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OUVRAGES DU MÊME AUTEUR

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Academic year: 2022

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OUVRAGES DU MÊME AUTEUR

A LA LIBRAIRIE HACHETTE

LE PARIS DE LOUIS XIII.

LE PARIS DE CHARLES V.

LE MARÉCHAL DE SAXE.

FOUQUIER-T INVILLE.

MADAME TALLIEN.

MARAT.

LE COMITÉ DE SALUT PUBLIC.

MARGUERITE DE NAVARRE, LA REINE MARGOT.

CHRISTINE, REINE DE SUÈDE.

LE CLUB DES JACOBINS.

LA VIE AU MOYEN AGE.

A LA LIBRAIRIE JULES TALLANDIER

ADÈLE HUGO.

FRANÇOIS VILLON.

LAMARTINE.

RIMBAUD.

EDGAR POE.

ZOLA.

HENRIETTE D'ANGLETERRE.

A LA LIBRAIRIE A. FAYARD HIPPOLYTE DE VILLEMESSANT (Les Œuvres Libres).

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LES GRANDS JOURS

DE LA

CONVENTION

1792 - 1795

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LE RAYON D'HISTOIRE

ISABELLE LA CATHOLIQUE, Par Janine Bouissounouse.

LE FAVORI DE FRANÇOIS 1er, Gouffier de Bonnivet, Amiral de France, Par Francis Ambrière.

LES NÉGRIERS, Par André Ducasse.

HENRI III ET SON SECRET, Par Pierre Lafue.

HENRI IV, Par Marcel Reinhard.

MARGUERITE DE NAVARRE, Par Jacques Castelnau.

GABRIELLE D'ESTRÉES, Par le L Henri Carré.

LE PÈRE JOSEPH, Par Pierre Lafue.

LOUIS XIII, Par le Col. Charles Romain.

MARION DE LORME, Par Georges Mongrédien.

LA GRANDE MADEMOISELLE, Par André Ducasse.

NINON DE LENCLOS, Par Jean Goudal.

CHRISTINE, Reine de Suède, Par Jacques Castelnau.

MADEMOISELLE DE LA VALLIÈRE, Par le L Henri Carré.

MADAME DE MONTESPAN, Par le L Henri Carré.

LA DUCHESSE DE BOURGOGNE, Par le L Henri Carré.

TOURVILLE, Par G. de Raulin. LA GUERRE DES CAMISARDS, Par André Ducasse.

LE MARÉCHAL DE VILLARS, Par le L Henri Carré.

MADEMOISELLE, Fille du Régent, Duchesse de Berry, Par le LHenri Carré.

LA MARQUISE DE POMPADOUR, Par le L Henri Carré.

LE MARÉCHAL DE SAXE, Par Jacques Castelnau.

LA VIE DE SOCIÉTÉ AUX XVIIe ET XVIIIe SIÈCLES, Par Georges Mongrédien.

LOUIS XVI, Par Pierre Lafue.

Louis XVI et Marie-Antoinette : LES JOURNÉES RÉVOLUTION- NAIRES d'Octobre 1789, Par Jules Mazé.

LES COULISSES DE VERSAILLES, Par Jules Mazé.

LA FAMILLE ROYALE ET LA RÉ- VOLUTION, Par Jules Mazé.

CAMILLE DESMOULINS, Par Pierre Labracherie.

MADAME ROLAND, Par Miss Wil- MARAT, Par Jacques Castelnau.

CHARLOTTE CORDAY, Par René Trintzius.

FABRE D'ÉGLANTINE, Par Louis Jacob.

FOUQUIER-TINVILLE, Par Jacques Castelnau.

L E CLUB DES JACOBINS, Par Jacques Castelnau.

LE COMITÉ DE SALUT PUBLIC, Par Jacques Castelnau.

" ÇA IRA révolutionnaires, Par Marc Mauret. " . des temps HOCHE, Par Marc-André Fabre.

PAULINE FOURÈS, Par Marcel Dupont.

BARRAS, Par Jacques Vivent.

Le Tragique Destin du DUC D 'EN- GHIEN, Par Marcel Dupont.

MADAME TALLIEN, Par Jacques Castelnau.

CAROLINE BONAPARTE, Par Mar- cel Dupont.

PAULINE BONAPARTE, Par Ber- nard Nabonne.

JOSEPH BONAPARTE, Par Ber- nard Nabonne.

NAPOLÉON et ses GROGNARDS, Par Marcel Dupont.

NAPOLÉON Ier AUX TUILERIES, Par Jules Bertaut.

NAPOLÉON ET LA TRAHISON DES MARÉCHAUX, Par Marcel D u p o n t . DE BERRY, La Marie-Stuart vendéenne, Par Marc- André Fabre.

BYRON ET SHELLEY, Par Isabel C l a r k e . Secrets et Malheurs de LA REINE

HORTENSE. Par Pierre de Lacre- telle.

MARIE D'AGOULT, Par Claude Aragonnès. DE LIEVEN, Par H. Montgomery Hyde.

NAPOLÉON III ET LES SIENS, Par Robert Burnand.

LES DRAMES DE LA COMMUNE, 18 mars-17 mai 1871, Par Marc- André Fabre.

