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André Voguet, Parcours d'un militant communiste (1937-1986)

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ANDRÉ VOGUET

Parcours d ’un militant communist

e (1937-1986)

Convers ation av ec l’hist orien Claude W

illard

André Voguet, parcours d'un militant communiste (1937-1986) Conversation avec l'historien Claude Willard

Bourrée d’anecdotes, de descriptions, de rencontres multiples, cette conver- sation avec André Voguet est passionnante. Préfacé par ses trois fils, ce récit raconte avec vérité, modestie et humour quelques étapes de la vie d’un jeune instituteur, d’un officier durant la “drôle de guerre”, d’un Résistant, d’un cadre du Parti communiste, d’un Elu de Paris. Sans langue de bois, ni fausse prétention. C’est un témoignage plaisant et précieux d’un communiste du XXème siècle, au moment où le Parti communiste fête ses 100 ans !

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André Voguet, pArcours d’un militAnt communiste

(1937-1986)

Conversation avec l’historien Claude Willard Texte édité et annoté par Élise Voguet

Nous adressons un remerciement particulier à Nicole Babin, Monique Brioudes, Thierry Charret, Jean-Paul Damaggio, Amélie Duhamel et Patrick Maurières qui ont contribué à la publication de cet ouvrage.

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André Voguet, parcours d’un militant communiste (1937-1986).

Conversation avec l’historien Claude Willard

André Voguet est né en 1913, à la veille de la première guerre mondiale et de la révolution russe de 1917. Il a, toute sa vie, été pro- fondément marqué par ces deux évènements qui ébranlent le monde.

Ses parents habitent en Province. Son père, Gaston, est ouvrier, sa mère, Marie-Jeanne, bonne à tout faire. Gaston perd une jambe à la guerre. Il bénéficie d’un emploi réservé, et se retrouve concierge de lycées à Paris.

Cette proximité avec le monde scolaire permet à André d’entamer des études supérieures qu’il abandonne pour soulager financièrement ses parents et devient instituteur. Il rencontre Lucette qui devien- dra sa femme et sera, elle aussi, militante et résistante. En 1937, ils adhèrent tous les deux au Parti communiste. Ils auront trois garçons.

Dès lors, la vie personnelle d’André Voguet se confond avec ses convictions politiques. Mobilisé, en I940, comme sous-lieutenant d’aviation, il côtoie des officiers français défaitistes. Puis, c’est la débâcle, la défaite et son retour à Paris. Il entre alors immédiatement dans la Résistance et contribue clandestinement à reconstruire le Par- ti communiste dans le 13e arrondissement.

La répression est terrible. De nombreux dirigeants sont déportés, assassinés. Très rapidement, ses camarades lui confient des responsa- bilités. Il devient l’un des responsables du Front national et participe activement à la Résistance dans les milieux enseignants et intellectu- els. A la Libération, il devient permanent du Parti et le reste jusqu’à sa mort en 1986. Il est membre du Comité central, élu au conseil de Paris de 1947 à 1983 et dirigeant du CDLP (Centre de diffusion du livre et de la presse) chargé de la diffusion des publications du Parti commu- niste. À ce CDLP s’était ajouté Le Club des amis du livre progressiste qui avait une activité d’édition importante.

Durant toute cette période, il côtoie des personnalités exception- nelles, certaines illustres, d’autres moins connues dont il fait ici des portraits très attachants et émouvants.

Sa vie est marquée par son goût de la liberté, de la culture, de la justice sociale et de l’émancipation des peuples.

Nulles critiques dans ce récit sur les réactions aux divers événe- ments de notre histoire qui ont jalonné sa vie, qui ont suscité débats et controverses chez les communistes et ailleurs. Mais la conception du Parti qui était la sienne l’a empêché, sans doute, de les exprimer pub- liquement. Cet entretien avec Claude Willard transmet un témoignage de ce que pouvait être un communiste du XXème siècle, il est passion- nant.

Georges, Daniel et Jean-François VOGUET

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Interview d’André Voguet* (commencée le 27 avril 1984) par Claude Willard**

Claude Willard  (CW) : Question rituelle de départ : quelles sont tes origines familiales ?

André Voguet (AV) : Je suis né le 31 mars 1913 à Chaumont dans la Haute-Marne. C’est une ville moyenne sans grande notoriété mais avec beaucoup de souvenirs historiques (elle est notamment située à 20 km de Colombey-les-Deux-Églises – où est enterré de Gaulle – et à moins de 100 km de Domrémy-la-Pucelle – où est née Jeanne d’Arc).

Préfecture du département, c’est une ville administrative : peu d’industrie. Cependant, elle fut longtemps le siège d’un important dépôt de chemin de fer qui a été supprimé il y a une vingtaine d’années. J’ai beaucoup de parents qui ont été des cheminots.

Mes origines sont populaires, en partie rurales, mes grands-parents paternels étaient des paysans sans terre. La légende familiale veut qu’ils aient envisagé d’émigrer aux États-Unis. Mais ils se sont arrêtés à Chaumont où mon grand-père, à 30 ans passés, s’est engagé comme manœuvre, au dépôt de chemin de fer. Il y est resté toute sa vie.

Ma grand-mère était aussi une paysanne. Une particularité : elle était guérisseuse (elle soignait les bêtes), elle lisait dans les cartes, dans les lignes de la main et le marc de café. Elle avait atteint la situation, quasi statutaire à l’époque, de sorcière du village. Ne l’imagine pas pour autant, le moins du monde, démoniaque. C’était une très brave femme, vivante, très rieuse. Son mari qui l’adorait n’élevait jamais la voix, sauf quand il avait bu un petit coup de trop ce qui était assez rare et semblait plutôt amuser ma grand-mère.

Le couple avait eu cinq enfants dont le petit dernier était mon père, probablement le chouchou de la famille. Il est le seul à avoir décroché son certificat d’étude. Il est rentré tout de suite en apprentissage et est devenu ouvrier : plombier-couvreur.

Mon grand-père maternel que j’ai beaucoup moins connu était un ouvrier très qualifié, ébéniste-modeleur, qui s’était installé à Laferté-

* VOGUET André, Paul, Abel (1913-1986) : instituteur ; militant syndicaliste SNI ; mili- tant communiste – il adhéra au Parti communiste en octobre 1937 ; résistant responsa- ble de la diffusion clandestine de matériel pour les enseignants et les intellectuels ; membre du comité central du Parti communiste (1950-1964) ; conseiller municipal de Paris 13e. arr. (1947-1983). Il se maria avec Lucie Jouanneau (voir Voguet Lucie dite

« Lucette » (1912-1960), LE MAITRON, par Jacques Girault) et eut trois garçons : Georges (né en 1940), Daniel (né en 1945) et Jean-François (né en 1949). (LE MAITRON, notice par Jacques Girault et Claude Pennetier https://maitron.fr/spip.php?article177385.)

** WILLARD Claude (1922-2017) : historien du mouvement ouvrier français et du Parti communiste ; syndicaliste SNES et SNESup ; communiste – il adhéra au Parti communiste en 1944 ; résistant d’abord dans l’appareil technique du mouvement des intellectuels dont André Voguet était le responsable. (LE MAITRON, notice par Annie Burger-Roussennac https://maitron.fr/spip.php?article183320). Il a collecté les témoignages de nombreux militants communistes aux responsabilités diverses afin de constituer des archives orales du communisme français. C’est dans le cadre de cette enquête qu’il fit cet interview d’André Voguet.

