• Aucun résultat trouvé

LIVRE du Ça et du Là. Jean-Pierre Musy

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "LIVRE du Ça et du Là. Jean-Pierre Musy"

Copied!
20
0
0

Texte intégral

(1)

2

---INFORMATION--- Couverture : Classique

[Grand format (170x240)]

NB Pages : 396 pages

- Tranche : (nb pages x 0,07 mm)+2 =

29.86

---

Le Livre du Ça et du Là

29.86 655969

Jean-Pierre Musy

Ça

Le L iv re d u Ç a e t d u L à

Jean-Pierre Musy

LE LIVRE du et du

(2)
(3)

Avant-propos

Envahies par les contradictions qui se présentent, et les préoccupations quotidiennes qui les saturent, nombre de personnes abandonnent leurs réflexions sur la condition humaine. Cependant pour quelques-uns ou dans certaines situations, le questionnement, à ce propos, tend à s’imposer, et devenir absorbant. Tel fut mon cas tout au cours de ma vie et de mon exercice professionnel.

Je me suis installé comme médecin généraliste à l’âge de 28 ans. Après quelques années d’application à mon métier sont venues les interrogations sur ce que je voyais, ce que j’entendais, ce que je faisais. Je pensais alors qu’il me fallait aller plus loin, pour tenter de trouver un sens à ce que je vivais ou à ce que vivaient les autres. L’environnement habituel, au sein duquel j’exerçais, me paraissait plutôt limité ; je pensais alors que je devais aller ailleurs, et vivre des expériences fortes, afin de découvrir des éléments de réflexion plus signifiants. Je me demandais ce que je pouvais faire ou parcourir afin de m’ouvrir à une vision plus large du monde et des humains. Puis je me souvins que dans un monastère de l’Europe Centrale, avec simplement des fleurs, des petits pois et des lapins, Mendel découvrit les lois de l’hérédité. Alors en dépit de la banalité de ce que constituait mon quotidien, je décidai d’observer et de réfléchir. Et je m’aperçus que ce qui se déroulait devant mon regard était empli d’incidences, de faits, de répétitions et d’inattendus. Tous ces patients, qui me consultaient, me délivraient leurs plaintes, leurs sentiments intimes, leurs impressions, leur conception du monde et leurs interrogations ; j’assistais à leurs vies, à leurs succès, à leurs échecs, à leurs maladies, à leurs évolutions et parfois à leur mort. J’ai surtout ressenti de façon indicible l’implication dynamique sous-jacente aux dires et aux agirs, dont les corps

(4)

recueillaient les marques et les signes. Mon vécu personnel se mêlait à ces constatations praticiennes pour me fournir une vision du monde et des autres qui m’étonnait et me poussait à m’interroger continuellement. À travers les données et les impressions que je recevais, ma conception de l’existence se transforma peu à peu. De plus, désirant élargir le contenu de ma pensée, je me mis à lire et relire les auteurs les plus divers. Je poursuivis cette recherche pendant une longue période, et un jour je me décidai à écrire ce que j’avais recueilli, imaginé et parfois défini ; Cela fut difficile, mais mon ami Jean Luc Mayoussier est venu à mon secours. Incrédule, souvent en contradiction avec ma pensée, il m’aida patiemment à la préciser. Il en est résulté un ouvrage d’inspiration éthologique, admettant également certaines investigations psychologiques. Il s’agit principalement d’une approche du contenu émotionnel à partir de la pulsion vitale selon ses aspects et ses conjectures.

L’incidence pulsionnelle et son organisation sont envisagées de la première enfance jusqu’à l’adulte et la fin de la vie. Cette description reprend l’ensemble des comportements et les aspects multiples de l’expression de la personnalité. De façon corolaire est abordée la question de la maladie qui souvent semble survenir lorsque l’adaptation psychique n’est pas parvenue à restituer l’attente pulsionnelle. Nombre d’humains, ayant abandonné la réalité d’eux-mêmes, effacent l’origine de leurs émotions. Pourtant entre leur corporalité et leurs représentations, vit en eux un indicible et profond mouvement vital. Effaçant cette attente immédiate, le manque existentiel peut se signifier, au niveau corporel, par une atteinte morbide. Ainsi la maladie, dont la causalité est volontiers considérée comme le fait du hasard, est, bien plus souvent que l’on pense, le fait de situations psychiques ou sociales.

L’ensemble de ce contenu est proposé aux lecteurs avec ses concepts, ses hypothèses, ses définitions, ses propositions, ses définitions et parfois ses nouvelles attributions sémantiques. Pour cela est fourni un lexique.

Il ne s’agit pas du tout d’un travail universitaire, mais simplement d’une dialectique qui se libère volontiers des piliers de la pensée générale et des données reconnues et entretenues. Ne faut-il pas parfois se permettre de prendre le risque de s’écarter du principe de réserve et la stricte logification pour avancer sur le chemin de la connaissance ? En tout cas ce fut mon choix.

