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Auto-culture d'herbe de cannabis en France : cultivateurs et production à travers l'enquête SINTES cannabis 2013

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Le Courrier des addictions (18) – n° 4 – octobre-novembre-décembre 2016 16

F F o o c c u u s s F F o o c c us u s

Auto-culture d’herbe de cannabis en France : cultivateurs et production à travers l’enquête SINTES

cannabis 2013

Home-grown cannabis in France: growers and cannabis production through the SINTES study about cannabis (2013)

T. Boulat * , A. Cadet-Taïrou * , M. Gandilhon * , T. Néfau * , E. Lahaie **

du trafic illicite des stupéfiants [OCRTIS]).

Par ailleurs, comme l’a montré l’émergence en 2013 du mouvement des Cannabis social clubs 1 (CSC), de plus en plus d’usagers sont réti- cents, pour des raisons sécuritaires et éthiques (“refus d’alimenter l’économie criminelle”), à se fournir en cannabis auprès des réseaux de

“cité” , et se tournent vers la production locale.

Le nombre de pieds saisis en France a ainsi presque triplé en 5 ans , passant de 54 728 en 2010 à 153 895 en 2015 (données OCRTIS 2016).

Aujourd’hui, on peut distinguer 4 grands types d’off re d’herbe cultivée en France  (1) . Une off re portée par des microcultivateurs qui cultivent quelques plants, le plus souvent dans le cadre d’une “culture en placard” destinée à satis- faire leurs besoins personnels, voire ceux de proches. Les données du Baromètre santé de 2005 et 2010 permettaient d’évaluer leur nombre dans une fourchette comprise entre 80 000 et 200 000 personnes se livrant à l’auto-culture de manière permanente ou occasionnelle  (3) . Depuis 2011, une nouvelle off re est devenue visible avec le démantèlement de cannabis facto- ries 2   (2) de plusieurs centaines de plants tenus par des réseaux criminels  (4) . Un troisième type d’off re, qui a pris de l’ampleur depuis 2012-2013, est porté par des particuliers, sans connexion avec le crime organisé, qui se lancent également dans la production à grande échelle pour des raisons commerciales, celle-ci pouvant se révéler très lucrative. Il semble également que d’autres profi ls de cultivateurs apparaissent : notamment dans les “cités” où naissent des plantations de cannabis indoor   (5) .

Cet article explore le profi l des auto-cultiva- teurs et les caractéristiques de leur production, à travers les données d’une étude réalisée par le dispositif TREND-SINTES (Tendances récentes et nouvelles drogues-Système d’iden- tifi cation des toxiques et des substances) de l’OFDT  (6) . Celle-ci visait à réaliser un état des lieux du cannabis consommé en France en analysant des échantillons de produits collectés directement auprès des usagers, après consom- mation partielle.

MÉTHODOLOGIE DE L’ENQUÊTE

Cette enquête couvrait les 7 régions françaises dans lesquelles un site TREND était en place en 2012 : Aquitaine, Bretagne, Île-de-France, Lorraine, Midi-Pyrénées, Nord-Pas-de-Calais et Provence-Alpes-Côte d’Azur. Chacun des 7 coordonnateurs de sites devait collecter un

L’OFDT (Observatoire français des drogues et des toxicomanies) a réalisé, en 2012 et 2013, par le biais de son dispositif SINTES (Système d’identifi cation des toxiques et des substances), une étude sur la composition du cannabis en recueillant des échantillons auprès d’usagers réguliers de ce produit. Réalisé dans les 7 sites (Bordeaux, Lille, Marseille, Metz, Paris, Rennes, Toulouse) participant au réseau TREND (Tendances récentes et nouvelles drogues), le recueil a permis de collecter 190 échantillons de résine et 253 échantillons d’herbe de cannabis pour les faire analyser. Les usagers qui acceptaient de remettre un peu de leur produit, déjà partiellement consommé, devaient ensuite répondre à un questionnaire. Un module de questions portant sur le mode d’obtention du cannabis (achat, don, échange, auto-culture) a permis d’identifi er les auto-cultivateurs, lesquels représentaient 21 % des usagers interrogés et 37 % des consommateurs d’herbe.

