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La cognition sociale comparée chez le chien domestique

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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La cognition sociale comparée chez le chien domestique

Auteur : De Luca, Céline

Promoteur(s) : Georges, Michel

Faculté : Faculté de Médecine Vétérinaire Diplôme : Master en médecine vétérinaire Année académique : 2018-2019

URI/URL : http://hdl.handle.net/2268.2/7047

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La cognition sociale comparée chez le chien domestique

Comparative social cognition in the domestic dog.

Céline DE LUCA

Travail de fin d’études

présenté en vue de l’obtention du grade de Médecin Vétérinaire

Année Académique 2018-2019

Le contenu de ce travail n’engage que son auteur

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La cognition sociale comparée chez le chien domestique

Comparative social cognition in the domestic dog

Céline DE LUCA

Tuteur: Professeur Georges Michel

Travail de fin d’études

présenté en vue de l’obtention du grade de Médecin Vétérinaire

Année Académique 2018-2019

Le contenu de ce travail n’engage que son auteur

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La cognition sociale comparée chez le chien domestique

Objectif de ce travail :

Ce travail a pour but de mieux comprendre la cognition sociale chez le chien et de déterminer son origine ainsi que ses mécanismes sous-jacents. La cognition sociale est un ensemble de processus qui permet á un individu d´interagir avec d´autres individus. Dans le cadre de ce travail, il s´agira surtout de mieux comprendre la dynamique de la relation entre le chien et l´Homme et de comprendre la nature du lien entre ces deux amis de longue date. Pour cela, il est important de pouvoir la mettre en perspective avec les capacités sociales d´autres animaux et de déterminer ce qui rend le chien unique. Mieux comprendre le lien qui unit l´Homme à l´animal est d´un importance capitale dans le cadre de la médecine vétérinaire. Il permettra d´agir à la fois sur le plan psychologique pour notre patient mais également pour son propriétaire et mieux le conseiller lorsque la relation n´a plus l´équilibre qu´elle devrait avoir. De plus, l´analyse de la cognition sociale comparative est une source de connaissances pour mieux comprendre la domestication, l´évolution et l´intérêt du chien en tant que modèle d´étude de cognition sociale humaine.

Résumé :

La cognition sociale est la flexibilité intellectuelle d´un individu afin de pouvoir communiquer et interagir avec un autre. Elle est le fruit de nombreuses études chez plusieurs espèces, notamment chez le chien, depuis que ce dernier a montré des résultats surprenant lors de tests de recherche de nourriture indiqué par des signes communicatifs par l´Homme (test de pointage). Ces réussites sont décrites puis comparées aux résultats observés chez les primates et chez les loups. La suite de ce travail va explorer les autres formes de cognition sociale connues et étudiées chez ces différentes espèces et chez l´Homme et exposer les résultats obtenus. Pour finir, la domestication du chien sera abordée pour expliquer l´origine des performances tout à fait unique du chien en termes de cognition sociale et de sa communication avec l´Homme.

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Comparative social cognition in the domestic dog

Aim of this work:

The purpose of this work is to understand better social cognition in dogs and to determine their origin and underlying mechanisms. Social cognition is a set of processes that allows an individual to interact with other individuals. In this work, it will be to better understand the dynamics of the relationship between the dog and the human and to understand the nature of the relationship between these two long-time friends. To do this, it is important to be able to put it in perspective with the social abilities of animals and to determine what makes the dog unique. A better understanding of the link between humans and animals is a big importance in the context of veterinary medicine. It will allows us to act psychologically for our patient but also for his owner and better advise it when the relationship doesn’t have anymore the balance it should have. In addition, the analyze of comparative social cognition is a source of knowledge to better understand dog domestication, the evolution and the interest of the dog as a study model of human social cognition.

Summary:

Social cognition is the intellectual flexibility of an individual in order to be able to communicate and interact with another. It is the result of numerous studies in several species, particularly in dogs, since the latter has shown surprising results in tests for food search indicated by communicative signs by humans (pointing gestures). These successes are described and compared with the results observed in primates and wolves. The rest of this work will explore the other forms of social cognition known and studied in these different species and humans, and present the results obtained. Finally, dog domestication will be discussed to explain the origin of the dog's unique performance in terms of social cognition and communication with humans.