(5)

Ouverture

Au regard de leurs attentes, les humains se montrent, bien souvent, déroutés et envahis par un sentiment d’aliénation et de déréliction. Ils ressentent leur situation comme engluée et entraînée dans un mouvement qui leur échappe. Le contenu de l’ensemble des spéculations idéiques définit des solutions d’ordre général qui ne semblent pas leur apporter de proposition qui puisse les persuader ou les éclairer. Reconnaissant cette impasse, le texte qui s’ensuit se place, à l’inverse, dans une perspective qui envisage de reconsidérer les humains à partir des mobiles individuels qui les font exister. Ainsi, il est proposé une réflexion sur le phénomène humain à partir du sujet lui-même, admettant que cette approche implique la recherche de ses attentes basiques et inconscientes.

Les humains ont bien un soupçon de la notion d’inconscient, mais ils se considèrent comme principalement conscients. Conscients de quoi ? Difficile de répondre. Ce qui leur tient lieu de conscience n’est, semble-t-il, que leur impression d’engagement dans les comportements qu’ils mettent en œuvre. Ils vont, viennent, construisent, détruisent, font l’amour ou le défont, acquièrent des biens ou les perdent, ils en rient ou ils en pleurent, comme emportés dans un perpétuel tourbillon. En réalité, ils sont comme mus par une force inductive qui, agissant de façon multipliée et récurrente, dynamise et oriente inconsciemment leur conduite. Depuis toujours, cette force sous-jacente est connue ; elle a été désignée par les mots les plus divers, toutefois, ce fut au début du xxe siècle que le terme de pulsion y a été appliqué de façon explicite.

Parler de pulsions, c’est habituellement parler de pulsions sexuelles, d’où dériverait globalement l’ensemble des attentes. Comme chacun sait,

(6)

les pulsions sexuelles correspondent à des agissements destinés à jouir, par un acte intime, ou bien à pratiquer un acte de pénétration du corps, ceci avec un autre humain, de sexe opposé ou non, sachant toutefois que ces pulsions se recomposent de façon complexe dans le psychisme et dans les actes. En fait, si les pulsions sexuelles sont bien réelles et bien observables, il semblerait cependant que cette expression ne recouvre pas l’ensemble du phénomène pulsionnel. Ne doit-on pas reconnaître que les humains présentent une propension constante à consommer et à produire ? Et puis il y a cette course à l’argent, permanente et visible en toutes situations. Il est aisé de reconnaître que ces préoccupations de nature économique témoignent de la présence d’une modalité pulsionnelle, distincte de la sphère des pulsions libidinales. Admettant l’existence d’une telle composante, le phénomène pulsionnel pourrait être considéré comme n’étant pas uniquement lié à une visée libidinale. Il existerait une polarité pulsionnelle indépendante de la libido, qui serait de nature principalement économique. Une double orientation pulsionnelle pourrait ainsi être retenue, en considérant cependant que ces deux polarités sont toutes deux issues de la pulsion vitale.

Tenant compte de cette conception, le parti de ce texte est d’envisager une présentation dualiste du phénomène pulsionnel ; à savoir, une polarité libidinale et une polarité ligidinale (pulsions économiques individuelles ; terme défini dans la suite du texte).

Volontiers reconnues, d’une connaissance largement véhiculée, les pulsions libidinales ont fait l’objet d’une ample littérature. La pluralité des pulsions libidinales est ici reprise en utilisant globalement les conceptions antécédentes. En revanche, à l’échelle individuelle, les pulsions économiques n’ont pas reçu la même attention de la part des auteurs et, en toute apparence, n’ont pas fait l’objet de publications ou de recherches précises. En fait, la situation territoriale et les processus de « production- consommation » ont principalement été abordés sous leur aspect massifié (c’est-à-dire observant les phénomènes économiques au niveau des populations et des flux de biens). Différemment, ce texte aborde le phénomène économique sous l’angle des pulsions individuelles, et en donne une approche spécifiée. Selon cette disposition, les pulsions d’ordre économique sont discernées et circonscrites, faisant l’objet d’une

(7)

description séparée et, même si l’on considère qu’elles interagissent avec les pulsions sexuelles, elles sont traitées dans un ensemble distinct. Cette approche admet donc une dichotomie dialectique : d’une part, pour désigner les pulsions libidinales, le vocable « ça » est réutilisé ; d’autre part, pour stipuler le caractère individuel des pulsions économiques (dites

« ligidinales »), il a été choisi de placer cette polarité sous la désignation du vocable « là ». De la sorte, selon un choix décisionnel, le Ça recouvre préférentiellement l’aspect libidinal, et le Là concerne spécialement l’aspect économique des pulsions individuelles.

Il n’est pas possible de parler des pulsions en dehors du contexte des comportements et des émotions. Pour cela, le développement de cet essai décrit les pulsions libidinales et « ligidinales » dans l’ensemble du vécu. Et, afin de poursuivre, il est proposé une approche descriptive qui repose sur le principe d’une organisation existentielle admettant trois niveaux.

Le premier niveau sine qua non à l’origine de l’existence est le plan corporel, où insiste l’indication vitale ; cette insistance s’impose comme dans tout ce qui grouille, mange, excrète, se reproduit, se délectant indéfiniment à vivre. Ce déterminant biotique qui agit est un phénomène énigmatique qui crée la condition de la présence du vivant. L’humain, lui aussi, détient cette injonction vitale qui le fait exister sans savoir, ni pourquoi, ni comment. Il est, lui aussi, présent et dynamisé par la réalisation de besoins, qui sont la condition de son existence. Comme pour tout être vivant, ses besoins sont nécessairement de nature quantitative et matérielle, mais également de nature qualitative et subtile.

