"On ne doit pas escamoter l’incompréhensible, mais non plus s’en servir comme d’une explication."
(Jean Rostand)
REMERCIEMENTS
Michel Goldman, merci de m’avoir accueilli dans votre laboratoire. D’avoir toujours été soucieux de notre enseignement et de la qualité de notre formation.
Oberdan Leo, merci de nous avoir suivi, Louis et moi ainsi que nos travaux. Merci pour cette chaleur et disponibilité qui vous/te caractérise. Merci pour toutes ces réponses quand les doutes, les questions ou les problèmes survenaient.
Samantha, merci d’avoir lancé cette topique dans le labo. J’espère ne pas te décevoir.
Alain, nous nous sommes connus lors de mon mémoire sur l’IL-‐6. C’est là que tu m’as appris les bases de l’immunologie. Je n’oublierai jamais notre première MLR ensemble dans le bâtiment GE. Déja à ce moment là, tes explications et tes schémas de souris rectangulaires sur quelques feuilles de brouillons faisaient grandir en moi une fascination pour la recherche.
Quelle relation formidable ... malgré cette différence d’âge que tu as su si habilement faire disparaître. Tu es un véritable moteur de reflexion. Tes idées et ton enthousiasme pour nos recherches ont su me redonner du baûme au coeur quand le désespoir gagnait nos esprits.
Malgré un agenda très (trop ?) chargé, tu as toujours été là et, à cet égard, dire que tu es disponible paraît comme une lapalissade. En tant qu’ami et élève, je tâcherai de faire de même.
Louis, merci d’avoir supporté mes sifflements, chansons, bruits ou autres chiparderies...
Merci pour TOUT ce que tu m’as appris, nos discussions interminables, ton aide et ta perspicacité sans lesquels ce travail n’aurait jamais été ce qu’il est. Ton esprit scientifique de déduction a été un exemple. J’espère que l’on se reverra bientôt pour boire une bière ensemble (en Belgique , en France ou aux Etats-‐Unis...). Je suis sûr que nous aurons le choix dans la date.
Philou et Chloé, ces longues heures de co-‐voiturage ont fait de nous de véritables confidents. Grâce à cela, nous connaissons les moindres recoins de nos personalités respectives. Et nous les respectons mutuellement. Merci pour vos conseils, d’ordre humain ou scientifique. Merci pour les rires incessants, les blagues, les quicks et toutes ces formidables aventures.
Elie, merci pour tout l’aide et l’intérêt que tu me portes chaque jour. Tes compétences informatiques ont été une aide précieuse.
Alexa, merci d’avoir relu ce manuscrit et d’embellir mon existence chaque jour. Grâce à toi j’ai l’impression d’avoir réussi ma vie. Merci de m’avoir écouté, et de m’aider chaque jour à prendre les bonnes décisions professionnelles ou familliales.
Merci à toutes les personnes du laboratoire avec lesquelles j’ai partagé tous ces moments de vie. Votre présence en nombre et la gentillesse de tous vos messages sur notre carte d’adieu m’on fait chaud au coeur.
TABLE DES MATIÈRES
SUMMARY 1
RÉSUMÉ 3
INTRODUCTION 5
I. LE REJET D’ALLOGREFFES 5
1. LA RECONNAISSANCE DES ALLOANTIGENES 5
2. LES LYMPHOCYTES T ALLOREACTIFS 8
II. LES LYMPHOCYTES TH17 15
1. DIFFERENCIATION 15
2. INHIBITIONS CROISEES DES VOIES TH1, TH2 ET TH17 16
3. LA PLASTICITE DES TH17 18
4. L’INTERLEUKINE-‐17A 19
III. LA TOLERANCE IMMUNITAIRE ET LES TREG 24
1. LA TOLERANCE CENTRALE 24
2. LA TOLERANCE PERIPHERIQUE 25
3. LES LYMPHOCYTES T REGULATEURS 27
IV. LES TREG EN TRANSPLANTATION 42
1. LES TREG DOIVENT-‐ILS ETRE ALLOSPECIFICIQUES ? 42
2. L’EXPLOITATION DES TREG EN CLINIQUE 45
3. LES TREG : UNE LIGNEE STABLE ? 50
V. LA COSTIMULATION LYMPHOCYTAIRE 54
1. LES MOLECULES COSTIMULATRICES DE LA SUPERFAMILLE DES IG 54
2. LES MOLECULES DE LA FAMILLE TNF-‐TNF RECEPTEUR 59
3. LES MOLECULES DE LA FAMILLE TIM 60
BUT DU TRAVAIL 63
MODELES EXPERIMENTAUX 65
I. MODELES D’ALLOREACTIVITE DIRIGEE CONTRE LES ANTIGENES MINEURS HY 65 II. MODELE D’ALLOREACTIVITE BASE SUR UNE DISPARITE ISOLEE DU CMH II 65
III. TECHNIQUE D’EXPANSION DES TREG IN VIVO 66
I.L T 17 ’
