport 11 la

représentation caricaturale des femmes diffusée dans ce type d’émissions. Après analyse de « Les Anges », « Koh-Lanta » et « Les Marseillais VS. Le Reste du Monde » 12

le HCE déplore entre autre la sexualisation très présente des femmes dans un but de « male gaze » ainsi que la dynamique de dénigrement (souvent même entre candidates) et leur statut de « faibles, stupide et rivales » (p. 9, 2020) face à leur homologues exposés comme étant des mâles dominants.

11 http://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_etat_des_lieux_du_sexisme_2019.pdf « 2ème état des

lieux du sexisme en France : combattre le sexisme en entreprise, dans les médias et en politique » publié le 2 mars 2020.

12 7 épisodes de chaque émission ont été choisis de manière aléatoire, les seuls critères étant qu’ils se suivent

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Les films Disney sont un bon exemple de longs métrages d’animation qui plaisent encore aux petits comme aux grands. C’est d’ailleurs à cause de cet engouement encore présent que plusieurs d’entre eux sont actuellement réadaptés en prise de vue réelle. Certains subissent quelques modifications afin de les remettre au goût du jour, voire dans une perspective un peu plus féministe comme c’est le cas pour La Belle et la Bête en 2017. Les cas de Blanche-Neige et les Sept Nains (1937) et de Cendrillon (1950) montrent tous deux l’image d’une belle jeune femme s’occupant des tâches ménagères et ayant besoin d’un homme, un beau prince chevaleresque, pour leur porter secours et les affranchir de leur situation. C’est par le mariage que sont conclues leurs histoires, c’est ainsi qu’elles atteignent le bonheur. Dans le film Mulan (1998) apparaît une ambivalence. En effet, l’entourage de la jeune femme a pour mission de faire d’elle “une femme”, multipliant les accessoires de beauté et insistant sur la nécessité de la marier. D’un côté Mulan ne veut pas décevoir sa famille, mais lorsque la guerre se prépare, elle n’hésite pas longtemps. Elle modifie son apparence afin de se faire passer pour un homme et ainsi remplacer son père et le protéger. Durant l’entrainement physique, elle se montre courageuse et tenace, prouvant qu’elle a autant de mérite que les hommes, qu’elle est tout aussi capable voire plus capable qu’eux de relever le défi et vaincre l’ennemi. Au final elle sauve sa famille… et accessoirement la Chine entière, recevant respect et honneurs !

Concernant les films et les séries, même si les femmes sont maintenant plus facilement présentées comme ayant des occupations moins traditionnelles, c’est surtout leur vie personnelle et leurs rapports avec les hommes qui sont toujours aussi stéréotypés (Blakemore et al., 2009). Plusieurs tests ont été élaborés en tant qu’outils dans le but d’analyser les films et les séries sous la perspective du genre puisque « si la fiction n’a pas vocation à offrir un reflet fidèle de la réalité, elle garde un pouvoir prescriptif concernant les rôles et les identités de genre » (Pasquier et Biscarrat, 2017, p.92 ; mentionnées par Breda, 2017). L’un des tests les plus connus se nomme le test de Bechdel-Wallace. Pour le passer avec succès, il faut que le film ou la série puisse répondre positivement à trois critères : il y a au minimum deux femmes identifiables par leurs noms, celles-ci discutent ensemble, et ces discussions portent sur autre chose que sur un homme. Un deuxième outil de ce type propose simplement de répondre à une question : « si le personnage féminin était remplacé par une jolie

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lampe, cela altérerait-il le déroulement de l’intrigue ? » (Breda, 2017, p. 101). Une réponse négative montre que les femmes sont sous-représentées d’un point de vue qualitatif dans l’œuvre concernée. Bien que ces outils n’aient pas de fondement scientifique, ils reflètent surtout la volonté des féministes à ce que les films et séries soient repensés en terme de représentation et traitement de la femme (Breda, 2017).

Même refrain du côté de la publicité, sujet dont nous reparleront par la suite étant donné son omniprésence dans la presse, les panneaux dans la rue, sur internet et à la télévision. Dans les années 70, Goffman a déterminé, suite à une enquête portant sur les postures des personnes ainsi que sur la manière dont celles-ci renvoient aux rôles sociaux, six domaines de rôles endossés dans les images publicitaires : la famille, le toucher, le retrait volontaire, la ritualisation de la subordination, la taille et l’activité (cité par Lorenzi-Cioldi, 2006, p. 332). Pour résumer, la femme se retrouve le plus souvent au centre de la famille, est passive par rapport à l’homme au niveau des activités et est plus petite en taille, ce qui lui confère une certaine fragilité. Cette schématisation est encore d’actualité aujourd’hui. En effet, que ce soit par les illustrations ou les slogans, les standards de beauté féminine sont de mise, notamment pour ce qui est d’inciter à la minceur, et la femme est d’une façon ou d’une autre reléguée au domaine familial et rendue dépendante de son partenaire (Lorenzi-Cioldi, 2006). De plus, selon Mistral, « la publicité, la télévision abattent les frontières entre les générations, brouillent les repères attribués à chaque tranche d’âge » (2010, p. 95). En ce sens, le système de consommation profite de ces confusions en déclinant les produits en de multiples formules, selon les sexes et les âges (2010). Une façon de dire que chacun y trouve son compte. De ce fait, les jeunes filles sont touchées par la publicité qui s’adresse directement à elles ainsi qu’aux femmes adultes. Il en va de même pour les garçons. Mistral affirme par ailleurs que « l’univers de la publicité grossit encore l’effet de stéréotype sur les genres » (2010, p. 96). En effet, même si elles acquièrent une éducation prônant l’égalité, les filles découvrent rapidement qu’il en est autrement en voyant l’image qui est véhiculée par les médias.