Le deuxième niveau, imprégné du sens existentiel, est ici qualifié de sensible ; ce plan serait le compartiment le plus important de la psychologie. Pour autant, il n’est, semble-t-il, pas véritablement reconnu, du moins dans son importance ; il est le plus souvent invoqué comme une notion implicite, voire hypothétique. Dans ce texte, le plan sensible est défini comme une activité psychique profonde, de nature animale, qui se placerait en interface entre le corps et l’imaginaire. Ce plan crypté, dissimulé, effectuerait la traduction du déterminant biotique en une donnée psychologique immédiate. Ce plan, dont l’humain est inconscient, ignorant, voire négateur, importerait la visée et l’insistance corporelle, pour la traduire en pulsions, et il est ici accepté que ce soit, à ce niveau, à partir

(8)

d’une induction totalement inconsciente, que se déterminent et s’orientent les pulsions, et donc les actions, afin de réaliser les demandes du corps et de l’espèce. Ainsi, à travers les pulsions, à la base du psychisme, au cœur de ce plan animal, c’est le sens du vivant qui se déploie et s’impose. Le contenu de ce plan s’élabore progressivement pendant la gestation, il s’applique incidemment à la naissance et évolue pendant la courte phase primale qui suit. Puis, il est rapidement recouvert ou caché par l’imaginaire ; cependant, on peut admettre qu’il demeure actuel et actif toute la vie.

Chacun reconnaît l’origine corporelle des pulsions ; cependant, il est, dans le texte qui suit, envisagé que cette dynamique soit modélisée dans ce vaste contexte de la psychologie immédiate et inconsciente que constitue le plan sensible.

Le troisième niveau, bien reconnu, correspond au plan imaginaire, conscient ou infraconscient, qui vient recouvrir le plan sensible. Tout le donné émotionnel se reconstitue alors à travers des représentations de la situation vécue. Si cette capacité élargit les possibilités d’adaptation au monde, elle complexifie le vécu affectif, et il existe tout un chemin pour parvenir à intégrer les pulsions selon des formulations imaginaires et qu’elles puissent se traduire en désirs. N’ayant pas construit son individualité émotionnelle, l’enfant établit dans un premier temps une confusion entre sa demande personnelle et celle de ceux qui l’entourent. En conséquence, sa demande est dépourvue d’affects qui lui sont propres et ses pulsions se diluent dans la situation d’une dépendance psychologique. Puis, évoluant, l’amorce de symbolisation et d’affirmation de ses pulsions donne lieu à une fantasmatique qui correspond habituellement à un phénomène de crise dite « complexe ». Il s’agit d’une affirmation de l’individualité et du narcissique qui présentifie la réalisation adulte. Compte tenu de la dualité pulsionnelle, deux épisodes se succèdent. Le premier implique une problématique libidinale qui survient habituellement dans l’enfance (entre 3 et 5 ans) ; c’est le complexe d’Œdipe, dont la connaissance est largement répandue. Le second événement, qui apparaît plutôt durant l’adolescence (entre 12 et 18 ans), est défini de novo dans ce texte, il est désigné par le terme de « complexe d’Aliocha » (héros de Fiodor Dostoïevski, dans le roman Les Frères Karamazov). Ce deuxième épisode de crise psychologique est très souvent assimilé au complexe d’Œdipe mais, n’étant pas

(9)

principalement une problématique d’origine libidinale, il en est distinct. En réalité, le complexe d’Aliocha est surtout relatif au territoire et à la consommation ; sa description sera donnée au cours du développement qui suit. Puis, selon une évolution plus ou moins rapide, le sujet, dépassant suffisamment, s’il se peut, ces problématiques émotionnelles, développe une organisation plus valide. Elle est plus valide, car il reconnaît ses pulsions pour l’autre ou les autres, mais l’objet de ses pulsions se dérobe sans cesse ; l’autre, les autres ne peuvent répondre à son attente de complétude, alors il recherche encore ce qui réaliserait sa complétude. Et c’est à partir de son émotion sensible inconsciente qu’émerge la sensation de ce qu’il recherche, une situation comparable à celle du Nous anténatal qu’il formait avec sa mère. Dans l’imaginaire, se recrée alors la demande d’un référent qui le comblerait et le placerait dans une situation de Nous virtuel ; ce n’est plus le Nous qu’il entretenait avec sa mère dans la situation primale néonatale mais, par translation, le sujet destine ses attentes à un référent virtuel qui symbolise ce qui est extérieur à lui. La dynamique de son désir s’adresse, dès lors, à ce référent symbolique qui est dit « l’Autre ».

A priori, cela n’est, le plus souvent, pas véritablement conscient, mais le sujet détient en lui le sens de l’altérité symbolique ; il devient capable d’établir une correspondance entre ses pulsions et le sens des images ou des mots qui les désignent. Dès lors, les comportements étant en accord avec la demande profonde, l’adaptation émotionnelle est relativement bonne.

Les trois plans existentiels, le corporel, le sensible et l’imaginaire, se constituent et s’organisent de façon progressive. Même si, en principe, les plans les plus profonds sont cryptés, ces trois dynamiques ne disparaissent pas, mais demeurent superposées dans le psychisme ; ce qui signifie, qu’après leur apparition, ces plans existentiels demeurent présents et interactifs durant toute la vie.