VIE ET MORT DE LA COMMUNE, 1871, Par Marc-André Fabre.

LE DUC D'AU MALE, Par Robert Burnand.

ÉDOUARD VII, Par Léon Lemonnier.

KITCHENER, Par Léon Lemonnier.

VIE DU GÉNÉRAL MARCHAND, Par Jacques Delebecque.

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JACQUES CASTELNAU

LES GRANDS JOURS DE LA CONVENTION 1792 - 1 795

LIBRAIRIE HACHETTE

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Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous pays.

Copyright by Librairie Hachette, 1950.

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AVANT-PROPOS

L

ORSQUE l'homme de 1789 fut promu à la dignité de citoyen, la Convention fut son premier espoir. Il s'identifia avec cette assemblée qu'il avait faite. Il se

crut libre, car c'est la plus chère illusion de tout être qui pense de croire qu'il devient libre en changeant de maître.

La Convention, sans doute, voulait lui donner cette richesse, et elle le voulait sincèrement. Elle avait une excuse : son ignorance, et l'ignorance est une rêverie.

Le peuple, d'abord, commanda, et l'Assemblée obéit.

Chacun avait son arme : le premier la force, l'autre la loi.

La foule, d'instinct, alla aux excès, et sa force fut vaincue par la loi. Les députés eurent alors conscience de leur pou- voir, et d'aucuns y prirent goût. La démocratie se trans- forma en oligarchie, et l'oligarchie en dictature. Un nouveau joug pesa sur la Nation, mais, comme il portait un autre nom et s'accommodait d'une certaine licence, la Nation s'en contenta.

Cependant, la Convention devenait moins attentive aux vœux de la multitude. L'intérêt des partis prit le pas sur l'intérêt général, et la République devint la proie des factions.

« Le Parlement de philosophes », qu'avait souhaité le repré- sentant Manuel, se mua en arène de gladiateurs. L'héroïsme y fut du moins en honneur, un héroïsme que rendit plus âpre, chez certains, un pathétique désenchantement.

A partir de 1793, l'orage fut le climat habituel des séances.

Mais cet orage fut traversé d'immenses clartés. La Conven-

tion, attaquée de toute part, sauva, par son énergie, la

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Patrie en danger. Elle légua aussi à l'avenir de grandes et durables institutions. Nous allons regarder vivre ce groupe- ment épique et tenter de ressusciter ces existences, souvent brèves, au moment de leurs plus intenses passions. Dans le lointain tragique des légendes, elles évoqueront les heures poignantes de la Révolution française.

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LES GRANDS JOURS

DE LA CONVENTION

1792-1795

I

LE MANÈGE DU ROI

A VANT de s'installer aux Tuileries, la Convention prend le Manège du château, le fruste local où les palefre- niers de Louis XV s'injuriaient en fouettant leurs

chevaux. C'est là qu'avaient tenu leurs séances la Consti- tuante et la Législative. La Convention n'entend pas rompre avec cette tradition d'humilité qui sied si bien aux révolu- tions commençantes. Demain, lorsqu'elle se sera affranchie de ses craintes bourgeoises, lorsqu'elle aura tué la royauté en tuant le roi, elle prendra sa place, dans le cadre fastueux des Médicis. Mais elle sera entrée par la petite porte, par les communs, et ce début marquera toute son histoire.

On y accède par une vaste bande de terrain appelée Cour

du Manège, qui longe la grille des Tuileries à l'emplace-

ment de la rue de Rivoli actuelle, qui alors n'existait pas, et

communiquant avec la place du Carrousel, à peu près à la

hauteur de la rue de l'Échelle. On peut également y atteindre

par un perron situé du côté du jardin, vers ce qui sera notre

rue de Castiglione, ou encore par une petite ruelle se faufi-

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lant entre le couvent des Capucins et celui des Feuillants, et prenant jour sur la rue Saint-Honoré.

Il y a donc peu de dégagements, et l'Assemblée, resserrée entre les jardins et les maisons, est prisonnière des Parisiens.

Une terrasse, celle des Feuillants, lui sert d'antichambre.

Députés et badauds s'y coudoient, discutant l'événement du jour ou commentant le dernier article du citoyen Prudhomme, dans Révolutions de Paris, ou le pamphlet rédigé dans sa cave par le citoyen Marat, le populaire « Ami du Peuple ».

La salle est longue et étroite. Six rangs de banquettes disposées en gradins la bordent sur sa longueur, tandis que neuf autres rangs, également en gradins, garnissent ses deux extrémités. Au milieu, coupant l'une des bandes, on remar- que la place du président et celles des secrétaires, la tribune des orateurs et, en face, la barre.

La foule s'entasse aux deux bouts, dans des amphithéâtres que supporte un maigre poteau de trente pieds de portée, d'un seul morceau, retenu par des brides de fer. Un garde- fou maintient la pression de la cohue, aux jours de grandes séances. Une fois pourtant, un homme sera projeté par- dessus bord et tombera sur Jean-Baptiste Mathieu, évêque de Beauvais. En se relevant, l'homme, étonné, s'écriera, narquois : « C'est donc bon à quelque chose, un évêque ! » L'ensemble, au dire d'un contemporain, est « un mélange monstrueux de grandeur, d'audace et de défaut de prin- cipes en architecture ». Le décor à l'antique, avec des drape- ries de mauvaise toile, des bustes en plâtre, des bas-reliefs en mastic, des marbres en peinture, évoque un théâtre de carton, quelque chose de violent et de sauvage.