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Remerciement

Je tiens à remercier toutes les personnes qui m´ont accompagné dans mon travail et m´ont permis la réalisation de celui-ci.

Je remercie mon tuteur, Michel Georges, pour m´avoir permis de m´épanouir dans un sujet qui me passionnait et me tenais à cœur.

Je remercie tous ces auteurs passionnés qui m´ont transmis l´amour de l´éthologie, la passion et l´envie de comprendre ce qui se passe dans la tête de nos animaux pour mieux les soigner.

Je remercie ma famille pour son soutient, sa fierté et sa confiance à toute épreuve même quand je l´avais perdu. A maman plus stressée que moi mais bien plus fière que je ne pourrais jamais l´être. Et à la petite tribu et votre humour, votre bonne humeur, c´est pour vous que je vais au bout de mes rêves.

Je remercie Adriana, mon rayon de soleil dans les pires moments de cette dernière ligne droite et les solutions de dernière minute quand plus rien ne va ainsi que les célébrations quand tout se termine. Merci pour ta patience.

Je remercie tous mes précieux amis rencontrés depuis 6 ans et qui auront été là jusqu´au bout pour qu´on puisse toucher notre rêve du bout des doigts tous ensemble. C´était pas facile tous les jours mais… ça valait le coup, non ?

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Table des matières

1. Introduction ... 5

2. La cognition sociale ... 5

3. Le pointage... 6

3.1. Chez le chien ... 7

3.2. Chez les primates ... 9

3.3. Chez les loups ... 12

4. La communication avec l’Homme ... 14

4.1. Chez le chien... 14

4.2. Chez les primates ... 16

5. Les autres aspects de la cognition sociale ... 17

5.1. L’apprentissage social ... 18

5.1.1. L’influence sociale ... 19

5.1.2. L’imitation ... 21

5.2. La coopération ... 24

5.3. Théorie de l’esprit ... 28

6. La domestication ... 33

7. Conclusion ... 38

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1. Introduction

Il n´est plus un secret pour personne, qu´il soit le propriétaire d´un chien ou non, que les chiens domestiques (Canis familiaris) nourrissent une relation particulière et unique avec leur maitre. Le chien est aujourd´hui l´un des animaux de compagnie favoris à travers le monde et l´un des plus populaires. Ce qui place cet animal au sommet du classement est sa relation tout à fait exceptionnelle qu´il entretient avec les humains, ce qui lui a valu sa célèbre dénomination de « meilleur ami de l´Homme ». Alors, qu´est ce qui rend ce lien chien- Homme si particulier ? Parmi les quelques dizaines d’animaux de compagnie que ressensse cette planète, pourquoi le chien se place-t-il dans les plus populaires et les plus exceptionels ? Aujourd’hui, le chien n’est plus seulement un animal de compagnie mais également un animal de travail, chien guide, chien sauveur, chien pisteur, chasseur, chien thérapeutique et j’en passe, au service de l’Homme. Comment sommes-nous passés du prédateur ultime à ce couteau suisse des animaux de compagnie ?

L’objectif de ce travail et de déterminer ce qui rend le chien unique et d´identifier la provenance de ses qualités sociales vis á vis de l´Homme. Afin de mieux comprendre l´origine de ses habiletés, le canidé sera comparé à d´autres espèces. Deux grandes autres familles seront évaluées sur différentes capacités, par rapport aux chiens dans le but de comprendre dans quel domaine le chien tire son épingle du jeu et dans quels autres domaines le chien ne rivalise-t-il pas, afin de mieux décrypter ces compétences. Ces familles sont : d´autres canidés notamment les loups, les ancêtres des chiens et les grands singes, principalement les chimpanzés. L´objectif n´est pas de comparer de nombreuses espèces avec le chien pour définir son unicité mais plutôt de le mettre en parallèle avec des animaux dont les résultats permettront de tirer des conclusions tout à fait pertinentes et de comprendre encore mieux ce qui se passe dans la tête de notre « meilleur ami ».

