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Derrière les diplômes et certifications, les parcours de formation et leurs effets sur les parcours d'emploi

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c Derrière les diplômes et certifications, éreq les parcours de formation et leurs

effets sur les parcours d’emploi

XV

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journées d’étude sur les données longitudinales dans l’analyse du marché du travail

Benoît Cart Jean-François Giret Yvette Grelet Patrick Werquin (éditeurs)

Échanges du Céreq

R E L I E F 24

mai 2008

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Derrière les diplômes et certifi cations, les parcours de formation et leurs

effets sur les parcours d’emploi

XV

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journées d’étude sur les données longitudinales dans l’analyse du marché du travail

Benoît Cart Jean-François Giret Yvette Grelet Patrick Werquin (éditeurs)

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© Centre d’études et de recherches sur les qualifi cations - Marseille 2008

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Sommaire

Avant-propos...7 Benoît Cart, Bernard Convert, Marie-Hélène Toutin

Thème 1 – L’entreprise, poursuite de formation Accéder à des métiers, des secteurs

Accès et carrière dans la fonction publique : le cas des procureurs de la République...13 Florence Audier

Quelles dynamiques formation-emploi dans l’hôtellerie ?...25 Nathalie Bosse, Christine Guégnard

Une analyse longitudinale des accords de la branche bancaire...35 Marnix Dressen

Contribution d’une entreprise à la formation des salariés...49 Coralie Perez

Les administrateurs de systèmes d’information géographique dans les Conseils généraux...61 Nadine Polombo

Les acquis de l’expérience

Le rapport entre l’analyse de contexte de travail et la formation...75 Raquel Becerril Ortega, Bernard Calmettes, Bernard Fraysse

Mobilités sur le marché du travail : comment les marchés professionnels se caractérisent-ils ?...81 Mireille Bruyère, Laurence Lizé

La difficile inscription de la validation des acquis de l’expérience dans le parcours de licenciés

économiques...95 Olivier Mazade

Parcours de VAE, un visa pour l’emploi ?...101 Isabelle Recotillet, Patrick Werquin

Les trajectoires professionnelles des bénéficiaires de VAE. Réflexions à partir de cas en Rhône-Alpes...117 Michel Rocca, Sarah Veyron

Thème 2 – Nouvelles formes des marchés professionnels Professionnalisation/Spécialisation de l’enseignement supérieur

À quelles conditions le marché professionnel de l’ingénieur diplômé de l’enseignement supérieur agricole peut-il s’étendre ?...131 Jean-Michel Drouet

L’importance du stage dans l’insertion professionnelle des étudiants...143 Nicole Escourrou

Fermeture du marché du travail et émergence d’un micromarché professionnel. Illustration à partir de la création d’une licence professionnelle...155 Anne Moysan-Louazel

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Carrières d’amateurs/Carrières de professionnels

Niveau d’engagement dans une carrière amateur et début de parcours des étudiants en STAPS...167 Lucile Chalumeau, Nicolas Gury, Séverine Landrier

Carrières d’amateurs et cursus universitaires : le sens multiple des parcours des étudiants en STAPS...179 Vérène Chevalier, Cyril Coinaud

Processus d’autosélection à l’entrée des marchés professionnels non réglementés : le cas des professions artistiques...191 Magali Danner, Gilles Galodé

Parcours de formation, itinéraires d’insertion et réussite professionnelle : essai de modélisation des carrières des danseurs intermittents...197 Janine Rannou, Ionela Roharik

Thème 3 – Derrière le diplôme, le parcours Des parcours atypiques

Réversibilité et chemins de traverse en formation initiale...211 Gérard Boudesseul, Cyril Coinaud, Yvette Grelet, Céline Vivent

Après l’activité professionnelle, retraite ou re-traitement ?...223 Aline Chamahian

Orientation scolaire et genre : les élèves de CAP et BEP typiques et atypiques...233 Clotilde Lemarchant, Benoît Tudoux

La réorientation professionnelle et le retour en formation : quel impact sur le devenir professionnel des jeunes adultes ?...245 Agnès Legay, Nathalie Marchal

Formations professionnelle et technique au Québec : l’émergence de nouvelles filières...261 Sylvie De Saedeleer, Guy Sauvageau, Lucie Tremblay

Diversité des parcours de formation

À quoi servent les disciplines universitaires ? Essai de typologie des filières universitaires à travers

l’observation de cinq ans de parcours étudiants dans l’enseignement supérieur...273 Bernard Convert

Diversité des parcours de niveaux V, une composante des effets de spécialité ?...287 Françoise Dauty, Philippe Lemistre

Inégalités sociales et parcours universitaire. Étude microéconométrique par la régression Logit...299 Magali Jaoul-Grammare

Thème 4 – Parcours d’études, parcours professionnels Des expériences étrangères

Education, training and youth employment outcomes. Evidences from Italy...317 Elena Baici, Giorgia Casalone

Compétences des diplômés de l’enseignement supérieur (le cas de la région de Volgograd en Russie)...331 Lisa Bydanova

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Les parcours scolaires et professionnels des jeunes étudiants canadiens : définition et analyse à partir de l’Enquête auprès des jeunes en transition (EJET)...337 Pierre Doray, Stéphane Moulin, Jake Murdoch, Elise Comoé, Catherine Leroy

Effets des modalités du choix initial sur le parcours de formation et la trajectoire professionnelle...349 Annick Evrard, Claude Albert Kaiser, François Rastoldo

Trajectoires et salaires

Formation continue, mobilités et salaires...361 Pierre Béret

Les carrières salariales françaises du privé sur longue période : effets de l’éducation, de l’ancienneté et des ruptures...371 Fabienne Berton, Jean-Pierre Huiban, Frédérique Nortier

L’adaptabilité des apprentis sur le marché du travail : impact de la mobilité sur la trajectoire salariale...385 Benoît Cart, Alexandre Léné

Filières de formation et insertion professionnelle

Parcours de formation des diplômés universitaires et insertion professionnelle : le cas des diplômés

scientifiques...399 Catherine Béduwé, Bernard Fourcade, Jean-François Giret

L’insertion professionnelle des jeunes en apprentissage : une analyse empirique en termes d’efficacité...413 Oana Calavrezo

La qualité de l’insertion professionnelle selon la continuité ou la rupture de filière entre le 2e et le 3e cycle universitaire...427 Nathalie Jacob

Thème 5 – Évaluation des politiques publiques

La politique d’insertion des docteurs en entreprise : fondement et efficacité...439 Jean-Paul Beltramo, Julien Calmand, Patrick Montjourides

Évolution de l’impact des contrats en alternance sur l’insertion professionnelle des jeunes...453 Sabina Issehnane

Le programme individuel de formation et la mise en œuvre de ses modalités dans le cadre de la loi du 4 mai 2004...463 Philippe Jean-Amans

Glossaire...473

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Avant-propos

Derrière les diplômes et certifications,

les parcours de formation et leurs effets sur les parcours d’emploi Benoit Cart, Bernard Convert, Marie-Hélène Toutin

*

L’analyse1 traditionnelle du lien formation-emploi doit beaucoup à une conception du diplôme qu’un certain nombre d’évolutions récentes remettent en cause, et qui obligent à accorder une attention renouvelée aux parcours de formation.

La massification de l’enseignement, la diversification des cursus dans les enseignements secondaire, professionnel et supérieur, la mise en place du « processus de Bologne » dans l’enseignement supérieur, la cohabitation et le développement de certifications différentes par leur nature ou par leur processus d’acquisition, le développement de l’apprentissage à tous les niveaux, ces différentes évolutions brouillent et affaiblissent le rôle de « signal » du diplôme, aux yeux des employeurs et des individus eux-mêmes.

