Probabilités. Dissertation sur la recherche du milieu le plus probable, entre les résultats de plusieurs observations ou experiences
Annales de Mathématiques pures et appliquées, tome 12 (1821-1822), p. 181-204
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I8I
PROBABILITÉS.
Dissertation
surla recherche du milieu le plus probable ,
entreles résultats de plusieurs observations
ou
experiences ;
RÉSULTAT MOYEN.
Par
unABONNÉ.
PARMI
lesapplications nombreuses
etvariées
dont la doctrine desprobabilités
estsusceptible ,
il en est peu sans doutequi puisent
offrir autant d’intérêt et d’utilité que celle
qui
a pourobjet
larecherche de la moyenne la
plus
convenable entre les résultats deplusieurs expériences
ouobservations
données.Mais,
bien quebeaucoup
de gensparaissent
se douter àpeine qu’il puisse
y avoir là laplus légère difficulté,
en yregardant
d’un peuprès ,
on voitbientôt que le
problème
est un desplus
délicats et desplus
diffi-ciles qu’on puisse
se proposer.Ce
problème présente
deux casprincipaux , qu’il
estquelquefois permis
deconfondre ,
mais quequelquefois
aussi il fautsoigneusement distinguer.
Ilpeut
sefaire , en premier lieu ,
que les résultatsentre
lesquels
ils’agit
deprendre
la moyenne soient de nature àpouvoir
être à la fois exacts etinégaux;
oubien ,
ilpeut
arriverque leur
inégalité
aitinévitablement
sa source dansl’imperfection
des instrumens et des
procédés employes
pour lesobtenir ,
ou encoredans la maladresse ou la
négligence
de ceuxqui
ont mis cesinstrumens et ces
procédés
en usage.Tom. XII, n.° VI,
I.erdécembre I82I. 25
Que,
parexemple,
dans la vue de connaître la durée mnyenne de la viehumaine ,
on examinequelle
a été la durée de la vie d’ungrand
nombred’individus , pris
auhasard ;
on ne sera aucu-nement
surpris d’y apercevoir
une extrêmevariété ;
et, tandisqu’on
trouvera
beaucoup
d’enfans morts lejour
même de leurnaissance ,
on rencontrera , de loin en
loin , quelques
vieillardsqui
auront pro-longé
leur carrière au-delà d’un siècle. Il en sera de mêmesi ,
pour savoir
quel prix
onpeut
raisonnablement donner d’une pro-priété
territorialequ’on
veutacquérir ,
on examine lesproduits qui
en ont été obtenus
pendant
unelongue
suited’années;
on y verrarégner
, sansplus
desurprise,
la mêmevariété ;
et tandis que, pour certainesannées ,
la récolte aura ététrès-abondante ,
l’intem-périe
des saisons l’aura d’autres fois réduite à peuprès
à rien.Mais il n’en ira
plus
de mêmesi ,
parexemple
, des obser-vations solsticiales faites dans le même
temps ,
parplusieurs
astro-nomes, ne donnent
pas à l’écliptique
la mêmeobliquité ;
ousi ,
pour
prendre
unexemple beaucoup plus simple , plusieurs
mesuresd’un même corps ou d’une même di’stance ne lui
assignent
pas le mêmepoids
ou la mêmelongueur.
Il est alors évident que le défaut de coïncidencerigoureuse
dans les résultats nepermettra
de supposer exactqu’un
seul d’entre eux auplus,
et lesfrappera
tous de
suspicion.