SONT FAVORISES PAR LES TREG. 67
II. L’IL-‐17A FAVORISE LA SURVIE D’ALLOGREFFES A LONG TERME INDUITE PAR LES TREG EN INHIBANT LA REPONSE
TH1 71
III. LE CTLA4-‐IG ABOLIT L’ACCEPTATION D’ALLOGREFFE PORTANT UNE DISPARITE DU CMH II EN ALTERANT LES TREG.
73
DISCUSSION ET PERSPECTIVES 77
I. LE REJET TH17 ANTI-‐HY 77
II. LE ROLE PROTECTEUR DE L’IL-‐17A A L’EGARD DU REJET 85
III. LE CTLA4-‐IG PEUT FAVORISER LE REJET EN ALTERANT LES TREG 87
CONCLUSION 95
REFERENCES 97
SUMMARY
Immune homeostasis relies on a subtle balance between fight towards pathogens and inhibitory mechanisms that prevent inappropriate responses against self and environmental antigens (allergy). Regulatory T (Treg) cells play a central role in this balance. Optimizing Treg effects represents a promising approach for new stratetiges aiming to induce or restore tolerance against allo or self antigens. The first part of this work demonstrates that CD4+ lymphocytes that secrete IL-‐17A (Th17) promote allograft rejection in a murin model of skin transplantation with minor antigen disparities. Interestingly, Treg cells strengthen rather than inhibit Th17 effector mechanisms in this model. Indeed, we found that in vivo Treg depletion prevented IL-‐17 production by recipient T cells. An adoptive cotransfer of Treg with naive monospecific antidonor T cells in lymphopenic hosts biased the immune response towards a dominant Th17 phenotype. Finally, we observed that IL-‐6 was central for balancing Treg and Th17 cells as demonstrated by the prevention of Th17 differentiation, the enhanced Treg/Th17 ratio, and rejection blockade in the absence of IL-‐6. In conclusion, the ability of Treg to promote a Th17 pathway of rejection we described should be considered as a potential drawback of Treg-‐based cell therapy.
Based on the hypothesis that Treg promote Th17 immune response, we tested the effect of IL-‐17A neutralization in a model in which long-‐term skin allograft survival depends on a transient in vivo Treg expansion induced by exogenous IL-‐2. As expected, IL-‐2 administration prevented rejection of MHC class II disparate skin allografts. Surprisingly this treatment was inefficient in IL17A-‐/-‐ recipients. We attested that IL-‐17A was not required for IL-‐2-‐mediated Treg expansion, recruitment or suppressive capacities. Instead, IL-‐17A prevented allograft rejection by inhibiting Th1 alloreactivity independently of Treg. Indeed, T-‐bet expression of naïve alloreactive CD4+ T cells and the subsequent Th1 immune response was significantly enhanced in IL-‐17A deficient mice. Our results illustrate, to our knowledge, for the first time a protective role of IL-‐17A in CD4+-‐mediated allograft rejection process.
In the last part of this work, we used the same mouse model of MHC class II-‐mismatched skin grafts in which long-‐term acceptance is achieved by a short-‐term administration of exogenous IL-‐2. We first confirmed that Tregs play a central role in preventing skin graft rejection as attested by the prompt donor skin destruction occuring after Treg cell depletion.
that Treg-‐mediated suppresion absolutely required CD28-‐B7 or CTLA4/B7 interactions.
Further experiments showed that CTLA4-‐Ig inhibited IL-‐2-‐driven Treg expansion, and prevented in particular the occurrence of ICOS+ Treg endowed with potent suppressive capacities. Restoring CD28 signaling was sufficient to counteract the deleterious effect of CTLA4-‐Ig on Treg expansion and functionality, in keeping with the hypothesis that costimulatory blockade inhibits Treg expansion and function by limiting the delivery of essential CD28-‐dependent signals. Inhibition of regulatory T cell function should therefore be taken into account when designing tolerance protocols based on costimulatory blockade.
RÉSUMÉ
Le bon fonctionnement du système immunitaire résulte d’un équilibre entre les réponses immunes « effectrices » qui luttent contre les pathogènes et des mécanismes
« régulateurs » permettant de les contrôler. Parmi ces mécanismes inhibiteurs, les lymphocytes T régulateurs (Treg) jouent un rôle crucial. En empêchant le débordement des réponses effectrices, ils préviennent l’apparition des allergies et des maladies auto-‐immunes ou inflammatoires. Dès lors, il est aisé d’imaginer le potentiel thérapeutique de ces cellules pour contrecarrer les phénomènes autoimmuns ou les réponses allogéniques responsables du rejet en transplantation. C’est donc l’étude des Treg chez la souris qui se trouve au centre des nos préoccupations dans ce travail.
Dans la première partie, nous avons démontré le rôle des lymphocytes CD4+ sécréteurs d’IL-‐
17A (Th17) dans le rejet de greffe de peau présentant une disparité d’antigène mineur de transplantation. Dans ce modèle de rejet « Th17 », les données indiquent que, contrairement aux lignées Th1 et Th2, la réponse Th17 est favorisée par les Treg renversant ainsi le paradigme absolu du « Treg inhibiteur ». En effet, la déplétion des Treg dans notre modèle abolit l’expression des gènes caractéristiques de la voie Th17. De plus, dans un système de transfert adoptif chez la souris lymphopénique, l’ajout de Treg à une population T CD4+ effectrice naïve favorise leur différenciation en Th17. Enfin, en invalidant le gène de l’IL-‐6 dans notre combinaison allogénique mineure, nous avons mis en évidence la place importante de cette cytokine dans le rejet Th17 ainsi que dans la balance Th17/Treg en alloimmunité.
En partant du postulat que les Treg favorisent les réponses Th17, nous avons étudié l’impact de la déficience en IL-‐17A dans un modèle de greffe de peau réalisée en présence de quatités acrues de Treg. Pour cela, nous avons utilisé un modèle de rejet induit par une disparité isolée du CMH II au cours duquel les Treg sont amplifiés par l’injection d’IL-‐2 exogène durant les trois premiers jours de greffe. Dans ce système, l’expansion transitoire des Treg chez le receveur « sauvage » bloque le rejet dans 75% des cas jusqu’au jour 60 après la greffe sans le moindre traitement immunosuppresseur. Contre toute attente, l’absence d’IL-‐17A dans ce système restaure le rejet (receveurs IL-‐17A-‐/-‐). Nous avons
inhibant la réponse Th1 indépendamment des Treg. Ce point est appuyé par l’exacerbation de la voie Th1 chez le receveur IL-‐17A-‐/-‐ et l’inhibition de l’expression de T-‐bet sous l’influence de l’IL-‐17A en culture mixte lymphocytaire. Paradoxalement, cette partie du travail rapporte donc un effet protecteur de l’IL-‐17A illustrant toute la complexité des rȏles joués par cette cytokine.