2. La cognition sociale

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« La cognition peut être définie comme l’ensemble des processus d’apprentissage et de traitement de l’information. Elle concerne la mise en œuvre de moyens appropriés pour atteindre un but donné. Elle se caractérise notamment par des comportements flexibles, capables de s’adapter à la nouveauté et susceptibles de se généraliser à différents contextes.

Le terme social, quant à lui, fait plutôt référence à l’interprétation et la prédiction de comportements d’autres êtres-vivants. » (Bovet, 2017)

En résumé, la cognition sociale est un ensemble de mécanismes qui permettent à un individu d´interagir avec un autre individu. Il s´agit de capacités cognitives impliquées dans les relations sociales, d´une importance capitale chez l´Homme et étudiées depuis quelques décennies chez d´autres espèces.

3. Le pointage

Beaucoup d’espèces manifestent des comportements sociaux de façon conspécifiques mais le chien domestique (Canis familiaris) semble unique pour adopter ce genre de comportement de façon interspécifique. Les tests de pointage ou de choix d’objet sont à l’origine des premières réflexions sur ces particularités cognitives du chien. Des signaux ostentatoires étaient utilisés dans les études de choix d’objet pour montrer aux chiens qu’on cherche à communiquer avec eux. Ces signes ostentatoires constituent un ensemble de signaux verbaux et non verbaux dans le but de montrer un objet commun.

Un expérimentateur cache un morceau de nourriture dans un de deux récipients et le sujet, qui n’a pas vu où la friandise a été cachée, doit choisir dans quelle cache se trouve la récompense convoitée. Avant de laisser le choix au sujet, l’expérimentateur indique, à l’aide d’un geste communicatif, la localisation de la friandise par exemple en pointant du doigt, fixant le récipient ou en plaçant une balise par-dessus. L’objectif étant de déterminer si l’animal est capable de comprendre la nature du geste et sa signification et de pouvoir l’interpréter. Depuis l’étude initiale qui testait une série de chiens, ce test a largement été utilisé et étudié chez de nombreuses espèces dans l’objectif de les comparer aux résultats observés chez le chien. Ce test est devenu un test standard de l’éthologie cognitive car il reflète la capacité du sujet à comprendre les intentions communicatives du signaleur.

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Figure 1 : Test de pointage: un expérimentateur indique la localisation d'une friandise à un chien parmi deux récipients (Hare et al., 2005)

3.1. Chez le chien

Les premières études réalisées sur les chiens ont permis de mettre en évidence un taux de réussite assez haut. La plupart des chiens étaient capables d’interpréter différents types de gestes différents pour localiser une friandise cachée. Dans chacune des études réalisées, les chiens manifestaient un taux de réussite dès les 1ers essais et des précautions étaient prises pour que les chiens ne puissent pas se fier à leur odorat.

Parmi les premières études de pointage réalisés, Hare et collaborateurs (2005) résument que de nombreux gestes comparatifs ont été utilisés pour déterminer jusqu’à quel point le chien peut interpréter le message que l’expérimentateur cherche à lui faire passer. Les signes communicatifs variaient entre le classique pointage de l’index, le pointage avec une autre partie du corps (le pied, le genou et autres), le pointage à l’aide d’un objet ou la mise en place d’un objet sur le récipient. La plupart des gestes testés ne sont jamais utilisés dans la vie de tous les jours pour communiquer avec le chien et sont inédits pour l’animal. Malgré ce caractère inconnu de l’attitude de l’Homme, les chiens ont obtenus des résultats positifs dans la majorité des situations dans lesquelles ils étaient confrontés. (Hare et al., 2002, 1998;

Soproni et al., 2002)

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Figure 2 : Résultats de l'étude de Hare et al. (1998) démontrant le nombre d'essais corrects parmi 18 dans chaque condition, pour deux sujets canins (Oreo et Daisy)