A ces deux cas , on
pourrait, peut-être,
enajouter
un troi-sième : ce serait celui où les
résultats ,
étant de nature àpouvoir
être
inégaux ,
laisseraient en outrequelque doute
sur leur exactitude.C’est ,
parexemple ,
cequi arriverait si ,
voulant déterminer la durée moyenne de la viehunlaine,
on se contentait de consulter seulement lesregistres
dedécès, où l’âge
des morts est sou-vent
indiqué
d’une manière très -inexacte ; mais ,
comme cettesorte de cas’ mixte rentre
plus
ou moins dans l’un ou l’autre des deuxpremiers ,
nous en ferons constammentabstyaction dans
toutce
qui
va suivre. Nous aurons donc ainsiuniquement
àconsidérer,
I.° des résultats de
nature
à êtreinégaux, mais supposés d’ailleurs
être
également exacts’;
2.° des résultatsqui
nedoivent
leurinégalité
qu’à
leurinexactitude ,
sanslaquelle
il y aurait entre eux uneparfaite
coïncidence.Il
paraît raisonnable,
dans lepremier
de ces deux cas , sinonde faire concourir tous les résultats donnés pour la même part dans la
composition
du résultat moyen, du moins de lesprendre
tous en
considération ,
dans la recherche de cerésultat ; puisque
enfin ce sont autant de faits certains
que l’avenir peut
amenerencore ; mais il n’en est
plus
de même dans le second cas ; car,puisqu’alors
on est contraint desuspecter
lesprocédés
parlesquels
la
plupart
de ces résultats ont étéobtenus,
lasuspicion,
àl’égard
de
quelques-uns
d’entre eux ,peut
Lienaller , quelquefois, jusqu’à
.les faire considérer comme tout-à-fait non avenus.
On
peut,
ausurplus ,
icidistinguer
deux sortes de motifs desuspicion,
que noussignalerons
par les dénominations d’externeset
d’internes. Nous entendons parmotifs
externes desuspicion,
ceux
qui
se tirent des données que l’onpeut
avoiracquises
surle caractère et la
capacité
de ceux àqui
on doit certains résultatset sur les
procédés qu’ils
ont mis en usage pour les obtenir. Lesmotifs
internes desuspicion,
aucontraire ,
sont ceux que l’on peut tirer de latrop grande disparate
entre certains résultats etle reste de ceux dout on est en
possession.
Desexemples simples
vont achever d’éclaircir cette distinction.
Si , parmi
les résultats entrelesquels
ils’agit
deprendre
unmilieu
il s’en trouvequi
soient dus à des gensdistraits ,
malhabiles
peusoigneux
etconsciencieux , capables d’abréger
volon-tairement le
travail ,
auprix
de sonexactitude ,
ou par des gens d’ailleurs doués d’autant d’adresse et de bonne foiqu’on voudra,
mais
qui
ontappliqué
leur talent et leur attention à des méthodes évidemmentvicieuses ;
voilà tout autant de motifs externes poursuspecter
et même pourrejeter
tout-à-fait cesrésultats ,
enquelque.
nombre
qu’ils
soientd’ailleurs,
etquel
quepuisse
être leur accord soit entre eux , soit avec ceuxqu’on
est moins fondé àsuspecter.
I84
Que
nous soyons, aucontraire,
enpossession
d’un certain nombre derésultats,
sans savoir aucunement ni àqui
ils sontdus ,
niquelle
méthode on a mis en usage pour lesobtenir;
ou,bien
queces résultats soient dus à des hommes doués du même
degré
d’habiletéet de bonne
foi, appliquant
cesqualités
à des méthodessusceptibles
d’un
égal degré
deprécision ;
les motifs externes desuspicion
cesse-ront
d’exister ;
mais nous pourrons alors en trouver d’internes.Si,
par
exemple,
laplupart
de ces résultats neprésentent
entre euxque des différences
comprises
dans les limites des erreurs dont les observations et lesexpériences,
faites même avec le-plus
desoin,
sont inévitablement
susceptibles,
et si en mêmetemps
les autresrésultats,
enbeaucoup plus petit nombre ,
diffèrent d’une manièretrès-notable,
tant entre eux que deceux-là,
ce sera , contre cesderniers ,