La dernière partie du travail utilise le mȇme modèle de greffe de peau allogénique (disparité du CMH II) dans lequel le rejet aigu est bloqué par l’expansion in vivo des Treg induite par l’IL-‐2 exogène. Nous avons confirmé que l’acceptation à long terme des greffons repose sur les propriétés inhibitrices des Treg amplifiés. Cette inhibition du rejet nécessite impérativement l’intégrité des interactions survenant entre les Treg et les cellules présentatrices d’antigènes du receveur via les molécules B7/CD28. L’ajout de CTLA4-‐Ig, un immunosuppresseur bloquant les interactions de ces molécules, conduit invariablement à l’accélération paradoxale du rejet. Cet effet pro-‐inflammatoire du CTLA4-‐Ig, s’explique par une action délétère sur la survie et la qualité des Treg. En conclusion, les données expérimentales obtenues dans ce dernier volet démontrent l’effet délétère potentiel de ce type de traitement dans les protocoles d’induction de tolérance basé sur l’emploi des Treg.
INTRODUCTION
I. Le rejet d’allogreffes
Notre système immunitaire nous protège des pathogènes tout en respectant l’intégrité de nos tissus. Ceci résulte de mécanismes actifs qui distinguent ce qui est étranger à notre organisme (les antigènes du non-‐soi) et ce qui lui est propre (les antigènes du soi). Lorsque qu’un patient bénéficie d’une greffe d’organe provenant d’un tiers génétiquement différent, le greffon est rapidement rejeté si aucune immunosuppression n’est induite. Cette perte du greffon d’origine immunologique résulte de la reconnaissance par les lymphocytes T du receveur des alloantigènes du donneur présents au sein du tissu transplanté.
1. La reconnaissance des alloantigènes
L’allogreffe (« allo » signifie « autre » en grec) concerne toute transplantation faisant intervenir un donneur et un receveur différents appartenant à la même espèce. Les alloantigènes sont donc les antigènes « de l’autre » perçus comme étranger par le système immunitaire. Ce phénomène est l’alloréactivité. Pour être reconnus, ils doivent être présenté à la surface de cellules dites « présentatrices d’antigènes » (CPA) comme les cellules dendritiques (DC), les macrophages, les lymphocytes B. Les DC, appelées « CPA professionnelles », sont spécialisées dans cette fonction. En pratique, on distingue les antigènes majeurs et les antigènes mineurs d’histocompatibilité.
1.1. Les antigènes majeurs
Ces antigènes sont constitués par les Complexes Majeurs d’Histocompatibilité (CMH) de classe I et de classe II. Chez l’homme, les antigènes du CMH sont aussi appelés HLA pour
«Human Leukocyte Antigen». La fonction physiologique des CMH est de présenter les antigènes aux lymphocytes T. Ainsi, le lymphocyte T reconnaît grâce à son récepteur T (TCR) le complexe formé par un peptide antigénique logé au sein du CMH. A l’échelle de l’humanité, les individus ont intérêt à générer de nombreuses molécules du CMH capables de présenter le plus grand nombre de peptides aux lymphocytes T. Ceci permettra de défendre l’organisme contre un nombre élevé de pathogènes. L’expression codominante des
deux haplotypes des CMH et le polymorphisme allélique entrainent une incroyable diversité des CMH au sein de la population. Cependant, cette diversité impose tant de disparités allogéniques qu’elle réduit fortement les chances de trouver un donneur d’organe compatible.
1.1.1. Les CMH de classe I (CMH I)
Les locus du CMH I incluent les gènes codant pour les molécules HLA-‐A, HLA-‐B, HLA-‐C chez l’homme et H-‐2K, H-‐2D, H2-‐L chez la souris. Le CMH I est exprimé constitutivement sur toutes les cellules nucléées et présentent aux lymphocytes T CD8+ cytotoxiques des peptides issus de la cellule elle-‐même. Ainsi, le CMH I présente des peptides viraux ou tumoraux à la surface de la cellule malade qui sera la cible des lymphocytes cytotoxiques.
1.1.2. Les CMH de classe II (CMH II)
Les locus du CMH II incluent chez l’homme les gènes codant pour les molécules HLA-‐DP, HLA-‐DQ, HLA-‐DR chez l’homme et H-‐2I-‐A (I-‐A), H-‐2I-‐E (I-‐E) chez la souris. A l’état de base, le CMH II n’est exprimé qu’à la surface des CPA (DC, monocytes, macrophages et lymphocytes B). Néanmoins, l’expression des CMH II peut être induite par certaines cytokines comme l’interféron-‐γ (IFN-‐γ) sur d’autres cellules (endothéliales, épithéliales). Le CMH II présente aux lymphocytes T CD4+ des peptides exogènes provenant de protéines extracellulaires préalablement phagocytées.
En transplantation, il existe deux voies de reconnaissance des alloantigènes:
− la voie directe par laquelle les lymphocytes alloréactifs reconnaissent directement les molécules du CMH intactes à la surface des CPA du donneur. Les CMH I seront reconnus par les lymphocytes CD8+ et les CMH II par les lymphocytes CD4+.