Une autre étude a pu mettre en évidence une réussite significative des chiens dans des situations où l’expérimentateur ne faisait que regarder dans la direction de la cachette. Au cours de différentes expérimentations, les chiens ont toujours réussis avec succès avec des résultats au-dessus de 50% dès que l’animal voyait l’expérimentateur placer le marqueur ou regarder en direction de la cachette. Pour confirmer la compréhension du chien des signes de l’Homme, des essais contrôles ont testés le canidé qui devait retrouver la cachette avec un marqueur l’indiquant mais sans avoir vu l’expérimentateur placer le marqueur. Les chiens obtenaient des résultats inférieurs aux 50%. A travers ses résultats, il a été également mis en évidence que des chiots de 4 mois à 1 an étaient aussi performants que des adultes et que l’âge était non significatif. Cette dernière observation permet de conclure que cette habilité n’est pas le résultat d’une exposition long terme à l’Homme mais plutôt d’un caractère inné, se manifestant très tôt, tout comme chez les enfants. Durant la même étude, il a été démontré que le chien, cependant, ne suivait pas le regard de l’expérimentateur si le geste n’impliquait pas une recherche de nourriture. Durant le test, seul 33% suivait le regard de l’expérimentateur vers une localisation alors qu’aucune friandise n’était impliquée. (Agnetta et al., 2000)

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9 Les études réalisées arrivent généralement à la même conclusion. Elles démontrent que les chiens ont des capacités remarquables pour interpréter les gestes de communication typiquement humaine et de les adapter à des situations nouvelles. Les chiens ont également montré une capacité à déterminer la nature de la communication, quand elle était informative à leur égard.

En conclusion, les nombreuses études publiées à ce sujet depuis plus de 20 ans aboutissent à la même conclusion : les chiens sont capables de comprendre qu’on veut communiquer avec eux et comprennent le message à faire passer et ce, de façon semblable aux capacités d’un enfant de 14 mois (Hare and Tomasello, 2005).

Suite à ces nombreuses découvertes, de multiples questions ont été soulevées. Notamment concernant l’origine de ces capacités et deux hypothèses principales ont été mises évidence.

o L’aurait-il hérité des loups ?

o L’aurait-il développé au cours de la domestication ?

Des études comparatives ont alors pris place dans le milieu scientifique afin de mieux comprendre l’origine du succès des chiens dans l’interprétation de signes ostentatoires humains, de répondre aux questions citées et de déterminer s’il s’agit d’un caractère unique a cette espèce.

3.2. Chez les primates

Dès les 1ères études, les chiens ont été comparés à nos plus proches cousins, les primates (Hare et al., 2002). Dans la plupart des études réalisées, les grands singes ont des résultats inférieurs aux chiens en ce qui concerne le décodage de gestes humains. Pourtant, ils sont phylogénétiquement plus proche des Hommes mais semblent les comprendre avec plus de difficultés. Certains primates parviennent à comprendre le message qui leur sont transmis uniquement avec de l’entraînement intensif mais même dans cette situation, ne présentent cependant pas la flexibilité des chiens à adapter la compréhension des gestes à des situations novatrices. (Hare and Tomasello, 2005)

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10 Au cours d’une étude plus récente réalisée par Kirchhofer et son équipe, des chimpanzés (Pan troglodytes) ont de nouveau été comparés aux chiens au cours d’une expérience de choix d’objet. Deux groupes de chimpanzés ont été comparés à un échantillon de chiens domestiques au cours d’une expérience où l’expérimentateur indique un objet de la vie quotidienne humaine hors de sa portée à un individu testé, parmi deux objets (un outil utile et un distracteur).

Figure 3: mise en place de l'expérimentation de pointage de Kirchhofer et al. (2012). (a) Receptacle, (b) Objets, (c) Fenêtre, (d) Porte, (e) Caméra

L’objet est indiqué par un pointage du doigt, accompagné d’un échange de regard entre l’individu et l’objet, alternativement. Les animaux ont été soumis à quatre sessions au cours de quatre essais. Les résultats vont démontrer ce qui a déjà été observé dans la plupart des précédentes études : les primates vont démontrer des résultats inférieurs à la moyenne pour choisir l’outil montré. A contrario, les chiens domestiques, ont manifesté des résultats au- delà de la moyenne et donc se sont montré plus performant que les chimpanzés (Kirchhofer et al., 2012).

