• Aucun résultat trouvé

Réduction des risques 2.0 : aperçu européen des projets d'analyse de produit

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Réduction des risques 2.0 : aperçu européen des projets d'analyse de produit"

Copied!
4
0
0

Texte intégral

(1)

Le Courrier des addictions (18) – n° 4 – octobre-novembre-décembre 2016 20

F F o o c c u u s s F F o o c c us u s

POIDS D’UN SERVICE D’ANALYSE DES PRODUITS

L’analyse de produits s’est développée en Europe depuis près de 20 ans et est un aspect essentiel de la politique de santé publique de plusieurs pays qui y voient un véritable outil de RdR face à des consommations en hausse et à une disponibilité accrue des nouvelles substances psychoactives (NSP)  [1] .

En 2015, 98 nouvelles substances ont été détec- tées pour la première fois par les États membres, portant à plus de 560 le nombre de substances surveillées . Elles peuvent être vendues telles quelles ou comme adultérant des produits clas- siques, notamment des comprimés d’ecstasy.

La composition des produits semble donc plus fl uctuante et imprévisible que jamais, entraî- nant des incidents qui pourraient être évités avec une meilleure information sur le contenu des produits consommés  (2) .

Réduction des risques 2.0 : aperçu européen des projets d’analyse

de produit

Harm reduction 2.0: overview of drug checking projects in Europe

É. Coutret*, V. Benso**

En France, le principe de l’analyse de produits est revenue sur le devant de la scène. Plusieurs rencontres professionnelles lui ont été consa- crées (5, depuis novembre 2015) et les pouvoirs publics semblent aussi s’y intéresser, comme en témoigne la nouvelle loi de Santé publique qui l’évoque comme l’une des missions légitimes des intervenants en RdR. L’occasion, donc, de faire le point sur les pratiques de nos voisins européens.

Un service d’analyse clinique de substances psychoactives –  drug checking en anglais – est celui qui est intégré dans une off re de prévention ou de RdR. Il s’adresse directement aux consom- mateurs de ces substances et leur permet d’ob- tenir de l’infor mation, des conseils et un soutien personnalisé, à la différence d’un service de monitoring , non accessible aux consommateurs et dont l’objectif premier est la veille sanitaire.

En cela, les services d’analyse sont un outil de santé publique à part entière, car ils contri- buent à réduire le nombre d’accidents liés aux consommations et les eff ets néfastes sur la santé en mettant à la disposition des consommateurs une large gamme de supports d’information et d’outils de prévention et de RdR  (3) .

Leur proximité avec le terrain permet égale-

ment d’accroître la réactivité et l’effi cacité de la réponse des pouvoirs publics et des associations quand des substances nouvelles et dangereuses émergent (campagnes, alertes) .

Des études ont montré qu’ils sont aussi un outil d’intervention précoce car ils permettent d’atteindre des consommateurs qui ne sont pas en contact avec des structures spécialisées, notamment des jeunes consommateurs, dans les premiers temps de leur “carrière” d’usage  (4) .

TECHNIQUES D’ANALYSE UTILISÉES EN EUROPE (fi gure)

Il existe un grand nombre de techniques mobi- lisables sur les drogues, et chacune a des avan- tages et des inconvénients  (5) . En fonction de leurs modalités de mise en œuvre, diff érents niveaux de services peuvent être proposés aux consommateurs.

Testing

Reconnaissance présomptive des produits, il est la technique la plus simple et rapide à mettre en œuvre (1 minute) : il suffi t de déposer une goutte de réactif sur un échantillon et d’observer la couleur de la réaction chimique. Sa facilité de réalisation et le dialogue qu’il induit avec l’usager autour de ses pratiques en sont les principaux atouts. Cependant, même si en croisant les diff érents tests disponibles (une quinzaine), il est possible d’affi ner les résultats et de gagner en précision, il existe un risque de faux posi- tifs et de faux négatifs  (6) . Le testing peut être considéré comme un outil de RdR, puisqu’il permet d’éliminer certains produits lorsque la réaction n’est pas conforme mais, en cas de réaction conforme, il ne permet pas de donner d’informations validées.

À l’heure actuelle, il est proposé en Italie et dans certains pays d’Europe de l’Est, par des asso- ciations de santé communautaire en milieu festif, qui le pratiquent de manière occa- sionnelle, non offi cielle et sans fi nancement.

