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Les effets du CICE : une évaluation ex post

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Les effets du CICE : une évaluation ex post

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Fabrice Gilles2, Yannick L’Horty3, Ferhat Mihoubi4 et Xi Yang5

Avril 2018

Résumé

Partant d’un montant initial de plus de 10 milliards d’euros en 2013, le Crédit d’Impôt pour la Compétitivité et l’Emploi (CICE) atteint près de 20 milliards d’euros chaque année à partir de 2014. L’objet de cet article est d’évaluer les effets de cette aide à la fois massive, générale et ciblée pour les années de 2013 à 2015. Nous nous appuyons sur un ensemble de bases de données exhaustives, qui apparient des sources fiscales et comptables d’entreprises de l’INSEE, la DGFIP et l’ACOSS. Nous trouvons un effet positif sur l’emploi moyen, sur la masse salariale et sur le volume des heures travaillées, concentré sur les entreprises qui ont bénéficié du taux maximal de CICE. Cet effet positif mais faible par son ampleur se double d’un changement dans la structure des emplois, avec une progression de l’emploi ouvrier ; de l’emploi en CDD en 2013 et plutôt en CDI en 2014-2015 ; de l’emploi des moins de 30 ans et des 50 ans et plus ; de l’emploi des femmes. Le CICE aurait aussi eu un effet positif sur les salaires (moyens au niveau entreprise, ou individuel) ; la masse salariale se serait donc accrue.

Enfin, les effets sur l’activité sont dans l’ensemble plus contrastés suivant le bénéfice du CICE. Nous trouvons un effet plutôt positif sur le résultat ; plutôt négatif sur l’EBE, le chiffre d’affaires, la valeur ajoutée et la productivité ; nul sur les marges et les dividendes.

Mots clés : politique publique, coût du travail, modèle d’effet d’un traitement.

Codes JEL : C21, J3, J38.

Ce travail a bénéficié du soutien de France Stratégie et du suivi en particulier d’Amandine Brun-Schammé, Rozenn Desplatz et Antoine Naboulet. Il a également bénéficié des remarques de Philippe Askénazy, Sébastien Roux et Alain Trannoy que nous remercions pour leurs suggestions. Les auteurs remercient également l’ensemble des services producteurs pour leur travail de préparation des données et pour avoir facilité leur accès, et notamment Ketty Attal- Toubert, Thomas Balcone, Sylvie Dumartin, Gérard Forgeot, Cyrille Hagneré, Florian Lezec, Béatrice Maubras, Maryline Rosa, Géraldine Séroussi, Fabienne Sachwald et Alassane Sy.

Nous remercions également Mathieu Bunel pour son aide.

1Cet article s’inscrit dans le cadre de l’évaluation des effets du CICE à la demande de France Stratégie qui a débuté en 2016. Il a été rédigé à partir du 4ème rapport final récemment remis à France Stratégie en mars 2018, après ceux de septembre 2016, mars et octobre 2017.

2Université de Lille, LEM-CNRS (UMR 9221) and TEPP-CNRS (FR 3435), fabrice.gilles@univ-lille.fr . 3Université Paris-Est Marne la Vallée, ERUDITE (EA 437), UPEC, UPEM, and TEPP-CNRS (FR 3435), yannick.lhorty@u-pem.fr .

4Université Paris-Est Créteil, ERUDITE (EA 437), UPEC, UPEM, and TEPP-CNRS (FR 3435), ferhat.mihoubi@u-pec.fr .

5Université Paris-Ouest Nanterre La Défense, ECONOMIX (UMR 7235), n_yang319@hotmail.com .

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Introduction

Suite au constat de dégradation des marges des entreprises et de la nécessité de restaurer leur compétitivité, établi par le rapport de Louis Gallois (2012), le Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) a été mis en œuvre en France à partir du 1er janvier 2013. Il s’agit d’une réforme majeure tant sur le front de la lutte contre le chômage que sur celui des aides aux entreprises. Partant d’un montant initial de plus de 10 milliards d’€ en 2013, la première année de mise en œuvre, cette aide atteint près de 20 milliards d’euros chaque année entre 2014 et 2016. Elle est portée à près de 25 milliards en 2017, soit plus d’un point de PIB.

Il s’agit d’une mesure comparable dans son ampleur aux exonérations générales de cotisations sociales, avec qui elle devrait fusionner à l’horizon 2018, dans le cadre du pacte de responsabilité.

Dans cet article, nous proposons une évaluation ex post de cette mesure. Le principe est de comparer l’évolution effective de différentes variables de résultats, telles que l’emploi ou les salaires, à celle qui aurait eu lieu en l’absence de la mesure. Pour pouvoir observer les évolutions effectives des variables de résultats, il importe d’accéder à des bases de données d’entreprises. Afin d’évaluer les effets du CICE, il importe de se donner une méthodologie d’évaluation adaptée aux caractéristiques de la mesure que l’on souhaite évaluer. Nous menons à bien ce type d’évaluation en nous appuyant sur l’appariement d’un large ensemble de bases exhaustives de données d’entreprises. Nous exploitons des sources administratives mises à disposition par l’ACOSS, la DGFIP et l’INSEE. A partir de ces données comptables et fiscales6 deux échantillons d’entreprises pérennes ont été constitués, qui couvrent pour l’un la période 2009-2015 (128 000 unités légales), pour l’autre la période 2004-2015 (72 000 unités légales).7

Notre objectif est d’évaluer les effets du CICE sur l’emploi (total et par catégorie) et les salaires d’une part, les performances économiques des entreprises, d’autre part. Pour cela, nous mobilisons une méthodologie de type double (ou triple) différence basée sur les différences d’intensité du traitement (degré de bénéfice du CICE), combinée à des variables instrumentales pour tenir compte de l’endogénéité du traitement, tout en contrôlant de nombreuses caractéristiques d’entreprises. Nous présentons les résultats sur données de panel de deux jeux d’estimations permettant de mesurer les effets du CICE en 2013 et 2014, d’une part, et en 2013 et en moyenne sur 2014-15.

Le CICE aurait eu un impact positif mais faible sur l’emploi moyen des entreprises les plus bénéficiaires. Cet effet se double d’un changement dans la structure de l’emploi, principalement au profit de l’emploi ouvrier, mais également de l’emploi en CDD (en 2013) ou en CDI (2014-2015), des moins de 30 ans et des 50 ans et plus, voire des femmes. Le CICE aurait aussi eu un effet positif sur les salaires (annuels moyens au niveau entreprise, ou horaires individuels) ; on retrouve donc un effet positif du CICE sur la masse salariale. Les effets du CICE sur l’activité sont plus contrastés et ne concernent pas uniquement les plus forts bénéficiaires de la mesure. Ainsi, nous trouvons un effet plutôt positif sur le résultat ;

6Outre l’aval du comité du secret et des services producteurs, il a été nécessaire d’obtenir les autorisations pour fusionner ces données avec des sources fiscales dans le cadre du Centre d’Accès Sécurisé à Distance.