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Figure 4: Résultats de l'étude de Kirchhofer et al. (2012). Moyennes du nombre d'essais au cours duquel le sujet fait le choix correct d'objet montré par l'expérimentateur. Les astérisques indiquent les résultats supérieurs au niveau de chance

(p<0,05). Les chiens ont été soumis à deux conditions, contrairement aux chimpanzés, qui sont la présence ou non d’une barrière entre l’Homme et l’animal.

Pourtant, la littérature est mitigée quant à la réussite ou l’échec général des primates dans cette tâche. Dans une étude de 2010, plusieurs groupes de primates ont été testés (deux groupes de chimpanzés et un groupe de bonobos) avec un taux de réussite au-delà de 50%

pour les bonobos et le groupe de chimpanzés qui sont dans un centre de recherche de langages (LRC) tandis que le dernier groupe de chimpanzé s’est retrouvé avec un taux approximatif de 50%. Les bonobos et les chimpanzés plus habitués au contact de l’Homme font des résultats similaires malgré le caractère plus coopératif (donc plus semblable à celui de l’Homme) des bonobos par rapport aux chimpanzées. (Lyn et al., 2010)

Malgré des résultats parfois contradictoires selon les études, les chimpanzés ont toujours un taux de réussite inférieurs aux chiens. Et ce, que ce soit dans un test de choix d’objet avec une friandise cachée ou lorsque le chimpanzé doit répondre au geste de l’Homme pour lui ramener un objet en échange d’une récompense (Kirchhofer et al., 2012)

Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer que les primates, pourtant pour proches génétiquement de l’Homme, échouent lorsqu’il s’agit de comprendre l’Homme là où le chien y parvient. Le caractère plutôt compétitif que coopératif a été souligné comme étant une explication de la difficulté pour les primates d’interpréter le message qu’on cherche à leur faire passer. Ils auraient des problèmes à comprendre que l’on cherche à communiquer avec

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12 eux et par conséquent, à répondre à la demande qui leur est formulée. De plus, les gestes du pointage sont très rarement utilisés dans leur milieu naturel et les uns vis-à-vis des autres.

Les conclusions générales retrouvées dans la littérature, comme cité plus haut, convergent vers un accord que les primates ont des résultats inférieurs à ceux des chiens lorsqu’il s’agit de comprendre et d’interpréter des gestes communicatifs humains. Les grands singes semblent être capables de comprendre la gestuelle humaine uniquement avec de l’apprentissage, souvent pour des animaux qui ont été élevés au contact de l’Homme et sont quotidiennement en contact avec. Malgré les résultats positifs de certains groupes de primates à des gestes simples (pointer du doigt), ils ne semblent malgré tout pas capable d’adapter cette capacité acquise à des gestes inédits et semblent donc avoir des difficultés à faire preuve de fléxibilité la ou les chiens sont largement capables de faire.

3.3. Chez les loups

Comparer les chiens aux loups dans le cadre de leurs capacités cognitives sociales avait pour objectif de répondre à la question : cette habilité est-elle héritée ou acquises au cours de la domestication ? Autrement dit, les loups possèdent-ils également cette caractéristique et l’ont transmise à leurs descendants ou bien s’agit il d’un caractère acquis au cours de la domestication.

Dans les 1ères études réalises sur les chiens, de nombreux tests ont été également réalisés sur des loups afin de les comparer à leurs descendants. Les observations déduites de ces études montrent des résultats inférieurs des loups comparativement à ceux des chiens et donc une capacité innée moins performante quand il s’agit de détecter les gestes communicatifs humains. Par contre, les loups ont été aussi performants que les chiens (voire plus performants) à des tests faisant intervenir la capacité de mémoire ou afin de résoudre un exercice cognitif. (Hare et al., 2002)

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Figure 5: Résultats de l'étude Hare et al. (2002). Nombres moyens de choix corrects de septs chiens et septs loups testés au cours de quatre conditions d'une expérience de pointage. GPT: Regard + pointage + Taper sur le récipient; GP:

Regard + pointage; P: Pointage; C: Control (pas d’indices).