En France, il est interdit pour les intervenants de RdR. Enfi n, il est la seule technique que les consommateurs peuvent utiliser eux-mêmes.

Chromatographie sur couche mince Afi n de mettre à la disposition des consomma- teurs une information fi able et sans délai sur la composition réelle des produits, certaines struc- tures ont choisi de développer ces services d’ana- lyse par chromatographie sur couche mince (CCM). C’est le cas en Belgique, Espagne, France et au Portugal.

La CCM, comme toutes les techniques de chro- matographie, est une méthode physique de sépa- ration de mélanges en leurs constituants qui se fonde sur les différences d’affinité des subs-

Depuis 20 ans, des projets d’analyse de produits psychoactifs accessibles aux consommateurs ont vu le jour en Europe. Ces services présentent des intérêts en termes de santé publique, sur le plan de l’observation et de la veille sanitaire, mais aussi comme outils de prévention et de réduction des risques (RdR). Au niveau européen, les projets les plus ambitieux ont pu se développer grâce à de solides partenariats entre les institutions qui en sont à l’origine, des laboratoires et des acteurs spécialisés dans la prévention et la RdR.

Cet article propose un tour d’horizon des techniques et protocoles des principaux dispositifs européens.

* Coordinatrice “Interventions”, NEWIP 2011-2013 - Techno+.

** Sociologue, Techno+ et TREND festif IDF, Observatoire français des drogues et des toxicomanies.

Mots-clés : Analyse de produits, réduction des risques, Europe, chromatographie, testing Keywords: Drug checking, harm reduction, Europe, chromatography, testing

For over 20 years, drug checking have emerged in Europe. These services present interests in terms of public health, on the observation and monitoring plan but also as prevention and harm reduction tool. At an european level, the most ambitious projects were build through strong partnerships between institutions (sometimes at the origin of the projects), laboratories and prevention/harm reduction actors. This article provides an overview of the techniques and protocols of the main european drug checking projects.

0020_CAD 20 16/12/2016 10:59:36

(2)

Le Courrier des addictions (18) – n° 4 – octobre-novembre-décembre 2016

21

Fo

cus

Fo c

us

Focus Focus

Figure. Projets d’analyse de produits en Europe.

tances à l’égard de 2 phases (fixe et mobile). Le principe est de séparer les différents produits contenus dans l’échantillon puis de les identifier par comparaison avec des témoins. L’analyse dure entre 30 minutes et 1 heure, temps qui peut être mis à profit pour échanger avec les consommateurs. Le résultat obtenu est unique- ment qualitatif.

Ce type de service a l’avantage d’être peu coûteux, mobile, et donc assez facile à mettre en œuvre, que ce soit en unité mobile ou lors d’une perma- nence en lieu fixe. Toutefois, il ne permet pas d’obtenir des informations sur la pureté du produit et, même si le contenu peut apparaître comme conforme au produit annoncé, il existe toujours un risque lié à la limite de détection de la technique (produit non détectable mais pouvant avoir des effets, danger lié à la concentration d’un composant, produit détecté mais non identifié).

Analyses en laboratoire

Certains projets ont fait le choix de proposer exclusivement des analyses quantitatives en laboratoire. Ils s’appuient sur des partenariats entre la structure qui collecte et le laboratoire, permettant de fournir des résultats dans des délais assez restreints (1 semaine environ). La collecte des échantillons se fait par voie postale (Espagne, France, Royaume-Uni) ou directe- ment auprès des consommateurs, dans des lieux d’accueil ou sur les lieux de consommation (Luxembourg, Pays-Bas). Le rendu des résultats, lui, peut se faire à l’occasion d’un entretien ou via les sites internet des projets (base de données des résultats d’analyses).

Selon les laboratoires et la nature des produits analysés, différentes techniques peuvent être utilisées (5), parmi lesquelles la chromatogra- phie liquide à haute performance (HPLC) et la chromatographie en phase gazeuse couplée à une spectrométrie de masse (GC-MS).

La HPLC, en se référant à des bases de données “standard”, permet de quantifier les substances référencées (mesure du taux de

pureté). En cas de composants inconnus, il est possible d’analyser ces derniers au moyen de la chromato graphie en phase gazeuse qui sépare les composants tandis que la spectrométrie de masse mesure la masse des molécules chimiques.

Cela permet de déterminer la composition de l’échantillon, même si les composants ne sont pas encore intégrés comme standards dans la méthode.