Cet article s’intéresse aux profi ls des cultivateurs, aux modes de cultures pratiquées, à la destination de la récolte, et compare la teneur en THC de l’herbe issue ou non de l’auto-culture. Ces données viennent illustrer et compléter les observations plus macroscopiques témoignant de l’essor de ces pratiques d’auto-culture en France.

* Pôle TREND (Tendances récentes et nouvelles drogues), Observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT).

** Pôle TREND, OFDT jusqu’en 2014.

Mots-clés : Cannabis, usagers de cannabis, auto-culture, THC Keywords: Cannabis, cannabis user, home-grown cannabis, marijuana, THC

In 2012 and 2013, the OFDT (French Monitoring Centre for Drugs and Drug Addiction), through its SINTES scheme (National detection system of drugs and toxic substances) conducted a study on the potency of cannabis by collecting samples from regular cannabis users. This study in 7 cities (Bordeaux, Lille, Marseille, Metz, Paris, Rennes, Toulouse) involved in the TREND network (Emerging Trends and New Drugs), gathered 190 resin samples and 253 herbal samples of cannabis and had them analysed. Users who agreed to hand over part of their product, which they had already partly smoked, had then to answer a questionnaire. A module of questions related to the means of obtaining cannabis (purchase, gift, exchange, domestic cultivation) allowed to identify the proportion of cannabis growers, who represent 21% of the users included in the survey and 37% of the herbal cannabis users. This paper focuses on these cannabis growers: their profiles, their cultivation methods, the destination of their harvest, and the THC level of herbal cannabis whether home-grown or not. These data illustrate and complete other observations reflecting the rise of home-grown cannabis cultivation in France.

DU PLACARD AU HANGAR

Depuis quelques années, l’Europe est devenue un important producteur de cannabis en indoor et outdoor . La France n’échappe pas à cette évo lu-

tion et voit également augmenter l’off re d’herbe sur son territoire  (1) . Si la résine reste dominante sur le marché français, notamment en termes de quantités saisies, il existe une demande croissante pour l’herbe , perçue par les usagers comme un produit de meilleur qualité et plus naturel  (2) . La part de l’herbe dans les quan- tités de cannabis saisi, qui était encore de 8 % en 2010 , atteint ainsi 22 % en 2015 (données 2016 de l’Office central pour la répression

1 Avant de disparaître après la dissolution des CSC par la justice.

2 Usines de production de cannabis comptant plusieurs centaines de plants et susceptibles d’engendrer un chiffre d’affaires important.

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Fo c us Fo c u s

Focus Focus

maximum de 80 échantillons de cannabis, répartis équitablement entre résines et herbes.

Une collecte se composait d’un échantillon de produit de 1 à 1,5 g accompagné d’un ques- tionnaire. L’enquête était réalisée unique- ment auprès d’usagers de cannabis ayant déjà consommé une partie du produit, par des collec- teurs participant au réseau SINTES. La majorité d’entre eux étaient des professionnels du secteur sociosanitaire, habituellement en relation avec des usagers.

Compte tenu du caractère illicite du produit étudié (il n’existe pas de liste de consomma- teurs de cannabis), il n’a pas été possible de réaliser un échantillonnage aléatoire. Pour tenir compte de la probable hétérogénéité du marché, en fonction des ressources des usagers, les pratiques de collecte devaient privilégier, sur chaque site, un large éventail de produits, notamment en ciblant 3 populations différentes de consommateurs de cannabis : les jeunes scolarisés (lycéens/étudiants), les personnes ayant une activité salariée et celles en difficulté sociale.

Les produits collectés étaient adressés dans les plus brefs délais au laboratoire d’analyse désigné pour chacun des sites : le service commun des laboratoires des Douanes de Paris, le laboratoire de toxicologie du CEIP (Centre d’évaluation et d’information sur la pharmaco- dépendance) du CHU de Caen et le laboratoire de toxicologie du CHRU de Lille.

Les analyses menées par les laboratoires comprenaient un examen macroscopique de l’échantillon, une recherche des molécules psychoactives et leur quantification grâce à des techniques d’analyse de chromatographie en phase gazeuse ou liquide, associées à la spec- trométrie de masse. Les molécules recherchées étaient le tétrahydrocannabinol (THC), le canna- binol (CBN) et le cannabidiol (CBD), ainsi que d’éventuels produits de coupe ayant une activité pharmacologique.