Les parcours de formation, les modes d’acquisition des diplômes ou des certifications, produisent désormais des effets sur les modalités de l’accès à l’emploi et sur la trajectoire professionnelle qui viennent s’ajouter à ceux des diplômes eux-mêmes.

Nous proposons de consacrer ce Relief, qui rassemble les communications présentées aux XVes Journées du Longitudinal de Lille des 22 et 23 mai 2008, à l’analyse de ces modes et parcours de formation – que ceux- ci relèvent de la formation initiale, de la formation continue, de la formation tout au long de la vie – et aux effets de ces parcours de formation sur l’insertion et la trajectoire professionnelle à plus long terme.

Cet objet principal peut se décliner en différentes thématiques, qui ont fait l’objet chacune d’un certain nombre des communications regroupées dans ce document.

1. L’entreprise, acteur de la formation : apprentissage, validation des acquis de l’expérience…

Avec le développement de l’apprentissage à tous les niveaux, avec la reconnaissance croissante des « acquis de l’expérience », l’entreprise peut être désormais considérée comme un véritable acteur de la formation.

On reconnaît aujourd’hui, dans le consensus entre usagers, entreprises et pouvoirs publics, la légitimité d’une qualification, d’une compétence ou de savoirs partiellement ou totalement acquis dans l’entreprise.

Longtemps réservé aux métiers manuels et au modèle traditionnel de l’apprentissage, l’acquisition, sanctionnée ou non par une certification, de savoirs et de savoir-faire au sein de l’entreprise, est désormais un modèle qui se généralise à tous les types et niveaux de qualification.

Ainsi, la question à laquelle certains textes tentent de répondre, est celle de l’efficacité propre de ces nouvelles modalités de formation et de certifications sur la carrière professionnelle. Comment peut-on la mesurer ? Peut-on par exemple comparer l’efficacité différentielle sur la trajectoire professionnelle d’un diplôme acquis en formation classique et en apprentissage ? Peut-on faire apparaître des efficacités différentes à court et à plus long terme ?

* Benoît Cart et Marie-Hélène Toutin sont ingénieur d’études au Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques (Clersé), centre associé au Céreq de Lille, benoit.cart@univ-lille1.fr, marie-helene.toutin@ univ-lille1.fr ; Bernard Convert est co-directeur du centre associé au Céreq et directeur-adjoint du Clersé, Bernard.Convert@ifresi.univ-lille1.fr.

1 Nous remercions Véronique Testelin (Clersé) pour l’aide apportée à la relecture des textes.

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2. Vers une extension des « marchés professionnels » ?

Pour certains types de formation, la fonction de sélection, qui s’opère généralement au moment de la certification puis, sur le marché du travail, au moment du recrutement dans l’entreprise, est anticipée dès l’entrée dans la formation. Dans ce mode de relation formation-emploi, c’est au moment de l’accès au cursus de formation que le dimensionnement des effectifs formés au regard des besoins quantitatifs d’emplois est réglé. Ainsi, dès lors que la formation est menée à son terme, l'admission dans le métier préparé est « garantie » dans des conditions « satisfaisantes ». Est décrit là ce que la théorie économique, par les apports de Mardsen, formalise sous le concept de « marchés professionnels » ; l’accès aux professions médicales avec leur numerus clausus en constitue un exemple classique. La qualité et la « sécurité » de l’insertion professionnelle qu’elles assurent constituent les atouts de ces formations.

Pour les politiques, il est tentant de développer ce type de relation formation-emploi comme remède aux apories de la massification et de la démocratisation de l’enseignement supérieur, particulièrement en termes d’insertion professionnelle. Ne faut-il pas voir dans le développement des filières professionnalisées et sélectives à l’Université, notamment les « licences professionnelles », des tentatives pour « créer » de nouveaux micromarchés professionnels ? Mais ces filières professionnalisées peuvent-elles constituer des solutions généralisables, si l’on considère qu’elles visent souvent des niches très ciblées d’emplois aux effectifs relativement restreints ? Dans ces cas-là, en choisissant de telles formations, l’étudiant se voit offrir un placement rapide et sûr au prix d’une spécialisation étroite et précoce. Ce choix ne se fait-il pas au détriment de la carrière à long terme ? Mais la question de la transférabilité de ces savoirs vers d’autres emplois que ceux initialement visés reste posée.

Ces questions, stratégiques pour l’orientation de la politique d’enseignement, sont abordées par des communications portant sur la genèse et l’histoire de ces filières, sur l’évolution des caractéristiques sociales des jeunes les fréquentant, sur le rôle et la place de ces cursus dans les parcours individuels de formation et d’emploi.

3. Le lien formation-emploi revisité

Le thème abordé dans ces journées permet aussi de revenir sur un problème récurrent de l’analyse du lien formation-emploi. : ce lien est classiquement mesuré à partir du diplôme final ; mais trop souvent la mesure de l’efficacité du diplôme final est entendue comme mesure de l’efficacité de la filière qui est censée y conduire. Quand on montre, par exemple, qu’un master de gestion est plus efficace en termes d’insertion qu’un master d’économie, on court le risque d’être entendu comme ayant montré que la filière gestion offre de meilleurs débouchés que la filière économie. Ce qui serait une mauvaise interprétation, car nombre de titulaires d’un master de gestion ont fait la plus grande partie de leurs études en économie et rien ne dit que ce ne sont pas eux, parmi les titulaires d’un master de gestion, qui ont la meilleure insertion, ce qui conduirait à l’interprétation inverse de la précédente. Ces effets méritent d’être mesurés. Car le diplôme final ne préjuge en rien de la trajectoire qui y a conduit, aujourd’hui moins qu’hier. Les parcours de formation initiale, longtemps linéaires, sont désormais faits de bifurcations plus ou moins nombreuses. Entre l’orientation initiale à l’entrée d’un cycle de formation et le diplôme finalement obtenu, le lien est de moins en moins direct. Se pose ici directement la question de l’effet, derrière les diplômes, des parcours de formation, mais également des différentes expériences qui peuvent influencer les choix scolaires et professionnels du jeune (les stages, le travail étudiant ou les autres expériences non scolaires). Ces effets peuvent être mesurés, là encore, au stade de l’insertion professionnelle ou à plus long terme.

À l’heure où l’accent est mis sur la nécessité d’une « orientation active », il est urgent de mesurer les relations observées entre les points d’entrée d’un cycle de formation, le diplôme final, et les parcours d’emploi associés.

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4. Parcours de formation et effets de court et long terme sur la trajectoire d’emploi

Face à une opportunité de formation, l’individu est souvent placé devant une alternative qui consiste soit à échanger de la sûreté à court et moyen terme contre une spécialisation professionnelle plus ou moins étroite, soit à refuser une spécialisation trop précise et trop précoce au risque d’une insertion et d’une trajectoire plus aléatoire. Il fut une époque (le début des années 70) où certains auteurs expliquaient le peu de succès de l’enseignement professionnel supérieur court par ce schéma : les élèves préféraient courir le risque de poursuivre des filières générales in fine plus payantes en moyenne (salaire modal de début plus élevé), mais plus aléatoire (fort écart-type de la distribution des salaires) à des études professionnelles sûres (faible écart-type) mais en moyenne moins payantes. À l’évidence la tendance s’est aujourd’hui inversée sous l’effet de la crise de l’emploi, mais aussi de l’aggravation des taux d’échec en premiers cycles universitaires et de l’extension des possibilités de poursuite d’études après un DUT ou un BTS.