Figure 6 : Résultats de l’étude de Hare et al. (2002). Nombres moyens de choix corrects de chiens et de loups testés au cours d’une tâche de mémoire non sociale.

Durant la plupart des études comparatives, les chiens avaient une tendance préférentielle à chercher l’aide de l’Homme rapidement, là où les loups résous l’exercice seul, plus rapidement.

Dans l’étude menée par Udell et ses collaborateurs (2008), les loups ont cependant obtenus de meilleur résultat que les chiens mais suite à un entrainement et un renforcement positif à l’aide d’un cliquer (Udell et al., 2008). Ces résultats ont été vivement critiqués, les chiffres recalculés pour démontrer que les résultats obtenus ne pouvaient être appliqué à la conclusion tirée par Udell et son équipe (Hare et al., 2010).

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14 Cette conclusion contradictoire a été également tirée par une expérience de 2008, où les loups manifestaient également des résultats similaires aux chiens mais seulement à l’âge adulte (alors que les chiots manifestent naturellement ce comportement très tôt) et après avoir été entraînés (et ce, pour des loups élevés à la main) (Virányi et al., 2008).

Ainsi, les loups pourraient donc développer les mêmes capacités sociales que le chien vis-à- vis de l’Homme mais avec plus d’entraînement et avec plus de contact avec l’Homme que le chien, et donc, plutôt de façon acquise et non de façon innée. Cette conclusion est actuellement ce qui est reconnu par le monde scientifique, une incapacité des loups à pouvoir comprendre les signes ostentatoires des Hommes et comprendre les gestes communicatifs d’une autre espèce. Par conséquent, cette déduction permet d’écarter l’hypothèse de caractères sociocognitifs hérités du loup et pourrait envisager que cette compétence soit issue de la domestication. Cette question sera traitée dans un chapitre ultérieur.

4. La communication avec l’Homme

Suite aux prouesses sociocognitives interspécifiques des chiens de façon tout à fait unique à leur espèce, il est pertinent de se demander jusqu’où s’étendent les capacités sociales du chien. Avant d’explorer les autres aspects de la cognition sociale, nous nous demandons si, de la même façon que les chiens comprennent les gestes communicatifs des Hommes, peuvent-ils eux aussi communiquer aussi efficacement avec un individu ?

4.1. Chez le chien

Des études se sont penchées sur la question : le chien peut-il communiquer efficacement avec l’Homme et lui transmettre des informations utiles ? L’objectif était de pouvoir déterminer si au-delà de la sa relation avec l’Homme, le chien était également capable de comprendre les objectifs de l’Homme et son besoin d’obtenir des informations.

Plusieurs études se sont penchées sur la question, parfois avec des résultats contradictoires.

Juliane Kaminski et son équipe ont réalisé une étude pour tenter de déterminer si les chiens pouvaient produire des comportements informatifs dans une situation variable ou soit l’Homme, soit le chien, avait besoin d’un objet. Au cours de ces différents tests, Kaminski

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15 a obtenu des résultats en faveur de la théorie selon laquelle le chien ne donne des informations communicatives uniquement si l’objet à un interêt pour le chien lui-même (ex : un jouet).

Lorsque deux autres objets étaient cachés (un objet envers lequel l’expérimentateur a montré un interêt et un objet envers lequel l’expérimentateur n’avait montré aucun interêt) et qu’aucun objet intéressant pour le chien n’est caché, l’animal ne montre aucune préférence pour indiquer l’un ou l’autre objet (Kaminski et al., 2011).

En conclusion, Kaminiski suggère que, soit les chiens n’ont pas la motivation de comprendre les besoins des humains, soit ils n’ont pas la capacité cognitive de comprendre que l’Homme recherche une information. Avec ces théories, il a été soulevé la possibilité qu’à l’inverse, lorsque les chiens interprètent avec succès les gestes communicatifs de l’Homme, ils comprennent plutôt le geste comme un impératif. Par conséquent, il pourrait en être déduit que le chien répond donc à un ordre et qu’en aucun cas il ne comprend l’objectif et l’état d’esprit de l’Homme.