Il est également possible d’accompagner des analyses par CCM sur site d’analyses en labo- ratoire. La CCM donne un résultat qualitatif immédiat aux consommateurs et permet donc de réduire les risques au moment de la consom- mation du produit, tandis que les analyses en laboratoire viennent, après coup, compléter les informations avec la quantification des produits présents et l’identification d’éventuels produits inconnus ou non détectés par la CCM.

Enfin, en Autriche et en Suisse, les consomma- teurs ont accès à des services d’analyses quanti- tatives en lieu fixe ou en unité mobile (milieux festifs). Ces projets, qui sont les plus ambitieux et complexes à mettre en œuvre, sont les plus coûteux. Dans les 2 pays, ils ont été développés à l’initiative de services municipaux. Les analyses en milieux festifs se font grâce à des systèmes de HPLC mobiles. En cas de produits inconnus, elles peuvent être complétées en laboratoire.

Ces services permettent aux consommateurs d’obtenir un résultat quantitatif rapide (en moins de 1 heure). L’analyse se fait en présence du consommateur, ce qui permet de person- naliser les entretiens, au moment de la collecte comme du rendu des résultats.

QUELQUES EXEMPLES DE PROJETS

En Angleterre, un projet intrahospitalier couplé à un service régional d’analyse Le projet WEDINOS (Welsh Emerging Drugs and Identification of Novel Substances) a été créé

en 2009 par des praticiens hospitaliers du service des urgences de l’hôpital de Gwent qui étaient confrontés à une augmentation des admissions de patients ayant consommé des produits sans savoir exactement lesquels. En partenariat avec le laboratoire de toxicologie de l’hôpital, ils ont commencé à analyser les échantillons fournis par les patients. Grâce aux résultats, ils pouvaient adapter leur prise en charge et ont pu débuter un monitoring. Ce système, au départ informel, a été étendu en 2013 et rendu accessible à tout le pays de Galles grâce au soutien du gouver- nement gallois.

La collecte des échantillons se fait par voie postale uniquement. Des kits de prélèvement sont disponibles dans une centaine de lieux du pays de Galles. Les consommateurs peuvent ainsi effectuer seuls leur prélèvement et générer la référence de leur échantillon via le site de WEDINOS (7). Après analyse, les résultats sont publiés sur le site avec leur référence.

L’intérêt principal de ce projet est qu’il permet un accès facilité à tous les consommateurs grâce aux envois postaux. Le fait qu’il n’y ait pas de contact physique entre professionnels de santé et consommateurs peut être un élément faci- litateur pour des personnes qui ne souhaitent pas se montrer mais, d’un autre côté, cela rend la personnalisation des conseils de prévention et de RdR plus limitée, notamment au moment du rendu des résultats.

Au Pays-Bas :

un réseau national d’analyse de produits La question des usages de drogues étant consi- dérée aux Pays-Bas comme une problématique de santé publique, c’est le ministère de la Santé qui, dès les années 1990, a rendu accessible aux consommateurs l’analyse de produits dans le cadre du dispositif national de monitoring DIMS (Drug Information and Monitoring System) porté par le Trimbos Institute (8).

Ce dispositif s’appuie sur un réseau national d’organismes de prévention qui accueillent les consommateurs anonymement et collectent les produits. Après relevé de leurs caractéristiques physiques (dimensions, poids, couleur, logo, etc.), les échantillons sont envoyés au Trimbos Institute et analysés en laboratoire. Les résul- tats sont centralisés sur une base de données nationale et transmis au ministère de la Santé qui peut adapter sa politique de santé publique et mettre en place des réponses rapides en cas d’alerte sanitaire via une équipe dédiée : la “Red Alert Team”. Ils sont également transmis à la police, qui a ainsi une meilleure connaissance des marchés et peut améliorer ses actions de surveillance, et aux organismes de prévention qui assurent le rendu des résultats par téléphone la semaine suivant la collecte.

Les Pays-Bas ont donc fait le choix d’un dispo- sitif global qui présente des intérêts incontes- tables, à la fois au niveau du monitoring et sur

0021_CAD 21 16/12/2016 10:59:36

(3)

Le Courrier des addictions (18) – n° 4 – octobre-novembre-décembre 2016 22

Fo

cus

Fo c

us

Focus Focus

le plan sanitaire. Les informations recueillies auprès des consommateurs (date, lieu d’achat, prix, effets indésirables, etc.) sont plus complètes et précises que celles pouvant être recueillies lors de saisies. Les dispositifs de veille et d’alerte gagnent donc en efficacité et en réactivité.