Plusieurs questions se posent autour de cette alternative générale : le choix de l’un ou l’autre terme de l’alternative est-il ou non indifférent aux caractéristiques sociodémographiques ? A-t-on les moyens de mesurer et de comparer les effets à court terme (plus ou moins forte déqualification à l’embauche) et à plus long terme (reclassement plus ou moins rapide, effets sur la précarité ou la stabilité des trajectoires professionnelles) de ces différents choix ?

5. Effets et efficacités des politiques publiques

Enfin, il est tout aussi nécessaire de s’interroger sur le rôle majeur des politiques publiques, tant dans leur fonction d’orientation, dont on a vu qu’elle était fortement questionnée, que dans leur rôle d’incitation vers de nouveaux modes de formation. Elles proposent en effet d’autres accès à la qualification et à l’emploi, pour des jeunes ou pour des actifs, qui doivent construire, consolider ou améliorer une compétence insuffisante ou inadaptée. On a fait appel ici à plusieurs travaux d’évaluation de ces politiques publiques, qui tentent de tenir compte des multiples effets croisés venant brouiller la mesure, en présentant des résultats portant sur le rôle et la place du passage par ces différentes mesures dans la trajectoire des individus. À ce sujet, les outils statistiques tenant compte du temps, tels que les enquêtes rétrospectives (dispositif

« Génération » du Céreq par exemple), les panels, les suivis de cohortes, servent de mesure pour ces travaux. Mais sont présentés aussi des modes d’interprétation du rôle de ces politiques appuyés sur des matériaux plus qualitatifs : monographies de dispositifs, entretiens auprès de bénéficiaires, histoires de vie…

* * *

Derrière toutes ces approches longitudinales, et pas seulement sur ce dernier thème, la plupart des disciplines des sciences humaines sont représentées, qu’elles mobilisent des données statistiques (enquêtes Céreq, DARES, INSEE, Observatoires universitaires…) ou des résultats de monographies, d’entretiens, d’histoires de vie… ou tout autres matériaux qualitatifs. Bien entendu, les textes issus des disciplines traditionnelles qui questionnent la relation formation-emploi, l’économie et la sociologie, sont les plus nombreux. Mais d’autres approches disciplinaires, telles que la psychologie, la gestion, le droit, les sciences de l’éducation, permettent des confrontations intéressantes, tant par les méthodes employées que par les concepts développés.

La présentation des travaux est organisée dans la suite de ce document conformément aux ateliers thématiques mis en place au cours de ces XVes Journées du longitudinal.

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Thème 1

L’entreprise, poursuite de formation

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Accès et carrière dans la fonction publique : le cas des procureurs de la République Florence Audier et Maya Bacache-Beauvallet

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Les1 procureurs de la République sont les « chefs » du parquet, le parquet constituant l’une des deux

« branches » de la magistrature, l’autre étant le siège. De ce fait, en tant que parquetiers, ils ont en charge, au sein d’un tribunal de grande instance (TGI), les fonctions primordiales que sont l’enquête judicaire, les poursuites, les réquisitions, bref, l’exercice de l’action publique. Comme chefs du parquet, les procureurs assument en outre des fonctions de définition, d’adaptation et de mise en œuvre de la politique pénale locale, de coordination et d’animation de leur équipe, d’administration et de gestion. Le fait que le parquet constitue ou non un groupe professionnel constitue un enjeu qui dépasse les situations particulières de chacun, et engage une certaine conception de la justice.

La connaissance précise des carrières de ceux appartenant à ce que nous nommerons ici, faute de mieux, ce

« groupe professionnel », est intéressante à plusieurs titres : elle permet non seulement d’appréhender un exemple symbolique de carrières dans la fonction publique qui, dans le cas français, est peu étudié (Meurs et Audier 2004) ; mais aussi d’éclairer un débat de politique publique sur la réforme du système judiciaire français concernant la place des procureurs dans le système inquisitorial. C’est cet enjeu que nous souhaitons aborder dans cette communication.

En effet, des propositions récurrentes, et qui prennent de l’ampleur, préconisent la séparation statutaire des magistrats du parquet de ceux du siège en modifiant les positionnements des uns et des autres. À l’inverse, les magistrats, et en particulier ceux du parquet, sont et restent très majoritairement hostiles à une autonomie « statutaire » qui les isolerait de l’ensemble de la magistrature. Les procureurs sont, en France, pleinement des magistrats alors qu’ils sont des fonctionnaires de l’exécutif dans d’autres pays où la justice fonctionne sur un mode accusatoire et non inquisitoire. Une connaissance précise des carrières et des mobilités fonctionnelles des magistrats du parquet n’est donc pas indépendante de l’enjeu politique et judiciaire majeur que constitue l’organisation du système judiciaire « à la française ».

La question que nous traitons dans cet article est la suivante : dans quelle mesure être parquetier et davantage encore procureur de la République nécessite-t-il la formation d’un capital humain spécifique (Schultz 1961) qui serait distinct du capital humain lié à la fonction de magistrat ? La spécificité des tâches du procureur ne faisant, elle, pas de doute, tant l’exercice des fonctions de procureur a connu une expansion voire une transformation2 dans la dernière période (Hyest et al. 2001), la question posée est celle de la spécificité du capital humain requis, et par conséquence l’efficience éventuelle d’une séparation allant jusqu’à une distinction statutaire entre le siège et le parquet. Nous sommes bien entendu convaincus que les propositions politiques de séparation entre le parquet et le siège peuvent reposer sur des arguments tous autres, d’ordre politique, juridique, stratégique, etc.

Pour tenter de répondre à cette question, nous mobilisons trois types d’enquêtes (section 1). Ensuite, après avoir exposé les caractéristiques principales des parquetiers et des procureurs, de leur formation et de leur carrière (section 2), nous montrons (sections 3 à 5) que le métier de procureur ne met pas en jeu l’acquisition d’un capital humain spécifique par rapport à celui d’un magistrat du siège. Au contraire, le choix du parquet semble être le fait des magistrats eux-mêmes qui se précise parfois en cours de carrière, apparaissant comme une révélation des préférences ou une préférence liée à l’âge et à la situation familiale.

L’existence d’un capital humain spécifique ne semble donc pas pouvoir figurer au titre des arguments militant pour une rupture de l’unité du corps des magistrats.

* Florence Audier, Université Paris1/CNRS, EEP, Centre d’économie de la Sorbonne-Matisse, 106 bd de l'Hôpital 75013 Paris, florence.audier@univ-paris1.fr ; Maya Bacache-Beauvallet, Institut Telecom-Telecom ParisTech, 46 rue Barrault, 75013 Paris, maya.bacache@telecom-paristech.fr

1 Cette communication s’appuie sur les résultats d’une recherche réalisée avec le soutien du GIP Mission de recherche Droit et Justice (convention n° 25 03 18 15) de F. Audier, M. Beauvallet, E. G. Mathias, J.-L. Outin et M. Tabariés.

2 Voir le rapport, Le métier de procureur de la République, ou le paradoxe du parquetier, 2007, de F. Audier, M. Beauvallet, E. G. Mathias, J.-L. Outin et M. Tabariés, en particulier le dossier IV.

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1. Comment appréhender le groupe professionnel des procureurs ?

L’intérêt de cette recherche, au-delà de l’appréhension de la carrière des procureurs, est également méthodologique : il s'agit de montrer concrètement comment, en articulant plusieurs bases de données de nature et de contenu très différents, les unes en provenance des services de gestion (données administratives préexistantes) et d’autres constituées pour les besoins de l’étude à partir d’enquêtes par questionnaire, il semble possible de restituer le déroulement des carrières et des activités dans leur dynamique. En effet, une des difficultés généralement rencontrées dans l’étude des déroulements des carrières (Bacache et al. 1997) est l’impossibilité de distinguer les effets d’offre des effets de demande. On n’en observe en effet, généralement, que la résultante, en étudiant les trajectoires ex post. L’étude combinée des différentes bases de données mobilisées dans cette recherche permet, précisément, de conjuguer l’étude de l'offre et celle de la demande. La carrière des procureurs est ainsi étudiée à travers trois prismes.