7Nous limitons donc l’analyse aux effets du CICE sur les entreprises pérennes. Il est clair que le CICE peut produire également des effets sur la survie des entreprises qui peuvent avoir des conséquences sur l’emploi, les salaires et la compétitivité. Ces effets au travers de la démographie des entreprises sont donc en dehors du champ d’observation du présent article.

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plutôt négatif sur l’EBE, le chiffre d’affaires, la valeur ajoutée et la productivité ; aucun effet sur les marges, la rentabilité et les dividendes.

La première section présente le CICE. La deuxième section décrit les difficultés posées par l’évaluation. La troisième présente les sources statistiques et les caractéristiques des bénéficiaires du CICE. La quatrième section expose la stratégie d’identification retenue et la cinquième section fournit les résultats. La sixième section conclut.

1. La politique publique : le CICE

Mis en œuvre à partir de 2013, le Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) est à la fois une mesure générale, massive et peu ciblée dans son objet. Elle est générale parce qu’elle concerne potentiellement toutes les entreprises, employant au moins un salarié et qui n’appartiennent pas au champ des administrations publiques, à l’image des exonérations générales de cotisations sociales. Elle est massive parce que, partant d’un montant initial de plus de 10 milliards d’€ en 2013, l’aide atteint près de 20 milliards d’euros chaque année entre 2014 et 2016, soit un point de PIB chaque année. Elle est peu ciblée dans son objet parce que, selon l’article 244 quater C du code général des impôts, qui définit le CICE, il s’agit pour les entreprises de financer « l'amélioration de leur compétitivité à travers notamment des efforts en matière d'investissement, de recherche, d'innovation, de formation, de recrutement, de prospection de nouveaux marchés, de transition écologique et énergétique et de reconstitution de leur fonds de roulement ». Les entreprises ont été laissées libres de choisir entre l’ensemble de ces destinations. Aucune condition d’usage, ni aucun contrôle ne leur a été imposé. Les seules restrictions sont que le crédit d'impôt ne peut « ni financer une hausse de la part des bénéfices distribués, ni augmenter les rémunérations des personnes exerçant des fonctions de direction dans l'entreprise ».

Le barème du CICE est particulier. L’aide est uniforme, avec un crédit d’impôt de 4% en 2013, porté à 6% à partir de 2014, sur tous les salaires sous la limite maximale de 2,5 Smic.

Elle a donc une forme de marche d’escalier dans un plan salaire-taux apparent de CICE, avec un effet de seuil très marqué autour de 2,5 Smic. Les salariés rémunérés au-delà du seuil, correspondant à un peu plus de 3500 euros bruts mensuels, ne sont pas concernés par le dispositif. Un euro d’augmentation de salaire pour un salarié rémunéré au voisinage du seuil implique une perte de plus de 2500 euros d’aide pour l’employeur, en 2016. La mesure est générale et bénéficie à toutes les entreprises. Le montant total du crédit d’impôt diffère selon les entreprises, en fonction de la distribution des salaires qu’elles versent. Ce barème est très différent de celui des exonérations de cotisations sociales, beaucoup plus concentrées dans le bas de la distribution des salaires (graphique 1).

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Graphique 1. Le barème du CICE

Les conséquences économiques d’un crédit d’impôt à la fois général, massif et peu conditionnel tel que le CICE, a fortiori lorsqu’il est d’un montant variable selon chaque entreprise, sont très difficiles à établir. Le CICE est une forte baisse d’impôt sur les sociétés qui se traduit de façon comptable par une amélioration de leurs marges bénéficiaires. Ce choc de marge a pu modifier les prix relatifs sur l’ensemble des marchés, les niveaux de transactions, l’allocation des facteurs de production dans des directions qui ne peuvent pas être établies a priori. Il met en jeu des mécanismes économiques multiples, tant au niveau microéconomique des décisions des entreprises, qu’aux niveaux inter-sectoriel et macroéconomique, selon une logique d’équilibre général. D’un strict point de vue théorique, compte tenu de la variété de ces mécanismes, l’impact de ce type de mesure est donc largement indéterminé. Selon le principe de l’incidence fiscale, il y a peu de rapport entre l’assiette d’un prélèvement obligatoire et ses conséquences effectives : l’entreprise qui perçoit le crédit n’est pas nécessairement celle qui en bénéficie en dernier ressort.

Les évaluations ex ante du CICE (en particulier : Plane (2012), Ducoudré, Heyer et Plane (2015), Hagneré et Legendre (2016)) reposent sur de très nombreuses hypothèses sur ces différents mécanismes. Elles conduisent d’ailleurs à des résultats contrastés. Le premier chiffrage réalisé par l’OFCE avant même que la mesure ne soit mise en œuvre, à l’aide du modèle e-mode.fr, tablait sur la création de 150 000 emplois à l’horizon de cinq ans. Un autre chiffrage de l’OFCE sur la base d’une macro-simulation sur 16 branches d’activité, conduit à un effet inter-sectoriel de 120 000 emplois créés ou sauvegardés. Les micro-simulations menées sur données d’entreprises par l’ACOSS conduisent quant à elles à la création ou la sauvegarde de 260 000 emplois. Selon ces évaluations ex ante, le coût par emploi créé ou sauvegardé serait compris entre 65 000 et plus de 140 000 euros. Retenons qu’en moyenne, ces trois évaluations considèrent que le CICE est susceptible de créer près de 180 000 emplois.

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2. Les difficultés de l’évaluation ex post

Le principe de l’évaluation ex post est de comparer l’évolution effective de différentes variables de résultats, telles que l’emploi ou les salaires, à celle qui aurait eu lieu en l’absence de la mesure. Pour pouvoir observer les évolutions effectives des variables de résultats, il importe d’accéder à des bases de données d’entreprises. Afin de comparer l’évolution des variables de résultat dans les entreprises bénéficiant du CICE à celle qui aurait prévalu en l’absence de cette mesure (situation contrefactuelle), il importe de se donner une méthodologie d’évaluation adaptée aux caractéristiques de la mesure considérée.