− la voie indirecte est la voie physiologique de présentation. Les molécules de CMH allogéniques sont d’abord phagocytées par une CPA de l’hôte puis présentées sous forme de peptides dans un CMH II aux lymphocytes T CD4+.
1.2. Les antigènes mineurs
Les antigènes mineurs dérivent des protéines qui sont sujettes à un polymorphisme au sein d’une population, et qui ne constituent pas les CMH. Ainsi, une greffe réalisée entre individus identiques pour les CMH mais différents pour d’autre loci sera aussi rejetée. Par exemple, entre deux souches murines identiques pour les molécules CMH, les nombreuses
disparités antigéniques mineures activent un vaste répertoire de lymphocytes alloréactifs conduisant à un rejet tout aussi puissant que celui induit par les disparités de CMH. Chez les patients bénéficiant d’une greffe de moelle familiale HLA compatible, les lymphocytes T du donneur reconnaissent de multiples antigènes mineurs de l’hôte présentés dans les CMH qui leurs sont communs. Cette alloréactivité est à l’origine de la maladie du greffon contre l’hôte (Graft versus Host Disease ou GvHD) qui sera d’autant plus sévère que les lymphocytes T CD4+ et CD8+ réagissent à l’égard d’un nombre croissant d’antigènes mineurs.
1.2.1. Le cas de l’alloréactivité anti-‐HY
Un exemple classique d’alloréactivité mineure est la réponse de l’individu femelle à l’égard des protéines encodées par certains gènes du chromosome sexuel Y (par exemple les gènes smcy, UTY, DBY). N’étant pas codées par le chromosome X, ces protéines sont perçues comme étrangères (non-‐soi) par la femelle et génèrent l’apparition de peptides antigéniques appelés collectivement « antigènes HY » ou « antigènes mâles ». L’alloréactivité dirigée contre les antigènes mineurs HY est un phénomène bien connu en clinique. En effet, bien que faisant intervenir un répertoire alloréactif peu important (0.01-‐0.1%)1, la disparité sexuelle entre donneur et receveur est un facteur aggravant du rejet en greffe de cellules souches hématologiques.2,3
Les peptides HY peuvent être présentés dans le CMH I et le CMH II. De ce fait, les antigènes mâles sont reconnus par les lymphocytes T CD4+ et CD8+. Chez la souris, la réponse contre ces antigènes varie selon la souche étudiée. Ainsi, les femelles C57BL/6 (B6) (haplotype H-‐2b) rejettent rapidement une greffe de peau mâle syngénique alors que les femelles CBA (haplotype H-‐2k) en sont incapables, à moins d’être préalablement immunisées.4,5 Ceci indique que le type d’allèle MHC conditionne (au moins en partie) la capacité à présenter les peptides HY aux lymphocytes T. Chez l’homme, ce sont deux peptides dérivés du gène Smcy qui ont été découverts initialement. Ils sont présentés dans le CMH I portant les allèles HLA-‐
B7 et HLA-‐A2.6,7 Ensuite, un deuxième gène appelé « UTY » est identifié comme codant pour un épitope HY présenté par dans le CMH I de type HLA-‐B60.8 Plus tard, des peptides reconnus par des clones T CD4+ sont aussi décrits. C’est le cas du gène DBY qui code pour un peptide HY dont la reconnaissance optimale par des clones CD4+ ne survient que s’il est présenté dans le CMH II portant l’allèle HLA-‐DQ5.9 Notons que les trois gènes Smcy, UTY et DBY décrit chez l’homme ont leur équivalent chez la souris.10
Environ 0.1% des lymphocytes T CD8+ spléniques reconnaissent les antigènes mâles logés dans le CMH I à la surface des CPA du donneur.1 Il s’agit donc de la voie directe de reconnaissance. Cependant, Il est possible d’immuniser une souris femelles vis-‐à-‐vis des antigènes HY en injectant des CPA mâles qui n’ont aucun allèle CMH en commun. Dès lors, en vertu de la sélection thymique qui force le lymphocyte T à ne reconnaître un peptide que s’il est présenté dans un CMH du soi, cette observation suggère que les CPA femelles ont internalisé les antigènes mâles et les ont présentés dans du CMH I bien qu’ils s’agissent de protéines exogènes. Ce phénomène est appelé « cross-‐priming ». La preuve irréfutable de ce phénomène découle de l’observation suivante: la souris femelle MataHari, qui ne possède que des lymphocytes T CD8+ reconnaissant le peptide HY présenté uniquement dans du CMH I de type H-‐2b, rejette une greffe de peau mâle de souche H-‐2k.11
En ce qui concerne les lymphocytes T CD4+, c’est la voie indirecte de reconnaissance des antigènes HY qui domine. En effet, puisque le CMH II (avec lesquels ils interagissent) présente principalement les antigènes exogènes, les CPA du donneur mâle n’expriment pas ou peu de peptides HY au sein de leur CMH II.12 Cette hypothèse s’appuie sur les travaux de Yifa Chen qui a réalisé une greffe mâle chez la souris femelle « Marylin » qui ne possède que des lymphocytes T CD4+ monoclonaux dirigés contre un antigène HY présenté dans du CMH II (I-‐Ab). En effet, le rejet observé est tout aussi violent que le greffon mâle soit CMH II-‐/-‐ ou CMH II+/+. Inversement, le greffon mâle n’est pas rejeté par la femelle CMH II-‐/-‐ reconstituée par des lymphocytes CD4+ Marylin anti-‐mâle.13
2. Les lymphocytes T alloréactifs
2.1. L’activation lymphocytaire
Le lymphocyte T naïf s’active lorsqu’il reconnaît son antigène présenté dans le CMH de l’CPA.
