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(*) comme Hérodote. Note de l'auteur.

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Cet ouvrage est le plus complet, le plus important et le plus attachant de tous ceux que vous avez signés jusqu'à ce jour. Théo Fleischman. 25 octobre 1977 Un vaste sujet traité avec une concision, une profondeur et une objectivité remarquables, tout en l'émaillant d'anecdotes, qui en accroissent encore l'intérêt.

Jean Cleeremans, Le Vétéran. 12 octobre 1977 Un ouvrage foisonnant, d'une haute tenue. Alain Antoine, La Dernière Heure 19 janvier 1978 L'ouvrage de de Launay, qui (*) n'est ni professeur, ni Belge, ni historien, n'est pas innocent.

José Gotovitch, Le Drapeau Rouge 14 novembre 1977 L'indépendance et la témérité de J. de Launay ne fléchissent à aucun moment.

Pol Vandromme, Le Rappel. 4 février 1978

Que l'on partage ou non les options de J. de Launay et même si l'on critique certaines de ses vues, on doit lui savoir gré d'avoir démontré que parallèlement à l'activité de la Résistance, il s'est livré un combat de tous les jours pour la survie. Et ce combat a été victorieux.

Georges H. Dumont, La revue générale février 1978

(*) comme Hérodote. Note de l'auteur.

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Du même auteur : Chez Albin Michel, Paris

La Grande Débâcle, 1944-45. Sept millions de civils fuient devant l'Armée rouge. 1985.

aux Presses de la Cité, Paris

Histoire secrète du pétrole. 1985 (en collaboration avec J.M. Charlier) chez Rossel, Bruxelles

Marché noir et fausse monnaie du IIIe Reich. 1983 (en collaboration avec J.M. Charlier)

chez RTL Editions, Luxembourg

Affaires spéciales du IIIe Reich. 1985 (en collaboration avec P. de Saint-Hilaire)

chez Paul Legrain, Bruxelles

Psychologie et sexualité des grands contemporains. 1978

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Jacques de Launay

La Belgique

à l'heure allemande

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A mes amis belges de la guerre et de la résistance,

George de Lovinfosse, Léon Rochtus,

Serge de Thibault de Boesinghe, qui, comme moi, voulurent, dès 1945, tendre une main loyale à leurs adversaires de la veille, dans l'esprit

des libertés démocratiques auxquelles nous sommes profondément attachés.

A mes éminents amis français Robert Aron (t) et le colonel Rémy.

Nous tenons à remercier Messieurs J. De Schutter, Jo Gérard, le Musée de l'Armée et le Centre de la 2 Guerre mondiale dont les documents nous ont permis d'illustrer ce volume ainsi que tous les collaborateurs directs et indirects grâce à qui il a pu être réalisé.

Photos Belga : pp. 110, 113, 114, 124.

© 1977, Paul Legrain éditeur, Bruxelles, Belgique.

Toute reproduction d'un extrait quelconque de ce livre par quelque procédé que ce soit.

et notamment par photocopie ou microfilm est interdite sans autorisation écrite de l'éditeur.

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Constat

« Le connu apparent n'est pas le réel. Et trente ans après les faits, il n'est pas possible d'écrire l'histoire au départ des seules

traces écrites retrouvées.

« J'ai tenté non sans ambition, mais sans prétention, de retrouver et de faire parler, en marge des documents, quelques dizaines de témoins encore vivants, pour restituer dans son climat d'époque la vie des Belges sous l'occupation.

« Oui, je sais que tout chercheur qui découvre de nouvelles données, de nouvelles traces historiques provoque des réticences, des critiques nées de l'ancienne façon de voir qui se défend. J'en ai pris le risque.

« Je ne prétends pas à l'objectivité, je ne crois pas à cette qualité des historiens, mais je puis assurer le lecteur de ma sincérité et du rapport exact des propos et des souvenirs des témoins interrogés auxquels j'ai toujours accordé un préjugé de bonne foi.

« Le jugement final - hors mes constatations de fait - revient au seul lecteur, en son âme et conscience.

« Je ne puis citer tous les témoins qui ont eu la grande amabilité de me parler et souvent de m'ouvrir leurs dossiers, certains l'ayant fait en me priant de ne pas révéler leurs noms.

J'ai respecté cette volonté et cédé mes dossiers où figurent ces noms et ces pièces inédites - plusieurs milliers de pages - à une institution spécialisée qui pourra en accorder l'accès dans un délai raisonnable, après extinction des passions.

« J'ajoute que j'ai écrit, non pour les professeurs, mais pour le grand public. L'appareil érudit de ce livre est considérable, sources vérifiées, recoupées dans un souci permanent d'exactitude scientifique, mais j'ai suivi, pour ne pas alourdir la lecture, la revendication, et de mon éditeur et de nombreux lecteurs, d'éliminer les références bibliographiques et les notes savantes.

« L'histoire est un puzzle sans fin, j'espère avoir, dans cet essai, reconstitué une bonne partie du jeu ».

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« Quelque chose de pourri dans le Royaume de Belgique ? »

Le matin du 10 mai 1940, les citoyens du royaume de Belgique éprouvèrent, à de rares exceptions près, l'impression que le rideau s'ouvrait sur le premier acte d'un drame. Un drame dont personne ne comprenait vraiment l'importance ou la portée, mais dont nul ne doutait qu'il s'agissait de la liberté et de l'indépendance nationales.

Aux avant-postes, au canal Albert, la lassitude régnait.

« Nous avions été mobilisés trois fois de 1937 à 1940, me dit C., sergent-grenadier, et nous vivions dans une incertitude déprimante. Ces soldats du peuple, ils allaient être 600.000 aux appointements de 30 centimes par jour, étaient bizarrement pacifistes et résolus. Ce qu'on appelait « l'idéologie kaki ».

« Le 9 mai, à 21 heures, c'était un jeudi, je descends prévenir mes hommes :

— Les permissions sont rétablies.

« Après tout ce temps d'alertes successives, de fausses alertes, enfin la paix redevenait probable.

« Le 10, à 4 heures du matin, contre-ordre. Je redescends. - Debout les gars. Ça va barder !

« Ce branle-bas imprévu, inattendu, fut d'abord pour nous un soulagement. Enfin, on allait se battre.

« Effectivement, on se battit, mais peu. Presque toujours obligés de nous replier. La nuit. Pour à nouveau refaire face le lendemain.

« Mon unité a fait 250 kilomètres à pied en 18 jours. Et puis les Allemands nous ont submergés.

« Des Allemands auxquels on ne s'attendait pas. Des jeunes gars élancés, aux bras nus, bien musclés, bien nourris, décontractés.

« Et l'un de nous s'exclama :

— Tu te rappelles la dernière revue de détail par le major

Piron. Quand il a vu T. qui n'avait plus de bouton de col, sous

la cravate, il a dit : « Mais vous êtes tout nu, mon ami. M' ferez

quatre jours ! ».

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« Nous ne comprenions pas et, face à ces athlètes allemands qu'on disait sous-alimentés, nous étions, nous, les minables, ma vêtus, malgré l'effort surhumain de la nation toute entière, des ploucs à poitrines de poulet ! ».

Pour les civils, devenus, dès le premier coup de canon, les Belges de l'arrière, la situation était tragique, mais enfin claire.

Il y avait un ennemi, un seul et l'unanimité nationale s'était reconstituée face au danger commun.

La discussion qui passionnait tous les Belges depuis septembre 1939, pour ou contre la neutralité, était devenue sans objet.