Dans le cadre de la méthodologie d’évaluation ex post, la meilleure manière de définir le contrefactuel est donnée par une approche purement expérimentale. Dans le cadre d’une expérience contrôlée, on définit par tirage au sort deux groupes d’entreprises. Un groupe-test bénéficie de la mesure tandis qu’un groupe témoin (ou de contrôle) n’en bénéficie pas. Si les groupes ont été construits par un tirage aléatoire et s’ils comprennent suffisamment d’entreprises, la loi des grands nombres indique qu’ils seront de même composition, y compris vis-à-vis de toutes les variables déterminantes que l’on ne peut pas observer. Evaluer consiste alors à comparer l’évolution des variables de résultat entre les deux groupes. Les différences entre les entreprises tests et témoins correspondent à l’effet causal de la politique publique, que l’on nomme aussi traitement. L’évaluation du CICE ne relève évidemment pas de ce type de protocole idéal. Il s’agit d’une mesure générale qui n’a fait l’objet d’aucune expérimentation : le traitement a touché toutes les entreprises8 en même temps, à partir du premier janvier 2013. Aucun échantillon témoin n’a été défini de façon préalable et aucun ne peut être reconstruit a posteriori de façon à mimer le résultat d’un tirage au sort selon une approche quasi-expérimentale. Le CICE est une mesure générale avec une assiette salariale très large qui n’a pas fait l’objet d’une expérimentation et qui s’applique à toutes les entreprises. Il est donc hors de portée de construire un groupe témoin d’entreprises qui n’auraient pas été affectées par le traitement (seules 6% des entreprises n’ont pas du tout bénéficié du CICE et elles ont des caractéristiques très particulières). C’est une sérieuse limite dans le cadre d’une évaluation de politiques publiques selon une approche micro- économétrique, qui s’inscrit dans le domaine de recherche en expansion décrit par James Heckman (2000) lors de sa conférence pour le prix Nobel en économie. Il paraît donc impossible de construire un contrefactuel satisfaisant.

Cependant, une deuxième caractéristique du CICE peut permettre de surmonter cette difficulté. Le CICE est une mesure générale mais c’est également une mesure ciblée, sur les salaires inférieurs ou égaux à 2,5 Smic. Si elle touche toutes les entreprises, elle ne les touche pas avec la même intensité. Certaines entreprises vont être fortement bénéficiaires du CICE tandis que d’autres ne vont en bénéficier que de façon marginale. Une entreprise à bas salaires va bénéficier du taux maximal de crédit d’impôt (son taux apparent de CICE sera de 6% en 2014) tandis qu’une entreprise qui comprend une proportion importante de salariés rémunérés au-delà de 2,5 Smic va être moins bénéficiaire du CICE. A l’extrême, le taux apparent de

8Par ailleurs, la question du non-recours au CICE ne se pose pas puisqu’il est calculé automatiquement par l’administration à partir du montant de l’assiette du CICE renseigné par les entreprises lors de leurs déclarations obligatoires auprès des URSSAF. Malgré cela, on observe que ces déclarations n’ont pas été systématiques lors de la première année d’entrée en vigueur du CICE.

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CICE est nul pour les entreprises qui ne comprennent aucun salarié rémunéré en dessous de 2,5 Smic. Notons que le seuil de 2,5 Smic est un seuil élevé dans la distribution des salaires.

Selon les données publiées par l’INSEE et issues des DADS, ce seuil se situe entre le 8 ème et le 9 ème décile de la distribution des salaires.

Ces différences d’exposition au traitement sont entièrement dues à un facteur unique : les différences dans la structure des salaires et plus précisément la part des salaires au-dessous de 2,5 Smic. Dans chaque entreprise, le taux apparent de CICE rapporte le montant du CICE à la masse salariale totale. Il est donc envisageable d’utiliser ces modulations dans l’intensité du traitement à des fins d’évaluation. Pour cela, il suffit d’effectuer une partition au sein des entreprises en distinguant différentes classes d’exposition au traitement. En suivant la méthodologie proposée dans Florens et alii (2008), l’évaluation repose sur la différence dans le dosage du traitement plutôt que dans l’application ou non du traitement. C’est cette démarche que nous retenons, en considérant un modèle de type double différence (Ashenfelter et Card, 1985) suivant le degré d’exposition au CICE. C’est aussi celle qui est retenue pour l’évaluation de mesures similaires au CICE comme les exonérations de cotisations sociales qui partagent la double propriété d’être à la fois générales et ciblées (Bunel et alii 2009 ; Bunel et L’Horty, 2012 ; Crépon et Desplatz, 2001).

Le problème de cette approche est que les entreprises fortement bénéficiaires du CICE n’ont pas les mêmes caractéristiques que celles qui en bénéficient peu. Un groupe de contrôle réunissant les entreprises les moins bénéficiaires du CICE n’est pas issu d’une sélection au hasard et ne constitue pas spontanément un bon contrefactuel. Il réunit pour l’essentiel les entreprises à hauts salaires qui sont particulières du point de vue de l’ensemble des déterminants de l’emploi, des salaires et de la compétitivité.

L’économétrie permet de raisonner toutes choses par ailleurs et de neutraliser l’effet des différences de composition entre les groupes d’entreprises plus ou moins bénéficiaires. Si l’on dispose de bases de données suffisamment riches pour documenter ces différences, il devient possible de les neutraliser dans le cadre d’une évaluation en introduisant ces variables de contrôle dans les régressions. Dans cet article, nous utilisons des bases comptables et fiscales appariées qui comprennent un vaste ensemble d’indicateurs sur les caractéristiques des entreprises. Pour autant, même avec des bases de données très riches, on ne peut pas neutraliser toutes les différences entre les entreprises plus ou moins bénéficiaires du CICE.

Ces contrôles sont utiles mais ils ne portent que sur les variables observables dans les bases de données. Or des variables inobservables peuvent également co-déterminer la structure des salaires et l’évolution de l’emploi dans les entreprises. On peut évoquer par exemple les caractéristiques personnelles du chef d’entreprise, l’organisation du travail dans l’entreprise, la nature des techniques de production, par exemple. Il est important de contrôler aussi ces sources d’hétérogénéité pour mesurer un effet causal du traitement.

Une difficulté supplémentaire réside dans l’existence potentielle de biais d’endogénéité. Dans le cas du CICE, la structure des salaires détermine complètement l’intensité d’exposition au traitement. Or elle est elle-même déterminée aussi par les variables de résultat qui nous intéressent : l’emploi, les salaires, l’activité et la compétitivité. On peut attendre par exemple qu’une entreprise très compétitive soit fortement créatrice d’emploi et qu’elle distribue plus fréquemment des salaires élevés. Elle sera alors peu exposée au CICE. L’intensité d’exposition au traitement est donc déterminée en partie par la valeur des variables de résultat

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(on dit qu’il est endogène). Il importe de tenir compte de ce biais potentiel pour évaluer un effet causal du traitement.

Pour essayer de tenir compte de cette endogénéité, nous combinons le modèle en double différence avec une méthode par variables instrumentales, où le dosage du CICE est instrumenté par l’intensité de l’intention de traiter (Auten et Carroll, 1999), c’est-à-dire le taux apparent de CICE simulé avant la mise en place de la mesure.

3. Données et caractéristiques des entreprises bénéficiaires du CICE

Nous nous appuyons sur un ensemble de bases de données exhaustives, qui combinent des sources fiscales et comptables d’entreprises, afin d’évaluer l’impact du CICE sur l’emploi et les salaires d’une part, les performances de l’entreprise d’autre part. Ces bases apparient des données individuelles d’entreprises combinant des sources INSEE, DGFIP, et ACOSS.