En réponse à cette étude, une 2ème a été réalisée par Piotti et Kaminski, pour confirmer les résultats obtenus lors de l’étude précédente. Des situations similaires ont été répétées. Dans plusieurs situations conditionnelles, un expérimentateur exprimait un intérêt pour un objet (un bloc note) et 2 containers étaient utilisés pour cacher soit 2 objets (bloc-notes/objet inutile ; jouet/bloc note ; jouet uniquement). Durant l’étude, lors de la condition où le bloc note et le jouet étaient cachés, le chien manifestait toujours une nette préférence pour indiquer le jouet à l’expérimentateur (73%). Cependant, dans la condition où le bloc note étaient cachés avec un objet inutile, les chiens ont eu tendance à plus souvent indiquer l’objet utile et recherché par l’expérimentateur plutôt que l’objet inutile (une agrafeuse dans l’étude). Ce résultat a été corrélé avec l’attention que le chien portait à la démonstration (durant laquelle

le démonstrateur affichait son intérêt à l’objet).

Au cours d’une seconde étude dans le même article, l’expérimentateur ne cachait qu’un seul objet (utile ou non) dans ne boite parmi trois boites dans une pièce. Les résultats obtenus au cours de l’étude ont démontré que les chiens alternaient plus souvent le regard entre l’expérimentateur et la boite où était cachée l’objet (en comparaison avec les 2 autres boites) peu importe la nature de l’objet. Cependant, les chiens tenaient un regard plus soutenu et de

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16 plus longues durées si l’objet était l’objet utile à l’expérimentateur (Piotti and Kaminski, 2016).

Au cours de l’étude, bien qu’une réelle intention du chien d’informer l’humain n’ait pu être démontrée, il a pu être montré que l’animal reconnaît d’une certaine façon l’utilité d’un objet pour l’Homme. De plus, le chien a pu tout de même montrer une certaine motivation à aider l’Homme et lui indiquer la localisation d’un objet. Ce comportement a été adopté sans réelle récompense pour le chien ni sans intérêt pour lui. Au travers de cette expérience, bien qu’il soit encore difficile d’interpréter le comportement du chien, on ne peut totalement exclure une motivation d’informer l’Homme.

4.2. Chez les primates

Malgré des difficultés qu’ont montrées les primates non humains à comprendre et interpréter les signes communicatifs des Hommes, ils sont tout de même capables de communiquer avec l’Homme, notamment dans le cas où ils ont évolué dans un environnement en contact avec celui-ci. Même en n’ayant pas naturellement dans leur panel comportemental des gestes tels que le pointage du doigt ou de la main, dans leur panel de geste communicatifs, ils peuvent l’apprendre assez facilement pour s’en servir afin d’indiquer un quelconque objet.

Plusieurs études ont tenté de déterminer si le chimpanzé avait la motivation de communiquer à titre informatif, notamment vis-à-vis de l’Homme. Des chimpanzés ont été comparés, au cours d’un même exercice à de jeunes enfants de 25 mois. Les résultats ont été significativement en faveur d’une motivation de communication informative bien plus importante chez l’enfant tandis que le chimpanzé, les résultats ont été très bas. Les participants ont été placés dans des situations où soit, un objet utile à l’expérimentateur était caché (à une localisation connue par le participant testé), soit un objet utile au participant, de nouveau caché à un endroit que seul le participant connaissait. Un expérimentateur demandait alors au participant de lui indiquer la localisation de l’objet. Les résultats ont alors clairement montré un caractère « égoïste » dans le comportement du chimpanzé qui n’a démontré que l’objet intéressant pour lui. Le grand singe est-il réellement ce qu’on peut définir d’égoïste

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17 au sens anthropomorphique ou bien s’agit-il d’un manque d’altruisme dans cette espèce, voir d’empathie ?