Depuis le lancement du dispositif en 1992, plus de 100 000 échantillons ont pu être analysés.

En Espagne : un projet communautaire d’envergure nationale

C’est à Barcelone qu’Energy Control, projet communautaire de RdR en milieu festif de l’Asociación bienestar y desarrollo (ABD), a développé son service d’analyse de produits.

En 1998, Energy Control proposait du testing.

Dans les années 2000, une collaboration avec un laboratoire a permis l’accès gratuit à la GC-MS et le développement d’une nouvelle technique de CCM adaptée aux consommations en milieu festif, qu’on pouvait mettre en œuvre facilement en unité mobile à un coût assez faible. Elle sera progressivement complétée par une méthode d’analyse du cannabis (microscope et GC-MS), du LSD et du GHB (HPLC-MS).

Aujourd’hui, Energy Control propose un service d’analyse par CCM lors d’événements festifs et dans le cadre d’une permanence hebdomadaire dans un local. Près de 5 000 échantillons sont analysés chaque année. Les consommateurs sont reçus pour un entretien lors de la collecte de l’échantillon, ce qui permet d’échanger sur leurs pratiques de consommation. Un deuxième entretien a lieu lors du rendu des résultats, 1 à 2 heures plus tard, afin d’aborder les conseils de RdR spécifiques aux produits identifiés.

Si le consommateur le souhaite ou en cas de doutes et/ou de produit non identifié, les échan- tillons sont analysés au laboratoire et les résul- tats sont retournés la semaine suivante.

Enfin, depuis 2014, Energy Control a ouvert un service d’analyse quantitative “à l’international”

afin de toucher les usagers qui achètent des produits sur le darknet (NDLR : réseau super- posé, ou réseau overlay, qui utilise des protocoles spécifiques intégrant des fonctions d’anonymisa- tion). Il leur suffit de remplir un formulaire en ligne qui génère la référence de l’échantillon puis d’envoyer le tout par voie postale. Les résultats sont ensuite disponibles sous 10 jours sur leur site internet (9).

En Autriche :

une institution pour les fêtards viennois L’analyse de produits est un axe officiel de la politique des drogues à Vienne. Ainsi, en 1997, le programme Check It! a été fondé sur la base d’un partenariat entre la ville de Vienne, la Verein Wiener Sozialprojekte, association de préven- tion, et l’unité de toxicologie du CHU de Vienne.

Il s’appuie sur une démarche communautaire pour diffuser de l’information objective sur les

produits et leurs effets et des outils de RdR aux consommateurs. En plus de cette une approche préventive, Check It! s’est développé comme un projet pilote scientifique, ce qui lui a permis de gagner à la fois la reconnaissance des consom- mateurs de substances illicites et des autorités.

Aujourd’hui, c’est, avec celui mené en Suisse, un des projets les plus complets d’Europe, puisqu’il rend accessibles aux consomma- teurs des analyses quantitatives en ville via la collecte d’échantillons à leur local mais aussi en milieu festif. Les produits collectés au local sont analysés en laboratoire et le résultat est rendu à l’issue de quelques jours via un affichage avec la référence de l’échantillon dans la vitrine du local. En milieu festif, les résultats sont dispo- nibles entre 15 et 40 minutes après la collecte par affichage des références. Un code couleur dans l’affichage permet de distinguer les produits non conformes et/ou qui présentent un risque sanitaire accru. Tous les résultats sont également accessibles sur internet (10) avec photo et logo (pour les ecstasy) et des alertes sont publiées régulièrement.

Le projet dispose d’un lieu d’accueil spacieux et fonctionnel (la Homebase), d’une unité mobile équipée de 2 systèmes de HPLC-MS et d’une équipe de 9 salariés et 20 vacataires. Véritable institution viennoise, Check it! réalise chaque année plus de 1 000 analyses et 5 000 entretiens.

En Suisse :

2 projets et une coordination nationale En Suisse, l’analyse de substances illégales a été validée politiquement comme outil de RdR en 1997. Deux unités mobiles d’analyse de produits par HPLC se sont rapidement développées : en 1998 à Berne (PilotE, aujourd’hui Rave it safe), et en 2001 à Zurich (Saferparty géré par Streetwork Zürich, département des Affaires sociales de la ville de Zurich).