3.1 Sources statistiques et constitution de l’échantillon

Notre fusionnons quatre sources exhaustives d’information au niveau des entreprises : les Bordereaux Récapitulatifs de Cotisations (BRC ; source : Agence Centrale des Organismes de Sécurité Sociale – Acoss), les Déclarations Annuelles de Données Sociales (DADS ; source : Inséé), les Fichiers Approchés des Résultats Esane (FARE ; source : Inséé et Dgfip) et les Mouvements sur Créances (MVC ; source : Direction Générale des Finances Publiques - Dgfip).

Nous avons d’abord besoin d’une information sur le montant du crédit d’impôt au niveau de l’entreprise. L’administration fiscale française (Dgfip) fournit un renseignement précis dans la base MVC sur le montant de la créance CICE dont bénéficient les entreprises chaque année depuis 2013.

Dans la base BRC de l’Acoss-Urssaf, on dispose notamment de renseignements sur le montant des exonérations de cotisations patronales, mais également d’informations sur la masse salariale et des effectifs totaux (moyens et au 31/12) pour les entreprises relevant du régime de la sécurité sociale9.

Ensuite, les DADS (fichier « postes ») produites par l’Insee nous permettent de disposer d’une information exhaustive sur l’emploi, les heures travaillées, les salaires et leurs décompositions par catégorie socio-professionnelle, genre, âge et type de contrat de travail.

Enfin, le fichier FARE produit par l’Inséé et la Dgfip rassemble l’information sur les comptes de résultat et les bilans des entreprises. Il fournit en particulier des indications sur le chiffre d’affaires, la valeur ajoutée, l’excédent brut d’exploitation, le résultat net, l’investissement, les dividendes et nous permet de calculer le taux de marge, la rentabilité économique ou la productivité apparente du travail10.

9 Cette source fournit également le montant de la masse salariale éligible au CICE (ensemble des salaires inférieurs ou égaux à 2,5 fois le salaire minimum). Une mise en cohérence des informations produites a été réalisée par l’Acoss et la Dgfip.

10 FARE nous permet aussi de disposer d’une troisième source d’informations sur des effectifs, moyens et au 31 décembre, ainsi que sur la masse salariale.

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A partir de ces sources, nous constituons deux échantillons d’entreprises pérennes. L’un court mobilise les sources précédemment décrites sur la période 2009-2015 en considérant des sources dont le format est inchangé sur la période. L’autre long sur la période 2004-2015 utilise FICUS sur la période 2004-2007, FARE en 2008 mais avec un ensemble d’information plus restreint, et les fichiers DADS avant la mise en place de la version grand format.

Champ de l’étude et construction de la base de données

Sur la fusion de ces quatre sources d’information, nous appliquons deux catégories de filtres.

La première catégorie de filtres porte sur le champ des entreprises retenues dans l’échantillon.

Dans un premier temps, nous considérons l’éligibilité des entreprises au CICE. Seules les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés sont présentes dans le fichier MVC. Ceci implique donc que les entreprises du secteur public ne sont pas considérées, pas plus que les celles à but non lucratif. Par ailleurs, les entreprises de petites tailles relèvent fréquemment de régimes fiscaux spécifiques (régime forfaitaire, réel simplifié ou encore régime micro-social simplifié avec paiement de l’impôt sur le revenu). Les fichiers MVC ne recensent que les entreprises relevant de l’impôt sur les sociétés. C’est pour cette raison que nous avons considéré les entreprises de 5 salariés et plus.

Les entreprises appartenant au secteur agricole sont affiliées à un autre régime de sécurité sociale (MSA) et n’apparaissent donc pas dans les fichiers BRC de l’Acoss. Nous avons donc également éliminé toutes les entreprises du secteur agricole.

Les entreprises des secteurs de l’assurance et de la finance sont sous-représentées dans FARE et les variables mesurant leur activité sont assez différentes de celles des entreprises des autres secteurs. Nous n’avons donc pas considéré ces entreprises.

Jusqu’en 2014, la question de la rétrocession du CICE perçu par les entreprises du secteur du travail temporaire à leurs clients n’était pas tranchée. Par conséquent, en 2013 et au début de 2014, l’usage fait du CICE par les entreprises d’intérim n’est pas clair. Là encore, nous n’avons pas retenu ces entreprises.

La seconde catégorie de filtres porte sur la cohérence des informations entre sources au niveau des entreprises. Compte tenu du fait qu’en théorie le taux de CICE à une valeur maximum (4% en 2013, 6% en 2014 et 2015), nous ne considérons pas les entreprises caractérisées par un taux apparent de CICE supérieur à 5% en 2013 et 8% en 2014 et 2015.

Nous éliminons également les entreprises pour lesquelles le montant du CICE est supérieur (en valeur absolue) à 50% dans une source par rapport à l’autre (BRC / MVC).

Nous ne considérons que les entreprises pour lesquelles l’information est cohérente entre les trois sources BRC, DADS et FARE. En effet, des salariés de certaines grandes entreprises nationales conservent un statut de fonctionnaire. Par conséquent, le niveau de l’emploi des DADS peut être inférieur à celui des deux autres sources. Nous conservons ainsi les entreprises avec un écart d’emploi inférieur à 100% et supérieur à -50%. Cette condition n’est appliquée qu’aux firmes de plus de 20 salariés.

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Nous éliminons les entreprises dont les ratios financiers enregistrent des valeurs extrêmes (inférieures au 1er percentile ou supérieures au 99ème percentile de leur distribution au sein des firmes pour une année donnée).

Echantillons utilisés

Sur la base de ces restrictions, nous construisons deux échantillons. Notre premier échantillon rassemble 128 378 entreprises pérennes sur une période allant de 2009 à 2015, alors que le deuxième échantillon comporte un plus petit nombre d’entreprises mais pérennes sur une plus longue période (2004-2015).

Les caractéristiques des entreprises issues de cet appariement des fichiers BRC-DADS- FARE-MVC (nombre d’entreprises, masse salariale, assiette du CICE et montant de la créance CICE) figurent dans le tableau 1 pour le champ retenu, avant et après restrictions, figurent pour les deux échantillons que nous avons constitués (2009-2015 et 2004-2015).

Tableau 1. Bases appariées et cylindrées.

Masse salariale totale (milliards d’euros) Assiette CICE (<=2,5 SMIC) (milliards d’euros) Montant du CICE (milliards d’euros) Effectif total moyen (millions) Effectif total au 31/12 (millions Nombre entreprises (milliers)

Bases appariées DADS-BRC- FARE-MVC

365,90 217,04 8,68 11,87 11,72 865,13

Suppressions des observations incohérentes

310,96 189,90 7,60 9,94 9,87 673,59 Base d’entreprises pérennes sur la

période 2012 à 2013

307,34 187,64 7,51 9,75 9,74 608,38 Bases d’entreprises pérennes de 5

salariés et plus sur la période 2009 à 2015

147,24 98,39 3,94 4,78 4,75 128,38

Bases d’entreprises pérennes de 5 salariés et plus sur la période 2004 à 2015

99,39 65,96 2,64 3,17 3,17 72,89

Sources : BRC (Acoss), DADS-FARE (Insee) et MVC (Dgfip).