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sur-Aube (à 30 km de Chaumont). Là, il avait épousé la fille d’un petit vigneron que le phylloxéra a ruiné.

Le couple a eu cinq enfants. Mais à la naissance de la dernière, le grand-père a déserté le foyer et s’est installé à Troyes, laissant femme et enfants dans les difficultés, voire la misère noire. Dès l’âge de 14 ans, les filles ont été « placées » en ville : c’est ainsi que ma mère fut bonne à tout faire dans plusieurs familles bourgeoises. Tour à tour chez un pharmacien de Troyes, puis chez l’inspecteur d’académie de Chaumont, et chez le directeur du quotidien régional Le Petit Champenois.

Elle a fait la connaissance de mon père au mariage d’une de ses collègues avec qui elle avait servi toute jeunette comme « fille de salle » (agent hospitalier) à l’hôpital de Chaumont géré par les bonnes sœurs.

Ils se sont mariés en 1912.

CV : T’ont-ils marqué idéologiquement ?

AV : Certainement, quoique au début de leur mariage, je ne pense pas que leurs idées politiques aient été bien précises. Beaucoup plus tard, mon père qui contait volontiers, notamment à ses petits-enfants, les souvenirs de sa vie, évoquait parfois un voyage qu’avait fait Louise Michel à Chaumont – elle était née à Vroncourt-la-Côte dans la Haute- Marne. Elle devait être très âgée et mon père très jeune. L’événement l’avait frappé, notamment la manifestation, inhabituelle à Chaumont, pour l’accueil à la gare de Louise Michel. Mais il n’était pas pour autant devenu socialiste ni anarchiste.

C’est à l’école des frères qu’il a fait sa scolarité. Il était aussi enfant de chœur – à demi permanent – et servait la messe tous les matins pour une modeste rétribution.

Il était sorti de tout cela très anticlérical. Ma mère l’était au moins autant, avec un contenu de révolte contre la gestion patronale que les bonnes sœurs exerçaient à l’hôpital de Chaumont.

Il n’y avait donc à peu près aucune référence religieuse à la maison.

Cependant, la guerre 14-18 a bouleversé la famille. Mon père n’avait pas terminé son temps légal de service militaire quand elle a éclaté. Il est donc parti séance tenante et tambour battant dès le début, comme soldat d’infanterie : pousse-caillou et chair à canon ! C’était un homme habile de ses mains et de son corps, champion de gymnastique de la Haute-Marne. Héros modeste comme tant d’autres, il n’avait pas un souvenir horrible de cette épreuve dont il se plaisait à raconter des anecdotes qui passionnaient mes garçons. Il l’avait cependant vécue intensément sous tous ses aspects. Dans son corps d’abord.

Il a été blessé une première fois en 1915 – ma sœur est le fruit de sa convalescence. Puis plus gravement en mars 1916 : la gangrène. Il a fallu l’amputer d’une jambe, il avait 25 ans !

Cependant, il me semble que ma mère a été moralement beaucoup plus éprouvée. Elle était seule avec un enfant, puis deux. Elle ne se faisait aucune illusion sur le danger que courait mon père.

Dans son village, à Laferté-sur-Aube, il est, en moyenne, tombé un

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soldat par mois pendant la guerre. Il n’y avait pas 500 habitants à Laferté et chaque nouvelle funeste était connue de tous. Ma mère redoutait le pire pour mon père tout au long des jours. Quand la nouvelle de son amputation est arrivée, ma grand-mère se lamentait et poussait des cris pendant que ma mère fondait de bonheur. Cette fois, il était sauvé, il ne pourrait plus repartir.

Cependant, de retour à Chaumont, plus question de reprendre son métier de couvreur. Il a travaillé un moment comme tourneur dans une usine d’armement. Mais il était trop faible et s’est mis à cracher le sang.

Ma mère, inquiète, l’a décidé à demander un « emploi réservé ».

Au début de 1918, ils ont été nommés au lycée Victor-Hugo, rue de Sévigné à Paris, dans le Marais : lui concierge, elle aide-concierge. Tout a changé ! …

J’ai alors cinq ans et je les rejoins au début de l’été. Je suis ébloui par le luxe de leur logement, cependant fort modeste. J’admire l’armoire à glace, le parquet ciré, les persiennes métalliques qui filtrent les rais de soleil. Tout est propre et brillant. Ma mère aussi était contente. La situation nouvelle lui apportait la sécurité et la tranquillité qui lui avaient tellement manqué.

Ce fut beaucoup plus difficile pour mon père. Son métier lui manquait.

Il s’ennuyait. À l’époque, les agents de lycée n’étaient pas des fonctionnaires. Ils étaient souvent traités comme des « gens de maison » par la directrice, l’économe, les professeurs et même les élèves. Mon père le supportait mal.

Quand quelqu’un voulait faire venir ma mère et l’appelait par son prénom, Jeanne, mon père interrogeait sans aménité : « Vous voulez parler à madame Voguet ? » À la directrice qui lui suggérait de mettre ses médailles sur son veston et de se tenir ainsi décoré à la porte du lycée, il répondit brutalement : « Madame la directrice, mes médailles, vous pouvez les mettre où je pense ! » La guerre avait orienté ses opinions.

Pendant les années 20, il lisait L’Humanité qu’il abandonna par la suite.

Il ne comprenait pas la politique du Parti qui lui paraissait déraisonnable et sectaire. Mais il s’intéressait à la politique, lisait L’Œuvre de Gustave Téry1 et m’emmenait assister, dans les préaux d’écoles, à des réunions électorales qui m’intéressaient beaucoup.

Tout cela n’a pas été sans conséquences pour moi. Sans être engagés politiquement, mes parents étaient tous deux comme on dit « de gauche » avec un sentiment de classe. Ils ont suivi avec sympathie la lutte antifasciste, n’ont jamais eu la moindre tendresse pour Pétain. Ils ont adhéré au Parti après la Deuxième Guerre mondiale et la cellule communiste de Laferté-sur-Aube porte le nom de mon père.

CW : Tes études ?

AV : Sans histoires. Je fréquente l’école maternelle puis l’école

1 TERY Gustave (1871-1928) est un journaliste français. Il est le fondateur du journal L’Œuvre, journal libéral de gauche (LE MAITRON. Dictionnaire biographique Mouvement ouvrier Mouvement social, notice TÉRY Simone par Nicole Racine, Anne Mathieu, https://maitron.fr/spip.php?article132213).

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élémentaire de la rue de Turenne, à l’emplacement de l’ancien hôtel de mademoiselle de la Vallière, à deux pas de la place des Vosges.

Il y a beaucoup d’enfants juifs dans ma classe, émigrés d’Europe centrale et même de Turquie, parmi lesquels je compte quelques-uns de mes camarades les plus proches.

Je suis plutôt bon élève encore qu’assez irrégulier. J’ai mon certificat d’étude en 1925. La même année, je réussis au concours « des bourses d’entretien » qui ouvre la porte des lycées (alors payants). Mais mon père hésite à m’y envoyer : « Passe ton brevet élémentaire, on verra après. »

Il y a une classe de préapprentissage dans l’école. J’y perds mon temps pendant un an, mais je réussis le concours d’entrée à l’école primaire supérieure de la rue de Turbigo qui est devenue depuis le lycée Turgot.

Là, pas de problème aigu, sinon que je m’y ennuie pas mal.