De nos jours, en ces années 70, on croit beaucoup aux sondages. Tel qui veut arrondir ses fins de mois, tel autre qui s'emploie part-time, telle épouse cherchant à meubler ses matinées, acceptent de jouer les « échantillons représentatifs » et de répondre, anonymes et irresponsables, aux questions

« ouvertes ou fermées » des instituts d'opinion. Peut-on extrapoler depuis cette base fragile ? « Statistiquement », oui : cet adverbe est tout un programme. Pour ma part, ayant été sondeur et sondé, j'avoue mon scepticisme ne voyant que tendance, là où ceux-ci décèlent un pourcentage, que donnée à pondérer, là où ceux-là tracent des perspectives.

Orgueilleusement et modestement, je préfère m'en tenir, pendant que ma mémoire est encore fidèle, à mes souvenirs personnels, à mes notes de l'époque (prises au jour le jour depuis 1936), aux journaux de tous partis de cette période, aux récits écrits ou oraux des témoins de première main. Sincérité sans détours vaut mieux qu'objectivité utopique. Et puisque l'Histoire est choix, chacun pourra corriger, à travers sa propre subjectivité, mes angles de prises de vues.

De 1936 à 1939, les Belges manifestaient tous un assez grand

mécontentement. Et puisqu'ils refusaient de regarder vers une

Allemagne dont le nationalisme résonnait de bruits de bottes

sans pour autant trouver de sécurité dans une France divisée par

les mouvements sociaux, chômeurs et politiciens marchant

régulièrement de la Bastille à la Nation ou de la Nation à la

Bastille, les citoyens se querellaient sans fin à propos de leurs

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Eupen, Malmedy et Moresnet furent rattachés au Reich le 17 mai 1940.

A remarquer : le document était prêt depuis quelque temps, seule manquait la date.

problèmes nationaux.

Je ne pense pas médire en affirmant qu'il y avait alors

« quelque chose de pourri dans le royaume de Belgique ». Pour les observateurs étrangers, dont j'étais, des signes extérieurs ne trompaient point.

Sur la côte belge, de La Panne à Blankenberghe, les touristes français essuyaient des rebuffades : pneus crevés, fausses indications routières, refus de parler français de certains commerçants. Alors même que, en pays wallon, ils étaient entourés d'une sympathie exubérante, fleurie de bons conseils sur la manière de diriger la France. C'était la façade.

En tout état de cause, le ras de marée du Rexisme du 24 mai 1936 (33 mandats parlementaires sur 202) avait échoué. Incité par Mussolini à ne conquérir le pouvoir que par la voie légale, Degrelle s'était refusé, le 25 octobre 1936, à laisser ses partisans

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réaliser un putsch et, depuis ce jour, le Rexisme n'avait cessé de décroître.

N'empêche que ce tribun hors-format n'avait fait que canaliser les ressentiments de l'opinion contre la « politico- finance ». Nul ne peut diriger les masses sans exprimer les aspirations et les tendances de celles-ci. Peut-être pourrait-on aller jusqu'à dire que Degrelle perdit le contact avec les masses, le 25 octobre 1936, jour où il refusa de les commander pour les conduire au pouvoir qu'elles revendiquaient, afin de mettre fin à la corruption des politiciens en place.

Le 11 avril 1937, à Bruxelles, un combat singulier avait opposé Van Zeeland, candidat unique suggéré par les communistes dans le journal Combat, à Degrelle, et celui-ci avait mordu la poussière : 79.000 voix contre 275.000 pour son adversaire.

Le 2 avril 1939, les rexistes allaient à nouveau perdre la bataille électorale. Les électeurs rexistes de 1936 étaient retournés à leurs anciennes amours, Catholiques et Libéraux.

Degrelle, élu député, ne dirigeait plus qu'un groupe parlementaire de 4 députés et son journal Le Pays Réel, naguère tiré à 240.000 exemplaires, avait perdu toute audience et se débattait au milieu de graves difficultés financières.

« Une aventure de chaque soir, se rappelle Degrelle. Je devais payer au comptant chaque numéro avant que ne fut donné le bon à tirer. Parfois, je courais jusqu'à minuit avant de tenir en mains quelques milliers de francs ! »

Chaque jour, de septembre 1939 à mai 1940, le parti rexiste enregistre de nouvelles démissions de ses membres. Que reste-t-il au 10 mai 1940 des 105.000 électeurs rexistes du 2 avril 1939 ? Le quart, le dixième ?

« Notre échec, nous dit Léon Degrelle, fut dû à la tourmente internationale qui, à grands coups de cymbales de la presse, tourneboulait les électeurs, épouvantés dès qu'on cataloguait quelqu'un comme s'apparentant au clan de Hitler. Sans Hitler et la peur qu'il déchaînait et qui se répercutait sur nous, notre ascension n'eut pas connu cet arrêt passager ».

Pourtant Degrelle défendait, à la Chambre et dans son journal, la politique d'indépendance et de neutralité, mais la presse taisait ses discours et qui lisait encore Le Pays Réel ?

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« Joyeuse entrée de Hitler » à Bastogne, le 17 mai 1940.

Il traverse Poperinghe le 29 mai 1940.

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Certes, les scandales politico-financiers s'étaient multipliés après l'échec du Rexisme. Ici un médecin politicien, Imianitoff, s'avère être un faux médecin (14 juin 1939); là deux ministres en exercice se dégagent du Crédit Anversois en difficulté, à la veille de la descente du Parquet (novembre 1939). Surtout, dès l'automne de 1937, Paul van Zeeland, le vainqueur de Degrelle, a dû subir devant la Chambre un violent réquisitoire du député Gustave Sap : ce Bayard sans peur et sans reproche avait perçu de la Banque Nationale, alors qu'il était Premier ministre, des émoluments secrets (330.000 frs) exonérés d'impôts. Pour ne pas se déjuger, la Chambre a accordé au président une large majorité, mais P. van Zeeland au lieu de sortir tête haute en allant remettre sa démission au Roi, s'est accroché au pouvoir et a attendu d'être menacé d'interrogatoire par le Parquet pour rendre son tablier, et partir en cattimini le 25 octobre 1937, sa carrière politique étant considérée comme terminée.

Que penser du ballet perpétuel des gouvernements ? Du 13 juin 1936 au 10 mai 1940, sept cabinets s'étaient succédés à la tête du pays.

Le Roi Léopold, souverain constitutionnel qui « règne et ne gouverne pas », s'était vu même obligé d'intervenir le 2 février 1939, devant le Conseil des Ministres.

« Les circonstances et les événements d'après-guerre, déclare- t-il, ont modifié nos partis politiques en portant atteinte à leur unité. Leur fractionnement eut les conséquences les plus profondes : les principes mêmes du parlementarisme étaient atteints, ce fut le bouleversement du système des majorités politiques, la collaboration obligatoire de plusieurs partis au Gouvernement, la suppression de l'opposition parlementaire normale et nécessaire.

« Devenus désormais une image réduite du Parlement, où toutes les nuances politiques de la majorité doivent être représentées et dosées, les Ministères deviennent de plus en plus éphémères et difficiles à constituer.

« Aux pouvoirs constitutionnels se substitue l'influence grandissante des partis politiques. Les Ministres deviennent les mandataires de leur parti, les Gouvernements se disloquent et démissionnent sans être renversés par le Parlement.

« Les responsabilités sont déplacées; c'est la crise de l'autorité, le désordre, la confusion, la démagogie quelquefois, au moment

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où les dangers s'accumulent et où la situation du Pays exige le plus de fermeté dans son Gouvernement, le plus d'ordre et d'économie dans toutes les manifestations de sa vie publique.