Recueil des données

Entre octobre 2012 et mai 2013, 443 question- naires et autant d’échantillons ont été collectés, dont 253 d’herbe et 190 de résine de cannabis.

Seuls 422 des échantillons ont été analysés, 21 échantillons provenant de la coordination SINTES toulousaine ayant été interceptés lors d’une opération de saisie des douanes (tableau I).

Profil des usagers qui ont participé à l’étude

Les usagers ayant accepté de participer à l’étude sont à 80 % des hommes, sans différence signifi- cative entre les lieux de collecte. Leur âge moyen

— près de 30 ans — est relativement homogène dans chaque site, en dehors de Metz (26,3 ans) et Paris (38,5 ans3). Quasiment tous les répondants (94 %) consomment du cannabis au moins une fois par semaine et 78 % déclarent avoir fumé tous les jours de la semaine précédant l’enquête4 et peuvent donc être considérés comme des usagers réguliers5. Une majorité des usagers interrogés (64 %) dispose de revenus principalement liés au travail (emploi, retraite, pension et Pôle emploi).

Vingt-huit pour cent sont des personnes aux revenus plus précaires (revenu de solidarité active [RSA], allocations, ressources non officielles) ou déclarent une absence de revenus. Enfin, 8 % sont des usagers soutenus financièrement par des tiers (possiblement des étudiants). Par ailleurs, chaque usager a été affecté à l’une des catégories suivantes par l’enquêteur, selon son appréciation personnelle lors de la passation du questionnaire :

“étudiants” (22 %), “activité professionnelle” (53 %) et “chômage ou RSA” (25 %6).

RÉSULTATS

Parmi les usagers qui ont cédé un échan- tillon, 1 sur 5, soit 21 % des répondants, a

cultivé lui-même son cannabis, tandis que 67 % l’ont acheté, et 11 % l’ont reçu en cadeau ou en échange. Trente-huit pour cent des seuls consommateurs d’herbe de cannabis se déclarent auto-cultivateurs, 51 %, acheteurs, et seuls 12 % disent avoir reçu cette herbe en échange ou en cadeau.

Les cultivateurs

L’auto-cultivateur moyen décrit par cette enquête est un homme de 33 ans, dispo- sant principalement de ressources liées à un emploi. La proportion d’hommes pratiquant la culture du cannabis est, en effet, significati- vement7 plus importante que celle des femmes (respectivement 25 % et 9 %), 92 % des auto- cultivateurs étant des hommes. L’âge moyen des cultivateurs apparaît significativement plus élevé que celui des non-cultivateurs : 32,9 ans versus 29,0 ans**. En effet, la proportion d’auto-cultivateurs augmente avec la montée en âge : ils sont 12 % avant 24 ans, 21 % entre 25 et 34 ans et 33 % après 35 ans**. Enfin, les usagers interrogés vivant principalement de revenus en lien avec le monde du travail (salaire, retraite, prestations chômage) repré- sentent 73 % des auto-cultivateurs versus 62 %*

des non-cultivateurs. C’est, en effet, parmi ces usagers aux revenus réguliers que la part des auto-cultivateurs est la plus importante (24 % versus 16 %* chez l’ensemble des autres). La classification a priori des répondants parmi les classes “activité professionnelle”, “chômage ou RSA” et “étudiants” par les enquêteurs vient appuyer cette perception : 70 % des cultivateurs ont une activité professionnelle versus 58 %*

des non-cultivateurs. Les autres cultivateurs sont au chômage ou perçoivent le RSA (16 %) ou sont étudiants (14 %). Cette observation apparaît totalement cohérente avec le fait que la culture nécessite le plus souvent un investis- sement financier de départ (tableau II).

3 Les disparités entre sites intègrent probablement des différences régionales entre les profils d’usagers de drogues, mais relèvent plus probablement d’une hétérogénéité entre les réseaux de collecteurs SINTES qui entrent en contact avec des populations de nature différente.

4 Cette caractéristique peut expliquer que cet échantillon soit plus “masculin” que les usagers réguliers interrogés dans le Baromètre Santé 2014 (INPES/OFDT) où le sex-ratio est égal à 2,5 versus 4 en l’occurrence.

5 Un usager est dit “régulier” s’il consomme au moins 10 fois dans le mois.

6 Deux données manquantes.

7* signifie que la différence est statistiquement significative, avec un risque maximal d’erreur de 5 % (p < 0,05) ; ** signifie que p < 0,001.