1.1. Formation et entrée dans la profession : le devenir des magistrats-parquetiers

Le premier prisme, le plus évident, se décline donc au moment des concours d'entrée à l'École nationale de la magistrature (ENM)3. Pour appréhender ce premier accès au parquet nous avons utilisé deux types de bases de données : deux bases de données administratives (les fichiers de scolarité de l’ENM et ceux qui consignent les premières mobilités des magistrats) et une enquête directe. Ce premier prisme d’informations autour des concours d’entrée et des choix des postes de sortie permet de traiter la question de l'attractivité de la fonction de magistrat et plus spécifiquement de l’attractivité du parquet, et la question de la formation initiale.

Nous étudions ainsi la première affectation d’auditeurs appartenant à quatre promotions de l’ENM qui représentent, réunies, plus de mille jeunes magistrats. Puis nous enrichissons l’analyse en examinant la première mobilité des magistrats issus des deux premières promotions observées, magistrats qui, statu- tairement, ont déjà eu l’opportunité d’effectuer un premier changement de poste. Nous disposons donc d’informations de source « administrative », relatives exhaustivement à quatre promotions d’élèves entrés à l’École entre 2000 et 2003 et qui sont donc « sortis » entre 2002 et 2005 soit au total 1 029 situations qui correspondent à tous les sortants des années étudiées. Pour ces quatre « vagues » de magistrats, les informations disponibles concernent : (i) la civilité des auditeurs (Monsieur, Madame, Mademoiselle) ; (ii) leur classement de sortie, information d’autant plus utile que le choix des postes se fait par « ordre de mérite » ; (iii) la fonction qui correspond au poste de première affectation ; enfin (iv) la juridiction d’affec- tation et sa localisation.

Nous approfondissons et éclairons ensuite les informations précédemment analysées à l’aide des résultats d’une enquête originale très détaillée spécifiquement construite à cet effet. Cette enquête postale, qui s’est déroulée fin 2005 et début 2006, a été adressée aux 1 029 auditeurs des quatre promotions déjà étudiées.

Elle a recueilli 723 réponses exploitables, soit un taux de réponse exceptionnellement élevé. De cette enquête on peut tirer en particulier trois types d’informations portant sur : (i) les antécédents de formation et éventuellement d’emploi des auditeurs ; (ii) l’attractivité de la magistrature et de ses différentes déclinaisons à travers un questionnement portant sur leur degré de motivation quant à l’entrée dans la magistrature et sur leur projection dans l’avenir, eu égard aux différentes fonctions envisageables ; (iii) leurs appréciations concernant leur premier poste, à travers par exemple leur désir de le conserver encore un certain temps ou, au contraire, d’en changer, bref, une appréciation sur leurs perspectives d’avenir.

1.2. Les carrières des procureurs en activité : le passé des procureurs

Le deuxième prisme est celui du déroulement de carrière passé des procureurs en exercice en 2005. Les données disponibles à cet égard sont consignées dans « L’annuaire de la magistrature » qui est un annuaire nominatif, où chaque magistrat fait l’objet d’une courte biographie professionnelle. Plus précisément, les renseignements inscrits dans ces biographies sont les suivants : (i) les nom et prénom du magistrat, ses date et lieu de naissance, le cas échéant, sa formation et le type d’activité professionnelle exercée antérieurement

3 Rappelons que les magistrats français reçoivent une formation (délivrée depuis 1958 à l’ENM) contrairement à de nombreux autres pays (la plupart de tradition de common law) dans lesquels les magistrats sont simplement d’anciens avocats.

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à l’entrée dans la magistrature, ainsi que sa date de sortie de l’ENM ; (ii) la série chronologique des types de postes occupés ainsi que les dates d’installation et les lieux d’exercice.

Les données mobilisées permettent donc de reconstituer tout l’« itinéraire professionnel » passé des procureurs de la République en poste en 2005. Nous pouvons ainsi formuler quelques hypothèses quant à l’influence du type de premier poste occupé sur l’accès aux fonctions de procureur, et mesurer l’ampleur réelle des passages entre le siège et le parquet pour ces magistrats ayant atteint ces hautes fonctions.

1.3. Offre et demande de postes : la réalité des mouvements en 2005

Enfin, le troisième prisme est constitué par la base de données administrative nommée « La Transparence », qui constitue un outil exceptionnel pour l’étude de la mobilité. En effet, l’administration diffuse au sein de tout le corps des magistrats la liste des emplois existants dans les différents tribunaux, qu’ils relèvent du siège ou du parquet. Chaque magistrat « coche » les emplois qui l’intéresseraient s’ils venaient à se libérer.

Les choix de chacun se font donc à l’aveugle, dans la mesure où aucune indication n’est donnée quant à la probabilité des vacances d’emplois. En cas de modification de ses « préférences », le magistrat remplace tout simplement sa feuille de desiderata par une autre feuille actualisée. Chaque année (l’année que nous avons étudiée est 2005), l’administration confronte les desiderata aux vacances de postes potentielles ou effectives, ces dernières provenant à la fois des « départs » mais aussi des choix de « localisation ».

Du côté de la demande de postes, nous disposons donc, outre l’identité des magistrats et leur civilité (M. ou Mme), de la liste des postes auxquels ils postulent parmi ceux ouverts en 2005 (identifiés par leur fonction détaillée, grade et lieu d’implantation). Sont indiqués également la procédure dans laquelle s’inscrivent les demandes (avancement de grade ou simple mobilité), ainsi que le poste précis actuellement occupé, le grade et le lieu géographique d’exercice du demandeur. Du côté de la demande, nous pouvons donc récapituler et « qualifier » les souhaits de mobilités des magistrats, en particulier leur souhait de passage entre le parquet et le siège.

Du côté de l’offre de postes, le fichier indique, comme déjà dit, la liste complète des postes ouverts à la mobilité ainsi que l’identité des magistrats dont la candidature à été retenue pour chacun de ces postes.

L’articulation entre offres, demandes, et demandes retenues nous permet de repérer la politique sous-jacente de la Chancellerie dans ses affectations : quel type de magistrat privilégie-t-elle pour quel type de poste ? En particulier la politique consiste-t-elle à séparer le siège du parquet en évitant les passages de l’un à l’autre ?

1.4. L’utilité de ces trois bases de données

Si la description, l’analyse et, davantage encore, la comparaison de carrières professionnelles incitent classiquement à suivre, dans le temps, des individus représentatifs des professions étudiées, ou bien encore à fusionner des bases de données à partir des individus qui les composent, les explorations méthodologiques réalisées à l’occasion de la recherche sur les magistrats nous semblent montrer que d’autres voies, plus analytiques et plus riches, peuvent être empruntées. Par exemple celle qui consiste dans la lecture conjointe de diverses bases de données, dès lors que chacune d’entre-elles correspond à un élément précisément identifié de l’image du « puzzle » ou bien correspond, précisément, à une question à élucider.