« Messieurs, nos institutions ne sont pas responsables de ce désarroi; la cause en réside avant tout dans la défaillance des hommes qui détiennent les pouvoirs de la Nation ».

Le 7 février, il précise encore sa pensée :

« La méconnaissance des principes de notre charte fondamentale que nous devons à la sagesse de nos Constituants, compromet le rôle même du Chef de l'Etat. J'entends redresser cette situation avec l'appui énergique sans réserve que vous me prêterez.

« Le Roi, dit l'article 65 de la Constitution, nomme et révoque ses Ministres.

« Dans l'exercice de ce droit, il tient évidemment compte de l'état de l'opinion. Mais une fois nommés, les Ministres sont exclusivement les agents du Pouvoir Exécutif. Ils ne sont ni les délégués d'un parti, ni les représentants d'une région ».

« L'article 64 de la Constitution, rappelle Léopold III, stipule qu'aucun acte du Roi ne peut avoir d'effet s'il n'est contresigné par un Ministre. Cette disposition a pour but de ne jamais découvrir la personne du Roi.

« Or, de plus en plus, on s'engage dans des habitudes qui vont nettement à l'encontre de ce principe.

« C'est ainsi que, fréquemment, on me présente des arrêtés dont la teneur est exposée au public avant même qu'ils ne me soient soumis, ou encore que les cabinets ministériels avertissent des tiers que des arrêtés royaux sont envoyés à ma signature.

« Ces indiscrétions sont inadmissibles; au surplus, elles constituent un aliment dont la Presse s'empare, à l'occasion, pour contrecarrer l'action même du Gouvernement.

« De telles pratiques ne permettent plus au Chef de l'Etat de remplir son rôle constitutionnel; il n'est plus couvert par ses ministres - c'est lui, au contraire, qui les couvre ». Pourquoi rappeler ces incidents ? Parce qu'ils sont avant- coureurs de la crise qui va s'ouvrir en mai 1940. Et nous pensons avec Marcel-Henri Jaspar qu'ils datent, en février 1939, l'ouverture de la question royale.

Les partis acceptent mal ce nouveau ton que Léopold III

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semble vouloir imposer dans les relations entre la Couronne et le Gouvernement. Certains parlent déjà de pouvoir personnel.

Mais il faut noter aussi que quelques grands mouvements d'opinion, acceptant avec intérêt ces remarques de bon sens, entament une réflexion politique dans une volonté de réforme.

Ils admettent que la confusion des pouvoirs, par exemple législatif et exécutif comme l'a souligné le Roi, est nuisible et empêche le bon fonctionnement des institutions, et ils vont s'efforcer de suggérer des remèdes.

Après trente ans, nous discernons qu'il y eut essentiellement trois réponses : celle des fascistes, celle des socialistes, celle des communistes. Ceci mérite d'être approfondi, car ces cercles avaient une profonde influence dans la Nation dont, minorité élitaire agissante, ils traduisaient les aspirations profondes, beaucoup plus que les parlementaires issus du trouble suffrage universel dont on sait ce qu'il faut penser depuis qu'à l'offre de Ponce-Pilate la foule préféra Barabbas à Jésus.

Les fascistes, au sens noble du terme, le « faisceau des forces d'ordre et de progrès », dans ces années 1938-1940, n'étaient pas dans le parti rexiste, en pleine déliquescence, devenu rassemblement, autour d'un tribun de grande classe, d'appétits divers et contradictoires, exception faite d'une petite équipe de jeunes intellectuels (José Streel, Jean Denis, V. Matthys) de pensée élevée, mais sans aucun contact avec les masses.

Les vrais fascistes faisaient cercle autour d'un professeur de Louvain, l'historien vicomte Charles Terlinden, admirateur de Maurras et de Mussolini.

Terlinden, « royaliste autoritaire », s'était signalé à l'attention du public dès 1928, en suscitant la publication des « Archives du Conseil des Flandres » (les activistes flamands de 1914) et en combattant à front découvert les propositions d'amnistie qui se multipliaient à partir de 1929.

Peut-être pouvait-on le mieux se faire une idée des ambitions du vicomte Terlinden et de ses amis en visitant, à dater du 19 juin 1935, l'Exposition de l'Ordre Nouveau Universel qu'ils avaient organisée à Bruxelles ?

Le groupe Terlinden, Comité d'Action pour l'Universalité de Rome (président : Ch. Terlinden; vice-président : professeur F.

Desonay, de Liège), fondé en 1934, ne prétendait pas que le

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fascisme à l'italienne était un phénomène international, mais que l'Ordre Nouveau, à base de réforme de l'Etat et de corporatisme était, lui, universel, chaque pays l'adoptant selon ses propres climat, religion et coutume. Ajoutons que si le franquisme et le salazarisme plaisaient au C.A.U.R., le national- socialisme allemand ne leur inspirait que méfiance et souvent répulsion.

Cercle de pensée, le C.A.U.R. avait cependant un large rayonnement sur la population belge, dû en particulier aux étudiants de Louvain qui, passant le week-end dans leurs familles aux quatre coins de la Belgique, rapportaient chez eux le « message ».

Il jouait aussi, auprès du parti catholique, vieux et peu dynamique, le rôle d'un groupe de pression et cette influence allait jusqu'aux libéraux ou maçons modérés et conservateurs.

Enfin, la Légion Nationale, groupe d'anciens combattants germanophobes, déterminés à rester unis pour éviter une nouvelle guerre, dirigé depuis 1922 par l'avocat liégeois Paul Hoornaert, fait sienne l'idéologie du C.A.U.R. et apporte à celle-ci la structure de ses quinze sièges, de ses 5.000 membres et de ses 1.500 jeunes gardes.

La Légion Nationale a trouvé en Flandre un interlocuteur valable, le Verdinaso, né en 1931, de Joris van Severen, qui défend les mêmes idées : Ordre nouveau, corporatisme, anticommunisme, lutte contre le judéo-marxisme. Les uns et les autres font mine d'oublier que le Verdinaso souhaite la naissance d'un royaume thiois débordant les frontières française et néerlandaise. Il est vrai que, dès le 12 septembre 1939, van Severen, plaçant en réserve ses objectifs thiois, a mis en avant la fidélité au Roi et la nécessité de servir l'armée belge. Il a d'ailleurs rompu tout contact avec l'Allemagne. Ce mouvement, 15.000 membres, dont 5.000

« chemises vertes », a plus encore que la Légion des allures fascistes.

Seconde réponse aux conseils du Roi : celle des Socialistes.

La crise économique mondiale, née en 1929, a démontré que les

socialistes traditionnels n'avaient trouvé aucun remède dans les

conceptions égalitaristes, ouvriéristes, voire dans la doctrine de

Marx, conçue par un Allemand pour être appliquée aux Anglais,

mais finalement adaptée par les Russes.

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Les socialistes français, italiens, allemands n'ont pas eu la chance de compter parmi eux, dans ces années cruciales, un guide capable de les éclairer sur la route à suivre. Et ceci explique sans doute que les formules néo-socialistes proposées par Hitler, Mussolini et leurs disciples de l'Arbeitsfront et du Corporatisme, aient séduit bien des socialistes d'Outre Rhin et du sud des Alpes.

Le Front populaire français, malgré quelques réalisations spectaculaires (congés payés, loi de 40 heures) n'avait résolu, faute de doctrine, aucun problème d'ensemble. Il faut avoir entendu le

« surdoué » Léon Blum, des larmes dans la voix, parler de la misère ouvrière pour être certain qu'aucun effort n'avait été fait par lui et ses amis, à l'échelle nationale et internationale, pour mettre fin à la crise et bâtir un monde nouveau plus juste et plus humain. Plus grave encore, Blum et son équipe avaient inconsciemment fait naître toutes les conditions nécessaires à l'éclosion d'un régime autoritaire et c'est la Chambre du Front populaire qui allait, en juillet 1940, finalement appeler de ses vœux le gouvernement

Pétain (*).