À la fin de la troisième année, je me présente au concours d’entrée de l’Ecole normale d’Instituteur de la Seine. Je ne suis qu’admissible.

Mais j’ai mon brevet élémentaire et le brevet de fin d’études primaires supérieures.

Je prépare alors le bac première partie, à Turgot, puis philo, au collège Chaptal.

J’ai été tenté de poursuivre mes études dans une des classes supérieures qui existaient à Chaptal. Mais mes parents avaient déjà fait beaucoup.

Ça suffisait. Je devais gagner ma vie et je suis devenu instituteur.

CW : Lis-tu beaucoup ?

AV : Oui, enfant, je dévore déjà tout ce qui me tombe dans les mains.

CW : Comment devient-on instituteur ?

AV : À l’époque c’était très facile. Il suffisait d’avoir son bac et de demander une place de suppléant éventuel pour remplacer les maîtres absents. On n’exigeait aucune formation particulière.

J’ai été, à la vérité, un suppléant quelque peu privilégié. Le proviseur du lycée Montaigne où mes parents avaient été nommés après Victor- Hugo s’intéressait à moi – un fils de concierge bachelier, c’était encore une espèce assez rare ! Il m’avait recommandé à l’inspecteur primaire de la circonscription – il y avait des classes élémentaires payantes dans les lycées en ce temps-là. J’ai eu tout de suite un poste à l’année, à Puteaux, tout près de l’actuelle Défense ; cinquante élèves dans un cours moyen, le bagne ! Pour moi-même et aussi, sans doute, pour les enfants. Mais je m’en tire à peu près.

L’année suivante, je suis nommé à Nanterre dans une école pauvre d’un quartier misérable, La Folie, qui s’étend pour partie sur un terrain vague où campe une espèce de bidonville.

Je suis chargé du cours préparatoire et je dois donc apprendre à lire, sans formation pédagogique, à une quarantaine d’enfants dont bon nombre appartiennent à des familles d’immigrés, très pauvres, parfois

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marginales, qui vivent dans les baraques du bidonville.

Ce sont par ailleurs des enfants, presque encore des bébés, très gentils, affectueux, craintifs. L’étonnant, pour moi-même en premier lieu, est qu’ils savaient à peu près tous lire à la fin de l’année !

Je passe la même année l’examen écrit, puis l’inspection spéciale du certificat d’aptitudes pédagogiques et je suis nommé stagiaire, puis bientôt instituteur titulaire.

Durant cette période, je m’étais inscrit à la faculté de droit du Panthéon, et j’avais réussi les examens des deux premières années de licence ; je suis donc bachelier en droit.

En octobre 1934, je suis nommé à Vanves et chargé du cours élémentaire 2e année. Du bagne, je passe au paradis ! Les enfants sont adorables : on s’aime !… Je me dis que ça ne va pas durer. Eh bien ça dure !

J’ai sans doute acquis (sur le dos des gosses) les éléments techniques élémentaires du métier : la pose de la voix, la patience, le dosage raisonnable des efforts demandés.

Du coup je ne prends pas mes inscriptions pour la 3e année de licence.

Le métier me plait. Je suis titulaire… Surtout, je commence à me passionner pour la lutte politique qui m’intéresse beaucoup plus que le droit.

CW : Comment viens-tu à la politique ?

AV : Comme pour beaucoup d’autres de ma génération, la date de février 1934 a été déterminante.

Le soir du 9 février, le fils d’un agent du lycée vient me chercher pour manifester à l’appel du Parti communiste. J’ai réservé ma soirée pour travailler mon droit et je ne le suis pas.

Les nouvelles de la nuit (six morts !) me donnent des remords et je me rends à la manifestation du 12 février place de la Nation2. Je suis stupéfait au spectacle d’une foule immense parcourue par un puissant courant unitaire. Je me lance dans le courant, participe à des réunions, des défilés, des manifestations. J’appuie l’unité syndicale des instituteurs, le pacte d’unité d’action puis le Front populaire. J’approuve chaleureusement l’action du Parti communiste, les appels de Maurice Thorez à l’union du peuple de France…

Cependant, je ne suis pas encore communiste. Un de mes plus proches amis me parle de la franc-maçonnerie et nous entrons tous deux, sans plus ample information, un peu par curiosité, à la Grande Loge de France.

Je ne suis pas transporté par ce que j’y trouve. La cérémonie d’initiation me paraît un peu ridicule : les discussions dans la loge assez formelles.

2Le 6 février 1934 a lieu une émeute fasciste à laquelle les gauches, alors divisées, vont riposter de manière unitaire. Le 9 février, le Parti communiste appelle à la mobilisation. La manifestation est violemment réprimée et est présentée par la suite comme une « journée rouge », souvenir de la Commune. La journée du 12 est considérée comme la matrice d’un antifascisme unitaire des gauches (Archives du communisme, ANR Paprika, Vincent Chambarlhac, « Le 9 février 1934, journée rouge, journée sans lendemain ? » https://anrpaprika.hypotheses.org/1679)

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L’un des « frères » qui est un militant socialiste cherche à m’attirer vers son parti. Il m’invite à dîner avec Jean-Baptiste Séverac, un des dirigeants du PS. C’est un homme vieilli qui me paraît assez pontifiant et très antisoviétique. Or l’URSS, c’était pour moi, à l’époque, la révolution triomphante face à la social-démocratie traître à ses engagements : Le Cuirassé Potemkine, Tchapaïev3, Makarenko4 ! …

Je m’accroche assez sévèrement avec lui et je crois que je lui fais de la peine. Mais mon chemin est déjà tracé…

Dans mon école, à Vanves, je suis catalogué comme sympathisant communiste. Le fils d’un de mes collègues, membre des JC5, me demande, bien que je ne sois pas communiste, de venir faire une conférence aux JC de son lycée sur le Staline de Barbusse6.

Mais à cette réunion, descente de dirigeants de la JC et de la section du Parti qui cherchent à m’embarrasser. « Qu’est-ce que je pense des 21 conditions ? »7 Je n’en ai jamais entendu parler… Je ne prends pas cet épisode au tragique.

Ensuite c’est le service militaire. Mobilisé à Metz en octobre 1936, je me porte volontaire pour être élève officier de réserve. Admis à l’examen probatoire, je pars au camp d’Avord où se trouve un centre de formation et j’en sors pour être démobilisé en octobre 1937 comme sous-lieutenant (breveté observateur militaire en avions).

Au cours de cette année-là, les événements politiques se sont accélérés, avec notamment la non-intervention en Espagne qui laisse le champ libre à l’intervention de Hitler et Mussolini.

Il m’apparaît que le Front populaire est menacé et, plus que jamais, le Parti communiste me semble s’affirmer comme le plus ardent partisan de l’unité de lutte contre le fascisme.

Ma décision est prise. J’envoie ma démission au vénérable de la loge maçonnique et j’adhère au Parti communiste. Dans le même temps, je suis nommé instituteur dans le 13e arrondissement de Paris, rue Vulpian.

Je ne connaissais pas du tout le 13e. J’y habite encore aujourd’hui et j’en ai été l’élu à l’Hôtel-de-Ville de Paris pendant trente-six ans (de 1947 à 1983).

3Le Cuirassé Potemkine et Tchapaïev : deux films soviétiques très populaires, le premier sur la révolte des marins à Odessa en 1905, le second sur un épisode de la guerre civile russe qui raconte les combats de l’Armée rouge contre les Blancs.