L’application que nous proposons ici de cette méthodologie un peu complexe concerne les motifs sous- jacents à la volonté politique de séparer le siège du parquet. La question posée est la suivante : cette pro- position repose-t-elle, comme parfois suggéré, sur une analyse économique de l’efficience de la spéciali- sation dans des carrières données ? Autrement dit la séparation proposée entre le parquet et le siège recouvre-t-elle une hypothèse de spécialisation en termes de capital humain ? La question est théoriquement relativement simple, mais empiriquement complexe à trancher. Nous montrons que l’utilisation concomitante de nos trois prismes d’enquête permet de répondre à la question de la spécificité du métier de parquetier.

En effet, si le métier de parquetier exigeait l’acquisition d’une formation et d’une expérience spécifique, on devrait observer une séparation nette des carrières et des tâches (d’où l’intérêt d’analyser les carrières des procureurs en place et la répartition de leurs tâches – deuxième prisme). Pourtant, une simple observation différenciée des parcours et des carrières ne suffit pas à trancher la question de l’acquisition ou non d’un capital humain spécifique. En effet, une distinction des profils initiaux de formation ou une différenciation des carrières peut recouvrir non pas une acquisition différenciée en termes de capital, mais un simple effet

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de sélection (d’où l’intérêt de reprendre la question de l’entrée dans la magistrature – premier prisme). Pour le dire autrement le métier de parquetier pourrait résulter d’une préférence spécifique (goût ou vocation pour cette facette du métier de magistrat) sans mobiliser pour autant des compétences spécifiques. Une telle sélection relèverait dès lors des préférences et non de l’efficience.

Nos bases de données nous permettent de dissocier l’effet de sélection de l’effet de capital humain spéci- fique. En effet, la transparence (troisième prisme) permet de distinguer les effets d’offre et les effets de demande. Par conséquent, si le métier de parquetier exigeait une compétence acquise spécifique, on devrait observer un effet d’offre d’emploi : c’est la chancellerie qui devrait être à la source de la distinction des carrières. Inversement si le métier de procureur relevait d’une sélection spécifique ou d’une préférence spécifique, alors on devrait observer un effet de demande de poste : ce sont les magistrats eux-mêmes qui seraient à l’origine de la différenciation des carrières. De plus, la base de données concernant les jeunes magistrats permet, par exemple, de repérer si cette préférence existe dès l’entrée à l’École.

2. De l’École à la fonction de procureur : des éléments de contexte

2.1. L’entrée à l’ENM

Plusieurs types de concours d’entrée à l’ENM sont organisés, mais le premier concours destiné aux jeunes juristes, au sortir des études, offre 90 % des places. En 2005, 2 482 candidats (1 803 présents) postulaient pour 224 places. Ainsi 12,5 % des présents ont réussi à intégrer l’École.

Comme de plus en plus souvent dans la fonction publique, le niveau de formation des jeunes est nettement plus élevé que le niveau statutairement requis – bac+4, ou IEP – pour se présenter au concours. Ainsi, ils ne sont que 30 %4 des reçus à correspondre exactement au critère, tandis que 42 % possèdent un diplôme de niveau bac+5 et 19 % un niveau bac+6 ou plus. C’est dire qu’une proportion tout à fait importante de magistrats a non seulement terminé un cycle complet de formation juridique, mais que nombre d’entre eux ont aussi acquis soit un diplôme d’études approfondies (DEA), soit un diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS), ou encore sont diplômés d’un IEP. À noter qu’un jeune magistrat sur vingt possède même une thèse de droit.

Tableau 1

DIPLÔMES LES PLUS ÉLEVÉS POSSÉDÉS À LENTRÉE DE L’ENM

Effectifs %

Non réponse 6 0,8 %

Licence ou maîtrise 204 28,2 %

IEP 134 18,5 %

DEA/DESS 332 45,9 %

Doctorat 34 4,7 %

Autre 13 1,8 %

Total 723 100 %

Source : Enquête spécifique Matisse.

Seule une courte majorité des jeunes magistrats (52 %) avaient, dès leurs études juridiques, le projet d’entrer dans la magistrature, avec une très forte différence entre les hommes et les femmes : 58 % d’entre elles avaient formulé ce projet, ce qui n’était le cas que d’une minorité des hommes (38 %). Pourtant, en cours d’études, les choix se sont manifestement précisés, puisqu’au total 82 % des auditeurs ont suivi des préparations au concours de l’ENM et que seuls 18 % des reçus se sont présentés au concours sans avoir suivi de préparation spécifique. Les futurs magistrats semblent particulièrement motivés, comme en témoigne le fait qu’ils sont relativement nombreux à s’être présentés plusieurs fois au concours. En effet, si, parmi les lauréats du concours « étudiant », 58 % sont entrés à l’ENM dès leur première tentative, 37 % s’y

4 Les % sont calculés sur les niveaux déclarés mais tous n’ont pas répondu à l’une ou l’autre des questions qui ont servi à calculer le niveau de formation.

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sont présentés deux fois, et même 5 % trois fois. Un autre indicateur relatif à l’intensité de la motivation initiale pour entrer dans la magistrature peut être retenu : la part des candidats qui se sont aussi présentés à d’autres concours. Sur l’ensemble des auditeurs, seuls 15 % déclarent avoir tenté d’autres concours de la fonction publique – par exemple la police – sans que l’on sache si cela a été couronné de succès.

2.2. Devenir procureur

Pour accéder au poste de chef de parquet d’un TGI, donc devenir procureur de la République, il faut voir sa candidature retenue par la Chancellerie, après avis du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) – même si la nomination au parquet ne nécessite pas l’avis conforme du CSM, comme c’est le cas pour le siège.

Les procureurs sont très peu nombreux, puisque leur nombre est limité par le nombre de TGI (un seul procureur de la République par TGI). Toutefois, on peut être procureur tout en appartenant à des grades différents, le classement hiérarchique des tribunaux influençant les possibilités de nomination de leurs

« chefs ». D’où l’existence – au moment de l’enquête – de 46 postes du grade le plus élevé (Hors Hiérarchie, HH) et de 139 postes de 1er grade. Auxquels s’ajoutent un des postes de « procureurs-adjoints », 12 relevant également du grade HH et 47 du 1er grade, et un nombre nettement plus important de vice- procureurs (147), tous du 1er grade. La répartition des postes (et des grades afférents) varie selon la taille des TGI en termes de flux d’affaires à traiter et selon toute une série de critères retenus par la chancellerie.

Les procureurs de la République sont avant tout des hommes : alors que 65 % des 1er postes au parquet sont tenus par des femmes, elles ne sont plus que 23 sur 180, soit 13 %, parmi les procureurs de la République.

Ils sont au total relativement jeunes puisque, si l’âge moyen est de 52 ans, 33 procureurs ont entre 37 et 45 ans. L’âge moyen (et médian) d’accès à un premier poste de procureur est de 40 ans. Le nombre de postes occupés avant de devenir pour la première fois procureur (ou procureur adjoint) est en moyenne de trois. Néanmoins, 15 % des procureurs ont été nommés procureurs pour la première fois dès leur deuxième poste et un tiers l’ont été dès leur troisième poste.

3. Être procureur : spécialisation ou mobilité entre le parquet et le siège ?

Loin d’une image un peu stéréotypée qui voudrait accréditer l’idée que les magistrats naviguent commu- nément entre les deux grandes « branches » de la magistrature, on observe, au contraire, une forte « spé- cialisation » relativement précoce.

En réalité, les procureurs de la République actuellement en poste ont majoritairement effectué toute leur carrière passée sans avoir jamais appartenu au siège. En effet, sur les 180 procureurs de la République en poste en juillet 2005, une centaine avait fait sa carrière ou bien entièrement au parquet, sans interruption (83 procureurs sont dans ce cas), ou bien entièrement au parquet avec toutefois une ou plusieurs inter- ruptions correspondant à des périodes de détachement à la Chancellerie ou à l’ENM (cas de 16 procureurs).