Deux signaux sont nécessaires à ce processus. Le «signal 1» correspondant à l’engagement du TCR sur le CMH couplé au peptide. Le «signal 2» est un signal dit « de costimulation » qui abaisse le seuil d’activation du TCR. Cette costimulation résulte de l’interaction de molécules exprimées à la surface des CPA et des lymphocytes. Par exemple, le CD28 qui est exprimé par le lymphocyte T interagit avec ses ligands B7.1 (CD80) et B7.2 (CD86) à la surface des CPA.14 La conjonction de ces deux signaux active plusieurs cascades de signalisation intracellulaires menant à l’activation de facteurs de transcription tels que Rel, NF-‐κB et NF-‐
AT. Une fois activés, ceux-‐ci migrent vers le noyau pour activer la transcription des gènes codant pour l’Interleukine-‐2 (IL-‐2), la chaîne α de son récepteur (CD25) ou encore des facteurs anti-‐apoptotiques (Bcl-‐xL). De façon autocrine, l’IL-‐2 induit la prolifération des clones activés. Une fois activés dans les ganglions drainant la greffe, les lymphocytes acquièrent leurs fonctions effectrices et migrent vers la greffe où ils causeront les dommages tissulaires responsables du rejet.
En situation d’homéostasie, les cellules dendritiques n’expriment que faiblement les molécules de CMH I, CMH II et de costimulation. Elles sont dites « immatures » et ne stimulent que faiblement les lymphocytes T. En transplantation, c’est l’inflammation liée à la chirurgie et aux phénomènes d’ischémie/reperfusion qui provoqueront la «maturation» des DC. Celles-‐ci exprimeront alors fortement les molécules B7, du CMH et d’adhésion telle qu’ICAM-‐1. Les DC matures migrent ensuite du greffon vers les organes lymphoïdes secondaires (ganglions, rate) où elles activent les lymphocytes T alloréactifs.
2.2. Les lymphocytes T CD8+ cytotoxiques
En reconnaissant les disparités de CMH I par la voie directe, les lymphocytes T CD8+ s’activent et jouent un rôle majeur dans le rejet d’allogreffes.15 Une fois activés, ils libèrent leurs granules cytoplasmiques contenant la perforine et le granzyme, ce qui conduit à la mort de la cellule cible par apoptose.
Les lymphocytes CD8+ constituent une source précoce d’IFN-‐γ qui, en agissant directement sur les lymphocytes CD4+ naïfs, oriente leur différenciation vers la voie Th1.16 De plus, l’IFN-‐γ stimule la production d’IL-‐12 par les DC, ce qui renforce à nouveau la réponse Th1.
2.3. Les lymphocytes T CD4+ auxiliaires
Les lymphocytes T CD4+ auxilliaires (appelés « T helper » (Th) en anglais) sont classifiés en au moins 5 catégories (Th1, Th2, Th9, Th17 et Tfh). Chaque catégorie correspond à un phénotype particulier défini par des cytokines produites, des molécules membranaires et surtout l’expression d’un facteur de transcription spécifique qui induit la synthèse de ces protéines (figure 1). En apportant des signaux d’aide aux autres intervenants de l’immunité, les lymphocytes CD4+ organisent les voies effectrices de la réponse immune. Au cours du processus de différenciation survenant après l’engagement du TCR, les lymphocytes CD4+ activés acquièrent leur phénotype sous l’influence du climat cytokinique qui les environne.
Figure 1 : Les sous-‐groupes de lymphocytes T CD4+ auxilliaires (Th)
Après la reconnaissance de son antigène cognitif, le lymphocyte auxilliaire naïf (Th0) s’active et acquiert un phénotype particulier en fonction du climat cytokinique qui l’entoure (flèches noires).
Chaque sous-‐groupe se définit par l’expression d’un facteur de transcritpion « clé » (bleu) qui induit secondairement la transcritpion de gènes codant pour des cytokines (vert) ou des récepteurs aux chimiokines (rose). Grâce à l’acquisistion de leurs nouvelles fonctions, les lymphocytes CD4+ aident et/ou recrutent les cellules effectrices (bordeau) de la réponse immune dans laquelle ils sont impliqués (noir).
Granzyme B Perforin
Tc
!"
!"
!"
!"
!"!!"
!"!!"!"!
Th
1 IFN-TNF-!"IL-12 IFN-!
Th
17IL-6
IL-17A/F IL-22 IL-4
Th
2 IL-4 IL-5 IL-13APC
Tfh Th
0Th
9Th
22CD4 CD8
TGF-#
STAT4/1
STAT6 IRF4
STAT6 IRF4
STAT3
STAT3
ICOS STAT3
T-bet
GATA-3
PU.1
ROR!
BcL-6 AhR
IL-4/IFN-!/IL-17 IL-21
IL-22 IL-26 TNF-"
IL-9 IL-10
TNF IL-6 IL-21
Cytotoxic response Intracellular pathogens
Autoimmunity
Extracellular Parasites Allergy/Asthma
FIbrosis
Allergy/Asthma
Fungi and extracellular Bacteria
Autoimmunity
Skin immune response Autoimmunity
Humoral response Autoimmunity NK cells
CD8+ T cells M1 Macro
Basophils Eosinophils
M2 Macro
Mast cells Smooth muscle
Neutrophils Macrophages
CD8+ T cells
Skin DC Epith. cells
B cells
Immune responses Responders
Cytokines Master trans. fact.
iTreg Tr1
STAT1AhR FoxP3
IL-27
IL-10 TGF-#
IL-35
IL-10 IFN-!
Grz B TGF-#
CCR5 CXCR3
CCR6
CCR7
CCR4 CCR6
IL-2
CCR4 CCR8
Smad3
IL-25
CXCR5
IL-23
Immune regulation / Cancer MHC I
MHC II
Chemok. Rec.