Tableau I. Nombre de collectes effectuées d’octobre 2012 à mai 2013 (source : SINTES cannabis 2013, OFDT).

Coordinations régionales SINTES

Nombre de collectes

Lille 74

Bordeaux 69

Toulouse 67

Metz 64

Paris 64

Marseille 58

Rennes 44

Total 440*

* Lieu de collecte non renseigné pour 3 échantillons.

Tableau II. Part des auto-cultivateurs selon la source de revenus principale des usagers (source : SINTES cannabis 2013, OFDT).

Cultivateur n Emploi, retraite, pension, chômage

Ressources non officielles, RSA, allocations, sans revenu

Tiers* Total

Oui 93 24 % 16 % 14 % 21 %

Non 345 76 % 84 % 86 % 79 %

n total 438 281 122 35 438

* Il s’agit probablement en majorité d’étudiants.

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Focus Focus

20 % 30 %

49 % 1 %

Extérieur Terre (intérieur)

Sans terre (hors sol) NSP

Figure 1. Méthode de culture déclarée par les auto-cultivateurs (source : SINTES cannabis 2013, OFDT).

La culture

Internet apparaît comme le principal moyen d’obtention des graines8 ou des boutures chez les cultivateurs interrogés. En eff et, celles-ci ont été acquises par ce biais dans 36 % des cas. Dans 33 % des cas, elles ont été obtenues par un moyen direct (achat direct, échange ou don) et, dans 20 % des cas, elles ont été fournies par la précé- dente récolte 9 .

La plupart des auto-cultivateurs ayant cédé un échantillon déclarent cultiver la plante en intérieur, en terre dans des pots pour 49 % d’entre eux, et hors sol pour 20 % . Seuls 30 % la cultivent en extérieur (fi gure 1) .

Lorsque les 96 usagers d’herbe non culti- vateurs disent connaître et nomment la méthode de culture de l’herbe qu’ils ont achetée, échangée ou reçue en cadeau 10 , la culture sans terre (hors sol) est la princi- pale méthode de culture citée (49 %) devant la culture en extérieur (30 %) et la culture inté- rieure en terre (21 %). On pourrait attribuer cette inversion des ordres de grandeur par rapport aux méthodes citées par les cultiva- teurs au fait qu’il ne s’agisse pas ici unique- ment d’herbes d’auto-culture mais aussi importées, dont certaines ont été sélection- nées et connaissent des conditions de culture et de récolte très perfectionnées. Cependant, les consommateurs d’herbe non cultivateurs, dont 4 sur 10 (39 %) n’en connaissent pas la technique de production, peuvent confondre les diff érentes techniques de culture (quali- fi ant d’hydroponique toute culture intérieure à l’aide de lampes). Il est également possible que les vendeurs utilisent volontiers l’image de la culture hydroponique pour valoriser leur production (encadré) .

La récolte

Les auto-cultivateurs déclarent avoir obtenu, en moyenne, 296 g d’herbe de cannabis 11 lors de la dernière récolte. Cependant, ce résultat masque de grandes disparités selon la destination prin- cipale de la production : la revente, d’une part, et l’autoconsommation ou le don, d’autre part (cf. infra) . En eff et, les cultivateurs, principale- ment revendeurs , obtiennent en moyenne une récolte de près de 500 g d’herbe de cannabis avec un maximum s’élevant à 2 kg, contre près de 190 g pour ceux dont la récolte est principa- lement destinée à l’usage personnel et au partage (avec un maximum de 600 g).

Une qualité moyenne mais homogène Le taux moyen de THC relevé dans les récoltes des auto-cultivateurs (10,7 %) n’est pas signifi ca- tivement diff érent de celui des herbes achetées ou échangées (10,8 %) 12 . Cependant, les herbes obtenues par les auto-cultivateurs présentent des taux de THC plus homogènes que ceux des herbes achetées ou échangées, les écarts- types respectifs étant de 4,7 et 6,7. On retrouve notamment un taux très élevé de THC dans moins d’herbes auto-cultivées (> 30 %) que parmi celles qui ont été achetées ou échangées, du fait d’une moindre diversité des techniques de culture et, notamment, de la rareté des méthodes très sophistiquées mises en œuvre.