des motifs internes desuspicion
assez graves pour les fairerejeter ,
sans aucune hésitation.On
peut
remarquer, ausurplus ,
que si detrop
notables diffé-rences entre des résultats suffisent
pour
en motiver lerejet,
unetrop parfaite
concordance entre ces mêmes résultats doitproduire
le même effet. Cette coïncidence absolue est effectivement à tel
point
hors de toute vraisemblancequ’on
ne saurait raisonnablementse refuser à l’attribuer à une concertation entle ceux à
qui
ils sontdus ;
concertationqui ,
décélant chez eux un défaut de bonnefoi ,
les, ren-d tous dès-lorségalement suspects ;
et c’estainsi ,
pour le dire enpassant ,
que des motifs internes desuspicion peuvent quel- quefois
en faire naître d’externes.Mais
quelque
peu de coïncidence quepuissent
offrir entre euxles résultats
qu’on examine, quelle
que soit retendue des limitesentre
lesquelles
ils se trouventrenfermés,
s’ils se trouvent à peuprès
uniformémentréparties
entre ceslimites si,
parexempte,
ils forment sensiblement une
progression arithmétique,
ousi ,
mieux encore, il s’en trouve un assez
grand
nombre(lui
dif-fèrent fort peu du
plus grand
d’entre eux, et un autrenombre,
I85 l peu
près égal, qui
diffère fort peu duplus petit ; si ,
parexemple,
ils forment une suite comme celle-ci :
on pourra bien sans doute désirer des résultats moins
discordans,
et l’on fera fort bien de s’en procurer de
tels,
si on lepeut ;
maison ne verra
guère
de motifs internes depréférer
les uns aux autres ,et il faudra
conséquemment
les faire tous entrer en considération dans la recherche du résultat moyen , si l’on n’estpoint
en situationde s’en procurer d’autres
plus
satisfaisans.La
discussion
des motifs externes desuspicion
est sans doutetrès-importante ;
mais elle, est en mêmetemps
très-délicate et d’autantplus
difficilequ’elle
neparaît guère
de nature à être soumise à desrègles plus précises
que cellesqu’on prescrit,
engénéral ,
pour lacritique ;
et comme cesrégies
ne sontguère
du domaine des sciences exactes, nous ne saurions nous y arrêter ici. Nous supposeronsdonc,
dans tout cequi
vasuivre,,
que les résultats surlesquels
on doit
opérer
sont ceux-là seulementqu’une
sainecrit.ique
a puadmettre ;
nous supposerons mêmequ’ils
neprésentent
aucunmotif interne de
suspicion,
de nature à en faire écarterquelques-
uns de
préférence
aux autres; de telle sortequ’il paraisse
raisonnable de lesemployer
tous ; alors cette secondequestion
pourra être con- sidérée comme rentrant dans lapremière,
du moinsquant
auprocédé
àemployer ;
car il y auratoujours
entre elles cette diffé-rence essentielle que , dans la
première , l’inégalité
des résultats nesaurait en faire
suspecter
aucun, tandisqu’ici
tous sontsuspects,
tant
qu’Us
ne sont pas touségaux.
Il y a
long-temps
sans doute que leproblème
de la moyenneentre
plusieurs
résultatsinégaux
s’estprésenté
auxhommes ;
et il ya
long-temps
aussi que , soit par une sorted’instinet,
soitdans
iavue d’éviter des calculs
trfJp pénibles,
on est contenud’adopter
comme tel le
quotient
de la division de la somme de ces résultatspar leur nombre, Cette
pratique
a même été constammentsuivie,
sans aucun
scrupule , jusqu’à l’époque
où la théorie desprobabi-
lités a commencé à être cultivée avec
quelque
soin etquelque
suite. Alors seulement on a commencé à concevoir des doutes sur
la
légitimité
duprocédé ,
et à soupçonner que la véritable moyenneentre
plusieurs
résultatsinégaux
ne devaitpeut-être
pas se com-poser de la même manière de tous ces
résultats ;
et que chacund’eux devait concourir pour
plus
on moins dans la formation decette
moyenne, à proportion qu’il paraissait
s’enrapprocher
ou s’enécarter
davantage.
