Infections nosocomiales et associés aux soins
A. A. Guilloteau B. AHU - SEHH
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Introduction / plan
Historique de l’hygiène hospitalière
Notion de Colonisation / infection
Concepts d’Infections Nosocomiales(IN) & Associées aux Soins (IAS)
Chaîne épidémiologique
Epidémiologie des IN - surveillance
Historique de l’hygiène hospitalière
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Historique de l’HH
Contexte général au début du XIXe siècle :
o Théories diverses sur la diffusion des germes
• Micro-organismes et maladies (lien établi fin du XIXe siècle)
• « théorie des miasmes » (mauvais air/air des marais)
• Maladie => punition à cause d’un péché/mode de vie malsain
o Infirmiers = celui qui s’occupe des infirmes
• Sœurs +++ (importance de la prière) / pas de professionnalisation (3 mois de formation pour travailler à l’hopital)
• Réconfort/alimentation/hygiène
• Globalement peu respectées
o Hôpitaux = pour les pauvres (les riches sont soignés à domicile)
Historique de l’HH
Ignaz Semmelweis et la fièvre puerpérale
Les débuts de l’HDM
024681012141618
1841 1842 1843 1844 1845 1846 Maternal
Mortality
First Second
Pourquoi ?
Historique de l’HH
Jakob Kolletschka
Professeur d’anatomie
Lors d’une autopsie d’une femme décédée de fièvre puerpérale ->
blessure par un scalpel
Rapidement symptômes identiques
décès (13 mars 1847)
Pourquoi ?
Historique de l’HH
024681012141618
1841 1842 1843 1844 1845 1846 1847 1848 1849 1850
Maternal Mortality
First Second
Intervention
May 15, 1847
5 minutes de lavage de main avec une solution de chlorure de chaux
Historique de l’HH
Chlorure de Chaux plus efficace que le SHA et que le savon antiseptique (environ 100 à 1000 fois meilleur)
Pourquoi abandon de l’utilisation ?
Solution très abrasive pour la peau Tolérance mauvaise +++ Observance mauvaise
Idée initialement rejeté par ses collègues ("A Gentleman's Hands are Always Clean.”)
Finalement accepté ~50 ans après grâce à Lister
Historique de l’HH
Florence
Nightingale :
o La prévention des infections
nosocomiales
o L’amélioration des conditions de vie des malades
o La surveillance épidémiologique o La formation des
infirmières
Historique de l’HH
Florence Nightingale
o Issue de la haute société bourgeoise o Bonne éducation
Vocation d’infirmière + volonté d’assurer une meilleure qualité des soins
o A mis en place un corps expéditionnaire d’infirmières pour traiter les soldats lors de la guerre de Crimée
• Mortalités de plus de 40% dans l’hopital militaire
• Simple mesure d’hygiene diminution à 2% de mortalité en 6 mois
o Réalisation que les conditions d’hygiène ont plus d’importance que le surménage/l’alimentation
Historique de l’HH
Réflexion sur l’architecture des centres de soins
Séparation organisée des toilettes (« sale »), des bains (« propre »)
Organisation en pavillon aérées (théorie des
miasmes)
Historique des IAS
The very first requirement in a hospital is that it
should do the
sick no harm
Historique de l’HH
Au XXe siècle, amélioration des connaissances mais augmentation des pratiques invasives :
o Cathétérisations urinaires et vasculaires
o Interventions chirurgicales de plus en plus complexes
o Support au fonction pulmonaire/rénale => dispositifs invasifs (respirateur/dialyse)
+ Arrivée de l’antibiothérapie -> sélection de souches résistantes
Augmentation du risque +++ / augmentation de la difficulté à traiter
o Importance de la prévention !
o Nécessite la mise en place de protocole strict pour la prévention des IN o Procédure de plus en plus complexes spécialisation du champs
Historique de l’HH : synthèse
Hygiène hospitalière /prévention des infections nosocomiales
o Discipline centrée sur la prévention => action en amont de la survenue de l’infection
o Développement initial basé sur des principes simples (toujours d’actualités)
o Mais complexifiée avec :
• L’augmentation des techniques invasives
• L’apparition de nouveaux risques
o Lien fort avec l’épidémiologie
Notions de colonisation / infection
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Colonisation :
Multiplication localisée de micro-organismes au sein d’un tissu (peau- muqueuse)
peut dériver d’une contamination ou d’une inoculation
sans réaction tissulaire
deviennent des éléments de la flore du sujet
Définitions
Colonisation
Germe commensal => germe qui colonise un organisme sans provoquer de maladie
Flore commensale :
M.O adhèrent à la peau et les muqueuses, s’y reproduisent et s’y implantent
peut être bénéfique à l’hôte (ex: flore digestive)
varie en fonction des conditions physiologiques (âge, alimentation, grossesse, apparition des dents)
ou pathologiques (diabète, alcoolisme, antibiotiques).
rôle protecteur contre les agents pathogènes : effet barrière.