Aussi, seuls 45 % des procureurs actuellement en poste ont occupé dans le passé, ne serait-ce qu’une fois, un poste au siège. Et encore, parmi les 81 procureurs qui sont dans ce cas, 21 ont débuté au siège et ont rejoint ensuite, de façon continue, le parquet ; et 10 d’entre eux n’ont effectué au cours de leur carrière – souvent d’ailleurs au début – qu’un seul passage au siège, pour exercer ensuite continûment au parquet. Au total, parmi tous ceux actuellement en poste, seul un procureur sur huit a occupé – de façon continue ou non – au moins trois séquences au siège durant sa carrière passée. Les magistrats ayant pratiqué des

« alternances » entre le siège et le parquet ne représentent donc finalement que moins de 13 % du « groupe professionnel ».

À cet égard, et quel qu’ait été leur itinéraire, les procureurs de la République témoignent généralement d’une très longue expérience, en particulier au parquet, puisqu’ils ont, en moyenne, 23 ans d’ancienneté dans la magistrature dont 18 au parquet. Pour ceux qui ont effectué toute leur carrière au parquet, l’an- cienneté dans la magistrature et au parquet se confond, et est de l’ordre de 23 ans.

L’observation des carrières des procureurs de la République en poste en juillet 2005 montre que 164 des 180 procureurs (91 % des cas) ont exclusivement occupé des postes au parquet après qu’ils aient été nommés procureurs (ou vice-procureur, ou encore procureur adjoint) pour la première fois. Encore faut-il préciser qu’un seul de ces procureurs a occupé un poste au siège postérieurement à sa première nomination

(20)

en tant que procureur, puisque, pour les 15 autres, leur absence du parquet résultait d’un détachement au ministère ou à l’ENM.

L’observation de la carrière des procureurs de la République à compter de leur première nomination en tant que procureur de la République suggère donc que les « filières parquet/siège » sont de facto relativement bien distinctes, même si elles ne le sont évidemment pas en termes statutaires.

Tableau 2

RELATIONS ENTRE LA DURÉE CUMULÉE PASSÉE AU PARQUET ET LE TYPE DE CARRIÈRE DES PROCUREURS DE LA RÉPUBLIQUE

EN POSTE EN 2005 Nombre d’années

au parquet

Carrière entièrement au parquet

Carrière au parquet et en détachement

Carrière au parquet

et au siège Ensemble

moins de 5 ans - 1 8 9

de 5 à 9 ans 2 3 25 30

de 10 à 14 ans 8 2 23 33

de 15 à 19 ans 16 4 12 32

de 20 à 24 ans 21 4 8 33

de 25 à 29 ans 22 2 4 28

plus de 30 ans 14 - 1 15

Total 83 16 81 180

Source : Annuaire des magistrats Traitement Matisse.

Lecture : parmi les 83 procureurs dont la carrière s’est déroulée entièrement au parquet, 14 y ont passé plus de 30 ans, 22 entre 25 et 29 ans, etc. Autre exemple : parmi les 33 procureurs qui ont entre 20 et 24 ans d’ancienneté au parquet, 21 ont passé toute leur carrière au parquet, 4 d’entre eux ont connu le parquet et un ou des postes en détachement, 8 d’entre eux ont été aussi magistrats du siège.

4. Devenir parquetier : effet de comportement ou effet de sélection ?

Si être parquetier nécessitait un capital humain spécifique distinct de celui de magistrat du siège, on devrait observer une spécialisation des carrières entre le parquet et le siège. Pourtant le corollaire n’est pas vrai : même si l’on observe une spécialisation des carrières, on ne peut en déduire mécaniquement que le métier de parquetier est différent de celui du siège et qu’il nécessite un capital humain spécifique. En effet, la spécialisation peut être expliquée de manières tout à fait différentes : soit par un effet de sélection, soit par un effet de comportement.

Dans le premier cas, l’effet de sélection, les magistrats auraient une caractéristique individuelle exogène se manifestant par une préférence pour le métier de parquetier et se traduisant par un effet de demande pour les postes du parquet. En effet, le parquet présente des spécificités dans ses conditions de travail et ses horaires notamment, qui, sans nécessiter un capital humain ou une productivité différents, peuvent être plus ou moins attractifs ou dissuasifs (Bastard et al.2007). Dans le deuxième cas, l’effet de comportement, les magistrats modifieraient leur comportement pour pouvoir prétendre accéder aux postes du parquet. En effet, si le parquet nécessitait une formation différente ou une expérience différente de celles du siège, alors on devrait observer, de la part de la Chancellerie, des choix privilégiant la nomination à la hiérarchie du parquet d’ancien parquetier5.

4.1. La première affectation

Nous examinons tout d’abord le début de carrière. Rappelons que le premier poste est choisi selon le rang de classement, donc ne relève pas tout à fait des choix de chacun. En revanche la première mobilité, elle, obéit aux règles de la « transparence » et révèle les préférences des jeunes magistrats.

Les postes du parquet sont nettement surreprésentés parmi les postes offerts à la sortie de l’ENM : 40 % de ces postes sont des postes au parquet, alors qu’un quart seulement des magistrats en poste exercent au

5 Il faut noter cependant qu’on ne pourra pas distinguer un effet capital humain spécifique et un effet signal. Dans les deux cas, la Chancellerie privilégiera les anciens parquetiers dans les promotions et dans les deux cas les stratégies des magistrats iront vers davantage de spécialisation.

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parquet. Cette importante différence entre la nature des postes offerts aux jeunes et leur répartition dans l’ensemble du corps laisse penser qu’en avançant dans la carrière, les « parquetiers » sont nombreux à rejoindre le siège, libérant ainsi autant de postes au parquet... pour les débutants suivants.

Cette situation, correspond à trois cas possibles6 : (i) soit la Chancellerie estime que le passage par le parquet relève du parcours que tout magistrat doit avoir (les jeunes doivent donc pour une grande proportion d’entre eux « passer » par le parquet) ; soit (ii) le choix d’envoyer les débutants au parquet relève d’une préférence spécifique relativement rare chez les magistrats âgés et plus fréquente chez les magistrats jeunes7, et la Chancellerie s’est adaptée à cette préférence exogène ; soit (iii) il existe un phénomène de « lock in » : obliger les jeunes à passer par le parquet, et ainsi contraindre l’investissement en capital humain spécifique, pour inciter les jeunes magistrats à rester au parquet afin de rentabiliser cet investissement spécifique.

On observe aussi que la répartition entre le siège et le parquet est contrastée selon le sexe. En effet, ce sont près de 46 % des auditeurs « hommes » qui ont rejoint un poste « parquet », alors que ce n’est le cas que de 38 % des femmes. À noter que parmi elles, le parquet est nettement plus souvent « choisi » par les

« mademoiselle » (40 %) que par les « madame » (26 %). Cette différenciation due au genre et à la situation matrimoniale alimente l’hypothèse de préférences différenciées exogènes pour (ou contre) le parquet.

Le classement ne semble jouer en revanche que peu de rôle dans le « choix » entre le parquet et le siège, puisque les jeunes magistrats sont autour de 40 % à rejoindre le parquet quel que soit leur rang de sortie.

Tableau 3

RELATIONS ENTRE LE RANG DE SORTIE ET LA NATURE DES PREMIERS POSTES

(PROMOTIONS DAUDITEURS 2000 À 2003)

Source : Les sortants de l’ENM- traitement Matisse.

4.2. La première mobilité

L’étude de la première mobilité, dans la mesure où elle ne reflète que des mobilités volontaires, apporte un début d’éclairage sur le degré de satisfaction des jeunes magistrats vis-à-vis des postes obtenus à leur sortie de l’ENM.