L'action des partis socialistes se trouvait freinée par leur effondrement idéologique. La pensée de Marx, comme l'avait bien vu Lénine, devait être revue, actualisée, mais les leaders socialistes préféraient adorer les vieilles lunes. La théorie marxiste de la plus- value se vérifiait toujours et la concentration capitaliste s'accélérait comme prévu, mais la lutte des classes après les victoires acquises par le mouvement syndical s'avérait une tactique dépassée. D'autre part, l'idée marxiste de la « Propriété d'où vient l'oppression des masses » mérite des correctifs. Le XX siècle a démontré que le Pouvoir peut opprimer plus que la propriété : les maîtres du Kremlin, non propriétaires, oppriment plus que les Rockefeller. Enfin, le maintien par l'Etat socialiste de l'Egalité politique, économique, sociale, entre citoyens s'appuie sur un développement pléthorique de la Bureaucratie et de la Police et une réduction parfois abusive des Libertés formelles.

A tous ces problèmes, un homme avait réfléchi et apporté sa réponse et c'était un Belge, Henri de Man.

Marqué par l'échec de l' Internationale qui s'était avérée

(*) Il est à noter qu'à Vichy, le 10 juillet 1940, Léon Blum laissa la liberté de vote et qu'un tiers seulement des socialistes présents vota contre les pleins pouvoirs à Pétain. Les communistes étaient exclus et les radicaux, presque en totalité, avaient voté pour Pétain qui fut donc bien élu par l'Assemblée du Front Populaire. Les 115 socialistes avaient tous voté la révision constitutionnelle.

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incapable en 1914 d'empêcher la guerre, en 1917 de l'abréger, de Man avait tenté, après des expériences malheureuses chez les Soviets et en Amérique, d'obliger ses camarades de parti à la réflexion en fondant à Bruxelles en 1921, une Ecole Ouvrière Supérieure.

Mais ses idées sur l'Allemagne, sur le marxisme sont trop à contre-courant. De Man quitte la Belgique pour onze ans. Il va passer un tiers de cette période à Darmstadt, un tiers dans un village des Grisons, un tiers à Francfort sur le Main, partageant son temps entre la méditation, l'enseignement et l'écriture. C'est au cours de cette période que naît son livre capital : Zur Psychologie des Sozialismus (traduction française : Au delà du Marxisme) dont un admirateur français, André Philip, va faire une brillante analyse critique et commentée : Henri de Man et la crise doctrinale du socialisme (1928).

Condamnant déterminisme et ouvriérisme, il prône la lutte pour le pouvoir, en lieu et place de la lutte des classes, par l'entente des forces productrices (prolétariat et classes moyennes) unies pour acquérir, avec la majorité politique, un régime d'économie mixte, sans attendre la concrétisation des rêves collectivistes.

Et lorsque la social-démocratie fait faillite en 1933, de Man regagne la Belgique.

Son Idée socialiste va se transformer en un Plan dont le Parti Ouvrier Belge (P.O.B.) fera son programme à Noël 1933.

A vrai dire, le Plan de Man ne fut accueilli qu'à regret par les caciques du parti et après son demi-échec, suite logique d'une application partielle par le gouvernement van Zeeland, dont de Man était ministre du Travail, Vandervelde se hâta d'enterrer de Man lorsqu'il se retira, victime... d'une intoxication alimentaire.

L'appui décisif de son ami Spaak allait, après la mort de Vandervelde, permettre à de Man de refaire le chemin perdu et de se retrouver, en mai 1939, président du P.O.B., poste de commande d'où il allait pouvoir, partant de l'échec du Plan, lui aussi s'attaquer à la Réforme de l'Etat, par le contrôle des ingérences des trusts et des partis et la moralisation de la presse.

Henri de Man (1885-1953), va se dégager de notre récit comme l'une des personnalités les plus marquantes de la Belgique à l'heure allemande et le moment est venu d'en esquisser le portrait, d'après les témoignages que ses proches nous ont confiés.

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Objectif, ponctuel, courageux, de Man avait toutes les apparences d'un homme soucieux de toujours conformer ses actes à ses paroles.

Il vivait « son » socialisme qu'il considérait comme une philosophie, presque un art de vivre, en tout cas une morale à fondement panthéiste : « Les socialistes doivent montrer l'exemple », aimait-il répéter.

« Dans nos Centrales d'éducation ouvrière, nous dit E.D., on ne buvait pas, on ne fumait pas et nous devions occuper nos jeunes pour éviter le « bal du samedi soir ». Pas de démagogie, pas de fancy-fair. Une discipline de fer ».

Après l'échec de deux unions malheureuses, il résidait 90 avenue de Boetendael à Uccle dans une véritable cellule monacale, chambre, cuisine, salle de bains, garnie de meubles qu'il avait eu

« soin de choisir de telle façon qu'ils ne représentent aucune valeur dont la perte (lui) causerait quelque chagrin ». Quelques livres, des disques, un vase avec des fleurs de la saison.

A cinquante-cinq ans, de Man avec son béret basque, sa pipe et sa quelconque serviette paraissait l'éternel étudiant qu'il restait en réalité.

Son éthique était sévère, presque étroite. « Etant ce que je suis, si j'avais vécu il y a quatre siècles, j'aurais vraisemblablement été moine pèlerin »...

« Je n'ai pas eu besoin de faire vœu d'obéissance pour obéir à ceux que j'avais juré de servir, ni de faire vœu de chasteté pour mettre le devoir avant le plaisir, et respecter l'être humain dans chaque femme... Je n'ai pas eu besoin de croire aux miracles pour m'extasier devant la merveille quotidienne du lever du jour et révérer le divin dans un brin d'herbe ».

Sa conception du socialisme était élitaire, aristocratique. La vue, le contact direct des chômeurs du Borinage l'avaient marqué, mais il refusait la démagogie ouvriériste.

Est-il vrai, comme me l'a assuré le secrétaire du parti en 1939, que les caciques du P.O.B. ne lui pardonnèrent jamais d'avoir exprimé sa volonté de mettre fin aux cumuls d'indemnités, le surplus du salaire principal devant être reversé au parti ? Ce fut en tout cas un discours qui lui fit autant de mal que celui du Roi en date du 7 février 1939.

Ce penseur devenu homme d'action refusait la « Lutte finale ». Il faisait du socialisme une lutte de tous les jours pour le bonheur

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Henri de M an.

dans la Liberté et l'Egalité.

Lorsqu'il avait regagné la Belgique et retrouvé ses camarades socialistes, il était devenu le primus inter pares, le chef, parce qu'il était tout naturellement le plus remarquable. Mais pourquoi refusait-il d'assister aux kermesses ? Pourquoi détestait-il les tramways et voulait-il une automobile ? Nul ne le voyait faire du ski, seul, l'hiver, en Suisse, faire du footing, seul, l'été en forêt de Soignes.

Il ecoutait beaucoup, mais clouait au pilori les imbéciles, les démagogues, d'une répartie cinglante. Et ses silences étaient parfois lourds de jugement.

Son sens du devoir était impitoyable. Pacifiste déterminé, il avait combattu pour la paix jusqu'au 10 mai 1940; ce qui ne l'empêchait pas de s'intéresser aux techniques de l'armée mobile et à la stratégie des divisions cuirassées vantée en France par un autre néo-socialiste, Marcel Déat, qui encourageait un théoricien inconnu, le colonel de Gaulle.