En 2006, le premier centre d’information sur les drogues a vu le jour à Zurich et en 2014 à Berne, venant compléter l’offre en donnant accès à un service d’analyse en ville, ciblant ainsi une population plus large. Des permanences ont lieu une fois par semaine pour la collecte des échan- tillons et les analyses se font via un laboratoire partenaire. Les résultats sont disponibles après quelques jours par mail ou par téléphone. Ces offres proposent également des consultations et du counseling.

Ces 2 unités mobiles d’analyse se coordonnent avec les projets de prévention et de RdR en milieux festifs des autres villes afin de rendre le service accessible sur tout le territoire suisse.

Les consommateurs obtiennent leurs résultats en 20 minutes seulement. Les alertes sanitaires sont affichées en direct sur les lieux de l’intervention et sur internet (11), accompagnées d’informations sur les substances et les produits de coupe. Ces dispositifs alimentent également le dispositif de veille et d’alerte au niveau national.

EN FRANCE,

UN RÉSEAU D’ACTEURS SUR TOUT LE TERRITOIRE

Depuis 1997, plusieurs acteurs associatifs se sont intéressés à l’analyse de produits. Le testing était alors pratiqué en milieu festif par les usagers et des associations de RdR (Techno+, Le Tipi puis Médecins du Monde [MdM]). En 2000, MdM a ouvert une mission de développement de l’analyse de drogues comme outil de RdR : le programme XBT (Xénobiotrope) qui inter- vient en soutien des missions de terrains de MdM développant des actions de santé commu- nautaire et met en œuvre l’analyse qualitative par CCM. Il milite pour l’accès à un dispositif global d’analyse de produits pour les usagers (de l’analyse qualitative rapide par CCM à l’analyse quantitative plus longue en laboratoire).

Parallèlement, un autre service d’analyse par CCM en milieu festif a été développé par Techno+ en 2007 et a fonctionné jusqu’en 2009.

Depuis 2011, MdM a formalisé des partena- riats (Centres de soins d’accompagnement et de prévention en addictologie en ambulatoire [CSAPA], Centres d’accueil et d’accompagne- ment à la réduction des risques pour usagers de drogues [CAARUD], associations d’intervention en milieu festif) dans le but d’effectuer progressi- vement un transfert du dispositif et de sa philoso- phie d’intervention sur le territoire, incluant une dimension communautaire. Les régions Centre (AddictoCentre), Île-de-France (Sida Paroles) et Provence-Alpes-Côte d’Azur (Bus 31/32) se sont ainsi dotées de laboratoires d’analyse par CCM tandis que d’autres partenaires collectent et leur envoient les échantillons pour analyse.

Aujourd’hui, ce réseau est constitué de 13 struc- tures partenaires conventionnées qui ont analysé 410 produits en 2015 (1 874 analyses sur les 5 dernières années). C’est le premier réseau français d’analyse de drogues utilisé comme outil de RdR.

Lorsque les structures se trouvent en présence d’un produit non identifiable par CCM ou ayant entraîné des incidents (malaises, overdoses, etc.), elles ont la possibilité de l’envoyer au dispositif SINTES (Système d’identification national des toxiques et substances) pour des analyses en laboratoire. Ce dispositif, porté par l’Observa- toire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), est opérationnel depuis 1999. Il s’agit d’un dispositif de veille et d’observation qui n’est pas accessible directement aux consommateurs.

Entre 2008 et 2015, SINTES a analysé plus de 1 200 échantillons (12).

Depuis 2013, l’association Not For Human a déve- loppé de façon autonome et bénévole un service d’analyse par voie postale, à destination des consommateurs actifs sur les forums internet.

Les membres de l’association repèrent des produits suspects via les échanges sur les forums de consommateurs et proposent des analyses

0022_CAD 22 16/12/2016 10:59:36

(4)

Le Courrier des addictions (18) – n° 4 – octobre-novembre-décembre 2016

23

Fo

cus

Fo c

us

Focus Focus

quantitatives via un laboratoire partenaire. En 3 ans, ils ont analysé une cinquantaine de produits et lancé une dizaine d’alertes sur internet.

Enfi n, tout récemment, Techno+ et Sida Paroles ont travaillé en partenariat pour créer un service d’analyse par CCM avec collecte par voie postale et diff usion des résultats via internet, ouvert il y a peu.