Cependant, cette évolution ne s’enchaîne pas toujours de façon aussi régulière, il y a de fréquents retards ou de possibles stagnations qui déterminent des états d’immaturités. De plus, l’accession à l’altérité symbolique n’est pas constante ou complète ; de nombreux obstacles situationnels ou certaines caractéristiques individuelles interviennent. Par ailleurs, il est observable que la substruction psychologique, en principe attendue, n’étant pas assurée, des présentations distinctes peuvent

(10)

apparaître. Ce sont les états névrotiques, les très exceptionnels cas de sublimations (par exemple, l’extatisme), les structures spéculaires ou les troubles de la personnalité. Dans ces observations, l’organisation du processus pulsionnel est différente.

Ce peut être également le corps qui témoigne d’un désordre, c’est alors la maladie. Sa cause peut parfois être rapportée à des anomalies primaires, comme les désordres génétiques imparables, ou à des lésions secondaires liées à des facteurs nocifs de nature toxique, traumatique, ou encore à des atteintes infectieuses, mais l’origine de la maladie peut également être de nature endo-psychique. Dans ce cas, selon une conception qui demande à être évaluée, ce serait la conséquence d’un vécu à contresens des pulsions.

Après cette présentation de l’humain, relative à son organisation émotionnelle, vient à se poser la question du choix qui, lui, est imparti.

Pour l’individu, la situation dépend de facteurs multiples tels que la culture, le niveau socio-économique, l’organisation familiale, etc., et il est indéniable que l’indication pulsionnelle subit l’interférence de ce contexte situationnel. En conséquence, le choix individuel semble finalement très limité, voire aléatoire.

Le choix des humains serait plutôt d’ordre général. Cependant, si un choix existe, il est peu vraisemblable qu’il puisse s’inspirer de la vision communément entretenue. Reprenant les tenants de la pensée générale, il en ressort, selon toute apparence, que les idéalismes et les idéologies ont détourné les humains de l’immanence de leurs pulsions. Peut-être, revenant sur leurs pas, les humains feront-ils le choix général qui consiste à admettre l’existence de ce plan immédiat, de nature sensible, qui serait relégué et oublié. Ainsi, se ralliant au fond d’eux-mêmes, suivant la trace du Ça et du Là, ils peuvent redécouvrir peu à peu le sens de leurs pulsions et donc la réalité de leurs désirs.

L’ensemble de ce texte tente d’établir un état des lieux et des temps relatifs aux phénomènes pulsionnels. Il s’agit, finalement, de renouer de façon lucide avec le contenu de l’inspiration première des humains.

En dépit des doutes et des contradictions manifestes qu’ils entretiennent, il semble que, de plus en plus, les humains pressentent la réalité subjective et symbolique qui les réunit.

(11)

Corporel

PRÉSENTATION

La corrélation entre le corps, les émotions et la pensée a, depuis fort longtemps, fait l’objet de diverses interprétations qui définissent la notion de l’âme et de sa survie après la mort. Cette conception a eu l’avantage de suppléer à l’inéluctable expectative de l’absence et de la mort… Qu’importe, tout humain est d’abord défini par son corps ; sans le corps, il n’y a pas d’existence. Ainsi, ce texte propose une approche qui reconnaît la vie du corps comme la condition initiale et déterminante de toutes les capacités d’émotion et de pensée. De ce corps, émane une situation individuelle qui est un accomplissement interne selon un fonctionnement biologique et un ressenti. Cette situation interne se conjugue avec les conditions externes à ce corps.

La notion de corporel représente ainsi la phénoménalité de l’existence du corps, dans son ipséité, en correspondance avec le vécu du monde et des autres. Toutefois, dans sa définition, le corporel, même si l’on admet l’incidence des interférences externes, est individué et constitue une notion intrinsèque, distincte de ce que décrivent les disciplines touchant à l’expression du psychologique, du social ou du culturel. Ces approches véhiculent une notion stéréotypée du corps, se contentant d’admettre certaines singularités, ainsi elles éludent la question de la phénoménalité spécifique du corps ; cette phénoménalité, c’est la réalité du corps qui se joue selon la qualité du vivant, par et pour soi-même, dans le temps et dans l’espace.

Le phénomène vivant est une manifestation princeps à laquelle l’humain est intégré, et qui s’impose à lui sans explication possible. Dans ce

(12)

texte, le vivant est envisagé en utilisant volontiers certaines notions relativement reconnues ; toutefois, c’est par une proposition particulière que ce développement cherche à donner une idée de la dynamique du vivant. Cette approche reprend en fait les intuitions des humains véhiculées par les dires ou les mythes, c’est-à-dire tout ce qui permet d’entrevoir un possible dans l’énigmatique présentation du phénomène biotique.

Ce chapitre présente une considération descriptive du vivant, suivie de celle du corporel humain. Cette dernière inclut les propriétés cellulaires et celles de l’organisme. La notion de besoin sera, ensuite, abordée et, pour finir, il est proposé une organisation de l’ordre biotique dont le corporel est consubstantiel.