Dans cette arène étroite se mêlent toutes les haleines, se heurtent tous les regards. Impossible de murmurer sans être entendu, impossible de dissimuler une colère ou un aparté.

On se mesure à bout portant. De là ces combats furieux et

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implacables, ces orages qui ne s'apaiseront jamais. Quand vient le soir, la lueur jaune des flambeaux dissipe mal les ténèbres, et l'Assemblée prend l'aspect d'une étrange conjuration nocturne. On distingue des groupes vagues qui gesticulent et des faces livides qui se menacent. Le passant qui, pour la première fois, pénètre dans cette grisaille, ne peut se défendre d'un certain frisson.

Au pied de la tribune et dans les couloirs se tiennent des huissiers chargés d'assurer le service. Mais est-ce oubli ou négligence, ces serviteurs de la démocratie naissante ont conservé la tenue « des appartements du ci-devant Roi et des tribunaux », et c'est ainsi que l'on peut voir la lévite verte de Marat ou la chemise largement ouverte de Danton voisiner avec les habits de drap bleu en frac croisé, grand collet de drap blanc, chapeau rond haut de forme, souliers et jarretières à ruban, sans oublier la canne d'ébène garnie d'ivoire. Singulier mélange dans lequel les maîtres d'hier survivent dans les valets d'aujourd'hui et où la véritable puissance se reconnaît dans ce qui faisait l'opprobre du passé.

Cette société apparemment anarchique a son organisation ou, pour mieux dire, son règlement. Ce n'est pas un para- doxe d'énoncer que plus la désorganisation est poussée, plus elle a besoin, pour se maintenir, d'une organisation forte. La Convention, qui a devant elle la grande énigme des lende- mains et qui s'apprête à bâtir sur les ruines qu'elle va créer, a besoin de se donner à elle-même, avant de la donner à la Nation qu'elle doit gouverner, une charpente, un ordre social, une constitution en miniature. Et la voici élaborant une hiérarchie des cadres, un mode de vie.

A sa tête elle a un président. Mais, attention ! Il convient de ne pas ressusciter les privilèges abolis et d'éviter de donner

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à un homme des pouvoirs trop durables. Aussi le président n'est-il élu que pour quinze jours, et cette suprématie éphémère se verra confiée, en l'espace de trois années, à soixante-seize citoyens. Rares seront ceux qui recevront deux investitures. On n'en comptera que trois : Hérault de Séchelles, Robespierre et Collot d'Herbois. Aucun n'en recevra davantage.

Il n'y a pas de vice-président. Celui que l'Assemblée nommera lors de sa première séance, le 21 septembre 1792, ne sera élu que « pour cette fois seulement ».

Six secrétaires chargés de la rédaction des procès-verbaux assistent le président. Ils sont choisis à la majorité relative et renouvelés tous les quinze jours. Pas d'exception, même pour les fonctions subalternes.

Le règlement ne prévoit qu'une séance par jour, séance annoncée pour neuf heures du matin, mais qui ne commen- cera guère avant dix heures, pour se prolonger jusqu'à quatre et cinq heures de l'après-midi. Toutefois, la tâche immense à laquelle l'Assemblée devra faire face contraindra le prési- dent à convoquer les Conventionnels le soir, à partir de huit heures, quelquefois neuf, pour des débats qui ne se termineront que tard dans la nuit. Ces séances seront très nombreuses, surtout avant le 31 mai 1793, et certaines d'entre elles seront permanentes et dureront plusieurs jours. A l'époque de la trahison de Dumouriez, en avril 1793, la Convention siégera treize jours sans désemparer, en n'accordant qu'une suspension de deux heures à ses mem- bres pour se reposer. « On n'a jamais vu aucun peuple condamner les législateurs à faire des lois comme un cheval aveugle à tourner la meule jour et nuit, s'écriera Camille Desmoulins. Qu'on se souvienne qu'une seule loi chez les Romains était discutée pendant vingt-sept jours et pendant dix-neuf à Athènes, et qu'il y a telle séance où nous rendons vingt ou trente décrets.... »

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En fait, pour éviter l'irréflexion que pouvait entraîner cette hâte, tout projet devait être soumis à deux lectures successives avant d'être converti en décret, et cela pour les motions relatives à la législation. Mais l'impatience et les nécessités politiques surtout ne devaient pas tarder à affran- chir les représentants de cette formalité, surtout lorsqu'il s'agissait d'objets concernant la marche du gouvernement révolutionnaire. Aussi s'habituera-t-on vite à exclure de la catégorie « législation » les textes « terroristes », qui seront votés en une seule séance. En l'an II, la précipitation devien- dra telle que parfois les décrets ne seront discutés qu'après avoir été rendus.

La séance du matin est, en principe, réservée aux menues affaires et à la lecture des adresses, celle de l'après-midi à l'élaboration des lois. Il y aura le petit ordre du jour et le grand ordre du jour. Cependant, les circonstances de plus en plus dramatiques se chargeront de bouleverser cette belle ordonnance qui ne pourrait convenir qu'aux délibérations pacifiques d'une nation sans histoire.