UN ENJEU DE SANTÉ PUBLIQUE MAJEUR

Depuis 2007, la plupart des projets décrits précédemment travaillent ensemble au sein du groupe TEDI ( Trans European Drug Informa- tion ), fi nancé de 2011 à 2013 par la Commission européenne dans le cadre du projet Nightlife Empowerment & Well-being Implementation Project (NEWIP)  [13] . Ce partenariat a permis l’élaboration de plusieurs outils méthodo- logiques (2, 5, 14) et de standards de bonnes pratiques  (15) , visant à soutenir l’émergence de nouveaux projets et à valider et harmoniser les pratiques des diff érents acteurs.

Les expériences européennes nous enseignent aussi que, pour être réellement effi cace, un système d’analyse doit s’appuyer sur la collaboration entre institutions, laboratoires et acteurs spécialisés qui travaillent auprès des consommateurs.

Autant de pistes et de documents qui pourraient être mobilisés par la France pour combler son retard dans ce domaine. En eff et, rappelons, pour conclure, que, dans de nombreuses régions, le recours à l’analyse de drogue – même en cas de produit inhabituel et dangereux – demeure en pratique impossible pour les consommateurs, y compris en passant par des structures de RdR et/ou d’addictologie. Dans le contexte actuel, améliorer la couverture territoriale et étendre l’off re d’analyse à des techniques quantitatives apparaît donc comme un enjeu de santé publique d’autant plus important que c’est l’un des seuls outils de RdR qui permette de toucher toutes les populations d’usagers, y compris les plus diffi - ciles à atteindre : usagers novices qui ne sont pas encore en contact avec des structures de préven- tion et de RdR, usagers récréatifs expérimentés déjà sensibilisés à la RdR et qui n’ont plus grand- chose à apprendre des actions traditionnelles, usagers cachés, intégrés et sans problématique sociale ou sanitaire particulière. Espérons que la loi de Santé publique de 2015 soit le premier jalon vers une amélioration de cette situation.

É. Coutret et V. Benso déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références bibliographiques

1. Observatoire européen des drogues et des toxico- manies (EMCDDA). Rapport européen sur les drogues 2015 – Tendances et évolutions. 2015.

2. Trans European Drugs Information (TEDI) work- group. Factsheet on Drug Checking in Europe. 2011.

https://www.ecstasydata.org/text/2011/2011_tedi_fact- sheet_on_drug_checking_in_europe.pdf

3. Benschop A, Rabes M, Korf DJ. Pill Testing, Ecstasy

& Prevention. Amsterdam : Rozenberg Publishers, 2002.

Coordonné par Niedersächsische Landesstelle Suchtge- fahren (NLS).

4. Hungerbuehler I, Buecheli A, Schaub M. Drug Checking: A prevention measure for a heterogeneous group with high consumption frequency and polydrug use – evaluation of Zurich’s drug checking services.

Harm Reduct J 2011;8(1):16.

5. TEDI workgroup. Guidelines for Drug Checking Methodology. 2012. http://newip.safernightlife.org/

digital-library

6. Global drug survey. Home pill testing doesn’t show up PMA in a pill. 2013. https://www.globaldrugsurvey.

com/past-fi ndings/drugs-meter-minutes/

7. www.wedinos.org/

8. Brunt T, Niesink RJ. Th e Drug Information and Moni- toring System (DIMS) in the Netherlands: Implementa- tion, results, and international comparison. Drug Test Anal 2011;3(9):621-34.

9. www.energycontrol.org/

10. www.checkyourdrugs.at/

11. www.saferparty.ch/

12. Nefau T. L’évolution du dispositif SINTES-OFDT.

Journée thématique de l’AFR, 5 novembre 2015.

13. www.safernightlife.org/

14. TEDI workgroup. Drug Checking Consultation and

Counselling Guidelines, 2012.

15. NEWIP STANDARDS. Drug checking service good

practice standards, 2013.

LES “ACCROS” AU SPORT ONT PLUS DE PROBLÈMES D’ALCOOL

L’Observatoire 2016 “Les Français et l’alcool”, animé par la Fondation pour la recherche en alcoologie (FRA), a analysé la relation entre l’activité physique et la consom- mation d’alcool, étude présentée dans le cadre de la journée scientifi que qu’elle a organisée le 29 septembre à Paris sur le thème : “Le sport, facteur de protection ou d’exposition au risque alcool ?”. Cette étude montre qu’il existe une rela- tion entre l’addiction au sport et une consomma- tion problématique d’alcool. Selon le Pr Philip Gorwood, président du comité scientifi que de la FRA, “les addictions sont extraordinairement comorbides, c’est-à-dire facilement associées.