Champ : Toutes les entreprises assujetties à l’impôt sur les sociétés, hors secteur public, secteur agricole, financier, assuranciel et agences d’intérim.

3.2 Caractéristiques des bénéficiaires du CICE

Distribution du taux de CICE

Nous nous focalisons sur une variable de traitement : le taux apparent de la créance CICE qui rapporte la créance issue des fichiers Mouvements sur créances (MVC) à l’assiette de salaire brut issue des Déclarations annuelles de données sociales (DADS).

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Graphique 2a. Distribution du taux apparent de CICE en 2013.

Sources : BRC (Acoss), DADS-FARE (Insee) et MVC (Dgfip).

Champ : échantillon de 128 378 entreprises de 5 salariés et plus présentes sur la période 2009-2015.

Graphique 2b. Distribution du taux apparent de CICE en 2014.

Sources : BRC (Acoss), DADS-FARE (Insee) et MVC (Dgfip).

Champ : échantillon de 128 378 entreprises de 5 salariés et plus présentes sur la période 2009-2015.

Ce taux varie d’une entreprise à l’autre en fonction des différences dans les distributions de salaires. La moyenne est de 2,57 % en 2013 et de 3,82 % en 2014. La médiane de 3,26 en 2013 et de 4,09 en 2014. Nous distinguons les entreprises selon le bénéfice qu’elles ont retiré du CICE en constituant quatre groupes composés du même nombre d’entreprises des moins bénéficiaires aux plus bénéficiaires du CICE, soit quatre quartiles d’entreprises.

Q1 Q2 Q3 Q4

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Description des bénéficiaires

Nous présentons les caractéristiques des entreprises bénéficiaires et l’évolution de leur situation entre 2012 et 2015. A ce stade, il s’agit de simples statistiques descriptives sur notre échantillon court d’entreprises pérennes de plus de 5 salariés sur la période 2009-2015.

Les caractéristiques des entreprises bénéficiaires sont présentées dans les tableaux A1 et A2 en annexe A. On y distingue quatre quartiles d’entreprises, des moins bénéficiaires (avec un taux apparent de CICE de moins de 3,83 % en 2015) aux plus bénéficiaires du CICE (avec un taux apparent dépassant 5,75 %). Chaque quartile comprend environ 32 100 entreprises. Il s’agit de comparer les caractéristiques des entreprises dans ces différents groupes.

De petites entreprises à bas salaires

Les entreprises qui ont été les plus bénéficiaires du CICE (mesuré à l’aide du taux apparent du CICE) sont surtout des petites entreprises du tertiaire (73,5 %), composées de moins de 20 salariés en moyenne, pour un chiffre d’affaires (CA) de 2 194 000 € en 2014, avec une intensité capitalistique et un CA à l’exportation relativement faibles. Les entreprises les moins bénéficiaires ont les caractéristiques inverses. Leurs effectifs moyens approchent les 50 salariés pour un CA de près de 15 millions d’€ en 2014, avec une intensité capitalistique de près de plus de 80 000 € par salarié et un quart du chiffre d’affaires réalisé à l’exportation.

Elles sont moins majoritairement issues du tertiaire (64,7 %).

Les entreprises les plus bénéficiaires affichent globalement une plus grande fragilité financière. Leur taux de marge est d’à peine 15 % contre près de 20 % pour les moins bénéficiaires. Le taux d’endettement est proche de 50 % contre moins de 35 % pour les moins bénéficiaires. La productivité du travail est par ailleurs plus faible.

Les salariés de ces entreprises sont principalement des employés et des ouvriers. La part des professions intermédiaires et des cadres y est assez faible. Le salaire moyen est plus faible que dans les entreprises qui ont moins bénéficié du CICE. En moyenne annuelle, il est d’un peu plus de 20 000 €, contre plus du double dans les 25 % d’entreprises les moins bénéficiaires.

La part de femmes et celles des moins de 30 ans y est la plus forte, tandis que la part des moins de 50 ans est la plus faible. Les salariés sont plus fréquemment en CDD et à temps partiel. A l’inverse, les entreprises qui ont le moins bénéficié du CICE sont celles qui emploient le plus de cadres et de salariés de plus de 50 ans, où la part de femmes est la plus faible, et où la proportion de CDI et de temps complet est la plus élevée.

Ces différences de composition existent en 2013 comme en 2014 et 2015. Elles renvoient aux effets du seuil de 2,5 Smic dans l’attribution du CICE. Elles suggèrent qu’il est important de bien contrôler par toutes ces variables dans les estimations.

Dans les entreprises bénéficiaires, amélioration relative de l’emploi et de l’activité La deuxième partie des tableaux A1 à A2 de l’annexe A est consacrée aux variables prises en évolution annuelle, chaque année entre 2012 et 2015, et sur l’ensemble de la période.

On constate que les entreprises qui ont bénéficié le plus fortement du CICE ont connu la progression de leurs effectifs salariés la plus forte mesurés en moyenne sur l’année et dans

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une moindre mesure au 31 décembre. Cela concerne toutes les catégories de main-d’œuvre à l’exception des cadres qui ont le moins progressé dans les entreprises qui ont bénéficié du taux de CICE le plus élevé. La question importante est de savoir à quel point cette évolution favorable de l’emploi s’explique par la mise en œuvre du CICE.

De même, les variations de la masse salariale, entre 2012 et 2015, sont plus favorables pour les entreprises fortement bénéficiaires du CICE, mais il n’en va pas de même pour celle des salaires par tête qui est la plus dynamique dans les entreprises les moins bénéficiaires du CICE. La question est ici aussi de déterminer si ces évolutions salariales sont ou non la conséquence de la mise en œuvre du CICE.

Du point de vue de l’évolution de leur situation économique et financière, mesurée par l’évolution de la productivité, du chiffre d’affaires, de la valeur ajoutée, du taux de marge ou de la rentabilité économique, les entreprises fortement bénéficiaires se distinguent des autres catégories d’entreprises et assez nettement des entreprises les moins bénéficiaires. Sur tous ces indicateurs, les évolutions sont plus favorables pour les entreprises du dernier quartile entre 2012 et 2015, que pour les autres catégories d’entreprises. Soulignons que ces constats ne sont que des corrélations et non des causalités11.