2.3.1. La réponse Th1
Les lymphocytes CD4+ Th1 organisent l’immunité cellulaire. Par exemple, lors d’une infection virale, les Th1 produisent de l’IFN-‐γ et du TNF-‐α qui permettent de recruter des cellules cytotoxiques tels que les lymphocytes CD8+, les macrophages ou les cellules Natural Killer (NK) qui détruiront la cellule infectée. Les Th1 peuvent aussi lyser directement les cellules du greffon en déclenchant leur apoptose par l’intermédiaire des interactions moléculaires Fas/Fas-‐ligand.17
L’IL-‐12 et l’IFN-‐γ sont deux cytokines clés pour la différenciation Th1. Le lymphocyte CD4+ naïf exprime constitutivement le récepteur à l’IFN-‐γ qui, par l’intermédiaire de STAT1, stimule l’expression du facteur de transcription T-‐bet indispensable à l’acquisition du phénotype Th1.18 En effet, T-‐bet va induire la production d’IFN-‐γ créant ainsi une boucle d’amplification. De plus, T-‐bet stabilise l’expression de la chaîne β2 du récepteur à l’IL-‐12, cytokine produite par les DC matures et les macrophages activés. L’IL-‐12 active alors la voie de signalisation JAK2-‐STAT4 qui, à son tour stimule l’expression de T-‐bet. Cette production d’IL-‐12 pas les DC est dépendante des interactions membranaires CD40-‐CD40L avec les lymphocytes comme l’illustre le déficit de l’immunité Th1 chez la souris CD40-‐/-‐.19
En transplantation, l’IFN-‐γ favorise le rejet par différents mécanismes :
• Il augmente l’expression des CMH rendant la greffe plus immunogène. Ainsi, dans le modèle d’allogreffe bm12 chez la souris B6, l’IFN-‐γ est indispensable pour induire le rejet car il permet l’expression de l’unique alloantigène : le CMH II.
• Il renforce la voie Th1 en stimulant la production d’IL-‐12 par les CPA.
• Il induit la synthèse des chimiokines CXCL9, CXCL10 et CXCL11 par les cellules endothéliales ou épithéliales. En se fixant à leurs récepteurs CXCR3 et CCR5, ces chimiokines recrutent les lymphocytes CD8+, les macrophages, les NK et enfin les Th1 eux-‐même créant une boucle d’amplification de la voie Th1. Ainsi, le blocage simultané de CXCR3 et de CCR5 retarde le rejet dans un modèle de greffe comportant des disparités antigéniques majeures et mineures.20
• Il induit l’apoptose de la cellule cible par une activité cytotoxique directe.
A l’opposé, d’autres travaux ont démontré un rôle protecteur de l’IFN-‐γ. Ce concept est illustré par le rejet accéléré observé chez le receveur IFN-‐γ-‐/-‐ dans des modèles
expérimentaux d’induction de tolérance21-‐23. Ce rôle régulateur résulte de plusieurs mecanismes :
• L’IFN-‐γ induit la synthèse de l’indoleamine 2,3-‐dioxygenase (IDO) par de nombreuses cellules dont les DC. Cette enzyme immunorégulatrice dégrade le tryptophane indispensable à la survie des lymphocytes T in vivo.24 Le rôle inhibiteur de l’IDO sur les réponses lymphocytaires T a été illustré dans des modèles d’allogreffes22,23, d’immunosuppression péritumorale ou de tolérance materno-‐fœtale.
• L’IFN-‐γ prévient l’expansion excessive des clones T activés en participant aux phénomènes d’AICD (Activtion Induced Cell Death) qui requiert l’activation de la caspase 8 par l’axe IFN-‐γ/STAT1.25
• L’induction de lymphocytes T régulateurs allospécifiques dans des modèles de tolérance en transplantation est quasiment abolie chez le receveur IFN-‐γ-‐/-‐.24 Ce phénomène dépendant de l’enzyme INOS (Inducible NO Synthase) implique l’effet direct de l’axe l’IFN-‐
γ/STAT1 sur le lymphocyte CD4+ naïf.26
• Enfin, par son action inhibitrice sur la différentiation Th2 et Th17, l’IFN-‐γ pourrait aussi contrôler ces voies de rejet.27
2.3.2. La réponse Th2
Les Th2 organisent les réponses antiparasitaires et allergiques caractérisée par le recrutement d’éosinophiles, de basophiles, de mastocytes et la production d’IgE. La signature cytokinique associe typiquement l’IL-‐4, l’IL-‐5, l’IL-‐9 et l’IL-‐13. Les lymphocytes Th2 se différencient sous l’influence de L’IL-‐4 qui, en activant STAT6, permet l’expression du facteur de transcription GATA-‐3.28 A son tour, GATA-‐3 se fixe à une séquence non codante (HS2) du locus de l’IL-‐4 et entraine l’acétylation et la méthylation des histones H3 (H3K9ac, H3K14ac, H3K4me).29 Ces modifications épigénétiques activent alors la synthèse d’IL-‐4 par les lymphocytes Th2 eux-‐mêmes créant une boucle d’amplification. Cependant, ce qui initie la production d’IL-‐4 est un sujet controversé. Pour certains, ce sont les DC qui initient la voie Th2 suite à la génération de dérivés réactifs de l’oxygène. Pour d’autres, c’est la production d’IL-‐4 par les basophiles qui est à l’origine du biais Th2.30 En raison de la forte inhibition de l’IFN-‐γ sur la différenciation Th2, cette voie de rejet apparaît surtout lorsque la production précoce d’IFN-‐γ par les lymphocytes CD8+ est absente. C’est le cas des rejet de greffes
présentant des disparités isolées du CMH II où de nombreux éosinophiles recrutés sous l’influence de l’IL-‐5 infiltrent le greffon.16
2.3.3. Les lymphocytes Thf et Th9
Les lymphocytes Th folliculaires (Thf) ont pour mission d’aider les lymphocytes B à produire des anticorps. Grâce à leur facteur de transcription Bcl-‐6, ils expriment le récepteur CXCR5 responsable de leur localisation folliculaire, ICOS, l’IL-‐21 et l’IL-‐4.31
Les lymphocytes Th9 se caractérisent par la production d’IL-‐9, d’IL-‐10 et l’expression du facteur de transcription PU-‐1. Ils se différencient sous l’action coordonnée de l’IL-‐4 et du TGF-‐β et participent aux réactions allergiques observées dans l’asthme.32 En transplantation, l’IL-‐9 produite par les Treg semble avoir un rôle crucial dans l’induction de tolérance en recrutant les mastocytes.33
2.3.4. Les lymphocytes Th17
Etant donné la place importante que ces lymphocytes occupent dans ce travail, un chapitre entier leur sera consacré.