Dans ses prévisions stratégiques, il parlait des chars, du repli vers le Nord des armées belges et du passage au Sud du pays des forces armées allemandes

Lors de sa visite à Berlin, en mars 1939, il en a même parlé avec le D Goebbels. Ce passage au Sud de la vague allemande comme en

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1870 était alors l'espoir des milieux belges « bien informés ». La vision de de Man décrite à Goebbels a-t-elle joué son rôle dans le choix par Hitler de la percée de Sedan ? Qui peut le dire ?

La guerre déclenchée, il tient, quoique non mobilisable, à reprendre l'uniforme en sa qualité de commandant de réserve.

Cette seule voie lui permet de faire ce qu'il croit être son double devoir : servir le Roi, être proche des soldats.

Pour bien comprendre cet homme difficile à cerner, je crois qu'il faut noter sa volonté d'observer objectivement, avec tolérance, de sang-froid lorsque tous les autres s'agitent. Sa patience, sa ténacité étaient des armes redoutables, mais il décidait, prenait son parti lentement, après mûre réflexion. Une agitation excessive du milieu ambiant le faisait fuir, se replier loin du séisme des idées pour méditer, mûrir une opinion digne, bienveillante, mais conforme à ses principes, à portée lointaine, sans tenir compte des personnes et de leurs intérêts particuliers.

Peu d'hommes pouvaient saisir tout cela d'emblée. J'ai été frappé par mes discussions avec un très petit groupe d'intimes l'ayant compris, admiré et aimé et avec le grand nombre qui ne le comprit point, appela rêves fumeux ce qui était art de vivre et finit par le haïr sans trop motiver cette réaction.

Chaque fois que de Man sortait de la bagarre pour prendre du recul, méditer, juger, certains parlaient de fuite, de lâcheté. Ils ne comprenaient pas et maudissant leur chef, se lançaient dans des impasses ou des voies de traverse.

Peut-être un géant au milieu des nains !

Troisième réponse aux conseils du Roi : celle des Communistes.

Ils étaient peu nombreux, moins de 10.000 membres, et disposaient en 1939 de neuf sièges parlementaires (5,37 % des voix), soit le même nombre qu'en 1936. Une force remarquable par sa constance, son efficacité, sa ténacité.

Depuis 1937, le parti communiste comporte une section flamande et une section wallonne. Il est axé sur les problèmes sociaux (grèves, chômage) et la politique étrangère et ne se préoccupe point de la réforme de l'Etat.

Proche des travailleurs, il est totalement inféodé à l'Union Soviétique, centre moteur du socialisme. Il combat les Accords de Munich et tout ce qui touche de près ou de loin au III Reich. La

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politique d'indépendance lancée par le Roi en 1936 est totalement désapprouvée par lui : la neutralité affaiblit le pays et favorise l'Allemagne. On remarquera que les communistes approuvent les mesures de défense nationale et, de 1936 à 1939, ne font point d'antimilitarisme.

Tout cela, les communistes l'ont réaffirmé deux semaines avant la guerre. Et puis, le pacte germano-soviétique du 23 août 1939 vient bouleverser toutes les données.

Comment vont réagir les communistes ? D'abord, ils poursuivent leurs campagnes antihitlériennes, leurs attaques contre la neutralité. Puis, après réception des consignes de Dimitrov, le leader du Komintern, ils entament le procès de la guerre impérialiste des Français et des Anglais contre les Allemands.

L'entrée de l'Armée Rouge en Pologne orientale est escamotée (une garantie pour l'U.R.S.S.) et ce n'est qu'au moment de la guerre de Finlande que les communistes adoptent sans réserve la doctrine du défaitisme révolutionnaire, conseillée par Dimitrov, et déclenchent avec succès une grève des mineurs en janvier 1940.

Injuriés par les uns et les autres, les communistes belges restent fermes dans leurs positions - plus fermes que les communistes français - subissant stoïquement l'interdiction de leurs journaux (La Voix du peuple, suspendue dès le 17 novembre 1939) et l'arrestation de leurs militants. 41 publications communistes sont interdites avant le 10 mai 1940. Pierre Joye, rédacteur en chef de La Voix du Peuple, parmi d'autres, sera condamné à cinq mois de prison.

En bref, ces réponses au discours du Roi sont fort divergentes.

Le souverain a tiré une leçon de tout cela, conforme à son caractère que nous retrouverons dans les conflits de personnes et d'idées qui se préparent.

Léopold III, né en 1901, fils d'un Saxe-Cobourg sanguin et d'une Wittelsbach fine et artiste, se révèle être un sentimental de caractère complexe.

Grand et bien découplé par la pratique du sport, il semble pourvu d'une ossature assez épaisse qui contraste avec une certaine mollesse dans la poignée de main.

Ami de la nature, des bêtes, et surtout des plantes, il leur

consacre la plupart de son temps, tant après son abdication

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qu'avant son avènement. Cet homme droit se montre trop souvent indécis, au moment de prendre parti, et lorsqu'il a opté, il s'accroche à son choix jusqu'à l'entêtement.

Plutôt pessimiste, il tourne plus volontiers les yeux vers le passé que vers l'avenir. Ce travailleur lent se montre consciencieux, parfois méticuleux.

Egocentrique, secret, il s'introspecte volontiers et tend à une sorte de rumination mentale. Fidèle à ses amitiés, sensible aux souvenirs, il ne peut se défendre d'un certain recul devant l'action.

Frappé très tôt dans ses affections les plus chères - son père d'abord, son épouse ensuite - ce jeune roi de trente-trois ans voit sa jeunesse brusquement assombrie, d'autant que, dans les premières années de son règne, les catastrophes se succèdent : avènement d'Hitler, assassinat de Dollfuss, d'Alexandre de Yougoslavie, du ministre Barthou et de quelques personnages de moindre importance.

Le roi Léopold III, taciturne et peu mondain de nature, reste d'abord simple observateur, attentif à la politique européenne.

Mais cet être consciencieux se consacre, avec une véritable passion, aux devoirs de sa charge.

Mais le Roi se montre préoccupé par l'évolution de la politique internationale. Lorsqu'il voit la France subir sans sourciller la violation du Traité de Locarno par la remilitarisation de la Rhénanie, les Français et les Anglais laisser Mussolini écraser l'Ethiopie, les grandes puissances européennes s'affronter sur le champ de bataille de l'Espagne, il prend la décision de ramener la Belgique à la politique d'indépendance : « une politique exclusivement et intégralement belge qui doit viser résolument à nous placer en dehors des conflits de nos voisins ».

Le Roi a donc pris l'initiative et assumé la responsabilité d'une politique qu'il sait être approuvée et par son gouvernement et par le peuple belge.

Nous disons bien « a pris l'initiative », ce qui ne veut pas dire

« a conçu ». Comme l'affirme M. Spaak, il est établi que ce serait

« présenter les faits sous un faux-jour que de tenir le Roi pour responsable de cette politique ». Celle-ci a été inspirée par les dirigeants socialistes, Vandervelde, et surtout Spaak et de Man qui s'en étaient faits les champions. Le Roi qui avait adhéré à cette politique en fit un dogme et lui donna toute son ampleur.

N'hésitant pas dans la suite à s'entêter à ce propos et à défendre

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cette règle jusqu'à l'opiniâtreté.