Sur les 423 magistrats qui composent ces promotions susceptibles d’avoir changé de poste (promotion 2000 et 2001), près de la moitié avait déjà rejoint un nouveau poste en 2005. L’appartenance, en premier poste, au parquet ou au siège ne semble pas jouer de rôle majeur dans l’intensité des premières mobilités, puisque la part de ceux qui ont changé de poste est identique dans les deux types de fonctions : 47 % des magistrats du parquet et 48 % de ceux du siège ont connu une mobilité durant la période étudiée. On ne note pas de diminution des fonctions « parquet » à l’issue de cette première mobilité, tant chez les femmes que chez les hommes. Les passages du parquet au siège interviennent donc plus tardivement dans la carrière.

Si l’on examine les types de postes tenus par les seuls magistrats ayant changé de poste, le taux de passage du parquet au siège – et particulièrement le passage au siège pour occuper des fonctions de « jugement » – est faible : sur l’ensemble des 174 magistrats nommés en premier poste au parquet, 89 % sont encore au parquet en 2005. A contrario, parmi les 177 substituts en poste en juillet 2005, 87 % étaient déjà substituts à

6 Si toutefois la politique de la Chancellerie est supposée rationnelle.

7 Notons que l’accès à un poste en Île-de-France semble être nettement plus facile si l’on appartient au parquet plutôt qu’au siège : 22,5 % des postes de substituts proposés aux auditeurs sont en Île-de-France (du même ordre que la part des postes de substituts en Île-de-France soit 24,3 %) contre 12,3 % des premiers postes au siège (soit la moitié de la part des magistrats du siège en grade II en Île-de-France soit 23,2). Est-ce que la Chancellerie souhaite ainsi non pas imposer le parquet aux plus jeunes mais bien les attirer vers ces fonctions ?

1er à 20e 21e à 100e 101e à 180e 181e et plus Total

Parquet 40,0 % 40,3 % 42,8 % 38,9 % 40,6 %

Siège 60,0 % 59,7 % 57,2 % 61,1 % 59,4 %

Total 100 % 100 % 100 % 100 % 100 %

(22)

leur sortie de l’ENM, dans le même TGI ou non. Ils ont été rejoints au parquet par 23 magistrats du siège (dont 11 étaient juges d’instruction8).

Cette stabilité contredit l’hypothèse selon laquelle le parquet serait imposé aux débutants. Elle ne permet toutefois pas encore de discriminer entre les hypothèses d’un capital humain spécifique ou d’une préférence exogène.

4.3. Des préférences à la réalité

Parmi les jeunes magistrats interrogés sur la fonction qu’ils envisageaient au moment de leur entrée à l’École, ceux qui ont rejoint le parquet après leur scolarité étaient les plus nombreux à dire qu’ils n’avaient pas de souhait particulier : 60 % sont dans ce cas, alors qu’ils ne sont que 49 % parmi ceux qui ont rejoint le siège. Parmi ceux qui disent avoir eu comme unique souhait « initial » celui d’exercer au parquet (9 % seulement des cas), 80 % sont effectivement devenus substituts tandis que 5 % ont accédé à des postes de juge d’instruction. A contrario, un peu plus de 20 % de ceux qui sont sortis au parquet avaient souhaité être affectés au siège, dont 7 % à l’instruction. En revanche, parmi ceux qui occupent un premier poste au parquet, aucun ne déclare vouloir éviter le parquet dans le futur, ce qui infirme l’idée d’une désaffection pour la fonction.

Par ailleurs, les vœux des « élèves » ont souvent évolué au cours de la scolarité, notamment à la faveur des stages dans les diverses juridictions et fonctions. Par exemple, 109 des 383 magistrats qui n’avaient pas de projet précis au départ déclarent avoir formulé, suite à leurs stages, des projets parmi lesquels figurait le parquet.

De façon plus positive, lorsqu’on est magistrat du parquet, souhaite-t-on le rester ? À cet égard, on note que non seulement les substituts sont les plus nombreux (35 %) – après les juges d’instruction – à dire qu’ils n’envisagent pas de changer de fonction, mais aussi, qu’ils sont les moins nombreux – après là aussi les juges d’instruction – à se prononcer pour un changement de fonction. Ce résultat est d’autant plus intéressant qu’il faut prendre en compte l’ampleur des désirs de changements de localisation, les souhaits de changements de fonction pouvant évidemment être influencés par le fait que la quasi-totalité des magistrats souhaitent un changement de lieu d’exercice. C’est ainsi que seuls 20 % des substituts qui déclarent vouloir changer de fonction désirent rester dans la même localisation.

Tableau 5

RELATIONS ENTRE LES PROJETS À LENTRÉE À L’ENM ET LA NATURE DU PREMIER POSTE 1ers postes Æ

Projets à l’entrée Juge

Juge des enfants

Juge d’instance

Juge d’instruction

Juge placé

Substitut/

substitut placé

JAP Total Pas de projet 10,2 % 7,6 % 10,2 % 9,7 % 11,7 % 43,9 % 6,8 % 100 % Projet : parquet 1,5 % 3,1 % 1,5 % 4,6 % 4,6 % 80,0 % 4,6 % 100 % Projet : juge d’instance ou

parquet 100,0 % 100 %

Projet : siège ou parquet 100,0 % 100 % Projet : juge d’instruction ou

parquet 16,7 % 33,3 % 16,7 % 33,3 % 100 % Projet : siège 21,4 % 9,5 % 20,6 % 5,6 % 13,5 % 16,7 % 12,7 % 100 % Projet : juge des enfants 14,3 % 28,6 % 10,7 % 8,9 % 10,7 % 21,4 % 5,4 % 100 % Projet : JAP 20,0 % 40,0 % 40,0 % 100 % Projet : juge d’instruction 2,9 % 2,9 % 2,9 % 46,4 % 10,1 % 30,4 % 4,3 % 100 % Total 10,9 % 8,8 % 10,9 % 12,2 % 10,9 % 39,2 % 7,1 % 100 % Source : enquête spécifique Matisse.

8 Il existe une proximité entre les activités quotidiennes du parquet et de l’instruction tous deux en charge des enquêtes.

(23)

Tableau 6

MOBILITÉ FONCTIONNELLE SOUHAITÉE SELON LA PROMOTION DENTRÉE À L’ENM(PARQUET)

2000 2001 2002 2003 Total

Non réponse 6 % 1,4 % 4,7 % 3,8 % 3,9 %

Souhait de mobilité fonctionnelle : oui 46 % 52,2 % 29,4 % 24,4 % 36,5 % Souhait de mobilité fonctionnelle : non 32 % 30,4 % 44,7 % 32,1 % 35,5 % Ne sait pas 16,0 % 15,9 % 21,2 % 39,7 % 24,1 %

Total 100 % 100 % 100 % 100 % 100 %

Source : enquête spécifique Matisse.

Tableau 7

DEGRÉ DE SATISFACTION PAR RAPPORT AU POSTE OBTENU SUITE À LA MUTATION

Siège Parquet Total

Le nouveau poste figure parmi ceux souhaités le plus 79,3 % 83,3 % 80,9 % Le nouveau poste figure parmi ceux souhaités le moins 20,7 % 16,7 % 19,1 % Source : enquête spécifique Matisse.

Au total ces données réfutent l’idée d’un choix contraint du parquet, une sorte de « lock in » involontaire ; ils alimentent plutôt l’idée d’une préférence exogène liée à la situation familiale9 (conséquemment à l’âge) ou l’idée que le parquet serait « bien d’expérience » pour lequel la préférence se révèle à l’usage.