C’est cette maximequi parait
avoir servi debase aux méthodes que
Boschovith, Bernouilli , Lambert, Lagrange,
Condorcet et d’autres ont tour à tour
proposé
desubstituer
à la méthodevulgaire. Cependant ,
dans ces dernierstemps ,
celle-ci a sembléreprendre
son anciennefaveur ;
on J’a mêmesignalée
commela
plus
conforme à la doctrine desprobabilités;
et on a mêmeété
jusqu’à
insinuerqu’elle
était tout-à-faitindépendante
de toutehypothèse
sur la loi de facilité des erreurs. Le but que nous nous proposonsici ,
et que nous désirerionspouvoir remplir
d’une ma-nière moins
imparfaite,
estd’essayer
derépandre quelque
lumièrenouvelle sur cette
épineuse question. Quoique jugement
que l’onporte
d’ailleurs sur cetécrit ,
nous n’aurons pas àregretter
de l’avoir rendupublic,
s’ilpeut appeler
de nouveau l’attention desgéomètres
sur lesujet auquel
il estrelatif ,
et provoquer de leurpart
des discussionsqui
ne sauraient que tourner auprofit
de lascience.
Une chose assez
digne
de remarque,c’est qu’on
se soitbeaucoup plus occupé
de la recherche desméthodes
propres à donner la moyenne laplus
convenable entre les résultats deplusieurs
obser-vations ou
expériences
donnéesqu’à
bienpréciser
ce que c’était que cette moyenne, que l’onpoursuivait ;
sans doute parcequ’on
a tacitement
supposé
que tout le monde était à peuprès d’accord
I87
sur ce
point. Toutefois,
comme ilpourrait
fort -bien se faireq u’il
n’en fût pas tout.à-fait
ainsi,
et comme c’estdéjà
faire un assezgrand
pas vers la solution d’unequestion
que de la bien circons-crire ;
arrêtons-nous un moment à fixer nettement ce que l’on doit entendre par la moyenne entreplusieurs
résultats donnés.Lorsque
ces résultats neprésentent
entre eux des différencesqu’à
raison de
l’imperfection des procédés
parlesquels
on les aobtenus
comme, par
exemple , lorsqu’on
aplusieurs
mesures d’une mêmelongueur,
celas’entend,
pour ainsidire,
de soi-même. La moyenne cherchée est alors une combinaison de ces diversrésultats,
de la-quelle
onpuisse présumer qu’elle
diffère moins duvéritable
etunique
résultat que toute autre combinaisonqu’on pourrait
fairedes mêmes données. Et encore faut-il remarquer
qu’il
nes’agit
pas ici d’uneprésomption absolue ,
mais d’uneprésomption
tirée uni-quement
des données duproblème.
Onconçoit,
eneffet ,
que , s!les données diffèrent toutes dans le même sens et d’une
quantité
notable du véritable
résultat,
la moyenne laplus
convenable ne serapoint
cellequi
différera réellement le moins de cerésultat,
mais bien celle
qui, d’après
lesdonnées , devra
êtreprésumée
s’enapprocher davantage.
Dans le cas
où ,
aucontraire ,
les résultats entrelesquels
oncherche une moyenne sont de nature à être
inégaux ,
bienqu’ils
soient tous d’ailleurs
également
exacts, comme ilarrive ,
parexemple, lorsqu’on
veutassigner
leproduit
moyen d’unepropriété
territoriale ;
la definition de la moyenne semble devoir nécessaire-ment
impliquer
l’idée de l’infini. La moyennerigoureuse
seraitalors,
en
effet ,
cellequ’on
déduirait d’une infinité d’observations ou d’ex-périences,
enprenant
la somme de leurs résultats et en divisantcette somme par leur
nombre ;
et leproblème
consiste alors àsuppléer
à des résultats en nombre
infini ,
par des résultats en nombrefini ;
et à déduire de ces derniers un résultat moyen
qui puisbe
êtrepré-
sumé différer le moins
possible
de celuiqu’on
aurait conclu desprennes
du moinsd’après
les seules lumièresacquises par
l’ins-pection
des. autres.En
résumé,
on voit que, dans l’un et dans l’autre cas, onpeut
distinguer
deux sortes de moyennes,savoir ;
une moyenneabsolue,
qui
est lavéritable,
et une moyennerelative, qui
est celle que,d’aprés
lesdonnées,
on doitprésumer
s’écarter le moins de celle-là,
y etqui, quelque