4 A.S. Makarenko (m. 1939) : Pédagogue soviétique qui a fondé des maisons coopératives ou « colonies » pour les bezprizorni « enfants abandonnés, vagabonds ».

Il raconte son expérience au sein de la colonie Gorki dans un roman intitulé Le Poème pédagogique paru en 1935.

5 Jeunesses communistes.

6Henri Barbusse, Staline, un monde nouveau vu à travers un homme, Flammarion, 1936.

7 Il s’agit des 21 conditions à l’adhésion au Kominterm, l’Internationale communiste fondée par Lénine, qui doit contrôler et subordonner à son autorité tous les partis communistes européens. Lors de son XVIIème Congrès à Tours en décembre 1920, la SFIO (Section française de l’Internationale ouvrière) se divise entre une tendance majoritaire emmenée par Marcel Cachin et Louis-Oscar Frossard, qui crée le SFIC, futur Parti communiste, et une minoritaire, représentée par Léon Blum, qui refuse les 21 conditions et maintient le socialisme au sein d’une SFIO largement amputée.

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CW : Peux-tu évoquer ce 13e à l’époque du Front populaire ?

AV : C’est essentiellement un arrondissement populaire avec une forte proportion d’ouvriers. De grandes usines métallurgiques, Panhard, Delahaye, Gnome-et-Rhône, l’AOIP [Association des ouvriers en instruments de précision], la raffinerie de sucre Say, beaucoup d’ateliers et de petites et moyennes entreprises. Tout cela a presque entièrement disparu maintenant.

Le Front populaire change l’atmosphère dans les usines, donne plus de force aux travailleurs, à leur organisation syndicale (la CGT réunifiée), au Parti communiste. Il y a en 35-36 un afflux d’adhésions au Parti qui rend possible la création d’une section pour l’arrondissement à la place de l’ancien « rayon » qui comprenait les 13e et 5e arrondissements. La Barricade, le journal local du Parti fondé par Pierre Sémard en 1932 devient début 37, La Vie du 13e.

L’arrondissement a trois élus communistes : André Marty, député8, Lucien Monjauvis9 et René Le Gall10, conseillers municipaux de Paris et conseillers généraux de la Seine.

Cependant, la structure de l’arrondissement change peu. Certes on y trouve déjà, comme maintenant, de grandes avenues et deux lignes de métro. Mais la modernisation urbaine n’a pas atteint tous les quartiers, loin s’en faut. Il y a encore beaucoup d’îlots insalubres (à la Glacière, rue Nationale…) où règne la tuberculose.

Le quartier de la Gare, le plus pauvre, n’a pas un aspect très gai. Beaucoup de maisons vétustes – on y trouve la cité Jeanne d’Arc, siège le 1er mai 1934 d’une émeute locale avec des barricades dressées rue Nationale qui firent face toute la nuit à des forces de police considérables et très agressives.

Dans cette circonscription, André Marty est élu député au premier tour des élections législatives de 1936 avec 60 % des suffrages. C’est le coin le plus ouvrier de l’arrondissement, avec beaucoup de travailleurs du bâtiment, des terrassiers. On pourrait croire, à le parcourir, vivre dans certains îlots du début du siècle. Il y persiste une vie locale très active, originale, comme dans un grand village très populaire coupé du reste de la capitale.

CW : Quand et comment adhères-tu au Parti communiste ?

8 MARTY André (1886-1956) élu au comité central (1925) puis au bureau politique (1931) du Parti communiste ; député (1924-1955) (LE MAITRON, notice MARTY André, Pierre par Jean Maitron, Claude Pennetier, https://maitron.fr/spip.

php?article24200)

9 MONJAUVIS Lucien dit « Montgeau » (1904-1986), député du 13e arr. de Paris (1932-1936) (LE MAITRON, notice MONJAUVIS Lucien par Claude Pennetier https://

maitron.fr/spip.php?article122751).

10 LE GALL René (1899-1942). Conseiller municipal communiste de Paris (13e arr.) élu en 1935. Arrêté en novembre 1939 alors qu’il dirigeait un centre clandestin d’impression du Parti communiste, il est déchu de son mandat municipal en janvier 1940. Il est fusillé comme otage le 7 mars 1942. (LE MAITRON, notice LE GALL René par Claude Pennetier https://maitron.fr/spip.php?article76208).

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AV : En octobre 1937. Fort simplement. J’ai un ami, nommé Pokorski qui est communiste et lui aussi instituteur rue Vulpian. Je lui remets mon adhésion et très vite je suis affecté dans une cellule locale du quartier Croulebarbe.

CW : Peux-tu évoquer les militants que tu côtoies dans le 13e ?

AV : D’abord la belle figure de René Le Gall. Ce Breton venu travailler dans le bâtiment à Paris, a, dans son visage assez massif de très beaux yeux au regard intense. Il a une grande expérience syndicale, au syndicat CGTU puis CGT du bâtiment11 ; c’est un homme aux multiples qualités : courageux, travailleur, scrupuleux, à la fois réfléchi et passionné, alliant conscience de classe et compréhension politique, cherchant sans cesse à se cultiver – sur son bureau une grammaire élémentaire qu’il consulte fréquemment.

Élu conseiller municipal du quartier Croulebarbe, il est porté à la vice- présidence du Conseil général de la Seine. Ce militant exemplaire, toujours à la tâche, assume en outre de graves difficultés personnelles (une femme malade nerveusement).

Arrêté au début de l’année 40, René Le Gall fut livré aux Allemands par Pétain. Emprisonné à Clairvaux, près de Laferté-sur-Aube où habitent mes parents, j’ai de ses nouvelles par des gardiens de prison que je connais. L’un d’entre eux avec qui je suis un peu cousin, Fernand Cavillat, lui fait passer du tabac. On évoque des plans d’évasion…

Dans la dernière lettre qu’il m’a fait parvenir quinze jours avant son exécution, la tristesse de son destin qui lui paraît inévitable, pèse lourdement. Mais il s’affirme prêt à l’assumer sans la moindre tentation de reniement. J’ai su qu’il a affronté la mort avec un grand courage.

J’ai beaucoup moins connu à l’époque, les deux autres élus. André Marty qui n’est pas souvent dans le 13e, partage alors son temps entre l’Espagne et Moscou. Je le vois cependant à la commémoration organisée dans le 13e pour le cent-cinquantième anniversaire de 1789.

À cette époque, je ne fréquente guère non plus Lucien Monjauvis, conseiller municipal du quartier de la Gare.

J’ai aussi connu quelques intellectuels : Henri Mougin12, philosophe très savant et poète émouvant, charmant garçon par ailleurs, d’une grande courtoisie. Il est mort trop tôt, peu d’années après la guerre.

Le compositeur Louis Durey13, l’aîné du groupe des Six et secrétaire

11 La Confédération générale du travail unitaire est une organisation syndicale née en 1922 de la scission des éléments anarcho-syndicalistes de la CGT. Elle est réunifiée à la CGT en 1936.

12 MOUGIN Henri Pseudonyme : BARTOLI Jacques (1912-1946). Philosophe, membre du Parti communiste. (LE MAITRON, notice MOUGIN Henri par Nicole Racine https://

maitron.fr/spip.php?article123320).