4. Stratégie d’identification

Une approche paramétrique en panel : double différence non linéaire et variables instrumentales

La méthode mise en œuvre repose sur une stratégie d’estimation sur données de panel en double différence (Ashenfelter et Card, 1985), avec instrumentation par l’intensité de l’intention de traiter (Auten et Carroll, 1999). À la place de la variable de traitement elle- même (de nature continue), nous considérons un ensemble d’indicatrices correspondant à différents niveaux de traitement. Elles permettent de tenir compte de la non-linéarité de l’effet du traitement, c’est-à-dire du fait que l’effet du CICE peut varier en fonction du bénéfice plus ou moins important du traitement. Les indicatrices de traitement consistent à constituer quatre groupes d’entreprises réunissant chacun un quart des entreprises de l’échantillon selon l’importance du CICE dont ont bénéficié les entreprises. Le groupe de référence est constitué des 25 % d’entreprises les moins bénéficiaires du CICE. Les instruments utilisés sont des indicatrices de traitement calculées sur la base du traitement simulé à partir des masses salariales potentiellement éligibles avant la mise en œuvre du CICE.

Les variables de contrôle comprennent des indicateurs de gestion issus de FARE et des indicateurs sur la structure des emplois issus des DADS considérées en t-1 et en variation entre t-2 et t-1 (cf. encadré 1). Des indicatrices sont également introduites pour tenir compte d’effets sectoriels ou d’effets liés à la taille des entreprises. Enfin, pour neutraliser les effets des réformes précédant la mise en place du CICE, en particulier les variations du salaire

11 Les caractéristiques des entreprises bénéficiaires du CICE issues de l’échantillon long (2004-2015) sont qualitativement similaires, bien que ces entreprises soient plus grosses en moyenne et soient moins fortement bénéficiaires. Ces statistiques sont disponibles dans le rapport Gilles et alii (2017-b).

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minimum et celles des exonérations générales de cotisations sociales, nous avons ajouté une variable de contrôle supplémentaire : le Taux d’Exonération Apparent (TEA, soit le rapport entre le montant total des exonérations et l’assiette des cotisations du régime général) retardé d’une période.

Les régressions sont pondérées par une variable pertinente (en t-1) en fonction du sujet abordé. Par exemple, pour l’emploi la pondération correspondra à l’emploi alors que pour la valeur ajoutée on utilisera cette dernière ; pour le taux de marge, on utilisera la valeur ajoutée en t-1 comme variable de pondération.

Encadré 1. Liste des variables de contrôles

Indicatrices de secteur d’activité et de tranches de taille : -Secteur d’activité (NAF 2008), en 88 postes.

-Tranches de taille d’entreprise (11 classes) issues de BRC au 31/12 de l’année t-1.

Indicateurs retardés de gestion et de structure des emplois en niveau et en variation :

-Tirées de FARE : le taux de marge, la rentabilité économique, la productivité, l’intensité capitalistique, la part des exportations dans le CA, le taux d’investissement, le taux d’endettement, le taux de prélèvement financier.

-Tirées des DADS 2012 : la part des femmes ; la part des ouvriers, des employés, des professions intermédiaires, des cadres, part des ingénieurs et techniciens en R&D ; la part des moins de 30 ans et des 50 ans et plus ; la part des CDI, des CDD, et des temps pleins.

Cette approche sur données de panel a le double mérite d’estimer dans un cadre commun les effets du CICE en 2013 et 2015, tout en autorisant certains paramètres à varier dans la dimension temporelle.

Dans un premier temps, on se focalise sur les effets du CICE en 2013 et 2014. L’équation inclut les taux de CICE de 2013 et 2014. L’équation différenciée fait apparaitre le taux de CICE en 2013 et la variation du taux de CICE entre 2013 et 2014. Par conséquent, comme souligné dans le corps du texte, les quartiles considérés sont calculés à partir de cette différence. Comme instruments, nous utilisons alors les quartiles de la différence de traitement simulée pour 2013-2014 à partir des années antérieures à la mise en place de la mesure (2011 et 2012).

Par ailleurs, nous avons testé la stabilité dans le temps des coefficients associés aux variables de contrôle. Il en est ressorti que l’hypothèse de stabilité temporelle des paramètres n’est rejetée que pour les tranches de taille d’entreprise. Nous avons de ce fait laissé varier au cours du temps les seuls paramètres associés aux tranches de taille d’entreprise. L’équation ainsi estimée est de la forme :

∆𝑙𝑙𝑙𝑙�𝑌𝑌𝑖𝑖,𝑡𝑡 =𝛼𝛼+𝛽𝛽2,2013.𝕝𝕝2�𝑇𝑇𝚤𝚤,2013+𝛽𝛽3,2013.𝕝𝕝3�𝑇𝑇𝚤𝚤,2013+𝛽𝛽4,2013.𝕝𝕝4�𝑇𝑇𝚤𝚤,2013+

𝛽𝛽2,2014.𝕝𝕝2�𝑑𝑑𝑇𝑇𝚤𝚤,2014+𝛽𝛽3,2014.𝕝𝕝3�𝑑𝑑𝑇𝑇𝚤𝚤,2014+𝛽𝛽4,2014.𝕝𝕝4�𝑑𝑑𝑇𝑇𝚤𝚤,2014+𝛾𝛾1.∆𝑋𝑋𝑖𝑖,𝑡𝑡−1+𝛾𝛾2.𝑋𝑋𝑖𝑖,𝑡𝑡−1+ 𝛾𝛾3.𝑇𝑇𝑇𝑇𝑇𝑇𝑖𝑖,𝑡𝑡−1+∑ 𝛿𝛿𝑠𝑠 𝑠𝑠.𝕝𝕝𝑠𝑠(𝑠𝑠𝑠𝑠𝑠𝑠𝑠𝑠𝑠𝑠𝑠𝑠𝑠𝑠𝑖𝑖) +∑ 𝜃𝜃𝑙𝑙 𝑙𝑙,𝑡𝑡.𝕝𝕝𝑙𝑙�𝑠𝑠𝑡𝑡𝑡𝑡𝑙𝑙𝑙𝑙𝑠𝑠𝑖𝑖,𝑡𝑡−1+𝜀𝜀𝑖𝑖,𝑡𝑡 (1) Avec 𝑑𝑑𝑇𝑇𝑖𝑖,2014=𝑇𝑇𝑖𝑖,2014− 𝑇𝑇𝑖𝑖,2013 , La variable dépendante est la différence première du logarithme de la variable de résultat ∆𝒍𝒍𝒍𝒍�𝒀𝒀𝒊𝒊,𝒕𝒕=𝒍𝒍𝒍𝒍�𝒀𝒀𝒊𝒊,𝒕𝒕� − 𝒍𝒍𝒍𝒍�𝒀𝒀𝒊𝒊,𝒕𝒕−𝟏𝟏 (qui est approximativement égale au taux de croissance de Y), 𝕝𝕝𝒋𝒋�𝑻𝑻𝒊𝒊,𝟐𝟐𝟐𝟐𝟏𝟏𝟐𝟐 est l’estimation de première

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étape des indicatrices de traitement en 2013 notées 𝕝𝕝𝒋𝒋�𝑻𝑻𝒊𝒊,𝟐𝟐𝟐𝟐𝟏𝟏𝟐𝟐 , 𝕝𝕝𝒋𝒋�𝑻𝑻𝒊𝒊,𝟐𝟐𝟐𝟐𝟏𝟏𝟐𝟐𝑷𝑷 et 𝕝𝕝𝒋𝒋�𝑻𝑻𝒊𝒊,𝟐𝟐𝟐𝟐𝟏𝟏𝟏𝟏𝑷𝑷 sont les indicatrices d’intention à traiter calculées en 2011 et 2012 (variables instrumentales).