Colonisation
Flore transitoire :
Constituée de M.O se trouvant momentanément sur la peau et les muqueuses
mais ils n’y adhèrent pas, ne s’y implantent pas
proviennent de l’environnement, ou du contact avec d’autres sujets
Elle s’élimine plus facilement (ex : lavage simple des mains)
Certain MO de la flore transitoire vont pouvoir s’intégrer à la flore résidente
Colonisation
Les flores commensales et transitoires peuvent contenir des germes susceptibles d’être la source d’infection pour soi
(infections d’origine endogène) ou pour les autres
Infection
Conséquence de la pénétration dans l’organisme d’un Agent infectieux (AI) (bactérie, virus, champignon, parasite) capable de s’y multiplier en agressant le tissu.
une réaction tissulaire avec rupture d’équilibre entre l’AI et les réactions de défense
débordement des moyens de défense de l’hôte par l’AI
Elle s’accompagne habituellement de manifestations cliniques en particulier par une réaction inflammatoire (rougeur douleur chaleur tuméfaction fièvre)
état pathologique
Pathogénécité
Tous les AI n’ont pas la même « aptitude » à donner des infections, on distingue :
AI pathogène obligatoire :
o AI ne faisant pas partie de notre flore normale et qui provoque tjs une infection =>
présence toujours pathologique
o Ex : le virus VIH, la bactérie du choléra
AI pathogène occasionnel :
o peut faire partie de notre flore normale sans entraîner de manifestation clinique mais qui peut dans certaines circonstances être responsable d’infection
o Ex : Staphylococcus epidermidis de la peau peut infecter une blessure
AI opportuniste :
o habituellement peu agressif pouvant le devenir et provoquer des infections graves chez des patients présentant une altération des défenses immunitaires
o Ex : Aspergillus fumigatus => pneumopathies chez les patients immunodéprimés
&
d’Infections Associées aux Soins (IAS)
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IN & IAS
Les infections nosocomiales (IN)
Les IN sont les infections acquises dans un établissement de santé (ES)
= ni présente ni en période d’incubation au moment de l'admission du patient dans l’ES
≠ infections communautaires
IN & IAS
Infection associée aux soins (IAS) :
Une infection est une IAS si
o survient au cours ou au décours d’une prise en charge
(diagnostique, thérapeutique, palliative, préventive ou éducative) d’un patient
o et si ni présente, ni en incubation au début de la prise en charge
IN & IAS
IAS : tout événement infectieux en rapport plus ou moins proche avec un processus, une structure, une démarche de soins, dans un sens très large :
o Elle comprend l’IN « acquise dans un ES » o Et couvre les soins délivrés en dehors des ES.
Les IAS , comme les IN, concernent les patients, les professionnels de santé et les « visiteurs »
IN & IAS
Lorsque que l’état infectieux au début de la prise en charge n’est pas connu précisément :
On affirme le caractère IAS ou IN si :
o délai (début de la prise en charge -> survenue de l’infection) ≥ 48 h OU
o délai > à la période d’incubation lorsqu’elle est connue (ex : coqueluche = 3 semaines d’incubation)
Toutefois, il est nécessaire d’apprécier dans chaque cas la plausibilité de l’association :
o Parfois dans les délais mais IN improbable (ex : pas de porteur dans le service) o Parfois hors délais mais possible (ex: maladie rare en communauté – BMR)
IN & IAS
Des situations multiples
Ces infections peuvent être
o directement liées aux soins dispensés au patient (ex : infection sur cathéter) o ou survenir lors de l'hospitalisation, indépendamment de tout acte de soin (ex :
une épidémie de grippe)
Différentes source de contamination :
o Les IAS d'origine "endogène" : le malade s'infecte avec ses propres MO à la faveur d'un acte invasif et/ou en raison d'une fragilité
o Les IAS d'origine "exogène" : les MO ont pour origine les autres malades
(transmission directe ou croisée), les personnels ou l'environnement hospitalier (eau, air, surface,DM)
IN & IAS
Les professionnels de santé doivent être en mesure d’assurer la prévention de la transmission
o des infections associées à l’environnement de soins o et des infections associées aux actes de soins