13 DUREY Louis (1888-1979). Musicien, compositeur, militant communiste. Il fut l’aîné, mais le moins connu, du groupe des Six (Arthur Honegger, Darius Milhaud, Francis Poulenc, Georges Auric et Germaine Tailleferre), rassemblés autour de Jean Cocteau. Il adhéra au Parti communiste en 1936 et la même année à la Fédération musicale populaire dont il fut un des dirigeants dès 1937, le secrétaire en 1953 et qu’il présida, de 1956 à sa mort en 1979 (LE MAITRON, notice DUREY Louis, Edmond

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général de la Fédération musicale populaire, Marcel Cornu14 qui réside toujours rue Croulebarbe, Vladimir Frołow15, un chercheur scientifique que je devais retrouver pendant la guerre et quelques instituteurs parmi lesquels Jean Ferrandi16 qui fut tué pendant la Libération de Paris, Pierre Morlet17, …

Je dois noter d’ailleurs que le mouvement intellectuel antifasciste, très fort à l’époque, a tenu une place importante pour moi. Je ne rate pas une séance du Congrès des écrivains à la Mutualité et j’admire de loin Aragon dont Les Beaux Quartiers me passionnent, André Malraux, Jean Guehenno, etc. Naturellement j’ai lu Le Feu de Henri Barbusse, dévoré Jean-Christophe de Romain Rolland. Je suis un lecteur fidèle de l’hebdomadaire Vendredi18, de la revue Commune et je m’abonne séance tenante à la revue La Pensée qui n’aura qu’un seul numéro en 1939.

CW : C’est aussi le moment où tu te maries ?

AV : En 1938. Ma femme19 est elle aussi institutrice, mais c’est une institutrice authentique ; sortie de l’Ecole Normale du boulevard des Batignolles !

par Claude Pennetier https://maitron.fr/spip.php?article23495). La musique du groupe des Six représente une réaction contre le wagnérisme et l’impressionnisme debussyste.

14 CORNU Marcel (1909-2001). Professeur agrégé, militant et journaliste communiste, syndicaliste (SPES : syndicat des personnels de l’enseignement secondaire, SNES). (LE MAITRON, notice CORNU Marcel, Georges, Louis par Alain Dalançon https://maitron.

fr/spip.php?article20668).

15 FROLOW Vladimir (1890-1973). Né à Saint-Pétersbourg et naturalisé français en 1928. Ingénieur hydrologue, chercheur en hydrologie à la faculté des sciences de Paris, militant communiste, résistant. Il fit partie du groupe de L’Université libre et milita au Front national universitaire. (LE MAITRON notice FROLOW Vladimir par Michel Pinault https://maitron.fr/spip.php?article50531.)

16 FERRANDI Jean-Dominique (1904-1944). Instituteur, syndicaliste, militant communiste et résistant. Au début de l’année 1944, il demanda son affectation aux Francs-tireurs et partisans français. Chargé de l’instruction de l’encadrement des FTPF, il fit partie du Comité parisien de Libération. Lieutenant d’État-major de la commission générale, transport et ravitaillement, affecté dans le quartier des Halles (bataillon Bara), il devint un des responsables du ravitaillement de Paris. Pour préparer l’insurrection dont il fut le responsable dans le quartier, il organisa des milices patriotiques. Blessé sur une barricade, le 25 août, il décéda le lendemain à l’Hôtel-Dieu. (LE MAITRON, notice FERRANDI Jean-Dominique par Jacques Girault https://maitron.fr/spip.php?article50022).

17 MORLET Pierre Célestin, dit « Magloire » (1913-2001). Instituteur, militant syndicaliste (SNI – Syndicat national des instituteurs), militant communiste. (LE MAITRON, notice MORLET Pierre par Jacques Girault, https://maitron.fr/spip.

php?article146364).

18 « Le Front populaire fut soutenu par de nombreux hebdomadaires de gauche, notamment Marianne d’Emmanuel Berl, mais Vendredi qui parut de 1935 à 1938, sous la triple direction d’André Chamson, Jean Guéhenno et Andrée Viollis, reste un cas unique dans l’histoire de l’édition car il naquit avec et pour cette période politique » Micheline Cellier-Gelly, « André Chamson et Vendredi, l’hebdomadaire du Front populaire », Revues modernistes, revues engagées, Rennes, PUR, 2011, p. 95.

19 JOUANNEAU VOGUET Lucette (1912-1960). Institutrice à Paris ; militante du SNI ; militante communiste ; résistante (LE MAITRON, notice VOGUET Lucie (dite

“Lucette“) [née JOUANNEAU Lucie] par Jacques Girault, https://maitron.fr/spip.

php?article180677).

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Son père, ouvrier agricole du Loiret, trouve après son service militaire du travail à Paris comme conducteur de fiacre à la Compagnie des chemins de fer de Paris-Lyon-Marseille.

Sa mère, déjà assez âgée, petite et toute ridée avec de beaux yeux clairs, est une femme intelligente, anticléricale elle aussi, patriote et républicaine comme on devait l’être au temps de la Commune de Paris.

Elle soutint notre action sans réserve pendant la guerre et il m’est arrivé de lui donner des missions de liaison qu’elle accomplit avec beaucoup de sang froid. Sans profession, elle avait un peu le sentiment d’avoir gâché sa vie et elle conduisit fermement sa fille vers un métier qualifié.

J’ai connu celle-ci aux sports d’hiver lors d’un séjour organisé par Le Manuel général des instituteurs et institutrices. Nous sommes un peu de la même famille : chez elle comme chez moi, pas de religion et le sentiment de dignité s’allie à une défiance vigilante à l’encontre des pouvoirs constitués ainsi qu’au refus de l’inégalité sociale. Nous nous lançons à fond dans l’action antifasciste et elle adhère au Parti à la même époque que moi.

CW : Quelle est alors ton activité militante ?

AV : Le Gall qui suit de très près les problèmes de « son » quartier ne tarde pas à me mettre la main dessus. Outre mes tâches à la cellule, je suis bombardé « responsable du quartier Croulebarbe ». Ce qui me vaut une histoire à la conférence de section où la Fédération de Paris est représentée par Gaston Auguet20. La direction fédérale est en effet hostile à la création d’une structure de responsables de quartiers qui ne sont pas élus et peuvent faire écran entre la fédération, les sections et les cellules. Je débarque donc tout enfariné à la conférence de section où je dois intervenir au nom du quartier. Au dernier moment, Le Gall me demande d’intervenir au nom de ma cellule. Je me fais engueuler par Auguet qui n’est pas dupe. Je n’en fais pas un drame : j’ai décelé – un peu tardivement – le différend Auguet-Le Gall, réglé sur mon dos, et je donne vite raison à Auguet.

À l’initiative de René Le Gall, nous créons le patronage laïque de Croulebarbe. Président : Le Gall ; vice-présidents, deux avocats : Charles Lederman21 et Léon Goldenberg22 (connu aujourd’hui sous son

20 AUGUET Gaston (1904-1986). Membre du comité central du Parti communiste (1937-1959) ; conseiller municipal de Paris (1935-1940 et 1945-1947). (LE MAITRON, notice AUGUET Gaston, Marcel par Claude Pennetier https://maitron.fr/spip.

php?article10471).

21 LEDERMAN Charles (1913-1998). Avocat, conseiller général de la Seine, conseiller municipal de Maisons-Alfort (1983-1998), sénateur du Val-de-Marne (1977-1995).

(LE MAITRON, notice LEDERMAN Charles, Jehoszna par Frédérick Genevée https://

maitron.fr/spip.php?article75050).