LE VIVANT

Si le vivant est présent et observable, son origine, son actualité et son organisation demeurent étonnantes. En effet, on assiste, sans véritablement comprendre, à une manifestation surprenante au regard de ce qui apparaît, se transforme, se diversifie. Telles sont les ingénieuses et efficientes morphologies, les fonctions les plus différenciées pour produire des enzymes, des poisons, des décharges électriques, de la luminescence, etc. Et puis, il y a toutes ces ruses, ces symbioses, ces organisations entre espèces pour la nourriture ou la reproduction. Si on observe un élément de la nature, on est étonné de la finesse, de la cohérence, de l’intelligence des structures organiques ou fonctionnelles obtenues.

Il est établi que l’évolution serait la résultante de l’apparition d’un grand nombre de mutations, et d’une élimination ne laissant subsister que les mutations les plus adaptées. Ainsi, l’évolution serait finalement la résultante du « hasard et de la nécessité » (Jacques Monod – cf. biblio.).

Toutefois, il semble qu’une dimension supplémentaire s’impose ; le principe de téléologie par élimination n’est pas suffisant pour expliquer le pragmatisme des résultats produits. Cette inventivité est-elle uniquement le fait d’une sélection parmi de multiples mutations relevant du hasard ? Cette question posée n’a pas de réponse véritable. Toutefois, les recherches dans le domaine de l’épigénétique, notamment les publications de Joël de Rosnay (cf. biblio.), permettent d’observer que les gènes sont modulés par les facteurs environnementaux et comportementaux. Il y aurait formation

(13)

de molécules qui allumeraient ou éteindraient les gènes, voire détermineraient l’apparition de nouvelles structures géniques. Tout se passe comme si le vivant possédait une capacité intelligente, organisant les morphologies et les comportements des êtres vivants. Il s’agirait d’une potentialité impalpable qui se manifesterait selon une dynamique organisant et orientant tout ce qui vit. Cette disposition semble agir selon un processus, certes matérialisé, mais dont l’implication inductive constituerait une potentialité virtuelle. La virtualité dont nous avons l’expérience est le phénomène de l’idée. L’idée élaborée par le cortex du cerveau humain conforme une image virtuelle, qui est une représentation du monde dans le psychisme humain. De facto, l’idée témoigne de l’incidence de la virtualité. Cependant, si l’idée indique bien l’existence d’une dimension virtuelle, cette forme médiate n’est pas forcément la seule possibilité. Il est concevable que la virtualité puisse être immergée et consubstantielle de la situation du vivant sans se former comme une idée.

Elle serait dissoute dans la substance de toute forme d’existence, et peut- être en deçà.

Selon la conception hypothétique ici retenue, l’immatérialité se déploierait dans toute la nature comme une injonction innée. Ce serait une intelligence immergée mais dénuée de réflexion. Présente de façon impalpable dans le biotique, cette présence immatérielle, constituant une dynamique fondant toute existence et se confondant à toute existence, serait agissante et déterminante partout et en tout temps.

Admettant qu’une action immatérielle s’applique, il est congruent de reconnaître qu’une énergie incidente intervienne. Rappelons que le terme d’énergie recouvre le principe qui appartient à toute action physique et se définit comme un mouvement associé à une masse. Cependant, la notion d’une énergie virtuelle, dans sa définition, rend compte d’une énergie qui ne possède, ni force, ni masse ; ce serait une action qui utiliserait la force et la masse de toute substance.

En conséquence, l’organisation du vivant serait constamment soumise à l’énergie physique, mais aussi à des organigrammes immatériels. Ainsi, l’énergie physique présente, de nature quantitative, serait organisée dans son application par une énergie virtuelle de nature qualitative. Pour la spécifier et la différencier de toute autre forme d’énergie représentable,

(14)

cette énergie virtuelle, qui compose et prédéfinirait le vivant, peut être dite

« subtile ». Le principe de subtilité ne constitue pas une notion occulte, mais une dimension hypothétique, admise comme non physique, qui interviendrait selon une modalité qui initialiserait et orienterait la substantialité. Cette action pourrait être comparée à celle d’un logiciel, il pourrait être dit « bioticiel ». Il s’agit d’une dynamique qui comprend donc un phénomène agissant, non matérialisé, différent des formes d’énergie telles qu’elles sont habituellement reconnues. Ainsi cette action, qui ne s’apparente pas aux faits physiques, modifierait sélectivement la matière pour produire du vivant. De la sorte, cette énergie d’ordre immatériel constitue une dimension inférée au réel, que les moyens de cognition scientifiques ne permettent pas d’appréhender ni de définir. Différente de l’intelligence usuelle des humains, l’action subtile serait une modalité infra- logique répandue in situ, qui impliquerait la réalisation biotique.

L’affirmation conjecturale de la présence d’une énergie subtile est une effective transgression épistémologique ; cependant, les réserves du postulat d’objectivité ne sont pas abandonnées, même si elles sont délibérément élargies.

Parfois, la réflexion a besoin de prendre un risque pour évoluer.