Deux remarques. Le Roi faisait de ces deux dogmes : séparation des pouvoirs et indépendance nationale, ce qu'il estimait être son devoir de souverain constitutionnel, et cela dans la ligne suivie par son défunt père, le roi Albert.

Par ailleurs, la politique d'indépendance fut adoptée par le Parlement dans sa très large majorité. Faut-il en conclure, avec les parlementaires, que ceci traduisait les vœux de la majorité de l'opinion publique ? Disons en tout état de cause que les adversaires de cette politique d'indépendance, péjorativement traitée de politique de neutralité, wallons et communistes notamment, s'exprimaient avec plus d'éclat et de bruit que ses partisans.

Face aux préoccupations du Roi, le laxisme des hommes politiques belges ne doit pas rejaillir sur toutes les classes dirigeantes.

Les hommes d'affaires étaient pleinement informés, attentifs, responsables et prêts à toute éventualité.

Certes les représentants en Belgique des multinationales appliquaient les consignes de leurs sièges sociaux : Unilever, Philips, Nestlé, par exemple, qui vont se rattacher au siège continental de leurs firmes, alors que les filiales extra-européennes vont recevoir leurs ordres du nouveau siège établi en zone sterling.

La plupart des sociétés minières congolaises prennent leurs précautions en installant à la fois un administrateur délégué à Lisbonne et un fondé de pouvoir à Londres.

Le groupe financier le plus important de Belgique, la Société Générale, a pris d'autres dispositions.

Dès les premiers jours de la guerre, en septembre 1939, le Gouverneur de la Société Générale, Alexandre Galopin a conféré avec ses plus proches collaborateurs de l'avenir des entreprises du groupe.

Qui est Alexandre Galopin ? Ce personnage flegmatique,

« taiseux », tient de son expérience de 1914-1918 une nette réticence envers l'Allemagne qui est répulsion à l'égard des pangermanistes.

En août 1914, jeune directeur, à 35 ans, de la Fabrique

Nationale d'Armes de Guerre d'Herstal, à son retour de vacances,

il a tenté de s'engager dans l'armée belge, à Louvain. On ne l'a pas

admis. Alors, à pied, il a gagné Herstal où il a personnellement,

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avec l'aide de quelques-uns de ses hommes de confiance, procédé au sabotage de son usine.

Ceci fait, il est reparti, à pied, vers La Panne où il trouve moyen d'utiliser ses compétences : il monte à Furnes, équipe et dirige un atelier de réparation des armes portatives qui sera de la plus grande utilité. Sa réussite est telle que le ministre français de l'Armement, Louis Loucheur, demande au Premier ministre de Broqueville le « prêt » de cet expert de haute qualité. Les Français, bien dotés dans le domaine de l'armement lourd, ont de grands problèmes en matière de réparation des armes portatives. Le gouvernement belge répond favorablement à condition de disposer en priorité de fournitures équivalentes à celles qu'il recevait de l'atelier de Furnes.

Galopin passe à Sainte-Adresse, siège du gouvernement, pour recevoir ses instructions.

— Nous allons vous nommer commandant ou major, conclut Broqueville.

— Le bleu de travail me suffit, assure Galopin.

Dès lors, « l'expert » va travailler dans la région parisienne, dirigeant avec brio plusieurs ateliers de réparations à Courbevoie, à Saint-Denis, ..., et recevant en tout et pour tout une solde de capitaine.

A l'issue de la guerre, Galopin grimpe les échelons de la plus grande entreprise et holding de Belgique, la Générale, jusqu'au fauteuil de Gouverneur, et c'est à ce poste qu'il doit commander le bateau à travers la tempête.

En 1939, un autre homme se distingue dans l'équipe Galopin, il s'agit du directeur général de l' Union Minière du Haut-Katanga, Edgar Sengier (1879-1963).

Ce courtraisien est une force de la nature. Il a vécu toute l'aventure des mines de cuivre du Katanga, depuis l'époque où les voyages Bruxelles-Elisabethville demandaient trois mois. C'est lui qui a tout misé sur l'avenir de ces mines, intégralement déficitaires au départ. C'est lui qui a, contre toute prudence, entraîné le groupe de la Générale dans les investissements prodigieux du Katanga.

C'est sous son autorité, que l' Union Minière va devenir, après 1945, l'une des plus brillantes entreprises du monde capitaliste.

Sengier est, assure-t-il lui-même, un « Copper boy », un homme du cuivre. C'est le cuivre qui est la base de ses visions prospectives à long terme.

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Dès septembre 1939, Sengier, qui sait combien le cuivre est un produit nécessaire à l'armement, rencontre le ministre français Raoul Dautry et passe avec lui d'importants accords de fourniture.

Abrégeons. Grâce à l' Union Minière, la France et les Etats-Unis vont recevoir en 1939-1940 près de 150.000 tonnes du cuivre précieux qui leur manque.

En juin 1940, l'armistice français interrompt les livraisons; dès l'automne 1940, Sengier signe un nouveau contrat qui transfère aux Britanniques le bénéfice du contrat français. C'est ainsi que le British Ministry of Supply va recevoir de 1940 à 1945 un total de 708.487 tonnes de cuivre fin de l' Union Minière (dont 386.221 tonnes des ports africains et 322.266 tonnes de cuivre brut amenés d'Afrique et raffinés aux Etats-Unis). Dans le même temps, 113.075 tonnes seront livrées aux grandes compagnies américaines.

S'il reste un « Copper boy », Sengier voit plus loin. Comme il le raconte dans ses notes confidentielles, jusqu'en 1939, on attachait peu d'importance à l'uranium, associé au minerai de radium dont le seul usage était alors d'être un colorant rouge-orange pour les céramiques. L' Union Minière vendait alors 80 tonnes d'uranium par an pour ces usages, le tonnage mondial avoisinant les 100 tonnes.

Mais les savants parlaient déjà de l'uranium et de ses propriétés qu'ils estimaient considérables. Dès le 29 mars 1933, l'illustre savant Albert Einstein, prix Nobel de Physique en 1922, fuyant les persécutions antisémites des nazis, était passé par la Belgique. Il avait débarqué ce jour-là à 17 heures, du tram côtier, au Coq-sur- Mer et s'était installé, avec 16 valises, à l' Hôtel Beau-Séjour. Par la suite, Einstein vécut dans une villa meublée, « La Savoyarde », Shakespearelaan 5, avec sa femme et ses deux filles.

Que fait Einstein au Coq ? Il travaille à la rédaction d'un livre blanc sur les excès prévisibles du régime nazi. Il reçoit des amis, le peintre Alfons Blomme qui fait son portrait, le roi Albert et la reine Elisabeth, James Ensor, le ministre français de Monzie, des astronomes de Leyde. Les estivants de 1933 voient le savant faire de longues promenades dans les dunes et des privilégiés l'entendent même jouer du piano dans le salon de l' Hôtel des Dunes.

En octobre 1933, Einstein repart. Il embarque à Rotterdam et va

gagner Princeton où il résidera jusqu'à sa mort, le 29 avril 1955.

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C'est en janvier 1939 que le V Congrès de physique théorique, réuni à Washington, entend une communication de Niels Bohr, le physicien danois sur la fission de l'uranium. Bohr tient son information de Lise Meitner, juive allemande réfugiée à Copenhague, qui a vu à Berlin, au cours de l'automne 1938, son patron Otto Hahn et Fritz Strassmann réaliser au Kaiser- Wilhelm Institut la première fission d'un noyau d'uranium.