Il ne faudrait pas croire, au demeurant, que cette impé-

tuosité excessive entraînât toujours une rédaction impro-

visée. A l'exemple de la Constituante et de la Législative,

la Convention crée des comités permanents chargés d'éla-

borer ses décisions. Six d'entre eux fonctionneront régulière-

ment : le Comité de Surveillance, composé de trente mem-

bres ; le Comité de la Guerre, composé de vingt membres ;

le Comité des Comptes, avec quinze membres ; le Comité

de Législation criminelle et civile, avec quarante-huit

membres ; le Comité des Assignats et des Monnaies,

avec quarante-deux membres, et enfin le Comité de Consti-

tution, le plus important, avec neuf membres. Des commis-

sions temporaires pour un objet spécial viendront s'y ajouter,

telles les commissions d'Instruction publique, de Corres-

pondance, d'Agriculture, etc....

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Pour faire connaître ses lois et donner à chacun le témoi- gnage de son activité, l'Assemblée fonde trois organes pério- diques officiels : 1° Le Bulletin de la Convention, rédigé par le Comité de Correspondance, sorte de journal-affiche contenant les principales résolutions, quelques arrêtés des Comités, des nouvelles de la guerre, des adresses ou des lettres émanant des Sociétés populaires ou des représen- tants en mission ; 2° Le Procès-Verbal, contenant un compte rendu résumé, sans noms d'orateurs, rédigé par les secré- taires ; 3° le Feuilleton quotidien, groupant le texte des décrets rendus dans la séance du jour.

A côté il y a la presse, celle de la révolution et celle de la contre-révolution, le grand tohu-bohu du journalisme, varié, assourdissant, héroïque et comique à la fois. Toutes ces feuilles souvent éphémères, nées d'une passion ou d'une colère, jugent, critiquent et plaisantent l'Assemblée. Elles rient et elles mordent ; elles louent aussi, dans ce style des halles bien fait pour allécher le populaire. Elles soutiennent les thèses gouvernementales, avec des bougre et des foutre, qui ne sont qu'une manière de ponctuation. Dans un idiome nouveau, qui bafoue celui des salons, elles provoquent, insultent, calomnient quand bon leur semble. Qu'elles en profitent, d'ailleurs, car le temps n'est pas loin où toutes ces bouches hurlantes n'auront plus le choix qu'entre le silence qu'on accepte ou la guillotine qui l'impose. Déjà les journaux soutenus par la cour tombent comme ces arbres dépouillés par la bourrasque d'automne. La Feuille du Matin, par une énigme inexpliquée, n'en continue pas moins son persiflage.

A l'aube de la Terreur, elle appellera Condorcet « le plus doux des assassins » et Brissot « le plus instruit des filous ».

En mars 1793, elle imprimera les commandements du vrai sans-culotte, dans lesquels on pourra lire :

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Tout bon Français égorgeras Ou le pendras pareillement....

Bien d'autrui tu n'envieras Mais le prendras ouvertement.

D'autres petites mouches aux piqûres venimeuses volet- tent encore, dans une atmosphère qui se raréfie chaque jour.

L'Agonie des Trois Bossus conte gaiement « ce qu'il sait et ne sait pas », tandis que l' Anti- Jacobinus et Compagnie appelle Fouché « l'évêque par la colère de Dieu ». La Bouche de Fer qualifie Bernard de Saintes de « squelette animé » dont

« la bile trois fois recuite entoure son cœur d'une espèce de silex ». Le Journal de l'autre monde ou conversation vraiment fraternelle du Diable avec saint Pierre a pour frontispice un trou de guillotine enguirlandé de têtes coupées.

A l'autre bord, ou de l'autre côté de la barricade, comme on voudra, voici le journal de Camille Desmoulins, de cet

« Athénien qui bégaie comme Démosthène » et qui, d'ailleurs, n'est pas loin d'en avoir le talent. Dans sa gazette, il y a de tout, et même d'excellentes choses dites avec hardiesse et esprit. « Connaissez-vous ce mets solide de ménage dans lequel on mêle force navets, pommes de terre et épices avec un peu de viande? On appelle ça, je crois, un arricot ; tenez, voilà véritablement l'arricot littéraire de Camille Desmoulins appelé Révolutions de France et de Brabant. » Le Juvénal anonyme qui s'exprime ainsi est un contemporain. Voici encore Le Patriote français du citoyen Brissot, ci-devant de Warville, « qui met dans sa feuille ce qu'il a dit dans son district et dit à son district ce qu'il a mis dans sa feuille ». Et aussi Le Babillard, qui n'est qu'une commère imprimée, le Courrier français, où Charlotte Corday puisera sa résolution de tuer Marat ; L'Orateur du Peuple, de Fréron, qui recommande, pour sauver la Révolu- tion, deux coups de fusil par village, un pour le seigneur,

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l'autre pour le prêtre ; le Père Duchesne et ses « grandes colères» signées, foutre! de deux croix de Malte ; et le plus tonitruant de tous, L'Ami du Peuple, de Marat.