méthodequ’on emploie
pourl’obtenir ,
nesaurait ctre
rigoureusernent égale
à l’autre que dans des cas par-ticuliers,
et par l’effet d’un concours de circonstances favorables.La moyenne absolue demeure
toujours inconnue,
de sortequ’on
ne
saurait,
en aucun cas ,vérifier, à posteriori,
la moyenne re-lative ,
en la confrontant avec celle-là.Mais , quand
bien même]a moyenne absolue
pourrait
être découverteaprès
coup, ce seraitune fort mauvaise manière de
juger d’un procédé
que deprendre
pour mesure de sa
précision
leplus
ou le moins de ressemblance de la moyenne relativequ’on
en aurait déduiteavec
la moyenne absolue. Untrop grand
écart de cette moyenne absoluepourrait
au
plus
accuser lesdonnées,
et par suite ceuxqui
les auraientfournies ;
mais pourqui reçoit
ces donnéesd’ailleurs ,
sans avoireu aucune
part
à leurdétermination ,
leseul parti
raisonnable aprendre
est de suivre les indicationsqu’elles fournissent ; ainsi,
par
exemple ,
il ne devrajamais prendre
la moyenne relative hors de leurslimites , quoique
lamoyenne
absoluepuisse
fort bienn’y
êtrepoint
renfermée.Ces
principes
ainsiposés , examinons,
enpremier lieu,
la mé-thode
vulgaire qui ,
comme nous l’avonsdéjà dit,
consiste àprendre
pour moyenne le
quotient
de la division de la somme des données par leurnombre ;
onconçoit
assezqu’on
ait puadopter
cetteméthode dans le cas où les données sont de nature à être
inégales ;
on a pu alors se
dire ,
eneffet ,
que ,puisque
toutes ces donnéesétaient
effectives, puisqu’elles
étaient toutes fournies par des obser- vations ou par desexpériences
à l’abri de toutreproche ,
il étaitnaturel
I89
naturel qu’elles
concourussent toutes pour uneégale part
à la foi-- mation du résultat moyen.Cependant ,
dans ce casmême ,
la méthodevulgaire
n’a pas étégénéralement
suivie nipratiquée
sansquelques
restrictions. Il est, parexempte ,
certainesprovinces
de Franceoù,
pour déterminer le revenu moyen d’unepropriété terntoriale,
il estd’usage
deconsidérer ce revenu durant
vingt
annéesconsécutives
, d’en dis.- traire le revenu leplus
fort et le revenu leplus faihle,
et deprendre
ensuite le dix-hoitième de la somme des autres. Ceux
qui
ontImaginé
cette
méthode,
ont sans doute considéré que des récoltes extrême-ment abondantes et des récoltes extrêmement faibles devaient être
considérées ,
enquelque
sorte , comme desexceptions
à la marchehabituelle de la nature, et
qu’en conséquence
on ne devait entenir aucun
compte.
Mais des motifs à peu
près’ semblables
à ceuxqui
fontainsi’
rejeter
leplus
fort et leplus
faiblerésultats,
nepourraient-ils-
pas tout aussi bien motiver l’exclusion des deux
plus
forts et des"deux
plus faibles,
ou même d’unplus grand
nombre des uns et des autres ? et d’exclusion en exclusion n’arriverait-on pas enfin à ne conserver que le résultat dumilieu, lorsque
les données seraienten nombre
impair? Qui
sait même siquelqu’un,
au lieu derejeter
les deux résultats
extrêmes,
nejugerait
pas à propos, aucontraire ,
de ne conserver que
ceux-là,
et deprendre
leurdemi-somme pour
le résultat
moyen ?
On sent mêmequ’il
ne serait pas difficile dettouver des motifs
plausibles
àl’appui
de cettepratique.
D’autrespourraient,
tout aussibien, employer
lesdeux
résultats lesplus
forts avec les deux
plus faibles,
ou combiner entre eux unplus grand nombre
des résultats extrêmes.D’ailleurs,
si l’on estfondé
soit- à
rejeter ,
soit àemployer
exclusivement les deux résultatsextrêmes, lorsqu’on
n’en considère quevingt seulement,
ne faudra-t-il pas , si l’on veut être
conséquent, rejeter
ouemployer
exclu-sivement les deux
plus
forts et les deuxplus
faibles surquarante y
les troisplus
forts- et les troisplus faibles
sursoixante,
et ainsi:Tom. XII. 26
I90
de suite ?