L’herbe autocultivée présente également moins souvent un taux faible de THC (≤ 5 %) , ce qui pourrait s’expliquer par des “ circuits de distri- bution” plus homogènes et plus courts, réduisant la dégradation du THC avant la consommation du cannabis.

Un a priori favorable

Le fait de cultiver soi-même son herbe de cannabis semble avoir un eff et mélioratif sur la perception de la teneur en THC. Il a été demandé aux usagers d’évaluer la concentration supposée du produit qu’ils avaient consommé sur une échelle de 0 (très faible) à 10 (très fort).

Ces réponses ont été classées en 3 catégories : faiblement concentré (0 à 3), moyennement concentré (4 à 6) et fortement concentré (7 à 10). On leur a également demandé d’en évaluer le pourcentage de THC, qui a été comparé par la suite à celui analysé par le labo- ratoire. Or, bien qu’il n’y ait pas de diff érence entre les taux moyens, les auto- cultivateurs jugent moins souvent leur produit comme étant faiblement concentré (9 % contre 18 %*).

Par ailleurs, on peut noter que l’herbe , dans sa globalité, est mieux perçue que la résine . En eff et, elle est plus souvent déclarée comme fortement concentrée (42 % contre 15 %** pour la résine), alors que le taux de THC est en moyenne supérieur dans la résine (12,2 % contre 10,7 %*).

À l’inverse, seuls 15 % des usagers d’herbe la jugent faiblement concentrée contre 30 %** de ceux qui consomment le cannabis sous forme de résine .

Cela n’empêche pas, cependant, les auto- cultivateurs d’avoir une meilleure appré- ciation, en moyenne, de la concentration réelle de l’herbe qu’ils consomment par rapport aux consommateurs d’herbe non cultivateurs : ils évaluent le taux de THC de leur herbe à 13,8 % (diff érence moyenne avec le résultat d’analyse égale à 3,1 points), alors que les non-cultivateurs l’estiment à 15,8 % (diff érence de 5 points avec le résultat d’analyse).

Cette meilleure appréciation est sans doute à rapprocher de l’âge moyen plus avancé des auto-cultivateurs, traduisant probablement une

8 Il est illégal d’acheter ou de vendre des graines ou des boutures de cannabis, en dehors du chanvre industriel non psychotrope au taux de THC < 0,3 % (liste des variétés autorisées régie par décret).

9 Dix non-réponses.

10 Quarante-quatre pour cent des acheteurs achètent auprès d’une connaissance, d’un proche ou d’un membre de leur famille.

11 Soit environ 9 plants (7).

12 Soit un taux similaire aux taux moyens observés dans les saisies par l’Institut national de la police scientifique (INPS) en 2012 (10,4 %) et en 2013 (12,6 %).

LA CULTURE DU CANNABIS

Schématiquement, le cannabis peut se cultiver :

en terre : en pleine terre (en extérieur, dans un jardin, par exemple) ou dans des pots (en extérieur ou en intérieur) ;

sans terre (hors sol) : en irriguant la plante sur un substrat inerte (billes d’argile, laine de roche) avec une solution nutritive (hydroponie) ou par pulvérisation de la solution nutritive, la plante étant sur un support plastique (aéroponie). Elle peut être utilisée en extérieur ou en intérieur. Elle a un meilleur rendement que la culture en terre, mais elle représente un coût important en matériel.

Ici, les catégories identifi ées sont les cultures extérieures (pots ou terre), les cultures inté- rieures en terre (pots) ou hors sol (hydroponie ou aéroponie).

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Fo c us Fo c u s

Focus Focus

≤ 50 % usage personnel, 0 % revente 25 % revente

50 % revente

≥ 75 % revente 100 % usage personnel

À la revente De l’usage personnel

75 % usage personnel, 0 % revente 22 %

13 %

27 % 8 %

11 % 19 %

Figure 2. Usage du cannabis cultivé. Vingt-sept pour cent des cultivateurs de cannabis consomment environ 75 % de leur récolte et ne pratiquent pas la revente. Les 25 % de la récolte qui n’apparaissent pas correspondent à du don ; 19 % des cultivateurs revendent environ 50 % de leur récolte, les 50 % restants se partageant entre consommation personnelle et don (source : SINTES cannabis 2013, OFDT).

plus longue expérience et un niveau d’expertise peut-être supérieur, de même qu’une moindre variabilité des taux des herbes issues de l’auto-culture.