Figure 2 : Effet différentiel de l’IL-‐6 sur la balance Th17/Treg.
L’IL-‐6 induit l’expression de RORγ de deux manières. 1) Représentée par les flèches vertes, l’IL-‐6 active STAT3 et l’axe mTOR/HIF-‐1. Dans le noyau, pSTAT3 et HIF-‐1 se fixe au promoteur de RORγ et active sa transcription dépendante du facteur Runx1 (non représenté). Ensuite, RORγ, pSTAT3 et HIF-‐1 s’associe pour amorcer la lecture du gène de l’IL-‐17A. 2) Représentée par les flèches rouges, l’IL-‐6 lève l’inhibition de RORγ par Foxp3.
En effet, HIF-‐1 et mTOR inhibe Foxp3 soit directement soit en accélérant sa dégradation.
II. Les lymphocytes Th17
Les lymphocytes Th17 luttent contre les bactéries extracellulaires et les champignons. Ils portent leur nom en raison des grandes quantités d’IL-‐17A qu’ils produisent. Par l’intermédiaire de cette cytokine, ils occupent une place importante dans la physiopathologie de certaines maladies autoimmunes.
1. Différenciation
Le TGF-‐β est indispensable à la différenciation Th17 car il induit RORγ (Retinoïc acid receptor-‐related orphan receptor γ) qui est le facteur de transcription clé de cette voie.27 De plus, le TGF-‐β induit aussi l’expression simultanée de Foxp3, le facteur de transcription qui convertit les cellules T CD4+ naïves en Treg. Cependant, sous l’action isolée du TGF-‐β, seul Foxp3 s’exprime grâce à la forte inhibition qu’il exerce directement34 et indirectement sur RORγ (via Runx1).35 Dès lors, l’émergence du phénotype Th17 requiert un autre signal qui inhibe Foxp3 et la différenciation en Treg. Ce signal est apporté par l’IL-‐6 qui, en activant STAT3 et mTOR, permet la synthèse de HIF-‐1 responsable de la dégradation accélérée de Foxp3 et l’expression de RORγ 36-‐38(figure 2). Une fois dirigé vers le noyau, pSTAT3 et HIF-‐1 se fixe au promoteur de RORγ et active sa transcription. De ce fait, l’hypoxie qui induit HIF-‐1 favorise la différenciation des Th17 et bloque les Treg. Notons que la transcritpion de RORγ est dépendante de la présence de Runx1.35,39 Ce facteur semble d’autant plus crucial pour la réponse Th17 que ses interactions directes avec RORγ sont nécessaires pour transcrire l’IL-‐
17A. Ensemble, ces facteurs conduisent à la transcription de gènes cibles associés au phénotype Th17 comprenant : (1) les cytokines IL-‐17A, IL-‐17F, IL-‐21, IL-‐22 et le GM-‐CSF, (2) le récepteur CCR6 de la chimiokine CCL20 et (3) le récepteur à l’IL-‐23. A noter que le TGFβ lui même induit l’expression de la chaine α du récepteur à l’IL-‐6 laissant la voie aux Treg à une conversion ultérieure en Th17.40
L’IL-‐23 est une cytokine hétérodimérique appartenant à la famille de l’IL-‐12. Elle est constituée de la sous-‐unité p40 qu’elle partage avec cette dernière et de la sous-‐unité p19 qui lui est propre. Produite par les CPA au cours de l’inflammation, elle n’est pas nécessaire pour différencier des Th0 naïfs en Th17, elle est néanmoins cruciale pour stabiliser et faire
proliférer les lymphocytes Th17.41 De plus, l’IL-‐23 est requise pour l’acquisition leur de fonction effectrice via la production de GM-‐CSF.42,43 De ce fait, la souris IL-‐23p19-‐/-‐ est résistante à l’induction des maladies auto-‐immunes dépendantes des Th17 et susceptible aux infections inductrices d’une réponse Th17.