Mais,
tandis quequelques-uns prendront
le nombrevingt
pour base desrejets
ou des admissionsexclusives , qui s’op-
posera à ce que d’autres ne s’accommodent mieux des nombres
quinze
ou
vingt-quatre ?
Nous nous trouverons doncjetés
ainsi dans lechamp
del’arbitraire ;
et le résultat moyen,qui , de
sa nature devraitêtre
unique,
se trouvera, dans lefait , plus grand
ouplus petit,
suivant les diverses modifications
qu’il
auraplu
à chacun d’intro-duire dans la méthode destinée à en donner la valeur.
Mais le
système
desrejets
ou desemplois exclusifs,
tolérable encore,jusqu’à
un certainpoint ,
dansl’hypothèse
suivantlaquelle
nousvenons de
raisonner,
ne sembleplus pouvoir
être admis dans celleoù les résultats ne diffèrent les uns des autres
qu’à
raison de l’im-perfection
desprocédés
d’observation oud’expérience. Que
l’on aitfait ,
parexemple , vingt pesées
d’un même corps ; bienqu’il
soit fort vraisemblable que ni la
plus
forte ni laplus faible,
nimême aucune
d’elles ,
nereprésente
exactement lepoids
de cecorps , cela
pourrait pourtant arriver,
en touterigueur ;
et cetteconsidération suffit pour faire
comprendre qu’il
serait très-déraison- nable de ne les pas toutesprendre
en considération.Mais sera-t-il
plus
sensé de les faire toutes concourir pour la mêmepart
dans lacomposition
du résultatmoyen ?
nous ne lepensons pas
davantage.
Nous avonsremarqué plus
haut que ,parmi
les données fournies par
l’expérience,
ilpeut
s’en trouver une ouplusieurs qui
s’écartent tellement des autres que l’on doive lesrejeter
sans aucune
hésitation ; mais , jusqu’à quel point
devront-elles s’enécarter
pourqu’il puisse
êtrepermis
de n’en tenir aucuncompte?
c’est
là,
à cequ’il
nousparaît ,
unequestion qu’il
ne serait pas facile de résoudre.Supposons - la cependant résolue ;
supposonsqu’on
ait trouvé que , pourqu’une
donnée soit dans lé cas d’êtrerejetée,
il fautqu’elle
tombe en dehors des deux limitesg , h ; quel parti faudra-t-il prendre alors ,
si une certaine donnée coïncideexactement avec- l’une ou l’autre de ces deux limites ? et, en
suivant la méthode
vulgaire,
ne se trouvera-t-on pas dans cetteI9I
singulière
situation depouvoir, à
songré ,
et avec tout autantde
fondement
, ouréputer
une donnéetrop
suspecte pour en faire usage, ou la faire concourir pour la même part que toutes les.autres à la formation du résultat
moyen ?
Avant de nous engager
plus
avant dans cettediscussion
, remar-quons , en
passant , qu’on
ne voit pasd’abord trop
bienpourquoi
on a
choisi
la somme des données divisée par leurnombre , plutôt qu’une
multitude d’autres fonctions de cesdonnées,
pourl’expression
du rébultat moyen. La seule condition de
rigueur
àlaquelle
onvoie
clairement , à priori
que ces sortes de fonctions doivent êtreassujetties y parait
être que si les données sont au nombre de rrzn ,égales m
à m, la moyenne soit la même quesi,
les données étantau nombre de n
seulement,
il ne s’en trouvaitqu’une
dechaque
sorte ;
de manière que , parexemple,
lamoyenne
desoit la même que celle de
or , en se renfermant même dans les fonctions
purement algébri-
ques , on
peut
trouver une multitude de fonctionsqui remplissent
cette condition.