Tous les physiciens sont enthousiasmés. L'expérience sera répétée à Léningrad, à Varsovie, à New York, à San Francisco, et à Paris, Joliot-Curie envisage de réaliser au Sahara une

« désintégration en chaîne ». Ce savant estime qu'il lui faudrait pour cela dix tonnes d'uranium. Délirant, mais les physiciens bavardent et échafaudent des plans et... Sengier est à l'écoute.

En mai 1939, le directeur de l'Union Minière est à Londres, dans le bureau de son administrateur britannique Lord Stonehaven, et celui-ci le prie de recevoir un savant anglais, Henry Tizard, le patron de l' Imperial College. Tizard est très net. Il demande à l' Union Minière d'accorder au gouvernement britannique une option sur chaque tonne de minerai de radium-uranium, sorti de la mine de Shinkolobwe.

Sengier est surpris, mais réagit tout de suite, par la négative.

L'entretien reste cordial et nous raconte Sengier, « lorsqu'il me quitta, Sir Henry, me prit par le bras et me dit :

— Be careful and never forget that you have in your hands something which may mean a catastrophy to your country and mine if this material was to fall in the hands of a possible enemy ! »

(Soyez prudent et n'oubliez jamais que vous avez dans vos mains quelque chose qui peut signifier une catastrophe pour votre pays et pensez à ce qui se passerait si ce matériel tombait dans les mains d'un ennemi possible !)

Sengier n'oubliera pas cette mise en garde. Peu de jours plus tard, Joliot-Curie et ses collègues Perrin et Halban sont à Bruxelles. Ils viennent lui proposer de réaliser, en commun, au Sahara l'expérience de la fission de l'uranium sous forme d'une bombe. Sengier accepte le principe et veut bien fournir la matière première, mais ces projets sont ajournés lors de la tension de l'été et rendus irréalisables par la déclaration de guerre de septembre 1939.

Sans croire aux visions dantesques de Joliot-Curie, la possible

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désintégration en chaîne de tous les corps de la planète en une seconde et quart, sans avoir connaissance de la lettre que Einstein a adressée, le 2 août 1939, au président Roosevelt pour l'informer au nom d'un groupe de savants, qu'il est désormais possible de réaliser une « arme atomique » à très grande puissance, Sengier en sait assez pour être persuadé que les minerais du Katanga sont dotés d'une valeur stratégique exceptionnelle.

C'est à tout cela, et au cuivre bien évidemment, qu'il pense lors de la discussion qui, en septembre 1939, réunit autour du gouverneur Galopin les dirigeants de la Générale.

Ces hommes envisagent toutes les hypothèses : l'invasion possible de la Belgique et du Congo, la rupture possible des relations entre Léopoldville et Bruxelles. La décision est unanime.

Sengier et son plus proche collaborateur, Richard Terwagne, vont immédiatement s'installer à New York pour la durée de la guerre.

Avant de partir, Sengier donne un ordre lourd de conséquences : expédier en Amérique et en Angleterre tout le radium (120 grammes) et l'uranium disponibles en Belgique.

Ainsi donc les leaders de la Générale ont, par une extraordinaire prescience, pris dans le secret de leurs bureaux des décisions qui vont engager le sort de l'humanité.

Fin octobre 1939, deux voyageurs débarquent au quai 56 de New York : Sengier et Terwagne. Qui pourrait deviner l'importance stratégique capitale, universelle des dossiers contenus dans leurs serviettes ?

Tous deux installent provisoirement leurs bureaux, modestement appelés African Metals, au 14e étage du Cunard Building. Leur discrétion est telle, leur secret si bien gardé qu'encore aujourd'hui il est ignoré du plus grand nombre.

Une autre personnalité belge a également vu très loin. Il s'agit du ministre des Finances, Camille Gutt (1884-1971).

Fils d'une Alsacienne et d'un Tchèque naturalisé, directeur d'un journal russe, Le Nord, c'était un patriote convaincu et de grand désintéressement.

Brillant lauréat de l'Université de Bruxelles, il avait de 1908 à 1914 entamé sa carrière au barreau et dans la presse. Après la grande guerre qu'il avait faite comme volontaire, il était devenu un expert économique de grande classe et exerçait ses talents soit au gouvernement, soit dans les conseils des grandes sociétés.

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Dès mars 1936, avec la remilitarisation de la Rhénanie, il a jugé la guerre inévitable et en tient compte dans toutes ses prévisions.

Ajoutons que son intégrité dans ces périodes de collusions politico-financières, son âge - il est de 17 ans l'aîné du Roi Léopold, de 15 ans celui de P. H. Spaak -, lui conférent une grande autorité morale.

« Que sitôt la guerre déclarée, la Belgique serait envahie n'avait jamais fait de doute ni dans l'esprit de ma femme, ni dans le mien, raconte C. Gutt. D'où les dispositions arrêtées par nous dès 1936.

Cela parait tout naturel aujourd'hui. C'était loin d'être l'état d'esprit général alors. A preuve, une conversation que j'eus, en 1939, avec le Roi.

« D'accord avec Georges Janssen, le gouverneur de la Banque Nationale, j'avais estimé dès alors qu'il fallait mettre en sûreté l'or de notre institut d'émission. Il y en avait pour 750 millions de dollars. Le Conseil des ministres avait approuvé mon projet, mais m'avait demandé d'en informer le Roi.

« La seule question du Roi fut :

— Pourquoi n'envoyez-vous pas une partie de cet or en Suède ?

« Je lui répondis que la Suède était trop près de l'Allemagne, et il n'insista pas.

« Mais dans le courant de la conversation qui suivit, j'entamai une phrase commençant par ces mots :

— Si la guerre éclate, et si, comme il y a neuf chances sur dix, la Belgique est entraînée...

« Le Roi, qui m'écoutait, la tête penchée, la releva brusquement et m'interrompit :

— Vous voulez dire neuf chances sur dix qu'elle n'y soit pas entraînée ?

— Non, Sire, qu'elle le soit.

« En moi-même, je pensais dix chances sur dix. Il me regarda avec des yeux bouleversés, presque hagards, et me dit :

— Mais alors, ce sera un bain de sang ! » Et C. Gutt de conclure :

« En cette seconde, j'ai perçu à la fois et son horreur des massacres et sa tendance à s'accrocher à des illusions ou à des dogmes ».

Ce dogme, c'était pour Gutt, l'idée du Roi de défendre exclusivement le sol belge en territoire national. Nous y reviendrons.

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Quoiqu'il en soit, Camille Gutt avait, dès avant septembre 1939, fait transporter 10 milliards FB à la Bank of England à Londres et 6 milliards FB à la Federal Reserve Bank de New York, ne gardant en Belgique que la couverture minimum de la circulation, soit 6,5 milliards FB. Au cours de l'hiver 1939-1940, 6 milliards FB sont confiés à la Banque de France et le 6 mai 1940, les derniers 500 millions quittent également Bruxelles pour rejoindre le dépôt de la Banque de France.

Il est bien difficile, trente-cinq ans après les faits, d'apprécier si la neutralité fut parfaitement respectée par la Belgique au cours de l'hiver 1939-1940.

Le Roi et le gouvernement avaient opté pour cette politique et s'efforçaient de la faire respecter par les medias d'information (presse et radio), réduisant même à cet effet la liberté de la presse écrite et parlée.

Mais l'attitude des grandes entreprises, voire de la Banque Nationale, regardant toutes vers l'Ouest, dans un système d'économie de marché et de liberté de commerce, donne à penser.

Nous ne pouvons témoigner pour les Flandres que nous n'avons point sillonnées à cette époque, mais nos souvenirs de Wallonie nous incitent à penser que l'opinion publique était dans son immense majorité favorable aux Alliés occidentaux. Souvenirs de 1914, opposition fondamentale aux régimes totalitaires, parentés et amitiés françaises, tout cela jouait dans le même sens.