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B.

Les médias sociaux : bénédiction ou fléau de notre société ?

Comme nous l’avons vu au début de ce chapitre, l’identité des jeunes se construit aussi socialement. Cette socialisation passe par plusieurs canaux véhiculant des stéréotypes et poussant les jeunes à coller aux normes fixées par leur sexe, comme la famille, l’école, les pairs, et les médias. C’est sur ce dernier agent de socialisation que nous allons nous centrer. 13

1. Médias sociaux

L’appellation « médias sociaux » 14 se réfère aux médias, tels que connus

traditionnellement en tant que supports de diffusion de l’information. Seulement, ceux-ci ont deux particularités principales : tout-e utilisateur/trice peut être à la fois la cible ou l’émetteur/trice de l’information, et ces médias se caractérisent par l’aspect participatif et personnalisé qu’ils proposent aux utilisateurs/trices. En ce sens, il s’agit de plateformes du Web permettant la consommation mais également la création et la diffusion de contenu, tels que YouTube, les blogs, et ainsi de suite. Les réseaux sociaux en sont ainsi une sous-catégorie.

De nos jours, il existe de nombreux appareils à portée de main qui permettent d’accéder à Internet : la télévision, l’ordinateur, et surtout le téléphone. Selon Bellucci (2010) il faut considérer le Web comme « un moyen de communication normal, courant, habituel » (p. 86). En outre, pour les adolescent-es Internet est tout aussi incontournable qu’indispensable, que ce soit au niveau pratique comme social. En effet, les médias sociaux donnent la possibilité aux jeunes de garder contact entre eux/elles, partout et à tout moment (Balleys, 2017).

a) Un intérêt légal progressif

Lors de l’élaboration de la Convention des droits de l’enfant, les expert-es se sont également penché-es sur la question des médias. L’article 17 en particulier reconnaît « l’importance de la fonction remplie par les médias » (CDE) dans sa diffusion d’informations provenant de sources diverses. Les Etats parties sont notamment enjoints à veiller à « l’utilité sociale et culturelle » du contenu des médias

13 Image récupérée sous http://blogs.nature.com/naturejobs/files/2012/09/141250476.jpg 14https://culture-formations.fr/reseaux-medias-sociaux-differences/

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afin de répondre à l’esprit de l’article 29 cité auparavant dans ce travail15, ainsi qu’à

favoriser « l’élaboration de principes directeurs appropriés destinés à protéger l’enfant contre l’information et les matériels qui nuisent à son bien-être ».

Il est néanmoins nécessaire de garder à l’esprit qu’à l’époque de la conception de la CDE les médias sociaux n’existaient pas encore. Même lors de la journée de discussion en 1996, « The Child and the Media »16, Internet, encore loin de ressembler

à ce qu’il est aujourd’hui, a essentiellement une fonction consultative de l’information mise sur la toile par un-e professionnel-le. Néanmoins, cette journée de discussion en 1996 dédiée aux médias introduit quelques points essentiels qui sont toujours aussi actuels. Lors de cette dernière, les Etats partie sont fortement incités à mettre en place des mesures de protection. En effet, bien que l’importance du rôle des médias17, notamment au niveau des possibilités de participation qu’ils offrent

aux enfants, soit souligné, le Comité admet connaître « la malléabilité des enfants, leur influençabilité et leur suggestibilité et la perméabilité à certaines informations au contenu problématique » (Zermatten, 2006, p. 20). Cet aspect fait écho à ce que le Comité précise plus tard dans son Observation Générale 4 (2003) portant sur « la santé et le développement » à l’adolescence. Le Comité explique attribuer à ces deux concepts un sens plutôt large, pour lequel il est nécessaire de prendre en compte, outre les deux protocoles facultatifs de la CDE, les autres normes internationales concernant les droits de l’Homme. Parmi celles-ci, le Comité désigne notamment la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) (Comité des droits de l’enfant, 2003) qui, comme nous l’avons vu précédemment 18 , accorde de l’importance à l’élimination des

stéréotypes de genre, sachant que ceux-ci peuvent servir à justifier la discrimination qui en suit. Les stéréotypes et rôles de genre véhiculés sont à véritablement considérer comme nocifs pour le bien-être des adultes mais surtout pour celui des enfants et des adolescent-es puisque c’est à cette période que leur identité se développe.

Cependant, l’évolution dynamique du Web, qui est devenu participatif depuis les années 2000 et qui a permis à de plus en plus de particuliers de créer du contenu en ligne (Boess, 2010), a réinventé l’utilisation d’Internet et a ainsi fait apparaître de

15 Voir la partie sur la socialisation à l’école, p. 20.

16 The Child and the Media, doc. CRC/C/50, Annex IX, 13th Session, 7 October 1996,

https://www.ohchr.org/Documents/HRBodies/CRC/Discussions/Recommendations/Recommendations1996.pdf

17 Compris au sens large : médias traditionnels ainsi qu’internet et jeux vidéos. 18 Voir la partie sur le contexte législatif, p. 6.

Références

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