22 HAMON Léon [né GOLDENBERG Léon] (1908-1993). Avocat au Barreau de Paris, professeur à l’Université de Paris I, engagé dans la Résistance, conseiller municipal de Paris puis de Malakoff, conseiller général de la Seine, conseiller de la République (1946-48) puis sénateur (1948-58) de la Seine, député de l’Essonne (1968-69), secrétaire d’Etat (1969-72). (LE MAITRON, notice HAMON Léo par Jean Maitron https://maitron.fr/spip.php?article24671).

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pseudonyme de résistance, Léo Hamon). Je suis moi-même secrétaire avec Pokorski23 et tout repose sur nos épaules : un travail lourd. Plus de repos le jeudi ni le dimanche matin. Nous trimbalons dans les bois ou pour des visites « culturelles » une centaine d’enfants. Une fois, nous visitons les établissements Byrrh24 ; un buffet nous est offert, d’où les gamins sortent éméchés. Heureusement, une bonne marche à travers le bois de Vincennes permet de dissiper les vapeurs d’alcool.

Je milite au syndicat, notamment dans le groupe des jeunes de la section de la Seine du SNI [Syndicat national des instituteurs], groupe animé par de jeunes instituteurs et institutrices communistes (parmi lesquels Jean et Geneviève Roulon25, Jean Grador26). Ils organisent des conférences et des sorties à la campagne.

Je suis par ailleurs membre du bureau de la sous-section du SNI du 13e arrondissement. Je vois des dirigeants du SNI saboter la grève du 30 novembre 193827. L’un des dirigeants de la section de la Seine, Roger Hagnauer, incite les instituteurs qui le rencontrent au siège de la section départementale, dans la soirée du 29 novembre, à ne pas faire grève le lendemain. C’est un munichois28 notoire et, depuis 1937, sous la bannière du pacifisme, déferle dans le SNI une forte lame

23 POKORSKI. Instituteur, responsable de l’éducation à la section communiste du 13e arr., syndicaliste CGT. (LE MAITRON, notice POKORSKI https://maitron.fr/spip.

php?article126796).

24 Producteur d’un vin aromatisé avec des plantes et tonifié avec des écorces de quinquina. Cet apéritif fut commercialisé comme un « Vin tonique et hygiénique au quinquina ».

25 ROULON Geneviève [née TRIOREAU] (1914-2013). Institutrice puis professeur de collège d’enseignement général (CEG) à Paris, militante syndicaliste et militante communiste. En 1940, elle participa à la rédaction du Manifeste du comité central du Parti communiste aux instituteurs de France, diffusé au début de 1941 et fut chargée de la diffusion chez les enseignants de publications clandestines et syndicales (L’Université libre, L’École laïque, La Pensée libre). (LE MAITRON, notice ROULON Geneviève par Jacques Girault https://maitron.fr/spip.php?article158387). ROULON Jean (1910-1979). Instituteur, militant syndicaliste, militant communiste. Il se maria uniquement civilement avec Geneviève Trioreau. Il participa également à la rédaction du Manifeste des instituteurs et collabora à L’Université libre et à L’École laïque.

(LE MAITRON notice ROULON Jean par Jacques Girault https://maitron.fr/spip.

php?article129833).

26 GRADOR Jean (1907-2001). Instituteur, militant syndicaliste, militant communiste dans la Seine. (LE MAITRON, notice GRADOR Jean, Raymond par Jacques Girault https://maitron.fr/spip.php?article49911).

27 Edouard Daladier prend des mesures d’« assouplissement » des 40 heures qui, selon le patronat, entraveraient la reprise économique. Des grèves défensives se multiplient. En novembre sont publiés des décrets-lois qui constituent un changement radical d’orientation de la politique économique et financière (limitation des dépenses dans les services publics, majorations des impôts de consommation, emprunts pour favoriser les investissements dans le secteur privé…). Un mouvement de grève avec occupation d’usines éclate. La grève générale est votée à la CGT. La grève du 30 novembre est bien suivie mais la répression est violente (peines sévères de prison retraits de mandats de dirigeants CGT, sanctions, mises à pieds…). Guy Bourdet, « La grève du 30 novembre 1938 », Le Mouvement social, 55 (1966).

28 Le terme de « munichois » désigne les partisans des accords de Munich du 29- 30 septembre 1938 au cours desquels l’Angleterre, la France et l’Italie acceptent la cession à l’Allemagne du territoire des Sudètes (Sudetenland) exigée par Hitler. Voir Michel Winock, « L’esprit de Munich », Le XXe siècle idéologique et politique, 2013.

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anticommuniste. Le climat y est tendu. Au dernier congrès du SNI, les 18-20 juillet 1939, à Montrouge (auquel j’ai assisté sans être délégué), les antimunichois ont grand-peine à s’exprimer.

J’ai aussi à cette époque donné un petit coup de main à l’ITE (Internationale des travailleurs de l’enseignement) où j’ai fait la connaissance de mon ami Georges Fournial29 que nous appelions Georges Le Beau, tandis que Georges Cogniot30 était Georges Legros. Le Beau et Legros étaient alors les deux patrons indiscutés des instituteurs communistes.

CW : Tes souvenirs sur Munich ?

AV : L’opinion publique est sans nul doute munichoise. Et pendant quelque temps, le Parti est très isolé. Je suis dans l’autobus quand la nouvelle parvient et un mouvement de joie secoue tous les passagers. Il ne fait pas bon s’y opposer.

Mais l’inquiétude sur les conséquences de Munich ne tarde pas à peser.

Dans le 13e, très ouvrier il est vrai, aucune attitude agressive à notre égard, ni chez les instituteurs, ni dans la population. Le Gall est partout et je l’accompagne souvent. Un soir, comme nous collons des affiches, cinq fascistes nous menacent. Le Gall avec une vigueur tranquille, les engueule et ils finissent par s’en aller.

CW: Comment reçois-tu le pacte germano-soviétique31 ?

AV : Je suis en vacances, avec ma femme, chez mes parents, à Laferté- sur-Aube. Sur le coup, je n’y crois pas. Je vais voir Florimond Bonte32, en vacances dans un village proche. Mais il est déjà retourné à Paris

29 FOURNIAL Georges (1905-1994). Instituteur puis journaliste, militant syndicaliste du SNI, titulaire au comité exécutif de l’ITE, puis au secrétariat, aux côtés du

secrétaire général Georges Cogniot. (LE MAITRON, notice FOURNIAL Georges, Marius, Pierre par Jacques Girault, Claude Pennetier https://maitron.fr/spip.php?article50411).

30 COGNIOT Georges (1901-1978). Dirigeant de l’ITE, représentant du PCF auprès du Komintern, membre du comité central du Parti communiste (1936-1964), député (1936-1958). (LE MAITRON, notice COGNIOT Georges, Auguste, Alexandre.

Pseudonyme : KAEMPFER par Jean Maitron https://maitron.fr/spip.php?article20270).

31 Le pacte germano-soviétique est le traité de non-agression conclu entre l’Allemagne et l’Union soviétique. Il est signé le 23 août 1939. Cette signature ébranle le PC : la direction suit les directives de Moscou et soutient les propositions de paix de Moscou et Berlin, dénonçant une guerre impérialiste. Cet appui au pacte germano-soviétique entraîne l’interdiction de la presse communiste et la dissolution du Parti par le gouvernement d’Edouard Daladier.