𝑿𝑿𝒊𝒊,𝒕𝒕−𝟏𝟏 représente le vecteur des variables de contrôle en niveau en t-1 et ∆𝑿𝑿𝒊𝒊,𝒕𝒕−𝟏𝟏 les variations passées des variables de contrôle entre t-2 et t-1, soit ∆𝑿𝑿𝒊𝒊,𝒕𝒕−𝟏𝟏 = 𝑿𝑿𝒊𝒊,𝒕𝒕−𝟏𝟏− 𝑿𝑿𝒊𝒊,𝒕𝒕−𝟐𝟐.

Dans les régressions, la situation de référence est donnée par les entreprises du premier quartile de la distribution de la variable de traitement (le groupe des entreprises les moins bénéficiaires du CICE). Ainsi, le coefficient 𝛽𝛽4 mesure l’impact causal du dispositif sur le taux de croissance de la variable de résultat pour les entreprises les plus bénéficiaires du CICE (les entreprises du 4e groupe) par rapport aux entreprises les moins bénéficiaires (les entreprises du 1er groupe). À partir de ces coefficients, il est possible de calculer les élasticités de la variable de résultat au CICE, qui mesurent la variation en points de pourcentage de la variable de résultat suite à un point de taux apparent de CICE en plus.

Afin d’évaluer les effets du CICE également en 2015, on doit procéder de manière indirecte.

En effet, l’effet du CICE en 2013 ou en 2014 est identifiable de fait du changement de taux à appliquer sur la masse salariale éligible (salaires de moins de 2,5 smic) de 0 à 4% entre 2012 et 2013, puis de 4 à 6% entre 2013 et 2014. En revanche, en 2015, le taux à appliquer reste inchangé par rapport à 2014. Du coup, l’effet du CICE en 2015 n’est selon nous plus directement identifiable. On procède alors de manière indirecte en regardant l’effet de la variation de la différence entre le taux moyen de CICE sur 2014-2015 et le taux de CICE en 2013. L’équation ainsi estimée est :

∆𝑙𝑙𝑙𝑙�𝑌𝑌𝑖𝑖,𝑡𝑡 =𝛼𝛼+𝛽𝛽2,2013.𝕝𝕝2�𝑇𝑇𝚤𝚤,2013+𝛽𝛽3,2013.𝕝𝕝3�𝑇𝑇𝚤𝚤,2013+𝛽𝛽4,2013.𝕝𝕝4�𝑇𝑇𝚤𝚤,2013+ 𝛽𝛽2,2014.𝕝𝕝2�𝑑𝑑𝑇𝑇𝚤𝚤,2014,2015 +𝛽𝛽3,2014.𝕝𝕝3�𝑑𝑑𝑇𝑇𝚤𝚤,2014,2015 +𝛽𝛽4,2014.𝕝𝕝4�𝑑𝑑𝑇𝑇𝚤𝚤,2014,2015 +

𝛾𝛾1.∆𝑋𝑋𝑖𝑖,𝑡𝑡−1+𝛾𝛾2.𝑋𝑋𝑖𝑖,𝑡𝑡−1+𝛾𝛾3.𝑇𝑇𝑇𝑇𝑇𝑇𝑖𝑖,𝑡𝑡−1+∑ 𝛿𝛿𝑠𝑠 𝑠𝑠.𝕝𝕝𝑠𝑠(𝑠𝑠𝑠𝑠𝑠𝑠𝑠𝑠𝑠𝑠𝑠𝑠𝑠𝑠𝑖𝑖) +∑ 𝜃𝜃𝑙𝑙 𝑙𝑙,𝑡𝑡.𝕝𝕝𝑙𝑙�𝑠𝑠𝑡𝑡𝑡𝑡𝑙𝑙𝑙𝑙𝑠𝑠𝑖𝑖,𝑡𝑡−1+𝜀𝜀𝑖𝑖,𝑡𝑡 (2)

Avec 𝑑𝑑𝑇𝑇𝑖𝑖,2014,2015=𝑇𝑇�𝑖𝑖,2014,2015− 𝑇𝑇𝑖𝑖,2013 .

Les effets du CICE en 2015 sont alors évalués par différence entre les coefficients estimés sur cette équation (2) et ceux estimés sur l’équation précédente.

La méthode en double différence sur données de panel abordée repose sur l’hypothèse de tendance commune dans la variable de résultat entre les entreprises qui ont fortement bénéficié du CICE et celles qui en ont moins bénéficié. Cette hypothèse est indispensable pour que l’effet du CICE soit identifié par l’estimateur proposé. Cette hypothèse doit être vérifiée conditionnellement à l’ensemble de variables de contrôle considéré. Le grand nombre de variables de contrôle en niveau introduites dans l’équation estimée peut permettre de tenir compte de potentielles différences de tendance spécifique. Cependant, il se peut que cela ne soit pas suffisant.

Une deuxième version de cette approche est abordée dans Heckman et Hotz (1989) puis étudiée dans Polachek et Kim (1994) consiste à modéliser la variable de résultat en tenant compte non seulement d’un effet individuel inobservé fixe dans le temps, mais également d’une tendance individuelle inobservée. Ce modèle est appelé modèle à effet fixe et à trend

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aléatoire individuels (Wooldridge, 2011). Dans le cadre de l’évaluation des effets du CICE, adopter ce modèle revient à modéliser la variation relative de la variable de résultat (ou la variation absolue de son logarithme), à l’aide d’un effet firme inobservé et fixe dans le temps, 𝑠𝑠𝑖𝑖. Dans ce cas, l’équation associée au modèle en différence s’écrit ainsi :

∆𝑙𝑙𝑙𝑙�𝑌𝑌𝑖𝑖,𝑡𝑡 =𝛼𝛼+𝛽𝛽2,2013.𝕝𝕝2�𝑇𝑇𝚤𝚤,2013+𝛽𝛽3,2013.𝕝𝕝3�𝑇𝑇𝚤𝚤,2013+𝛽𝛽4,2013.𝕝𝕝4�𝑇𝑇𝚤𝚤,2013+