Qui empêcherait,
parexemple,
deprendre
pour résultat moyen une racine duproduit
des données d’undegré égal
à leur nombre ? ou
bien,
si l’on ne voulait pas sortir du cercle desfonctions rationnelles ,
nepourrait-on pas prendre ,
engénéral,
formule dans
laquelle n
est le nombre desdonnées,
et oùPt,
Pt+s expriment
les sommes deproduits de
cesdonnées k à k
I92
et
k+I
àk+I, k
étant un nombreabsolumént arbitraire; ou bien,
.ne
pourrait-on
pasprendre
encore laformule
où
Sk, Sk+I expriment
les sommes des k.mes et des(k+I)mes puissances
de ces mêmes données ? La formule ordinairen’est, au
surplus, qu’un
casparticulier
de ces deux-là : c’est celuiqui
ré-pond
à k=o. C’est sans doutel’hypothèse qu’on
doitadmettre, lorsqu’on aspire uniquement
à laplus grande simplicité;
mais laplus grande simplicité
est-elletoujours compagne
de laplus grande
rigueur ?
-Soient donc a,
b, c, d, ...
des résultats donnés d’obser- vations oud’expériences,
au nombre de n , entrelesquels
-il soitquestion d’assigner
le résultat moyen teplus probable ;
et soit xce résultat moyen
inconnu ;
laméthode vulgaire
donnefquel
que soit le nombre p.Or,
suivant la doctrine desprobabilités,
si Fon
connaissait lesprobabilités
en faveur de a,b,
c-,d,
...,en les
représentant respectivement
par 03B1, 03B2.03B3, 03B4.
..., lamoyenne
rigoureuse
ou.absolue serait
,donc,
la méthodevulgaire
revient à considérer tous les résultats obtenus commeayant
le mêmedegré p
deprobabilité. Or ,
encoreun coup , si ces
résultats
sontnombreux;
si tops ,excepté
unseul
ne
présentent
entre eux que desdifférence-s très-légères ;
et si cedernier diffère,
aucontraire
d’une manièrenotable
decelui-là
I93
même des autres
qui
s’en trouve leplus voisin, peut-on dire ,
debonne
foi, qu’il
soit aussiprobable qu’eux ?
et peut-on raisonna-b!ement
le fairefigurer
de la même manièreêue
ceux-ci -dans fla;formation du résultat moyen
(*) ?
La formule
devient,
en chassant ledénominateur-,
et
peut
ensuite être mise sous cette formeor, si x était le résultat moyen
absolu,
x2013a,x2013b,
x2013c,x2013d,
...seraient les erreurs
qui
affecteraientrespectivement
les résultatsdonnés, prises
avec leurssignes ;
donc la méthodevulgaire
revientà supposer que la somme des erreurs est
nulle,
ou , cequi
revientau
même
que la somme des erreurs par excès estégale à
la somme,des erreurs par défaut. Cette
hypothèse paraît assez plausible ,
lors-,que le nombre des erreurs dans un sens est à peu
près égal
an(*) Ne serait - il pas
possible
que tout ce raisonnement ne fdt au fondqu’une
pure illusion ? Si tous les résultatsdonnés, excepté
un seul , sont très-voisins les uns des autres, et si le dernier diffère d’eux d’une manière
notab!e, il y
aura sans doutegrande
apparence que la véritable moyenne doit êtreplus
voisine despremiers
que de celui ci, et cela sera d’autantplus
vraisem-,blable que ceux-là seront
plus
nombreux ; maisaussi, plus
ils seront nombreuxet moins
l’emploi
de la méthodevulgaire
donnera d’influence à l’autre résultat ;d’où l’on voit que cette méthode
n’est
pas si contraire à ce que le bon sentindique
qu’on voudrait ici l’insinuer.J. D. G.
I94
nombre
des
erreurs en senscontraire ;
mais ilparaît
fort difficile de l’admettre dansle
casoù,
parexemple ,
il existe une erreurunique très-considérable,
dans un sens et unemultitude
d’erreurstrès-petites
en sens contraire.La dernière
équation
ci. dessuspeut
elle-même être mise souscette autre forme
ou encore sous celle-ci
donc la méthode
vulgaire revient
aussià supposer
nulles soit la(n2013I)me
dérivée duproduit
des erreurs, soit la(k2013I)me
dérivéede la somme de leurs k.me
puissances, k
étant un nombre entierpositif quelconque.