32 BONTE Florimond (1890-1977). Instituteur puis publiciste, il est l’un des fondateurs du Parti communiste dans le Nord, membre du comité central (1926- 1961) et député de la Seine (1936-1940). Resté fidèle à son parti lors de la signature, Fl. Bonte fut exclu de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale le 29 août 1939, déchu de son mandat puis incarcéré et condamné à cinq ans de prison pour avoir appelé le Parlement à délibérer d’urgence car la France devait « se trouver incessamment en présence de propositions de paix » dues aux initiatives diplomatiques de l’URSS. (LE MAITRON, notice BONTE Florimond, Paul, Denis, Louis, Joseph par Yves Le Maner, complété par Claude Pennetier https://maitron.fr/spip.

php?article17244).

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en voiture. L’événement est confirmé. Nous rentrons à Paris le même jour, Clara Bonte et nous. Pendant tout le trajet, Clara Bonte explique aux voyageurs médusés que les Soviétiques veulent la paix, qu’ils ont raison de se protéger et que les gouvernements occidentaux de France et d’Angleterre, par leur duplicité, sont responsables. Même attitude de René Le Gall dans le 13e, qui parcourt le quartier en discutant sur un ton calme, grave et convaincu avec tout le monde.

Comme au moment de Munich et pire encore, nous sommes isolés.

Mais les gens nous respectent. Je n’ai le souvenir que d’une rapide et cinglante discussion, carrefour des Gobelins, avec Goldenberg (Léo Hamon).

Quelques jours avant que je ne sois mobilisé, nous nous réunissons un soir dans notre local de la rue de Julienne. Une dizaine de présents.

Aucune jérémiade, nulle plainte. Mais l’atmosphère est tendue, l’anxiété domine, avec l’idée que la guerre est là. Parmi nous, un communiste tunisien qui, déjà rompu à la clandestinité, nous dit qu’il faut prendre des mesures de précaution, cacher notre ronéo, etc.

Quant à moi, je vais partir comme observateur-bombardier, cible à abattre pour un gouvernement que je ne porte pas dans mon cœur et je supporte mal que ceux-là mêmes qui ont trahi l’Espagne et la Tchécoslovaquie puissent se permettre de donner des leçons de morale à l’URSS et aux communistes français !

CW : Que fais-tu pendant la drôle de guerre ?

AV : Je suis affecté près de Pau. J’ai fait mon apprentissage d’observateur sur d’assez vieux coucous, les Potez 25, et je dois me familiariser avec les avions modernes. Malheureusement, de tels avions ne sont jamais apparus sur la base pendant tout le temps où j’y séjourne.

Je vis au milieu d’officiers de carrière ou de réserve. Presque tous, à l’exception de trois instituteurs socialistes ou socialisants, sont des bourgeois généralement conservateurs !

Mais les jeunes sont surtout passionnés d’aviation, à l’affût des occasions de vol. La politique ne paraît pas les intéresser et ils restent indifférents aux quelques provocations qu’il m’arrive de leur lancer. Je me rattrape avec les trois instituteurs auxquels je n’épargne pas les critiques de leur parti. Ils m’écoutent ; ils n’ont pas très bonne conscience. Je suis plus jeune qu’eux ; ils me maternent un peu, me protègent.

Fin février, ma femme qui est en congé de maternité, vient me rejoindre.

Elle accouche début mars33. Accouchement difficile auquel j’assiste et qui me laisse presque aussi pantelant qu’elle.

Trois semaines plus tard je suis envoyé au dépôt à Châteauroux dans l’attente de partir au front. En fait, il n’en est pas question. On ne sait visiblement pas quoi faire de moi et je suis affecté au bureau des effectifs. L’état d’impréparation est encore plus visible qu’à Pau.

Des travaux importants sont prévus sur la base de Châteauroux. Des officiers expliquent qu’ils vont durer deux ou trois ans. Qu’on sera prêt

33 Le 23 mars 1940, naissance de Georges, André VOGUET.

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au bon moment quand la guerre qui ne peut pas manquer d’éclater entre l’URSS et l’Allemagne aura épuisé les antagonistes…

Un beau matin des avions apparaissent dans le ciel : des Allemands ! Tout le camp les contemple, le nez en l’air. Ils font un premier passage et entament le deuxième tranquillement comme on apprend dans les écoles ; des petits points se détachent et grossissent : des bombes ! Les avions allemands s’en repartent sans être le moins du monde inquiétés : il n’y a pas de DCA34 sur le camp ! …

En mai, je suis chargé de conduire à Marseille une compagnie de l’air qui doit embarquer pour Alger. Les Allemands ont attaqué, ils avancent rapidement, l’atmosphère est vraiment tendue.

À Marseille sur le port, un capitaine m’annonce une « nouvelle » stupéfiante. « L’URSS a déclaré la guerre à l’Allemagne ». Il est tout excité et réjoui…

Je suis pressé de repartir avec l’intention de faire un détour pour voir ma femme et mon fils qui sont évacués avec les enfants de l’école, dans la Nièvre. Mais en sortant de la gare de Nevers, je tombe dans l’exode. Je comprends tout de suite qu’il est inutile d’insister et je reprends immédiatement le train qui part vers le Sud. Un désordre invraisemblable, une pagaille inouïe. Au départ le train est arrêté trois fois par le signal d’alarme qui hurle dans la gare archi bondée. Des voyageurs entrent dans le wagon. Ils ont passé la nuit sur les caisses de poissons pourris et dégagent une odeur insupportable.

Après un voyage assez mouvementé de plusieurs jours, j’arrive enfin à Toulouse. Je me présente devant le commandant de la place. Il me salue : « Enfin, un officier » ! Mes papiers sont en règle. Il m’indique où trouver mon corps, à Louey, dans les Hautes-Pyrénées, le pays de Jacques Duclos35 ! Puis il me demande de faire un tour sur le terrain d’aviation près du poste de garde en précisant ses directives : « Les Italiens n’ont pas encore signé la paix ; s’ils apparaissent, l’ordre est de ne point tirer sur eux. Mais attention aux civils ! Les communistes préparent l’insurrection, donc interdire l’accès aux civils et tirer sur ceux qui tentent d’approcher. » Ainsi chapitré, je quitte rapidement la place pour n’y plus revenir !

Je me rends au domicile de Georges Fournial. J’apprends qu’il est prisonnier. Mais j’y trouve sa femme Marcelle et le père de celle-ci. Ils m’hébergent quelques jours. Par Marcelle, je tente de reprendre contact avec le Parti. Elle me conduit à la gare près d’un cheminot d’âge déjà mûr. Il me tient à peu près ce beau langage : « On s’est trompé avec les fascistes, leur action a un contenu social. Il faut collaborer avec eux. »

34 Défense contre l’aviation.

35 DUCLOS Jacques (1896-1975). L’un des trois principaux dirigeants du Parti communiste français durant près de cinquante ans en compagnie de Maurice Thorez et Benoît Frachon. Il entre au comité central en 1926 pour y rester toute sa vie. Elu au comité exécutif de l’Internationale communiste en 1935, il devint un des principaux responsables du mouvement communiste international. Il fut à plusieurs reprises député de la Seine, sénateur de la Seine de 1959 à 1975 et candidat à l’élection présidentielle de juin 1969. (LE MAITRON notice DUCLOS Jacques par Stéphane Courtois et Jean Maitron https://maitron.fr/spip.php?article23160.)

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Je tombe littéralement des nues et je passe vraiment une mauvaise nuit.

Mais je refuse de croire à cette histoire. Je retrouve enfin mon corps.