Dominant ces voix, ces fanfares et ces hurlements, se détache le grand, le solennel, l'officieux Moniteur, qui publie les meilleurs comptes rendus de l'Assemblée. Il est concurrencé, il est vrai, par le Journal des Débats et Décrets et par Le Républicain français, qui possèdent comme lui le privilège de recevoir le texte manuscrit des discours de M. de Robespierre. A partir du 1 janvier 1793, le citoyen Guiraut tentera de leur ravir leur suprématie en fondant le Logotachygraphe, un bulletin qui se flattera de donner la sténographie, ou, comme on disait alors, la « tachy- graphie » des séances. Il ne tiendra guère ses promesses et sombrera quatre mois plus tard, le 6 mai. Il y aura encore les pamphlets qui circuleront sous le manteau, affublés de titres suggestifs : « Vol-au-Vent aux décrets de l'Assemblée, boudin à la Barnave, dindon à la Robespierre. » Ils seront pour leurs auteurs une abondante source de profits, ce qui fera dire à l'un d'eux par le pertinent Saint-Just : « Quel mérite avez-vous d'être patriote quand un pamphlet vous rapporte 30 000 livres de rentes! »

Toutes ces langues déliées, cette monstrueuse distri- bution du journalisme, prétendent renseigner le bon peuple, qui évidemment n'en demande pas tant et succombe sous cette avalanche d'idées et de mots. Les Parisiens ont au moins la possibilité de se faire une opinion personnelle en assistant aux débats. C'est un spectacle comme un autre et qui ne coûte rien, celui-là. Dans le Paris révolutionnaire, les distractions ne sont pas si nombreuses, et les mauvaises langues prétendent que la Convention vaut bien le théâtre de la Montansier. Il fut même question d'en habiller les acteurs, comme sur la scène des Variétés. Mais, en dépit de plusieurs projets d'uniforme, les députés durent se contenter

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de l'écharpe tricolore à franges d'or, qui ne sera portée d'ailleurs que dans les cérémonies. La foule, toujours sim- pliste, en éprouvera au fond d'elle-même quelque déception.

On ne respecte bien que ce que l'on admire, et on admire d'abord ce qui séduit et ce qui plaît. La parure, qui est un hommage à autrui, impose par la priorité qu'elle a sur des vertus qui demandent généralement une longue patience.

Les généraux de l'an II, qui seront tous Jacobins de cœur, ne dédaigneront pas les dorures et le panache. Le chapeau à plumes tricolores fascinera, comme le drapeau, les soldats en sabots et carmagnoles.

Les Conventionnels n'offrent donc, aux yeux avides d'éton- nement, qu'un aspect bourgeois, pour le moment du moins.

Sur les bancs de la Montagne, Grégoire siège en robe épis- copale, et c'est ainsi qu'il montera au fauteuil présidentiel.

Robespierre, en perruque poudrée, a l'air d'un petit-maître.

Des chuchotements admiratifs accueillent Saint-Just engoncé dans sa haute cravate, et le bel Hérault de Séchelles, vêtu à l'ancienne mode. Billaud-Varenne, dans ses coquets ajuste- ments, contrebalance Carnot et sa mise sévère. On ne compte pas six énergumènes qui endossent la carmagnole ; quant au bonnet rouge, Marat lui-même le rejette. Chabot, qui a cru produire son effet en le portant au-dehors, le dissimule prudemment en entrant dans la salle des séances. Seul Armonville comme naguère Grangeneuve à la Législative se présente un jour à la tribune avec cette coiffure inusitée.

Il soulève une telle tempête qu'il est contraint de la retirer sur-le-champ.

Enfin, malgré une fraternisation apparente, les représen- tants ne se laissent pas aborder sans un certain cérémonial.

Nombreux, en effet, sont les électeurs qui ont une faveur à demander à leurs élus. La démocratie a su conserver de l' Ancien Régime le souci des distances. Les Conventionnels qui se plaignent déjà d'avoir à « répondre à trente lettres

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par jour » entendent se défendre contre le flot croissant des assiégeants. « Les citoyens qui auront à parler aux députés, lisons-nous aux Procès-verbaux du Comité des Inspecteurs, entreront librement dans la grande salle des pétitionnaires sans cartes, où ils trouveront soit des huissiers, soit des garçons de bureau pour faire appeler les députés. »

Le 19 septembre 1792, la Législative rend le dernier décret de sa courte carrière pour inviter son archiviste à convoquer « les députés à la Convention nationale pour demain 20 septembre 1792 à quatre heures de l'après- midi », au palais des Tuileries. Cette hâte place la nouvelle assemblée sous le signe grave de l'illégalité. Au jour fixé il n'y a, en effet, présents dans la capitale, que 371 repré- sentants sur 745 élus. Les autres n'ont pas eu le temps d'arriver. Dans cette séance liminaire qui a lieu à huis clos, on n'en élit pas moins le bureau. Le beau, naïf et vaniteux Jérôme Petion, maire de Paris, est nommé président à la presque unanimité. Les secrétaires sont : Condorcet, Bris- sot, Rabaut Saint-Étienne, Lasource, Vergniaud et Camus.

Dans tout cela pas un homme de gauche, pas un seul Mon- tagnard. Mais peut-on dire que ce soit là le vœu de la France entière ? Paris, à n'en point douter, a inspiré ce choix. Il a créé le climat favorable à ces nominations de droite. Pourquoi? Parce que Paris a su communiquer à chacun l'horreur des récents massacres de septembre.