Aussi bien dans les ES qu’en dehors (ex : cabinet, hospitalisation à domicile …)
Contexte médicale
Ne pas nuire
« Primum non nocere » :avoir, dans les maladies, deux choses en vue : être utile ou du moins ne pas nuire
Hippocrate, 410 avt JC (Epidémie)
Article 40 du code déontologie (article r.4127-40 Du CSP) :
« Le médecin doit s’interdire, dans les investigations et
interventions qu’il pratique comme dans les thérapeutiques qu’il prescrit, de faire courir au patient un risque injustifié. »
Contexte infirmier
Chaine épidémiologique des
agents infectieux
Chaîne épidémiologique des agents infectieux
Chaîne de transmission :
Ensemble des causes, circonstances et conditions permettant ou favorisant la transmission d’un agent pathogène d ’un
réservoir initial à un hôte (ici : l’homme)
Chaine épidémiologique
Réservoir Vecteur Patient
Porte de sortie Porte d’entrée
Agent
infectieux
Différentes caractéristiques
Facteur de fragilité
Chaine épidémiologique
L’agent infectieux se caractérise par :
o Sa nature (bactérie, virus, parasite, champignon, ATNC)
o Sa contagiosité : aptitude à se propager d’un individu à l’autre (taux d’attaque, R0)
o Pouvoir pathogène : aptitude à provoquer une maladie o Virulence : capacité de l’AP à provoquer des symptômes
Connaitre l’agent en cause permet d’évaluer les différentes voies de transmission, son ampleur et les conséquences
Chaine épidémiologique
Le réservoir (la source de l’agent infectieux) Animés
Homme, animal
A transmission directe ou indirecte
Environnement
• Terre (ex : tétanos)
• Eau (ex : légionelle)
• Air (ex : aspergillus)
Conditions de survie du MO
Chaine épidémiologique
Principaux réservoirs Germes en causes
Humain Flore digestive : Escherichia coli et
autres entérobactéries
Flore de la peau : Staphylocoque aureus et autres CG+
Flore ORL : Streptocoque A, virus grippaux et apparentés
Eau Contamination en amont : Légionnelle /
Pseudomonas et apparentés
Air Aspergillus (travaux) et apparentés
Matériel (rare avant manipulation) / aliments
Tout types de germes
Réservoir humain
T. Digestif :1014
Cellules du corps : 1013
Peau :1012
Air/m3: chambre : 200 toilettes : 500 ville : 300-400 Eau/ml: < 10
Persistance sur les surfaces
Sou rce : A K ramer et a l BMC Inf Dis 20 06
Chaine épidémiologique
Modes de transmission Direct
Aéroportée (salive, gouttelettes)
Manuportée (péril fécal, mains sales)
Contact direct (manuportage, accouchement)
Indirect
Par l’intermédiaire d’un vecteur :
aiguille (ex : hépatite B) insecte (ex : paludisme) environnement (ex :
choléra)
Particularités des IN/IAS : importance du contact direct +++
Eau + mucus + virus/bactéries
Aérosolisation par le patient infecté/ par des douches
Portée limitée/sédimentation rapide
« Droplet nuclei » (noyau)
Uniquement virus ou bactéries Pas de réelle sédimentation
Chaine épidémiologique
Porte d’entrée :
Unique ou multiple :
o Digestive o Respiratoire
o Muqueuses superficielles, plusieurs facteurs favorisant :
• Lésion, matériel contaminé, piqûre par arthropode (ex : maladie de Lyme)
Particularité des IN/IAS : voies d’entrées non naturelles avec mise en place de corps étranges (cathéter urinaire, vasculaire…)
Chaine épidémiologique
Hôte
Plus le patient est fragilisé (système immunitaire +++) plus la survenue d’une infection est probable
o Dépend de :
• Ses défenses physiques (lésions/cathéters), chimiques (altération du pH gastrique)
• Ses défenses immunitaires : spécifique ou aspécifique
• Son exposition à des germes à risque
Hôte à risque
Chaine épidémiologique
Permet de comprendre l’ensemble du schéma de transmission d’un agent infectieux pour identifier des cibles d’actions :
o Elimination du réservoir (ex: traitement des patients atteints/vaccination)
o Fermer la porte de sortie (ex: fermeture de la cuvette des toilettes) o Eliminer le vecteur (ex: lutte contre le moustique tigre)
o Protéger la porte d’entrée (ex: applications d’antiseptiques lors d’actes invasifs)
o Améliorer l’état du patient (ex : ré-équilibrage des diabétiques en pré-op)
Grippe nosocomiale
Quelles mesures mettre en place pour limiter le risque de grippe nosocomiale ?