Il y a au moins une trentaine d’officiers, dont plusieurs officiers supérieurs. Certains sont avec leur femme. Ils occupent de belles maisons et ne semblent pas très préoccupés du destin de la France ni de leur avenir propre. Ils organisent des réjouissances, des méchouis, se font préparer de bons repas.

Pourtant, le colonel qui commande le corps ne fait pas chorus. C’est un homme âgé, à l’air réfléchi, très sérieux, portant beau encore. En plein repas du mess des officiers, devant toute la bande réunie, il déclare à haute voix : « Il est évident que Pétain est un traître. » Sa déclaration jette un froid mais personne ne bronche !

Fin juillet, je fais un tour à Toulouse et là, j’ai en main l’appel du 10 juillet36 signé par Maurice Thorez et Jacques Duclos, « le peuple de France ne sera jamais un peuple d’esclaves ». Je suis complètement rassuré quant à la portée des déclarations de mon cheminot…

Démobilisé vers le 10 août, j’arrive à Paris le 14. À l’arrivée sur la ligne de démarcation, je prends contact avec la réalité de l’occupation allemande ; ce sont des « fridolins » en uniforme, très nombreux, sur les quais de la gare, qui assurent le contrôle.

Dès le lendemain, je rencontre dans la rue, par hasard, un militant communiste que je connais : Robert Lavandrier qui, tout frétillant, m’annonce que le Parti a recommencé à fonctionner dans le 13e sous la responsabilité de Louis Chaput37. L’après-midi, je vais faire un tour dans Paris. Au Luxembourg, des militaires allemands offrent un concert aux Parisiens. Les promeneurs, très nombreux – il fait un temps superbe – s’écartent généralement du kiosque à musique, sauf un quarteron qui applaudit frénétiquement.

Avenue des Champs-Élysées, catastrophe ! L’invasion sans fard.

L’avenue est truffée d’uniformes verts, ceux bien sanglés des officiers, mais aussi beaucoup de soldats. Je rencontre Juliette Harzelec38, une

36 L’Appel, signé courant juillet 1940, est un tract intitulé « Peuple de France » signé par Maurice Thorez et Jacques Duclos, dirigeants du PCF, alors en clandestinité.

Au lendemain du vote de l’Assemblée nationale attribuant les pleins pouvoirs au maréchal Pétain, et de l’institution du régime de Vichy, ce plaidoyer pour un gouvernement de paix définit le projet politique du Parti pour la France : c’est dans le peuple que se trouvent les forces de rénovation et de libération. « La France ne deviendra pas une sorte de pays colonisé (...) La France veut vivre libre et indépendante (...) Jamais un grand peuple comme le nôtre ne sera un peuple d’esclaves (...) il n’y a de paix que dans l’indépendance des peuples... » Ce texte constitua un soutien psychologique important pour les milliers de militants alors plongés dans la clandestinité et est considéré par l’historiographie officielle comme l’acte fondateur de la résistance communiste. André Moine « Un appel historique à l’union : 10 juillet 1940 », Les Cahiers d’histoire de l’Institut Maurice Thorez, n°10, 1974.

37 CHAPUT Louis (1912- ??). Militant communiste du 13e. Lorsque L’Humanité fut saisie en août 1939, il se chargea de cacher les listes d’adhérents ainsi que les archives. Revenu de mobilisation fin juin 1940, il fut contacté pour réorganiser le Parti dans le 13e arr. Il fut arrêté, déporté à Auschwitz et libéré le 4 mai 1945. (LE MAITRON, notice CHAPUT Louis, Pierre par Claude Pennetier https://maitron.fr/spip.

php?article19438).

38 HARZELEC Juliette (1903-1992). Institutrice puis professeure, militante

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ancienne dirigeante de la section de la Seine du SNI à qui je dis que j’arrive là pour la première fois. Elle comprend mon émotion mais tente de la tempérer : « vous savez ce sont des soldats, et comme tous les soldats, ils aimeraient mieux être chez eux. » D’accord, mais moi aussi, j’aimerais mieux qu’ils soient chez eux et le plus tôt possible ! J’ai tort d’être sec avec Juliette Harzelec. Elle sera de ces anciens dirigeants du SNI qui rallieront la Résistance. Avec Bonnissel, lui aussi dirigeant de la section départementale, elle rejoindra plus tard Georges Lapierre39, le directeur de L’École libératrice qui mourra en déportation dans les camps hitlériens. Mais j’ai trop de rancœur contre les munichois anticommunistes pour déjà la surmonter.

Après un saut dans la Nièvre pour rejoindre ma femme et mon fils – et mes parents, mes beaux-parents, ma sœur, toute la famille réfugiée là- bas –, je vais rencontrer Louis Chaput. Pour lui, les choses sont simples :

« Nous remettrons le Parti en marche. »

CW: As-tu alors eu connaissance de la demande de reparution légale de L’Humanité ?

AV : Absolument pas. Chaput m’explique que nous devons travailler dans les conditions d’une semi-légalité. Je reste sceptique. Une telle situation ne peut pas, à mon avis, durer. Dans ces conditions, notre devoir est de lutter contre la propagande officielle, de redonner confiance et de s’efforcer de former des comités populaires pour la défense des revendications des gens, pour le ravitaillement par exemple.

En septembre, Louis convoque une mini réunion pour mettre en place un « triangle de direction » du quartier Croulebarbe : Robert Lavandrier, moi-même et un camarade que j’ai perdu de vue et dont j’ai oublié le nom. Je lui demande aussi de m’obtenir un rendez-vous avec un responsable syndical pour le travail au SNI qui a été dissous par Pétain.

Nous travaillons à mettre en place des groupes de trois. J’en ai bientôt plusieurs à mon actif. Un avec moi-même et Eugène Vitiello40,un camarade qui vient de l’arsenal de Bizerte ; un autre avec deux camarades femmes, madame Foehn, veuve de guerre et Dédée Guesdon ; un autre avec une femme encore, Simone Lecoq ; un quatrième aussi avec Marthe Masson41. Et on commence à fonctionner : inscriptions,

syndicaliste, membre du conseil syndical et du bureau du SNI de 1935 à l’armistice.

Après la dissolution du SNI, en octobre 1940, elle participa à la création d’une organisation syndicale clandestine qui apporta une aide active aux instituteurs révoqués ou menacés. (LE MAITRON, notice HARZELEC Juliette, Joséphine, Paule. par Jean Maitron, Jacques Girault https://maitron.fr/spip.php?article74015).

39 LAPIERRE Georges (1886-mort en déportation à Dachau en février 1945).

Instituteur, dirigeant du SNI et fondateur de L’École libératrice. Entré dans le mouvement de résistance « Libération-Nord » il fut arrêté par la Gestapo en 1943.

(LE MAITRON, notice LAPIERRE Georges, Anatole [SNI] par Jacques Girault, Claude Pennetier, Guy Putfin https://maitron.fr/spip.php?article115895).

40 VITIELLO Eugène (Né en 1906 à Bizerte, Tunisie-1985). Tourneur sur métaux, militant communiste, résistant, déporté à Buchenwald. (LE MAITRON, notice VITIELLO, Eugène par Daniel Grason https://maitron.fr/spip.php?article167139).

41 BLANC Marthe [née GRANDJEAN Marthe, épouse BLANC, puis MASSON] (1899- 1978). Employée, militante communiste du 13e arr. de Paris, veuve de guerre, arrêtée

Références

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