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Tout faire pour ne plus mourir d’anaphylaxie

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210 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 27 janvier 2010

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Tout faire pour ne plus mourir d’anaphylaxie

C’est un véritable cri d’alarme que viennent de lancer les Prs Alain Larcan, réanimateur et Denise-Anne Moneret-Vautrin, allergolo- gue devant l’Académie nationale française de médecine. Auteurs d’un rapport sobre- ment intitulé «Prise en charge des urgences allergiques sévères», ces deux spécialistes du CHU de Nancy estiment que des me- sures doivent être prises (et des recomman- dations formulées) pour réduire la mortalité croissante associée à l’anaphylaxie sévère.

De telles recommandations issues de grou- pes de travail associant des professionnels des urgences et des allergologues sont, rap- pellent-ils, disponibles en Amérique du Nord, au Royaume-Uni ; ainsi que, pour l’enfant, en Europe.1 Il reste selon eux à les élargir, à les faire connaître et à recueillir des données épidémiologiques exhaustives fondées sur le recueil prospectif des cas d’anaphylaxie grave intégrant l’angiœdème laryngé et l’asthme aigu grave.

On sait que l’anaphylaxie sévère réunit un ensemble de symptômes cardiovascu- laires, respiratoires, cutanés et digestifs ; symp- tômes apparaissant immédiatement après le contact avec l’allergène et engageant le pronostic vital. Quatre expressions cliniques ici : le choc anaphylactique (collapsus car- diovasculaire associé à des manifestations cutanées, respiratoires et digestives) ; la réac- tion systémique sérieuse (portant sur deux organes ou plus) ; l’angiœdème laryngé à risque de suffocation et le bronchospasme aigu. On sait aussi que dans plus du tiers des cas, le choc anaphylactique récidive dans les mois ou années suivants.

«L’anaphylaxie sévère connaît une inquié- tante progression d’incidence depuis dix ans, touchant aussi bien les jeunes enfants que les adultes âgés, rappellent les Prs Larcan et Moneret-Vautrin. Parmi les étiologies prin- cipales (aliments, médicaments, venins d’hy- ménoptères), l’anaphylaxie alimentaire pré- domine : un à trois sujets sur 10 000 habitants.

Elle est source de préoccupations particu- lières pour la vie scolaire et la fréquentation des cantines.» Plus inquiétant encore : la mor- talité progresse. Estimée à 0 ,7% en 2001, elle est passée à 1,3% en 2004 et à 1,48% dans la statistique cumulative (2001-2007) établie en France par le «Réseau Allergo-Vigilance»

www.cicbaa.com/pages_fr/allergovigilance/

index.html. Il faut en outre compter avec avancée thérapeutique

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l’impact économique croissant puisque le coût de l’anaphylaxie sévère est aujourd’hui évalué en France entre 1895 et 5610 euros par patient.

Usant d’une forme d’euphémisme, les deux spécialistes écrivent que «l’analyse des déclarations enregistrées par le Réseau Al- lergo-Vigilance (qui comprend 414 allergo- logues) attire l’attention sur une série de cons tatations de plus en plus fréquentes, et in di que une insuffisance de prise en charge, ce qui accroît la sévérité». C’est en fait un véritable réquisitoire. «Le temps préhospi- talier est dominé par la disparité des struc- tures appelées, la méconnaissance fréquente des critères de gravité et du risque de la mise en orthostatisme en cas de collapsus, écrivent-ils. L’utilisation d’adrénaline, tant en ce qui concerne ses indications que la voie d’administration préférable, est aléa- toire. Lors de l’accueil en service d’urgences, lorsque le symptôme est un angiœdème de la face, voire de la langue ou déjà du pha- rynx, se manifestant par une dysphagie, la gravité potentielle de l’angiœdème laryngé apparaît sous-évaluée si la voix n’est pas écoutée.»

Le diagnostic repose sur l’apparition d’une dysphonie et d’une dyspnée laryngée. Le taux de tryptase sérique, examen biologique d’urgence recommandé devant toute réac- tion d’allure anaphylactique, n’est jamais pratiqué. La durée de surveillance peut être insuffisante, eu égard au risque d’anaphy- laxie biphasique, se reproduisant plus de quatre heures après les premiers symptô- mes. L’absence d’incitation à une consulta- tion allergologique est fréquente. Enfin, la prescription d’une trousse d’urgence est in- suffisamment réalisée.

Résumons : «La diversité des intervenants et l’absence trop fréquente de coordination, le caractère imprécis des diagnostics au temps de l’urgence, les insuffisances de prise en charge thérapeutique, eu égard en particu- lier à l’angiœdème laryngé et à l’anaphy- laxie biphasique, l’insuffisance du temps de surveillance, l’absence fréquente de conseils de bilan allergologique, seul à même d’iden- tifier les causes et de prévenir les récidives, sont les multiples aspects de la situation ac- tuelle de l’anaphylaxie sévère en France.»

Recommandations pratiques :

• Intégrer dans la formation médicale conti-

nue des professionnels des services d’ur- gence les aspects nouveaux marqués par la fréquence de l’angiœdème pharyngo-laryn- gé allergique, et le risque souvent ignoré de l’anaphylaxie biphasique.

• En situation d’urgence, le centre de régu- lation doit s’assurer d’un déplacement mé- dical sur place, d’un transfert en milieu hos- pitalier, et déconseiller totalement la con dui- te automobile par le patient.

• L’utilisation d’adrénaline intramusculaire (0,15 mg chez l’enfant de plus de dix kilos et de moins de 12 ans, 0,30 mg chez le grand enfant et l’adulte, voire 0,60 mg chez l’adulte) est indiquée en cas de chute tensionnelle ac- compagnant les symptômes cutanés, diges- tifs et respiratoires, mais aussi en cas de dys- phonie et/ou de dysphagie, signes d’alarme de gravité, dès lors que ceux-ci ne régressent pas rapidement après injection intraveineu- se de corticoïdes. Son efficacité est liée à la rapidité de l’injection après l’installation des symptômes. L’avis du spécialiste ORL dans l’urgence doit être sollicité afin qu’une la- ryngoscopie puisse éventuellement préciser l’indication (exceptionnelle) d’une trachéo- tomie.

• Allonger le temps de surveillance en mi- lieu hospitalier. Celui-ci devrait être de huit heures dans les cas de réaction systémique sans chute tensionnelle, et de 24 heures en cas de choc anaphylactique avéré.

• Après diagnostic d’anaphylaxie sévère en cas de choc ou d’angiœdème laryngé, pres- crire une trousse d’urgence avec adrénaline auto-injectable, et éduquer le patient à l’auto- injection intramusculaire.

• Inciter, enfin, les patients à une consulta- tion allergologique systématique et appro- fondie dans les deux mois qui suivent l’acci- dent.

Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com

1 Mullins RJ. Paediatric food allergy trends in a communi- ty-based specialist allergy practice, 1995-2006. Med J Aust 2007;186:618-21.

Pumphrey R. Lessons for management of anaphy- laxis from a study of fatal reactions. Clin Exp Allergy 2000;30:1144-50.

Sampson H. Symposium on the definition and manage- ment of anaphylaxis : Summary report. J All Clin Immu- nol 2005;115:584-91.

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