Patient grippés
Individu non atteint Vecteurs
Porte de sortie:
Toux, mains
Porte d’entrée
Mains du soignant
Environnement commun Contact direct (voisin)
…
Agés
Non vaccinés
Prévention des grippes nosocomiales
Réservoir : difficile à limiter
o Possible regroupement de patients dans des unités dédiées (non fait à Dijon) o Report du visite pour les visiteurs malades
Porte de sortie du patient : éducation du patient à l’HDM + masque chirurgical à chaque sortie de chambre
Vecteurs : observance des professionnels à l’HDM/ prise en charge de l’environnement / chambre seule pour les patients atteints / limitation des activités si épidémie en cours
Porte d’entrée : masque chirurgical pour les professionnels prenant en charge le patient
Hôte : vaccination +++ (patients et professionnels) campagne vaccinale
La vaccination du personnel : grippe
Grippe : agent infectieux très contagieux
Premier agent infectieux responsable de décès en France
o Particulièrement chez les personnes fragiles
o Personnes fragiles diminution du système immunitaire diminution de l’efficacité des vaccins
o Vaccination autour de l’entourage stratégie importante pour prévenir la survenue de grippe (élimination d’un réservoir/d’un vecteur)
Infection d’abord vasculaire
Quelles mesures mettre en place pour limiter le risque d’infection sur cathéters ?
Patient : peau/flore
digestive Professionnel :
peau
Patient Vecteurs
Porte de sortie Porte d’entrée
Cathéters +++
Brèche cutanée
Fragilité Durée du cathéterisme Manipulation du point de ponction
…
=
Prévention des infections sur cathéters
Réservoir :
o Antisepsie à la pose (flore transitoire et flore commensale) o HDM des soignants (voir gants stériles)
o Formation des soignants à la réfection des pansements
Vecteur : réévaluer l’opportunité du cathéter régulièrement + surveillance
Hôte : éducation du patient
Si BMR : politique d’antibiothérapie/précautions complémentaires pour éviter la diffusion
Moyens de lutte contre les IAS & IN
Les principes :
Surveillance épidémiologique / signalement des IN
Formation => initiale et continue
Prévention => procédures de soins, mesures
environnementales… = Rompre la chaîne épidémiologique
Evaluation des pratiques
Prévention des IAS
Mesures générales :
Précautions standard
Précautions complémentaires
Désinfection cutanéo-muqueuse
Traitement des dispositifs médicaux
Maitrise de l’environnement
o Air, eau, surfaces
Epidémiologie et surveillance des IN
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Surveillance épidémiologique
Définition :
« Processus continu et systématique de collecte, de
compilation, et d’analyse de données ainsi que leur diffusion à à tous ceux qui ont besoin d’être informés (…) pour permettre le déclenchement d’actions adaptées »
La surveillance est le fondement d’un programme de prévention
« surveiller pour agir »
Surveillance des IN : objectifs
Déterminer les taux d’infections
Déterminer des variations de fréquence ou de distribution
Mettre en place des investigations pour expliquer ces variations
o Identifier les facteurs de risque d’infection
o Détecter les situations ou les secteurs dans lesquels des déviances existent
Instaurer des mesures de contrôle et déterminer leur efficacité
o Evaluer les changements de pratiques
Surveillance
Ex de surveillances ciblées organisées au niveau national:
o BMR (bactéries multi-résistantes aux antibiotiques) o ISO (infections du site opératoire)
o Réa (infections sur cathéters, infections respiratoires et urinaires) o ENP (Enquête nationale de prévalence = toute IN)
Enquête nationale de prevalence
ENP = enquête nationale transversale réalisée tous les 5 ans o Sur ~400 ES répartis sur le territoire national
o Objectif : évaluer la prévalence et les FdR des IAS en France
Prévalence globale des IAS :
o 7,5 % en 2001 – 5,4% en 2006 – 5,1% en 2012 – 5,0% en 2017
Les 4 localisations les plus fréquentes en 2017 o Urinaire ( 28%)
o ISO (16%) - dont 5,2% d’ISO profondes o Pneumopathies (16%)
o Bactériémie/septicémie (11%) dont 50% liée à un cathéter
Evolution de la prévalence des IN
Prévalence des patients infectés, par type de séjour
ENP 2012 : Prévalence des patients infectés, selon les caractéristiques des patients
ENP 2012 : Prévalence des patients infectés, selon les caractéristiques des patients
ENP 2017 : Infections nosocomiales, par site (N~ 81 000)
KT
ENP 2017 : Principaux micro-organismes isolés d’IN (N=4 232)
Facteurs de risque des IAS (IN)
Gestes et techniques invasives
• Cathéters(vasculaires ; urinaires)
• Ventilation artificielle
• Endoscopie
• …
Etat général du patient
• Age
• Affection grave (polytraumatisme, brûlés,…)
• Etat grabataire (pathologies de décubitus)
• Immunodéprimés (cancers, chimiothérapie SIDA,…)
• Infection préexistante
Autres facteurs
• Antibiothérapie à large spectre
• Présence de patients colonisés ou infectés par un germe nosocomial
• Formation inadéquate du personnel aux règles d’hygiène
• …