Le Roi s'isolait progressivement dans sa volonté de pratiquer quoiqu'il put lui en coûter la politique d'indépendance.

Le rideau se déchira le 10 janvier 1940 lorsqu'un avion allemand, muni de documents compromettants, fit un atterrissage forcé à Mechelen-sur-Meuse.

Des incidents suivirent, qui ne sont point de notre propos, et aggravèrent le malentendu qui séparait au fond le Roi et son gouvernement.

Le souverain, il le dit à ses proches, arrête définitivement, nous avons remarqué son entêtement lorsqu'il croit avoir raison, sa décision de ne quitter en aucun cas le sol belge.

Le gouvernement, geste significatif, prépare une réponse à un

éventuel ultimatum allemand et fait déposer chez ses

ambassadeurs à Paris et à Londres, à toutes fins utiles, un Appel à

l'assistance militaire des garants.

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L'Etat-Major, de son côté, qui a fait lever un peu vite les obstacles situés à la frontière française, sans l'accord du gouvernement, perd son chef le général Van den Bergen, sacrifié à la raison d'Etat, mais... ne fait pas rétablir les obstacles (*).

Ce 10 janvier 1940, la neutralité de la Belgique est devenue plus que précaire.

L'agression contre le Danemark et la Norvège, le 9 avril, accentuera cette précarité et l'inquiétude à tous les échelons.

Chacun s'attend à l'invasion et, le 3 mai 1940, le Roi reçoit une délégation wallonne qui vient lui faire part de ses appréhensions : dans la guerre moderne telle qu'elle s'est déroulée en Pologne, en Norvège, les choses vont vite. Est-ce que l'Etat-Major général ne prévoit pas l'abandon rapide de la ville de Liège ?

Le Roi répond d'une manière évasive. La stratégie est fonction de la situation du moment. Nul ne peut savoir ce qui se passera. La défense est assurée dès la ligne d'avant-postes, sur le canal Albert, au fort d'Eben-Emael. Les plans sont et doivent rester secrets.

Or, si Liège est défendue, même encerclée, jusqu'à l'extrême limite, la destruction de la ville et la mort de dizaines de milliers d'habitants sont une horrible certitude. Et de cela, ni les délégués, ni le Roi ne veulent à aucun prix.

En fait, les forts de Liège étaient conçus pour « tenir » au moins une semaine. Un accident va tout compromettre dès le 10 mai : la conquête par surprise du fort d'Eben-Emael et au Nord, le franchissement des ponts de Vroenhoven et de Veldwezelt par la III Panzer division.

S'ensuit, presque aussitôt, l'ordre de retraite donné au III Corps qui défend la place de Liège. N'eut-il pas mieux valu, du point de vue stratégique, tenir à tout prix Liège, même cernée, et neutraliser ainsi l'adversaire pendant une semaine ? Ceci aurait provoqué la destruction partielle de la ville, la mort de nombreux civils, mais aussi une installation plus solide des Alliés sur la ligne de défense K.W. A moyen terme, c'était la grande bataille de rencontre sur le soi belge, pas forcément l'arrêt de l'ennemi mais

(*) Malgré l'ordre du général van Overstraeten. L'ordre télégraphique de van Overstraeten n'est pas appliqué. Est-ce par suite d'une initiative locale ou d'un contre-ordre téléphonique annulant le télégramme ? Mon enquête aux deux niveaux n'a rien établi : le télégramme prouve pour l'histoire la volonté de maintien de la neutralité, sur place, les témoins ont constaté le non-rétablissement des barrages.

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des pertes immenses, personnes et biens. C'est cela précisément que le Roi entendait éviter.

Comme en 14, les civils s'accrochaient à l'idée illusoire d'un arrêt de l'ennemi le plus loin possible, près de la frontière, pour éviter l'occupation.

Comme en 14, le Roi pensait que les envahisseurs font deux passages inévitables : l'arrivée, le retour, qu'il fallait rapprocher le plus possible en limitant les dégâts au maximum, l'objectif suprême étant de Survivre, ce qui allait devenir, nous le verrons, l'obsession nationale de tous les Belges, en tout cas de leur immense majorité.

La retraite de l'Armée belge qui suivit le franchissement du canal Albert ne s'arrêta point. Elle se déroula presque sans combat - il y eut des actes d'héroïsme, des barouds désespérés pour l'honneur -, car après la chute de la Hollande et le repli de l'armée Giraud, après la percée de Sedan et le repli des armées franco- anglaises, l'Armée belge dut, sans cesse, aligner son front sur ses deux ailes toujours en recul.

Les Allemands profitèrent de ces événements pour annoncer quotidiennement par tracts aux soldats belges qu'ils combattaient pour leurs Alliés qui les abandonnaient. Ces tracts comportaient des cartes édifiantes. D'ailleurs, dès qu'ils avaient entamé la construction de défenses, les Belges recevaient des ordres de repli qui les démoralisaient.

Le 14 mai, le gouvernement décida de rester à Bruxelles tant que la chose serait possible. Le lendemain, la décision de départ est prise, le départ vers Ostende.

Avant de quitter Bruxelles, MM. Spaak et Gutt convoquent les leaders de l'économie belge. La réunion a lieu au ministère des Affaires étrangères, le 15 mai à 15 heures.

Sont présents : Alexandre Galopin, pour la Générale, Max-Léo Gérard, pour la Banque de Bruxelles, Fernand Collin, pour la Kredietbank.

« Les Ministres, selon le rapport de MM. Gérard et Collin, d'octobre 1944, confirmé par M. Pierlot le 22 novembre 1944, exposèrent à ces Messieurs que l'occupation de Bruxelles était imminente et qu'ils désiraient laisser derrière eux un groupe d 'hommes auxquels ils pouvaient faire confiance pour servir de guide moral au pays occupé.

« Ils les chargeaient de donner à la population une orientation,

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Ce tract fut lancé par la Luftwaffe sur les troupes belges et anglaises le 25 mai 1940.

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« Le Soir » du 15 mai 1940.

des conseils et de continuer à maintenir le pays au travail dans la mesure qui leur paraitrait nécessaire sous l'occupation.

« M. Gutt, ministre des Finances, les autorisait spécialement à garantir, au nom du Gouvernement, toutes avances qui seraient faites par les banques, en vue de faire face aux besoins du personnel de l'Administration de l'Etat ».

« Il rédigea, séance tenante, une formule d'engagement à cet effet qui fut confiée à M. Galopin ».

En les quittant, les ministres recommandent aux trois banquiers de s'entourer des conseils et des avis d'autres personnalités du monde économique.

Par ailleurs, M. Gutt a décidé avec le gouverneur de la Banque

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Les heures sombres 1940-1945

L'invasion, la campagne des dix-huit jours, la bataille des Ardennes...

Ce livre est tout à la fois une chronique militaire, politique, administrative, morale, de la guerre. Mais surtout humaine. Parce que, si la participation active des Belges à la collaboration ou à la résistance a été numériquement faible, ils ont livré un combat plus dur, plus courageux et finalement victorieux: celui de la survie.

L'histoire de la guerre en Belgique, c'est donc d'abord celle des hommes et de leur vie de tous les jours.

Jacques de Launay a recueilli les dépositions des personnalités, témoins et acteurs devant le tribunal de l'Histoire.

L'auteur:

Jacques de Launay, historien de nationalité française, a publié 42 ouvrages qui ont fait l'objet de nombreuses traductions. Plusieurs de ces ouvrages sont consacrés à la Belgique.

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