𝛽𝛽2,2014.𝕝𝕝2�𝑑𝑑𝑇𝑇𝚤𝚤,2014,2015 +𝛽𝛽3,2014.𝕝𝕝3�𝑑𝑑𝑇𝑇𝚤𝚤,2014,2015 +𝛽𝛽4,2014.𝕝𝕝4�𝑑𝑑𝑇𝑇𝚤𝚤,2014,2015 +𝛾𝛾1.∆𝑋𝑋𝑖𝑖,𝑡𝑡−1+ 𝛾𝛾2.𝑋𝑋𝑖𝑖,𝑡𝑡−1+𝛾𝛾3.𝑇𝑇𝑇𝑇𝑇𝑇𝑖𝑖,𝑡𝑡−1+∑ 𝜃𝜃𝑙𝑙 𝑙𝑙,𝑡𝑡.𝕝𝕝𝑙𝑙�𝑠𝑠𝑡𝑡𝑡𝑡𝑙𝑙𝑙𝑙𝑠𝑠𝑖𝑖,𝑡𝑡−1+𝑠𝑠𝑖𝑖 +𝜀𝜀𝑖𝑖,𝑡𝑡

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Estimer cette équation requiert d’utiliser un modèle within, que l’on combine toujours avec les méthodes de variables instrumentales présentées précédemment.

Cependant, comme souligné dans Polachek et Kim (1994) en particulier, cette méthode revient à tenir compte de l’existence de tendances spécifiques dans la variable de résultat.

Pour que l’estimation d’un tel modèle soit valide, il est nécessaire de disposer d’une longue période d’observation pour les individus considérés, ici les entreprises. Les études de la fin des années 1990 qui ont mobilisé cette méthode disposaient alors souvent de données statistiques caractérisées par une dimension temporelle plus ou moins longue : 8 ans pour Heckman et Hotz (1989) ; 9 ans pour Papke (1994) ; 20 ans pour Hoxby (1996) ; 21 ans pour Friedberg (1998). Dans le cas de l’étude des effets du CICE sur l’emploi, les salaires et l’activité, mettre en œuvre une telle méthode est intéressant, mais suppose alors de disposer de sources statistiques pour les entreprises concernées sur une longue période.

Pour appréhender les effets du CICE en 2013 et 2015, il faut donc considérer une période d’observation des entreprises plus ou moins longue afin d’être capable par exemple de s’amender d’une tendance sur l’évolution de l’emploi ou des salaires par exemple. Nous avons constitué un premier panel d’entreprises pérennes sur la période 2009-2015, soit sur une période de 7 ans. Comme nous utilisons des informations retardées d’une période pour les contrôles et que le modèle est pris en différence, nous disposons de 4 années (2011-2014) pour l’estimation du modèle (3). Dans notre cas où les variables de résultat peuvent être fortement affectées par la conjoncture, cette dimension temporelle réduite peut constituer un problème, notamment dans le contexte d’une conjoncture défavorable depuis 2008.

Par conséquent, afin d’estimer (3), nous avons également considéré un deuxième ensemble d’entreprises pérennes sur la période (2004-2015), de telle sorte à couvrir (au moins) un cycle d’activité. Nous sommes bien conscients que l’allongement de la période d’étude implique une sélection des entreprises : sur la nouvelle période considérée, notre échantillon comporte plus de 72 895 entreprises (de 5 salariés et plus) contre 128 378 sur la période 2009-2015.

Cependant, nous disposons alors d’une information plus riche qui peut nous permettre de mettre en œuvre l’estimation de (3). Une autre difficulté soulevée par la construction d’un tel échantillon provient de l’utilisation de données statistiques antérieures à 2009, avec des sources dont le format et /ou le champ a pu être modifié : c’est notamment le cas de FARE et DADS. La version des DADS avant 2009 et le grand format était en particulier caractérisée par un champ plus restreint et donc un plus petit nombre d’entreprises pour chaque validité.

Concernant FARE, l’année de lancement de la mouture actuelle a été caractérisée par un plus

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petit ensemble d’information (données absentes par exemple sur l’investissement). Ces différences permettent d’expliquer les différences de taille entre les deux échantillons, au-delà de la démographie des entreprises. Avant 2008, seul FICUS contenait les informations sur l’activité des entreprises.

Double différence et triple différence : l’importance d’une dimension temporelle longue

La méthode des doubles différences à laquelle nous avons recours suppose que soit vérifiée l’hypothèse de tendance commune sur les variables de résultat. Une façon usuelle de vérifier cette hypothèse est d’effectuer un test de falsification (parfois appelé aussi test placebo) qui consiste à simuler les effets du CICE avant sa mise en œuvre effective. Lorsque ces tests sont validés, nous privilégions les résultats en double différence. Lorsque ce n’est pas le cas, nous leur préférons les résultats en triple différence, où les variables de résultat observées dans chaque entreprise diffèrent par un niveau et une tendance spécifiques relevant de caractéristiques inobservées, qui capturent les caractéristiques structurelles des entreprises.

Dans ce cas, il convient de disposer d’une période suffisamment longue pour appréhender ces tendances. La période retenue doit couvrir au moins un cycle conjoncturel, afin d’éviter de capturer dans la tendance le degré d’exposition de l’entreprise à la conjoncture. L’échantillon initialement considéré sur la période 2009-2015 ne permet pas de satisfaire cette condition.

C’est la raison pour laquelle nous avons constitué un second échantillon couvrant la plus longue période compte tenu de la disponibilité des données (2004-2015).

Les tests de falsification : un exercice délicat

La réalisation de tests de falsification soulève de vraies difficultés. En effet, la condition d’absence d’autres traitements ou de mesures de politiques économiques ayant des effets potentiels sur l’emploi, les salaires et l’ensemble des variables de résultat n’est pas satisfaite sur la période qui précède la mise en œuvre du CICE (2011-2012). Rappelons la chronologie des mesures de politiques économiques ayant affecté le coût du travail et potentiellement l’emploi, le nombre d’heures travaillées et les salaires :

Le premier janvier 2011, les mesures d’allégement de cotisation sur les bas salaires sont établies à partir non plus du salaire du mois courant, mais sur la base du salaire annuel. Il s’agit de l’annualisation des allégements de cotisation sur les bas salaires. Cette mesure réduit le montant des allégements dont bénéficient les entreprises versant des primes sur une fréquence supra-mensuelle (par exemple sous la forme d’un treizième mois ou encore de prime de fin d’année). Elles voient le salaire de référence retenu pour calculer le montant de la ristourne de cotisation accru par la prise en compte des primes à fréquences supra-mensuelle qui n’étaient pas considérées auparavant. Dans la mesure où le montant de la ristourne est dégressive jusqu’à 1,6 smic, cette annualisation se serait traduite par une réduction de 10% sur l’ensemble des ristournes de cotisation (Doan et alii, 2017). Il convient de noter que cette mesure affecte tout particulièrement les entreprises disposant d’une part importante de la masse salariale au voisinage du SMIC, c’est-à-dire les entreprises les plus exposées au CICE.

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