5. Choisir le parquet ou être choisi pour le parquet

À travers divers traitements du fichier de la « transparence » nous essayons de repérer du côté de l’offre s’il existe une politique sous-jacente de la Chancellerie dans ses affectations : quel type de magistrat privilégie-t- elle pour accéder aux postes du parquet et, en particulier, aux fonctions de procureur ? La politique de la Chancellerie consiste-t-elle à séparer le siège du parquet de manière précoce, ce qui sous-entendrait qu’elle considère qu’il existe un capital humain spécifique valorisable ? Du côté de la demande, nous essayons d’appréhender les souhaits des magistrats, en particulier leur souhait de mobilité entre le parquet et le siège pour repérer les préférences révélées en faveur du parquet.

En 2005, 786 magistrats avaient formulé une ou des demandes de poste au parquet. Parmi eux, 461 sont déjà au parquet10, soit 59 %. Une investigation plus précise nous permet de montrer que parmi les magistrats du siège qui demandent le parquet, la moitié sont déjà passés par le parquet au moins une fois durant leur carrière antérieure (l’autre moitié n’a jamais exercé au parquet). Au total, donc, 79 % des magistrats qui

« demandent » un poste au parquet sont soit déjà au parquet, soit déjà familiarisés avec le parquet.

Si l’on examine à présent le résultat du mouvement, il est très important de noter que 70 % des magistrats ayant obtenu un poste au parquet sont déjà au parquet au moment où ils bénéficient de leur nouvelle affectation, tandis que 30 % des magistrats qui sont nommés au parquet viennent du siège. Parmi eux, 44 % étaient toutefois déjà passés par le parquet dans leur carrière antérieure.

À la fin du mouvement on observe donc que 84 % des magistrats « nommés » à un poste au parquet sont passés par le parquet au moins une fois dans leur carrière. Sans autre indicateur nous pouvons faire l’hypothèse que la fermeture possible autour d’une filière « parquet » viendrait à la fois d’un effet demande et d’un effet offre (l’écart entre 84 % (résultat de la transparence) et 79 % (correspondant à la part des magistrats ayant déjà exercé au parquet et postulant au parquet) n’étant probablement pas statistiquement significatif). À ce stade, il semblerait bien que la Chancellerie ne mène donc pas de politique exclusive isolant le parquet du siège.

Reste pourtant à examiner le corollaire de cette même question : les postes du siège sont-ils demandés et offerts principalement à des magistrats du siège ? Les membres du parquet en sont-ils écartés ? Nous

9 Rappelons que notre variable d’entrée est la civilité (Melle ou Mme), ce qui fait sous-estimer les contraintes familiales réelles.

10 Tous grades confondus.

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centrons ici l’analyse sur les seuls procureurs et les procureurs-adjoints et examinons leurs demandes11. Cette année-là, 242 demandes émanent de 82 magistrats occupant un poste de procureur ou procureur adjoint.

Sur les 146 demandes de mutation qui émanent des procureurs, seules 28 (donc 19 % des demandes) sont des demandes en faveur du siège, les 81 % restants concernant des postes au parquet. En revanche, 46 % des demandes émanant des procureur-adjoints concernant des postes au siège, contre 54 % des postes au parquet. Cette différence peut s’interpréter comme une recherche de promotion de la part des procureurs adjoints, dont la carrière est bridée par le nombre restreint de postes de procureurs.

Du côté de l’offre, à la fin du mouvement, seuls 8 procureurs obtiennent une mutation sur les 56 procureurs qui se sont portés candidats sur un ou des postes ouverts, soit seulement 14 % de satisfaction. Ces 8 postes accordés sont tous au parquet, alors que, on le rappelle, 19 % des demandes des procureurs concernaient aussi des postes au siège. Malgré le faible nombre de postes, donc la faible robustesse des statistiques sur cette question, on pourrait formuler l’hypothèse que l’offre joue un rôle dans la fermeture relative du parquet : en cette année 2005, la probabilité d’être nommé au siège pour un procureur de la République était nulle.

Côté offre, toujours, seuls 4 procureurs adjoints sur les 96 postulants ont obtenu un nouveau poste (4 % d’entre eux). Parmi ces 4 postes accordés, un seul est au parquet. Notons que les 3 procureurs adjoints qui partent au siège reviennent en réalité au siège, puisqu’ils n’ont pas fait toute leur carrière au parquet. Ainsi, pour les procureurs adjoints, contrairement à ce qu’on observe pour les procureurs, 75 % de l’offre de postes va au siège, contre 46 % de la demande. Paradoxalement et contrairement à ce qui a été constaté à propos des procureurs, dans le cas des procureurs adjoints, l’offre ne semble pas contribuer à refermer le parquet sur lui-même, au contraire.

Reste à approcher la question de manière plus globale, en considérant tous les magistrats ayant obtenu un poste à l’issue de la procédure de transparence 2005. Ils sont 791 à avoir obtenu une mutation. Parmi eux, au moment du mouvement, 25 % sont au parquet et 70 % sont au siège, les autres étant des magistrats précédemment en disponibilité, détachement, etc. Par ailleurs, sur les 791 postes pourvus en 2005, 613 sont pourvus au siège, soit 76 % des postes, et 23 % au parquet. Pouvons-nous à présent répondre à notre question : est-ce qu’avoir un poste au siège constitue un atout pour avoir un poste au siège ou, symétriquement, est-ce qu’avoir un poste au parquet constitue un atout pour avoir un poste au parquet ? Dans le cadre de la transparence de 2005, à l’issue du « mouvement », sur les magistrats initialement au siège, 90 % restent au siège et 10 % vont au parquet. Sur les magistrats initialement au parquet, 58 % restent au parquet et 42 % vont au siège. En prenant la question du côté cette fois des « arrivées », parmi les magistrats nommés au siège, 82 % viennent du siège et 14 % viennent du parquet (le reste correspond à des magistrats en disponibilité ou détachement). Parmi les magistrats nommés au parquet, 30 % viennent du siège et 64 % viennent du parquet. Au vu de ces résultats, qui concernent encore une fois une seule (même si elle est importante) vague de nominations, on peut faire le constat d’une relative abondance des candidatures impliquant un « changement de fonction », surtout dans les débuts de carrière. On peut également formuler l’hypothèse que l’étanchéité relative des deux « branches » de la magistrature concerne bien davantage les postes les plus élevés de la hiérarchie.

Conclusion

Le débat autour de la séparation du parquet et du siège couvre de nombreux enjeux juridiques et politiques.

Un des enjeux peut également se formuler en termes économiques en ce qu’il recouvre la question de la spécialisation entre deux tâches qui ne serait efficiente que si ces deux carrières nécessitent la formation d’un capital humain spécifique.

Nous avons tenté de croiser et interpréter les données à travers trois sources principales d’enquêtes, afin d’alimenter telle ou telle hypothèse. Il apparaît que la spécialisation entre les deux filières de la magistrature est réelle dans les faits. En revanche, cette spécialisation semble moins être le fait d’une politique de la Chancellerie que d’un effet de demande et de disponibilité de postes. Il nous semble ainsi que le faisceau d’indices exploités ici alimente l’hypothèse de l’existence d’une préférence exogène pour le métier du

11 Rappelons que nous n’avons dans notre base de données que les procureurs qui demandent un des postes ouverts au mouvement en 2005.

(25)

parquet, cette préférence semblant liée notamment à un effet âge, genre et situation familiale. Elle semble également se révéler avec l’expérience au parquet, qui agit ici comme un « bien d’expérience ». Cela est évidemment compatible avec l’hostilité des magistrats à une scission du corps.

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