Sur le front des terribles Jacobins on croit lire ce mot

1. Le nombre des députés était le même qu à la Législative, soit 745.

Toutefois, les départements des Bouches-du-Rhône et de la Drôme élurent chacun deux députés supplémentaires pour représenter le Vaucluse, devenu français et qui ne fut organisé en département que le 25 juin 1793. Le total sera donc, à cette époque, de 749.

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sanglant : septembre, et cela suffit pour écarter Danton, la grande force de la Révolution, Robespierre qui tient en main les clubs, Marat qui mène la populace. La Conven- tion, pour l'heure, est donc girondine, elle est bourgeoise.

Le lendemain 21 septembre, en présence des deux Assem- blées réunies, la Législative qui va finir et la Convention qui vient de naître, François, comte de Neufchâteau, avec une courtoisie toute d'Ancien Régime, souhaite la bienvenue à ses successeurs :

« Représentants de la Nation, l'Assemblée législative a cessé ses fonctions. Elle s'empresse de donner la première à tout l'empire l'exemple de la soumission aux lois que vous allez rendre.... Les motifs de division doivent cesser. La Nation entière est représentée, et vous allez établir une constitution sur les bases de la liberté et de l'égalité. Le but de vos efforts sera de donner aux Français la liberté, les lois et la paix.... Vous maintiendrez surtout, entre toutes les parties de l'empire, l'unité de gouvernement dont vous êtes le centre et le lien conservateur, et ainsi vous recueillerez les bénédictions de vos concitoyens. »

Tandis que se perdent les derniers applaudissements, la Convention quitte la salle des Tuileries et se rend au lieu ordinaire des délibérations du corps législatif, au Manège.

Voici donc l'Assemblée installée parmi les acclamations de la foule, entassée dans les tribunes de la petite enceinte qui va contenir un monde. Jérôme Petion monte au fauteuil, et les secrétaires s'asseyent à leurs places. On procède à l'appel nominal des présents et à la vérification de leurs pouvoirs, puis le nouveau Parlement rend le premier décret de son histoire :

« Les citoyens nommés par le peuple français pour former la Convention nationale, réunis au nombre de 371, après avoir vérifié leurs pouvoirs, déclarent que la Convention nationale est constituée. »

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Mais il convient d'apaiser certains esprits, de dissiper certaines rumeurs. Des bruits n'ont-ils pas circulé, inquié- tants, de tribunat et de dictature ? Marat, député de Paris, les a propagés, comme il a soutenu aussi la nécessité des massacres, et plusieurs représentants semblent solidaires de cet homme subversif. Danton, toujours intuitif, le comprend et propose une déclaration qui est adoptée en ces termes :

« La Convention nationale déclare qu'il ne peut y avoir de constitution que lorsqu'elle est acceptée par le peuple. » Il y a aussi les petits propriétaires qui s'inquiètent ; que présage de bon pour ceux qui ont un peu de bien au soleil ce nouvel aréopage? Une seconde proclamation les rassure :

« La Convention nationale déclare que la sûreté des per- sonnes et des propriétés est sous la sauvegarde de la Nation. » On respire un peu mieux. C'est alors que Manuel croit devoir faire une proposition inattendue. S'adressant à

« l'assemblée de philosophes occupés à préparer le bonheur du monde » — c'est ainsi qu'il désigne la Convention — il demande que le « Président de la France » soit logé dans le Palais national des Tuileries, qu'il soit précédé du signe de la loi et de la force publique, et que les citoyens soient tenus de se lever lorsqu'il paraîtra pour ouvrir les séances.

Manuel entend rendre ainsi hommage à la souveraineté du peuple. Infortuné Manuel! De toute part on se récrie. Va-t -on, à l'exemple de la Législative, perdre encore « beaucoup de temps à régler les dimensions du fauteuil du ci-devant Roi » ? Le président de la Convention ne doit pas être autre chose qu'un simple citoyen, et ceux qui désireront lui parler « iront le chercher au troisième ou au cinquième étage parce que c'est là que loge la vertu ». Voilà qui est dit.

Il y a, d'ailleurs, des questions plus pressantes. Si la

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royauté est vaincue et le Roi prisonnier, n'a-t-on pas à craindre un retour offensif du despotisme? « Nous savons trop bien, s'écrie Grégoire, que toutes les dynasties n'ont jamais été que des races dévorantes qui ne vivaient que de chair humaine. » Il importe, dès aujourd'hui, de donner un gage aux amis de la liberté. « Il faut détruire ce talisman magique dont la force serait propre à stupéfier encore bien des hommes, poursuit Grégoire. Je demande donc que par une loi solennelle vous consacriez l'abolition de la royauté. » Aussitôt, l'Assemblée se lève spontanément et décrète par acclamation cette proposition :

« La Convention nationale décrète que la royauté est abolie en France ! »

Des tribunes partent, mêlées aux cris de « Vive la Nation », des ovations prolongées. Au même moment, cent cinquante chasseurs organisés en compagnie franche sont admis dans la salle, ils entrent au son de la trompette et jurent sur leurs armes de ne revenir qu'après avoir triomphé de tous les ennemis de la liberté et de l'égalité.

