D20462. Quadrilatère gonflé
Construire un quadrilatère d’aire maximale ayant des côtés de longueur donnée.
Solution
La première étape consiste à montrer que le quadrilatère d’aire maximale est inscriptible. Cette conclusion vaut aussi pour tout polygone dont les longueurs de côtés sont données.
SoientA, B, C, D quatre sommets consécutifs du polygone. Gardant A et Dfixes, donnons à BC un petit déplacement ; celui-ci équivaut à une ro- tation d’angle (petit)iautour du centre instantané de rotationI, intersec- tion deAB etCD (car les déplacements de B etC sont perpendiculaires respectivement àAB etCD).
BC venant en B0C0, la variation d’aire du polygone est celle du quadrila- tère ABCD (les sommets autres queB etC étant fixes), égale à celle du triangleABICD devenant le pentagoneAB0IC0D(car les trianglesIBC etIB0C0 se correspondent par rotation). Cette variation est la différence entre les aires des triangles IB0A et IC0D. Leurs bases sont IA et ID, leurs hauteurs (au second ordre près)BB0=i·IB etCC0 =i·IC. Quand l’aire maximale est atteinte, une petite rotation i ne provoque qu’une variation d’aire du second ordre. Cela nécessiteIA·IB=IC·ID.
Cette condition entraîne que A, B, C, D sont cocycliques. De proche en proche, par paquets de 4 sommets consécutifs, un même cercle contient tous les sommets.
Cette propriété peut aussi se prouver par la géométrie pure, comme l’a fait M.D. Indjoudjian dansLa Jaune et la Rouge d’octobre 1995. Il démontre l’identité (p−a)(p−b)(p−c)(p−d)−S2 = abcd(1 +k)/2, où p est le demi-périmètre du quadrilatère etk le cosinus commun aux anglesA+C etB+D(de somme 2π).
Roger Lassiaille signale la formule équivalente,
(p−a)(p−b)(p−c)(p−d)−S2 = abcdcos2((B +D)/2), énoncée par Bretschneider en 1842.
Construction du quadrilatère avec les longueurs données (solution de Sturm).
Tracer le côté DA, et le prolonger de la longueur AE = CD.AB/BC.
Construire le lieu des points M tels que M E/M D = AB/BC. Le som- met B appartient à ce cercle et au cercle (A, AB). Le sommet C est le point d’intersection des cercles (B, BC) et (D, CD) tel que le quadrilatère ABCDsoit convexe. Selon le choix deB, il y a deux solutions, symétriques par rapport à DA.
Justification : l’angle (AE, AB) = (CD, CB) car supplémentaire de (AB, AD). Le triangle ABE est semblable au triangle CBDdans le rap- portAB/BC, d’où BE/BD=AB/BC.
Remarque 1. Un quadrilatère croisé et inscriptible (sans notion d’aire intérieure dans ce cas) s’obtient de manière analogue, mais en portant la longueur AE sur la droite AD de A vers D, pour que (AE, AB) = (AD, AB) = (CD, CB).
Remarque 2. Christian Stéfani propose trois démonstrations variantes du fait que le quadrilatère d’aire maximale est inscriptible.
1/ Démonstration intéressante par sa brièveté.
La configuration du quadrilatère est entièrement déterminée par l’angleA, les autres angles lui étant liés. Il s’agit de maximiser l’aire
(ad/2) sinA+ (bc/2) sinC sachant que
d2+a2−2adcosA=BD2 =b2+c2−2bccosC, soit
adcosA dA+bccosC dC = 0,adsinA dA−bcsinC dC= 0, d’où sin(A+C) = 0, A+C=π et ABCD est inscriptible.
2/ Démonstration intéressante par l’absence de tout calcul.
Soit le quadrilatère dans sa configuration inscriptible ; imaginons les quatre arcs de cercle AB,_ BC,_ CD,_ DA_ liés respectivement aux cordes AB, BC, CD,DAet articulés comme elles enA, B, C, D; soitLla courbe simple et fermée réunion des quatre arcs qui, pour le moment, est un cercle.
Déformons la figure pour rendre le quadrilatère non inscriptible ; l’aire de la surface délimitée par L a diminué (l’aire de la surface délimitée par une courbe de longueur donnée est maximale lorsque cette courbe est un cercle), or l’aire des quatre segments circulaires n’a pas varié ; celle du quadrilatère a donc diminué, sa valeur maximale est ainsi obtenue lorsqu’il est inscriptible.
3/ Démonstration d’ingénieur par la mécanique.
Les quatre barres AB, BC, CD et DA étant articulées en A, B, C et D, le quadrilatèreABCD soumis à une pression intérieure P tend à adopter une configuration d’aire maximale. Imposons les valeurs de l’angle A en soudant les barresABetAD, le système est alors isostatique et le moment fléchissantMen A est, après un calcul classique et rapide
M= P hd 2 sinD
d−ccosD
sinD −b−ccosC sinC
h étant l’épaisseur des barres perpendiculairement au plan de la figure.
Ce moment fléchissant résiste à la tendance du quadrilatère à adopter la configuration d’aire maximale, celle-ci sera donc celle pour laquelleMest nul, soit
d−ccosD
sinD = b−ccosC sinC .
SoientC0 la projection deC sur ADet D0 celle deD surBC.
d−ccosD=AC0,b−ccosC =BD0, sinD=CC0/c, sinC=DD0/c, d’où AC0/CC0 =BD0/DD0, soit cotDACd = cotDBCd entraînant ABCD ins- criptible.