L’usage de la récolte

Les cultivateurs ont été interrogés sur la desti- nation du cannabis récolté : ils devaient indi- quer dans quelles proportions ils revendaient, donnaient ou consommaient eux-mêmes l’herbe qu’ils cultivaient (0, 25, 50, 75 ou 100 %). L’usage principal de la culture est défini comme étant l’utilisation de 50 % ou plus de sa production13. La majeure partie des usagers cultivent avant tout pour leur propre consommation. Sur 89 répondants, l’usage principal visé est la consommation personnelle pour les 2/3 d’entre eux (65 %), la revente pour 1/3 (33 %) et le don pour seulement 2 personnes. Vingt cultiva- teurs (soit 23 %) consacraient la totalité de leur production à leur consommation personnelle et 1 usager seulement la consacrait exclusivement à la revente (figure 2).

En dépit d’effectifs faibles et des réserves à prendre en compte, vu l’absence d’échantil- lonnage aléatoire, les résultats confirment les observations du réseau TREND qui indiquaient que la destination principale de la récolte est, pour partie du moins, en lien avec la fragilité sociale du cultivateur (7). En effet, c’est parmi les usagers considérés comme ayant la situation la plus “précaire” (“chômage, RSA”) que la part de ceux qui vendent une majorité de la récolte apparaît la plus importante : 56 %* (n = 16), alors

que 31 % (n = 13) des étudiants et 27 % (n = 60) des usagers ayant une activité professionnelle sont concernés.

L’analyse par source de revenu ne montre pas de différence significative, probablement du fait de la faiblesse des effectifs mais amène à une hypothèse comparable : les plus “précaires”, bien que pratiquant moins l’auto-culture que les personnes ayant un emploi, au chômage ou à la retraite, ont plus souvent tendance à revendre leur production, probablement pour compenser leurs faibles ressources. En effet, 50 % des auto-cultivateurs “précaires” (RSA, allocations, revenu non officiel ou sans revenu [n = 20]) pratiquaient la revente, un gros quart (27 %) des personnes bénéficiant de revenus en lien avec un emploi (n = 62) et 1/3 des usagers soutenus par des “tiers” (n = 6).

Concernant les méthodes de culture utilisées, aucune différence notable n’apparaît, parmi les auto-cultivateurs, entre ceux qui revendent et les autres.

CONCLUSION

Si la méthode de cette enquête ne permet pas de généraliser ces résultats à l’ensemble des usagers réguliers, elle vient conforter des éléments de connaissance qualitatifs.

Elle montre ainsi que l’auto-culture est un marqueur d’insertion sociale qui répond, pour certains cultivateurs, au souhait de ne pas être en lien avec les trafics, premier pas pour se soustraire au marché illicite, si ce n’est à l’illé-

galité regrettée de la consommation (8). Pour les cultivateurs les plus fragiles socialement, qui vendent, en moyenne, une part plus impor- tante de leur production, elle apparaît plutôt comme une source de revenus et s’inscrit dans un contexte plus large qui voit les usagers de drogues s’adapter à la crise économique (9).

En outre, la meilleure image de l’herbe auto- cultivée, en termes de taux de THC, témoigne probablement des représentations particuliè- rement favorables qui s’attachent aux produits

“bio” ou home made.

En revanche, l’étude ne s’intéressait qu’aux consommateurs et n’a pas permis de recueillir des données sur la part des cultivateurs qui consacrent exclusivement leurs récoltes à la revente, phénomène qui ne cesse de progresser ces dernières années.

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Relecture : Julie-Emilie Adès, Anne De l’Eprevier Remerciements. Les auteurs remercient les coordinateurs TREND locaux qui ont organisé les collectes (Aurélien de Marne, Aurélie Lazes-Charmetant, Guillaume Girard, Nathalie Lancial, Sébastien Lose, Michel Monzel, Guillaume Pavic, Grégory Pfau, Camille Roncin, Guillaume Sudérie, Étienne Zurbach), les collecteurs et les laboratoires partenaires.

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13 Dans le cas où la production était partagée en 2, la consommation personnelle était choisie plutôt que le don (2 cas), et la revente plutôt que la consommation personnelle (8 cas).

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