Il ne reste que le temps pour Billaud-Varenne de propo- ser un dernier décret que le Moniteur, par un singulier oubli, ne mentionnera que quatre jours plus tard en quelques lignes. Ce décret stipule que désormais tous les actes publics seront datés de l'an I de la République française et que le sceau de l'État portera un faisceau surmonté du bonnet de la liberté avec ces mots pour exergue : La Répu- blique française.

C 'est ainsi que l'acte de fondation du régime de la France contemporaine est passé à peu près inaperçu.

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II

SILHOUETTES DANS LE VENT

A PPELÉES de toutes les provinces de France par la grande conscription électorale, les recrues de la politique arrivent à Paris. Beaucoup y viennent pour

la première fois et ils ne connaissent, de la capitale, que ce qu'une rumeur effrayée leur a apporté. Ils s'installent par groupes régionaux dans les hôtels avoisinant les Tui- leries et, comme leurs ressources sont modestes, ils font eux-mêmes leur ménage et leur cuisine. « J'ai un pot, deux casseroles, trois assiettes, deux plats, deux petites écuelles, deux verres, une cuiller d'emprunt, sans fourchette, ce que j'aurai promptement, écrit le député Dubreuil-Cham- bardel à sa belle-fille. Je fais mon fricot sans gouvernante....

Tout mon ménage est dans ma chambre.... » Un représen- tant malchanceux doit, faute de mieux, s'installer dans une loge de concierge.

Quels sont-ils ces sept cent quarante-cinq citoyens effacés, pour la plupart, aux regards de l'histoire? Une foule peu enthousiaste les a choisis dans toutes les professions et dans toutes les classes, mais plus particulièrement dans la bour- geoisie moyenne, les gens de lois, avocats, procureurs, fonc- tionnaires locaux. Vingt-neuf d'entre eux appartiennent à l'ancienne noblesse, seize sont évêques constitutionnels ; dix sont vicaires épiscopaux, vingt-sept prêtres ou moines, dix ministres protestants. Ce sont des hommes du XVIIIe siècle, au

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sens honnête du mot, disposés à apporter dans leur vie publique la même rectitude que dans leur vie privée. Cent quatre-vingt-six sortent de la Législative, soixante-dix-sept de la Constituante. Les deux tiers environ sont nouveaux.

On compte quarante-quatre élus de plus de soixante ans (quatre ont au-dessus de soixante-dix ans) et dix à peine au- dessous de trente. L'ensemble varie entre trente et cin- quante ans.

Une maigre indemnité de dix-huit livres par jour leur est allouée. Ils ne pourront espérer rien d'autre, car, dès le 24 septembre 1792, la Convention décrète l'incompatibilité du mandat législatif avec toute autre fonction et interdit, trois semaines plus tard, le cumul des traitements. Mais, pour chacun, le sacrifice de la vie heureuse et calme est chose délibérément acceptée. Combien même donneront davantage. Pour le moment, la relève s'effectue dans l'attente anxieuse des batailles toutes proches. En faisant l'appel des morts, la postérité jugera.

Ces morts, on les prévoit déjà dans ces suppléants dési- gnés par le corps électoral pour combler les vacances éven- tuelles. De 1793 à 1795, plus de cent soixante-dix de ces députés en expectative seront appelés, et les vides seront parfois si nombreux et si rapides que, dans certains dépar- tements, les listes des suppléants se trouveront épuisées.

A des hommes pleins d'exaltation et de fièvre sont mêlés

des rêveurs et des idéalistes. Les uns songent à la guerre,

d'autres à la vertu. Il y a ceux qui parlent de la guillotine

et ceux qui parlent de la suppression de l'esclavage et de la

pauvreté. Parmi les éloquences farouches qui symbolisent

la Terreur, il y a les silences féconds qui créent l'instruc-

tion publique et l'unification des poids et mesures. Tous

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les types humains sont là, toutes les formes de croyance et d'humanité.

Voici l'ornement et l'idole de la Gironde, l'indolent et gracieux Vergniaud, ancien avocat à Bordeaux. Du temps qu'il rimait, car il avait été poète, il avait symbolisé son idéal dans ce vers :

Regarder l'eau, quel plaisir ineffable!

Dans le fracas révolutionnaire, il reste impassible. Scep- tique, il laisse les autres s'agiter, prendre part aux combats dont, en ces temps dramatiques, la vie est l'enjeu. Quand son tour de proscription viendra, il s'abandonnera sans inter- rompre son rêve. Parfois, sous l'influence passagère d'une injustice ou d'un danger que par hasard il consent à ressen- tir, il se dresse, et toutes ses admirables facultés d'orateur entrent en jeu. Il prononce alors un de ces discours qui émerveillent ses ennemis mêmes, car il est « divin à entendre ». Puis il retombe dans son apathie accoutumée, ou s'en va jouer et muser avec les petits enfants. Il n'est grand qu'à la tribune ; à sa place il sommeille, indifférent à l'adversaire qui l'enserre et qui, tout à l'heure, le jettera à bas. Il ne connaît d'arme que la parole ; dédaigneux, il repousse les autres comme indignes de lui-même. Il méprise les violents qui, tels les ministres de l'Inquisition, invoquant leur Dieu de miséricorde au milieu des bûchers, parlent de liberté parmi les poignards et les bourreaux.