L’objectivité n’est pas aussi sûre que l’on croie, elle est même restreinte par un cadre qui est, en fait, de nature empirique. Les humains sont maintenant loin d’un positivisme tranquille, assuré dans leurs certitudes mécanistes, quand on leur annonce qu’ils sont parcourus sans cesse par des milliards de neutrinos par mm² par seconde, à leur insu ; neutrinos dont ils ne connaissent pas vraiment la nature exacte. Partout les cognitions simplifiantes, et ancrées, se trouvent déstabilisées, tant par le connu qui s’amplifie que par l’inconnu qui surgit, et il devient difficile de réduire le vivant à un processus exclusivement physicochimique. Antoine Danchin (La Barque de Delphes – cf. biblio.) déclare : Cette réduction du vivant au monde physicochimique culmine dans les travaux qui font appel aux couplages plus ou moins élaborés entre diverses dynamiques de systèmes simples, et qui se résument selon une expression aussi à la mode que vaine, l’auto organisation. Et l’on va, par purs artifices de langage, et abus de métaphores, chercher à « expliquer » la vie par le comportement plus ou moins riche de réactions chimiques oscillantes, ou d’apparitions de structures

(15)

organisées à diverses échelles. Ainsi, la cognition du vivant ne peut échapper à de nouvelles conceptions, comme celle de reconnaître la subtilité qui le qualifie. Le vaste polymorphisme qui se déploie, en dépit des différences observées, semble bien présenter une préalable modélisation. Tout se passe comme si une action virtuelle agissait en infléchissant la substance, selon un schéma potentiel. Se croyant inspirés et désireux de s’accorder une origine concevable de cette prédéfinition, les humains ont formulé des conceptions religieuses ou idéiques. Ils n’ont atteint qu’une vague notion de contentement émotionnel ou conceptuel. En dépit de ces prospectives, la déterminante et la manifestation du vivant demeurent toujours aussi énigmatiques.

LE CORPS

Le corps est une chose qui possède une description physique, anatomique, histologique, physiologique, biologique, voire pathologique, dont l’ensemble constitue une somme d’observations scientifiques. Au-delà de ces définitions logifiées, le corps existe, il existe en tant que phénomène vivant, selon une présence sensationnelle et existentielle autonome.

Le corps est capable de se mouvoir librement, de prélever des facteurs trophiques et énergétiques, de se reproduire. En fait, ce corps correspond à un organisme formé par une multitude de cellules, qui vivent pour elles- mêmes et pour l’organisme auquel elles appartiennent. Cet ensemble, que constitue le corps humain, se doit d’être considéré comme une réalité phénoménale admettant toutes les implications du vivant. Cette question est traitée à deux niveaux : le phénomène basal de la cellule et le phénomène global de l’organisme.

La cellule

Chaque cellule est un microcosme en adéquation fractale avec le macrocosme de tout le vivant, ce qui signifie que cette bio-structure basale recèle et maintient toutes les conditions du vivant. Et la séparation la plus manifeste, entre l’amorphie des éléments physiques et l’organicité des formations vivantes, est le phénomène pariétal, c’est-à-dire la paroi cellulaire. La présence caractéristique d’une interface active de séparation entre un milieu vacuolaire, conformant le contenu de la cellule, et le milieu

(16)

qui l’entoure, marque la disposition de son existence ; les microorganismes tels que les virus et les prions, qui n’ont pas de paroi, ne sont que des éléments dégradés du vivant, ils nécessitent la présence de cellules pour exister et se reproduire.

La cellule isolée présente, compte tenu de sa paroi, une situation interne et une situation externe, dont la somme conforme une globalité.

Cette condition admet la circulation de multiples atomes ou molécules, entre le dedans et le dehors. Les inclusions s’effectuent le plus généralement selon des lois de physique osmotique, et aussi selon des phénomènes d’absorption, plus complexes ou plus captatifs, comme la phagocytose. La cellule dépend de la composition de son milieu environnant qui doit contenir les éléments qui lui sont nécessaires. Cependant, c’est par les exclusions, qui constituent une modalité de triage des éléments matériels, que se détermine précisément la composition du contenu cellulaire. Ainsi, le cycle de l’échange biotique admet la sortie comme une action propre à la cellule, qui permet à celle-ci de se construire de façon spécifique. C’est donc en réalisant une restitution partielle que toute unité vivante se réalise.

Les matériaux inclus et intégrés subissent des réactions chimiques complexes successives, qui se produisent et se répètent, permettant ainsi le renouvellement de la matière organique ; il s’établit un équilibre dynamique entre anabolisme (construction moléculaire) et catabolisme (destruction moléculaire). Par ces mécanismes d’échange et de métabolisme, la cellule édifie sa structure spatiale, et donc sa présence autonome. Cette intégration de l’espace est la première réalité cellulaire.

La deuxième réalité, tout aussi spécifique, du vivant, est la capacité que possède la cellule de se reproduire en des êtres semblables à elle-même.

Cette aptitude se manifeste selon un processus qui permet une réplication structurelle et fonctionnelle inscrite dans le génome de chaque cellule. Le processus de réplication de la cellule correspond au séquençage de la mise en œuvre, de l’expression de son programme génétique, sous la forme de ces objets manipulateurs que sont les protéines. Un résultat important de cette correspondance entre l’ADN et les protéines est l’introduction du temps dans une représentation de la vie cellulaire (ou de l’organisme, s’il est multicellulaire) qui fait référence à elle-même. Il est possible, dès ce stade de la formation du vivant, de souligner la séparation physique concrète,

(17)

effective, entre le programme et son support matériel l’ADN, et les objets qui résultent de son expression, les protéines […] La loi biologique centrale consiste à exprimer le contenu en information du génome au moyen d’une règle de réécriture qui permet de passer du texte à quatre lettres de l’ADN au texte à vingt lettres de la protéine. Antoine Danchin (cf. biblio.). Le phénomène de la réplication et donc celui de la reproduction constituent un processus dont le déroulement est relativement logifiable. Cependant, sa causalité demeure hors de portée de toute logique. Seule la finalité de ce processus est recevable et concevable, puisqu’il permet à la vie de se perpétuer. Ainsi, la cellule intègre le temps selon une présence en filiation d’un passé et en projection d’un avenir.