Si, dans
cettedernière formule,
onsuppose k=2,
elledevient
ou, en
d’autres termes.
donc,
la méthodevulgaire
revient à supposer que la somme desquarrés
des erreursqui
affectent les données est la moindre pos-sible ;
c’est-à-dire que cette méthode n’estqu’une application
très-particulière
de la Méthodedes
moindresquarrès , publiée ,
pourla première fois, par M. Legendre, en I805, et dont M. Gauss
a
déclaré ,
enI809, être,
de soncôté,
enpossession depuis 1795.
Cette
méthode,
que l’un et l’autre des deuxgéomètres
que nous.venons de citer n’avaient
indiquée
que commeparaissant réunir
àI95
une
approximation
communément suffisante unegrande
commoditéd’application ,
aacquis poostétieurement
uneinsigne faveur ;
et onest assez
généralenlent porté aujourd hui
àl’envisager
commejouis-
sant d’une
perfection absolue ,
et donnantconséquemment ,
danstous les cas, une moyenne
rigoureusement
conforme auxprincipes
de la
plus
saine théorie.Il arrive
cependant,
comme nous venons de le faire observertout-à-l’heure ,
que cette méthode des moindresquarrés
conduit àfaire considérer la moyenne
arithmétique ,
entreplusieurs
résultatspassibles d’erreur,
comme le résultat exact leplus probable.
Sidonc,
comme nous croyons l’avoirétabli ,
il ne saurait en êtreainsi
dans tous les cas , etsi ,
comme on ne saurait le contester , il estpermis
dejuger d’un principe
par sesconséquences,
et parles résultats
qu’en
entrainel’application ; quel jugement
devrons-nous
porter
de celui-ci ? Un célèbregéomètre
aobserva y quelque
part ,
que la théorie desprobabilités n’est ,
aufond ,
que le bonsens réduit en
calcul,
or, laconséquence
forcée de cettemaxime,
c’est que tout
principe
dont lesconséquences
ne sont pas cons-tamment d’accord avec les aperçus du bon sens, ne saurait être
rigoureusement
conforme à la doctrinemathématique
desprobabilités.
On se
tromperait étrangement, toutefois ,
si l’on noussupposait
l’intention de faire ici le
procès
à la méthode des moindresquarrés ;
et nous conviendrons volontiers
qu’en
mêmetemps qu’elle
est d’unservice
très-commode,
elle doit être d’une suffisanteexactitude, lorsque
les erreurs des observations se trouvent renfermées entredes limites
très-étroites ;
mais il ne faut pas attendre d’elle au-delà de cequ’elle peut donner ;
et nous pensons que , dans tous lescas , le
problème
de la moyenne entreplusieurs
résultats est unesorte de
problème indéterminé;
parceque ceproblème
ne sauraitêtre rendu tout-à fait
indépendant
de toutehypothèse
sur la facilitédes erreurs , et
qu’il
est , sur cepoint ,
une infinitéd’hypothèses
que l’on
peut justifier
par des motifs à peuprès également
plausibles.
I96
Après
cesréflexions% générales,
revenons, enparticulier,’;
a larecherche de la moyenne entre les résultats de
plusieurs expériences,, supposés
aussi différens les uns des autresqu’on
levoudra ;
et re-marquons d’abord que ,
excepté
certains cas , tels parexemple
queceux des erreurs d"un nombre rond de dizaines ou de centaines
en
comptant
onpeut
raisonnablement admettrequ’une
erreur graveest
généralernent plus
difficile à commettrequ’une
erreur moinsconsidérable,
etqu’il
est d’autant moios aisé de segarantir
d’uneerreur que cette erreur est
plus petite.
Admettons
donc,
pourpremière hypothèse ,
que laprobabilité
des erreurs soit
simplement
en raison inverse de leur étendue ;:cette raison inverse sera aussi la mesure du.
degré
de confiance quechaque
résultat enparticulier
devramspirer; et
ce seraégalements
fin
proportion
de cedegré
de confiancequ’il devra
concourir à laformation
du résultat moyen. Soient donctoujours a, b,
c,d,...
les résultats
donnés ,
aunombre
de n , et x le résultat moyen,cherché,
ondevra avoir
en
chassant
ledénominateur et transposant,
cette formule devientou, en, chassant de
nouveau lès dénominateurs.
ou