Gensonné, son ami, avocat comme lui, promène sa gravité proverbiale et hautaine. Il raillera les Jacobins, les divisant en aveugles et en importants, comparant plaisamment ces derniers aux oies du Capitole. « Mais, ajoutera-t-il, le peuple romain, par reconnaissance pour cette espèce de libérateurs, n'en fit pas des dictateurs ou des consuls....»

On rira, et ce rire rapprochera Gensonné de l'échafaud. Au suprême moment, il refusera l'aide d'un gendarme auquel il

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a sauvé la vie le 10 août 1792 et qui le suppliera de s'échap- per. A Talma, qui, dans sa prison, lui offrira un passeport pour s'évader, il dira fièrement non. Il rédigera un projet de défense non pour se sauver, mais par souci de sa mémoire.

Il ne recherchera rien pour lui-même : « Ma récompense, écrira-t-il avant de mourir, est dans mon cœur. »

Pour Guadet, cet autre avocat surnommé avec emphase par ses compatriotes « l'Eschine de la Gironde », avoir raison est le but suprême. Danton lui dira : « Guadet, tu ne sais pas faire le sacrifice de ton opinion à la Patrie, tu ne sais point pardonner : tu seras victime de ton opiniâtreté. » Qu'importe ! « Les hommes ne sont rien, s'écriera-t-il, la liberté est tout : c'est elle qu'il faut préserver. » Le soir du 10 août 1792, il s'est rendu aux Tuileries, où le Roi l'avait mandé. Il lui a donné des conseils et, au moment de partir, la Reine lui a offert de voir le Dauphin. Guadet, précédé de Marie-Antoinette, qui tenait un bougeoir allumé, s'est rendu dans la chambre de l'enfant et s'est penché sur son jeune sommeil. Il a embrassé le bambin et, très ému, a dit :

« C'est un bel enfant, Madame, il le faut bien élever.

— C'est ce que nous voulons faire », lui répondit la Reine.

Quand viendra l'heure tragique du jugement royal, il lui semblera difficile de tuer l'homme dont il aura embrassé l'enfant. Il dira : « Je ferai tout ce que je pourrai pour sau- ver la vie de Louis XVI. » Il votera la mort, mais deman- dera le sursis. Le souvenir de la nuit des Tuileries hantera sa conscience.

C'est encore du barreau que vient Barbaroux ; cet Antinoüs marseillais est beau, excessivement beau,

« superbe », nous dit la fille de Valazé, qui l'a bien connu.

Est-ce le souci de garder pour lui-même et pour ses innom- brables adoratrices ce physique exceptionnel qui le fit se cacher prudemment durant la journée du 10 août? Il est vrai qu'il n'avait pas ménagé aux six cents Marseillais qu'il

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prétendait avoir recrutés pour venir attaquer le château les conseils de modération. « Ne vous mettez jamais au premier rang, surtout aux endroits dangereux. » Pour des compatriotes, il ne pouvait faire mieux. C'est lui qui, le 11 décembre 1792, présentera l'implacable acte d'accusation contre Louis XVI. On le verra à la tribune dans des cir- constances moins dramatiques. Un jour il fera simplement le projet d'amener l'Océan à Paris. Il sera néanmoins autre chose qu'un fanfaron, et le « beau Barbaroux » saura, au moment de la chute des Girondins, rester à son poste et lutter courageusement contre la mort.

Le pur et noble amour de Mme Roland pare Buzot, élève sa pensée, stimule son généreux enthousiasme.

Toute la vie brève de cet avocat d'Évreux sera imprégnée de ce souffle profond, de cette flamme ardente aussi brû- lante que la flamme patriotique. Le rôle politique de Buzot sera constamment traversé par ces éclairs qui feront de cet homme le précurseur des Romantiques et leur maître aussi. « Quiconque sait aimer comme vous, lui écrira Mme Roland de sa prison, porte avec soi le principe des plus grandes et des meilleures actions, le prix des sacri- fices les plus pénibles, le dédommagement de tous les maux. » Il tentera de sauver son amie : « Je la sauverai, s'écriera-t-il, ou je périrai avec elle. » Il devra renoncer à sa noble ambition et entreprendra avec ses collègues l'odyssée qui se terminera de façon si tragique le 30 prairial an II.

En apprenant l'exécution de la prisonnière tant aimée, il jettera cette plainte désespérée : « Elle n'est plus.... Les scélérats l'ont assassinée. Jugez s'il me reste quelque chose à regretter sur la terre. »

Gauche, timide, le géomètre Condorcet, membre de

l'Académie des Sciences, professe « la passion et la religion

du bonheur du genre humain ». Voué dans son enfance à la

Vierge et à la couleur blanche des missionnaires, il a porté

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LES G R A N D S J O U R S DE LA C O N V E N T I O N

• La Convention juge le Roi.

• La peur s'installe à la Convention.

• La révolution menacée par la banqueroute.

• La Place de la Concorde succède à la Place de la Révolution.

PAR JACQUES C ASTELNAU

Imprimé en France.

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