L’IL-‐21 est produite par les Tfh et les Th17. En association avec le TGFβ, l’IL-‐21 induit aussi l’expression de RORγ et par conséquent la différenciation des Th17. Korn et ses collaborateurs proposent un modèle où l’IL-‐6 serait dominante en période de stimulation du système immunitaire et, où l’IL-‐21 assurerait le maintien de la lignée Th17 en période de
« repos » lorsque les taux d’IL-‐6 sont moindres.44 Enfin, la voie ROCK2-‐IRF4 est aussi requise pour la différenciation Th17 bien que le lien avec la voie de STAT3 reste indéterminé.45 L’IL-‐2 inhibe vigoureusement la différenciation Th17 en activant STAT5 qui bloque l’expression de RORγ.46 Cependant, la surexpression constitutive de RORγ ne permet pas de restaurer le phénotype Th17 en présence d’IL-‐2. Ceci suggére que le blocage de RORγ par STAT5 n’est pas le seul mécanisme d’inhibition de l’IL-‐2. En effet, STAT5 se fixe également aux locus de l’IL-‐17A et de l’IL-‐17F, bloquant par compétition la fixation ultérieure de STAT3 nécessaire à la transcription de ces cytokines.47
2. Inhibitions croisées des voies Th1, Th2 et Th17
De nombreuses études ont démontré qu’il existe une inhibition réciproque des voies Th1 et Th2. Par exemple, l’IL-‐4 (Th2) bloque la différenciation Th1 en réprimant l’expression de la chaine β2 du récepteur à l’IL-‐12, cytokine cruciale pour l’expression de T-‐bet.48 De même, l’IL-‐4 réduit la production d’IL-‐12 par les DC.19 Réciproquement, l’IL-‐12 et l’IFN-‐γ induisent T-‐
bet qui, en coopérant avec Runx3, bloque la transcription de l’IL-‐4.49,50
La différentiation Th17 est fortement inhibée tant par les Th1 que par les Th2. En effet, la différenciation in vitro de Th17 à partir de Th0 (naïfs) requiert impérativement l’ajout d’anticorps neutralisant l’IFN-‐γ et l’IL-‐4.51 En ce qui concerne l’inhibition de la voie Th17 par la voie Th1, c’est T-‐bet lui-‐même qui empêche la trans-‐activation de RORγ en se fixant au facteur de transcription Runx1.39 De ce fait, l’IL-‐12, l’IFN-‐γ et l’IL-‐27 (une autre cytokine Th1) inhibent la différenciation Th17 car elles induisent toutes T-‐bet. Les souris IL-‐12Rβ-‐/-‐, IL-‐
27p28-‐/-‐, T-‐bet-‐/-‐ et IFN-‐γ-‐/-‐ développent des maladies autoimmunes Th17 aggravées.52 En transplantation, un rejet fortement exacerbé dépendant des Th17 émerge suite à la
déficience de T-‐bet chez le receveur (modèle de greffe cardiaque ayant une disparité du CMH II).53 Inversément, des études in vivo et in vitro rapportent un effet inhibiteur de l’IL-‐
17A sur la différenciation Th1.54,55
Figure 3 : Inhibitions croisées des Th1, Th2 et Th17
1. T-‐bet inhibe l’expression de l’IL-‐4 en se liant à Runx3.
2. L’IL-‐4 bloque la synthèse de l’IL-‐12 et de son récepteur (chaîne β2).
3. T-‐bet inhibe l’expression de RORγ et de l’IL-‐17A en bloquant Runx1.
4. L’IL-‐17A empêche l’activation de STAT4 par l’IL-‐12.
5. Mécanisme inconnu, l’IL-‐17A bloque le rejet Th2 d’allogreffe de cornée.
6. L’activation de STAT6 par l’IL-‐4 bloque l’expression de RORγ.
Cet effet inhibiteur ne se voit toutefois que si l’IL-‐12 est présente dans le milieu. En effet, l’IL-‐17A inhibe l’expression du récepteur à l’IL-‐1256 et la phosphorylation de STAT4 sous l’influence d’IL-‐12.55
Concernant l’inhibition des Th17 par les Th2, la surexpression forcée de GATA-‐3 au sein d’un lymphoctes CD4+ naïf n’affecte pas sa capacité à se différencier en Th17.57 Il semble que l’effet inhibiteur de l’IL-‐4 sur l’expression de RORγ passe plutôt par STAT6. En effet, la double déficience T-‐bet-‐/-‐ STAT6-‐/-‐ augmente vivement les réponses Th17 par rapport au seul déficit en T-‐bet.58 De manière réciproque, une étude portant sur la greffe allogénique de cornée rapporte l’inhibition d’une voie de rejet Th2 par l’IL-‐17A. Aucun mécanisme ne permet d’expliquer ce phénomène actuellement.59
3. La plasticité des Th17
Les Th17 présentent un statut épigénétique « bivalent » des gènes T-‐bet et GATA-‐3 responsables respectivement de la différenciation Th1 et Th2. En d’autres termes, il existe sur ces gènes à la fois des signaux activateurs (H3K4m3) et inhibiteurs (H3K27me3), ce qui indique que ces cellules sont programmées pour pouvoir être redirigées soit vers le phénotype Th1, soit Th2.58. Chez l’homme, le profil cytokinique des Th17 illustre bien ce concept de plasticité. Par exemple, en cas d’infection à candida albicans, les Th17 sont RORγ+ T-‐bet+ et produisent simultanément de l’IL-‐17A et de l’FN-‐γ. Ce phénotype a aussi été rapporté par F. Annunziato dans la muqueuse digestive des patients atteints de la maladie de Crohn.60 Par contre, les Th17 produisent de l’IL-‐17A et de l’IL-‐10 lorsqu’ils sont en contact avec le staphylocoque doré.61 Enfin, l’utilisation de souris permettant de suivre in vivo le devenir des cellules Th17 (IL-‐17A-‐Cre x Rosa26-‐ YFPlox/lox) prouve que des « exTh17 » se mettent à produire de l’IFN-‐γ durant l’encéphalite autoimmune expérimentale.62 Cependant, cette configuration plastique n’est pas réciproque. En ce sens, un puissant contrôle épigénétique inhibiteur est placé sur les gènes RORγ et IL-‐17A au sein des cellules Th1 et Th2, empêchant leur conversion ultérieure en Th17.