L’association sport et alcool est intuitivement peu compatible : on serait donc plutôt en présence d’une consommation excessive de type ‘troisième mi-temps’, avec des facteurs de risque communs aux 2 addictions”. Les autres questions de

l’enquête 2016 portent sur les connaissances pratiques liées à l’alcool et les comportements lors de situations à risque (lors des sorties et pendant la grossesse).

Une moitié environ des Français déclare faire du sport de manière régulière (52 %) alors que l’autre n’en fait pas (48 %). La pratique régulière est le plus souvent le fait d’hommes, plus jeunes et plus souvent actifs que les non-pratiquants.

L’addiction à l’activité physique peut être mesurée par le questionnaire Exercise Addiction Inventory (EAI). Dans le cadre de l’Observatoire 2016, 5 % des personnes interrogées présentent les cri- tères d’une addiction au sport (soit un score total supérieur à 23 au questionnaire EAI). Ce phénomène touche indiff éremment les 2 sexes, quelle que soit la taille de l’agglomération dans laquelle ils vivent. Ces Français “accros au sport” sont 2 fois moins souvent actifs profes- sionnellement et sont beaucoup plus jeunes (37,1 ans versus 45,3 ans).

Le test DETA (Diminuer Entourage Trop Alcool) de détection des problèmes d’alcool montre que 15 % des personnes interrogées présentent un

score ≥ 2. Celui-ci signifi e que l’on est en présence d’une consommation “à problème”, qu’il convient donc de prendre en charge. Si les personnes qui déclarent une activité physique régulière ont plus souvent une fréquence de consommation élevée (au moins hebdomadaire) mais moins souvent des problèmes d’alcool, celles qui présentent les critères d’une addiction au sport sont presque 3 fois plus nombreuses à montrer les signes d’une consom- mation problématique (11 % contre 4 %).

Les autres résultats de l’Observatoire 2016 montrent que les connaissances pratiques essentielles à la maîtrise de sa consommation restent mal connues des Français (équivalence en teneur d’alcool entre les diff érentes boissons alcoolisées, repères de consommation problé- matique, etc.). Dans le même temps, les Français semblent adopter un comportement de prudence : la pratique du conducteur désigné (Sam, capi- taine de soirée, le conducteur qui ne boit pas) est adoptée systématiquement par 6 personnes sur 10 lors des sorties en voiture et plus de 7 personnes sur 10 recommanderaient à une femme enceinte une consommation d’alcool nulle . Ces résultats sont stables par rapport aux données recueillies dans le cadre de l’Observatoire 2014.

Récemment créée, la FRA, fondation sous l’égide de la Fondation de France, reconnue d’utilité publique, a pour vocation de développer et partager la connaissance sur l’alcool. Elle a pour missions de soutenir la recherche et de faire connaître les savoirs sur ce thème, et l’ambition de contribuer à l’amélioration de la santé publique.

0023_CAD 23 16/12/2016 10:59:37

Références

Documents relatifs

‣ Temps de réalisation : Combien de temps prennent les participants pour réaliser une tâche de base.. (Par exemple, faire un achat,

L’ONUSIDA et le Réseau asiatique de Réduction des Risques ont une histoire et une philosophie en grande partie communes: les deux organisations ont débuté leur travail en 1996,

En s’appuyant sur les particularités de Paris, qui dispose d’un réseau très dense de transports en communs et d’un découpage en 80 quartiers administratifs, les répondants

l’Organisation des Nations Unies pour protéger et aider les enfants qui se trouvent en pareille situation et pour rechercher les père et mère ou autres membres de la famille de

Tableau I: toxicité des antibiotiques………….………20-21 Tableau II: répartition des ordonnances par service………..52 Tableau III: fréquence de prescription

Parce que la position du politique sur la réduction des risques ou sur une éventuelle opposition entre cadre législatif et santé publique est au centre du débat sur les..

Par ailleurs les groupes de référence (population blanche de la première moitié du 20ème siècle) de ces tests ne sont pas représentatifs pour la population évaluée (jeunes

Souvent créées pour répondre à des besoins spécifiques du marché du travail, pour favoriser le rapprochement entre l’enseignement supérieur et l’entreprise, et pour garantir