Les échanges membranaires, le métabolisme, la réplication dépendent d’une énigmatique déterminante relevant de la subtilité du phénomène biotique. En fait, chaque cellule est une application subtile du phénomène vivant ; cela est vrai pour une cellule autonome et le demeure lorsqu’une cellule participe, par association, à une organisation vivante multicellulaire.

L’organisme

Un organisme est une massification cellulaire dont les cellules rassemblées forment, par leur somme, une unité correspondant à un morphotype spécifique. C’est, par exemple, le cas du macro-organisme que représente le corps humain. Ce corps est formé par l’association d’une grande multitude de cellules qui vivent pour elles-mêmes et pour l’ensemble.

Ayant succédé aux archaea (strictement unicellulaires), ces cellules, qui composent les organismes, sont dites eucaryotes ; elles possèdent un noyau enclos dans une membrane et incluent dans leur cytoplasme des mitochondries. Ces cellules ont deux modalités héréditaires : l’une nucléaire (hérédité nécessitant les gamètes des deux sexes), l’autre mitochondriale (hérédité transmise uniquement par la mère).

Par ailleurs, ces cellules eucaryotes sont susceptibles de se différencier pour constituer des organes. Chaque organe représente un ensemble de cellules spécifiées et organisées, pour réaliser une activité précise au sein de l’organisme. Les organes s’associent pour réaliser les fonctions physiologiques. L’intégration de l’ensemble de ces fonctions implique une

(18)

réalisation dont la finalité est d’obtenir une harmonie corporelle anatomique et physiologique.

À travers l’organisation massifiée, chaque cellule possède, en plus de la finalité supplémentaire de l’organisme auquel elle appartient, sa propre finalité biotique. Ce qui signifie qu’une cellule, qui obéit fonctionnellement à l’organisme dont elle est constitutive, se comporte aussi comme un élément monocellulaire, par exemple comme une bactérie. Même si elle appartient à une forme de vie constituant une organisation multicellulaire, la cellule humaine ne se départit pas de cette injonction vitale fondamentale.

Pour toute structure vivante, une vie est une conception, un moment d’existence et une mort. Il en est de même pour l’humain. Lors de la conception, d’emblée, la rencontre de deux cellules germinales fait rapidement et spontanément apparaître un élément vivant unitaire, distinct ; celui-ci existe, dans un premier temps, dans une niche provisoire, un œuf (pour certains organismes) ou un utérus (comme pour l’humain). La construction de cet individu passe par tous les stades de l’évolution ; il est, tour à tour, un être unicellulaire, puis un champignon, une plante, un ver, un animal vertébré, un mammifère, et finalement un humain. En témoignent les médiateurs chimiques et leurs récepteurs. Par exemple, la muscarine est propre aux champignons, l’acétylcholine est d’appartenance végétale, et l’adrénaline est sécrétée par les animaux. Cette succession phylogénétique marque le corps dans sa morphologie, dans sa fonctionnalité et dans sa vie.

Tout d’abord, pour l’humain, pendant une période limitée qui correspond à la gestation, la vie fœtale est une existence qui est consubstantielle du corps maternel. Dans cette situation, s’établit le flux liquide ininterrompu d’un va-et-vient d’échanges de substances ; par apports et éliminations, les échanges rendent possibles tous les accomplissements morphologiques et fonctionnels. Et, selon toute hypothèse, au cœur de cette symbiose et de cette fluidité sans limites de temps et d’espace, se développe une ambiance qui marque, en toute aperception, le fœtus dans sa chair ; ainsi, pendant toute la période gestationnelle, embryon puis fœtus, cet élément vivant s’élabore et se développe dans une globalité existentielle, où fœtus + mère constitue un Nous. Ce petit globus vit cette situation fusionnelle physique selon une organisation d’échanges passifs, et aussi selon des afférences sensorielles. La naissance interrompt cette organisation passive.

(19)

Lors de l’accouchement, brutalement, la situation corporelle se trouve transformée ; le nouveau-né passe, en un bref instant, d’un milieu hydrique à un milieu aérien. Placé dans une situation subitement différente, il est physiologiquement bouleversé, il est retranché de sa complétude passive.

Au premier cri, il respire par l’arborescence de ses alvéoles qui se déplissent, et il perd le lien artério-veineux qui permettait l’échange gazeux, l’apport hydrique, énergétique et trophique. Il est quarante-huit heures sans manger ni boire ; il perd de l’eau, il perd le méconium, il perd du poids… Il lui faudra de quinze à trente jours pour retrouver son poids de naissance. Dès qu’il est né, le nouveau-né est placé, au niveau de sa corporalité, dans une situation de séparation, ce petit corps est devenu soi.

Alors, à partir de l’empreinte physique de la situation gestationnelle, apparaît la sensation d’une présence hors de lui, et il cherche cette présence : il sent peu à peu un contact charnel. Alors, selon un processus de résilience inné, le nouveau-né retrouve, dans sa concrétude physique, des stimuli dont la qualité est une reconnaissance de ce qui lui est extérieur. La période primale est, ainsi, ce moment de reconstruction d’une complétude à partir de ce qui l’environne.

Il n’est plus passif, pour réaliser son existence, il devient actif. Il recherche dans ce qui l’entoure les éléments nécessaires à sa vie, et c’est mu par cette dynamique existentielle que le bébé investit, d’emblée, le corps de sa mère, pour réaliser l’échange vital à travers les éléments substantiels. Il est là, dans le giron maternel, bien au chaud, tout contre sa maman ou dans le berceau douillet, empli de sensations moelleuses, de sons, de couleurs, de senteurs, et tout ça vogue et va et vient de sa mère à lui, le bébé. Là, il tète, il absorbe, il sent le lait qui coule dans son corps, il sent les fèces qui sortent, l’urine qui s’écoule. Il sent les mains douces de sa mère qui recueille ses selles molles et chaudes et ses flots d’urine tiède ; ces excrétions constituent ce qu’il donne, le lait correspond à ce qu’il reçoit. À travers ses excrétions et le lait qu’il absorbe, un circuit d’échanges s’établit entre le bébé et sa mère.

Par ces échanges substantiels, le bébé s’adjoint à une présence physique hors de lui. Ainsi, pendant la période post-natale, le nouveau-né s’ouvre à la dimension spatiale de son existence. Il intègre l’espace à travers la conjonction intérieur/extérieur ; cela signifie que l’échange qu’il développe avec sa mère reproduit le mécanisme « d’entrée-sortie » qui est du même

(20)

ordre que celui des cellules qui le constituent. Il tète, il excrète, selon un cycle « entrée-sortie ». Cette actualité de l’échange, comme condition univoque de l’existence primale, deviendra inapparente, mais persistera toute la vie du sujet, jusqu’à sa mort. Même si une différentiation et une évolution s’effectuent, la déterminante existentielle sera la même, et c’est à partir de cette conjonction corporelle avec l’extérieur que l’organisme applique la recherche des éléments qui conditionnent son insertion spatiale.

Parallèlement, selon une implication temporelle, insiste une exigence de filiation comme pour chaque élément du vivant. En fonction des épisodes du vécu ou des stades émotionnels successifs, se signifie le phénomène libidinal ; il marque chaque fois l’empreinte de la sexualité et du temps émotionnel. Le nouveau-né, peu après sa naissance, présente une poussée génitale qui donne lieu à une intumescence des organes génitaux externes et à une mammite néonatale dans les deux sexes. La crise dure de dix à quinze jours et cesse. Cette fugace poussée génitale est sujette au questionnement. Dans cet innocent petit Adonis, toute une séquence du génie existentiel vient se signifier. Puis, après une phase de latence de huit à dix ans, devenu préadolescent, le sujet présente alors une poussée génitale complète, ce qui lui confère sa disposition sexuelle définitive. Ainsi peut-on concevoir que l’organisation psychophysiologique du nouveau-né admet la présence de l’ébauche de l’ensemble des structures sexuelles qui se développeront ultérieurement. Comme pour l’acquisition de la marche, il y a inscription précoce, effacement, puis application définitive ultérieurement. Ainsi, l’intégration libidinale néonatale comporterait donc l’ébauche de l’ensemble du programme libidinal. Cette propension reproductive témoigne de l’impérative nécessité qui dépasse tout élément vivant et l’amène à perpétuer le vivant. Ceci n’est pas l’apanage de l’humanité ; le hareng, qui ensemence les œufs des femelles de son espèce, se répand de même. Ainsi, comme pour tout élément du vivant, si les humains ont le besoin de se reproduire, cela témoigne, quelque part, qu’ils cherchent à inscrire leur ADN nucléaire et mitochondrial. À travers la transmission de ces supports génétiques, qui contiennent ce qui définit leur corps, les humains se projettent physiquement dans le temps à venir.

Références

Documents relatifs

D’o` u l’interˆet de savoir, pour une sous-famille aussi large que possible de la famille des fonctions v´erifiant l’hypoth`ese (HI), que la condition (P ) est satisfaite. Ceci

Téléchargé gratuitement sur charivarialecole.fr.. C’est

1678 Les nobles et vertueux Claude et Marguerite, fils et fille de n.et prudent (luillaume-Andronique Musy, en son vivaht banneret de Romont, et hon.Francois Grand, bgs.dudit

livre dans sa matérialité sensible, fragile, irrégulière : livres de peau, de papyrus, de tissu, d’écorce ou de papier, surfaces lisses ou rugueuses à toucher, espaces

Vous y découvrirez en même temps qu’à l’origine, nous avons tous considéré notre père comme l’être le plus fort, le meilleur, le plus intelligent qui soit, mais qu’au fur

Et le propos de la psychosomatique telle que l’entend Groddeck est que l’individu puisse non pas seule- ment y mourir « en paix » mais aussi y vivre, par la lucidité acquise

Si on laisse de c6t~ la d6finition biologique qui ne semble pas avoir eu d'avatar s6rieux, les deux emplois du m6me mot dans deux langues diff6rentes ont certainement

Analyse des rentabilités et des volumes de transaction Il s’agit dans un premier temps de vérifier si les rentabilités en excès observées autour des annonces de