Cependant, il est difficile de définir une nette préférence des primates à indiquer uniquement ce qui leur est utile par un manque d’altruisme. D’autres études se sont penchées sur la question et des chimpanzés ont démontré leur capacité à venir en aide à un autre individu (lui donner un objet hors de portée ou ouvrir une porte) lorsqu’il lui était impossible d’atteindre son objectif. Par conséquent, un manque d’altruisme est une conclusion trop hâtive. Il serait plus judicieux de dire que ce caractère de communication informative chez les primates ont été moins facilement sélectionnés au cours de l’évolution, même dans leur environnement naturel, ils ne manifestent pas ce type de communication les uns envers les autres (Bullinger et al., 2011).

Ces résultats peuvent donner une explication de la difficulté que les chimpanzés ont démontrée à comprendre des gestes de communication informative pour leur indiquer une friandise cachée. N’ayant pas l’habitude de le faire, ils peuvent présenter une certaine difficulté à comprendre pourquoi un individu cherche à lui indiquer quelque chose alors qu’il peut le trouver par lui-même et y avoir accès.

5. Les autres aspects de la cognition sociale

Depuis les premiers résultats et à la surprise générale, le chien domestique a démontré une supériorité par rapport à d’autres espèces en ce qui concerne la communication avec l’Homme. Il comprend les gestes ostentatoires et est attentifs à l’Homme comme aucune autre espèce ne semble l’être. Jusqu’où le caractère unique du chien s’étend-il, à la fois dans sa relation avec l’Homme mais aussi socio-cognitivement parlant ? Pour répondre à cette question, d’autres aspects de la cognition sociale vont être abordés lors des points suivants.

Ils ne recensent pas l’entièreté des sous catégories existantes mais se concentrent sur des points essentiels et étudiés afin de pouvoir au mieux tirer des conclusions sur les capacités sociales du chien, des primates et éventuellement du loup, lorsqu’il a été possible de le comparer à son descendant.

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18 5.1. L’apprentissage social

L’apprentissage social est couramment défini comme l’apprentissage sous l’influence du comportement ou du produit du comportement de conspécifiques ou hétérospécifiques (Van Schaik et al., 2017). Dans la nature, cette méthode d’apprentissage est moins coûteuse et moins risquée que l’apprentissage individuel (ex : par essai-erreur). Ces différents sous-types sont très utilisés chez de très nombreuses espèces. Ce qui va varier d’une espèce à l’autre est l’utilisation de l’apprentissage social et le type utilisé.

L’apprentissage social peut-être classé en différentes sous catégories. Aujourd’hui, toutes les études ne sont pas d’accord avec la classification à attribuer à l’apprentissage social et ses différents mécanismes. La plupart des études se sont penchés sur notamment les conséquences de ces différents mécanismes (ex : la culture chez les animaux) plutôt que sur les mécanismes eux-mêmes (Van Schaik et al., 2017). Cependant, il a été possible de retirer et classifier les mécanismes principaux. Ceux-ci sont souvent classés selon les besoins cognitifs qu’ils vont nécessiter.

La 1ère distinction à réaliser est de distinguer l’apprentissage social en tant que tel de l’influence sociale, un comportement plus basique et ne nécessitant pas un réel apprentissage.

Dans les deux situations, l’animal répète une action observée chez un démonstrateur. Dans le cas du réel apprentissage social, le comportement est récurrent même lors de l’absence du démonstrateur.

Dans le cas de l’influence sociale, des mécanismes cognitif plus simplifiés sont la facilitation sociale (performance améliorée en présence d’un autre individu) et la contagion, où l’animal n’a pas besoin d’une compréhension précise de l’objectif du démonstrateur et durant laquelle l’action répétée doit déjà être connue du panel comportemental de l’observateur.

Au-delà de l’influence sociale, l’apprentissage social est un processus plus complexe, lui- même pouvant être subdivisé. Les mécanismes les plus « basiques » cognitivement parlant de l’apprentissage social sont des mécanismes dits de renforcement. L’animal apprend à moduler son comportement ou à apprendre un nouveau comportement plutôt en portant son

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19 attention sur l’environnement du démonstrateur et des outils utilisés plutôt que sur le comportement en tant que tel (ex : préférence alimentaire).

Ces derniers sont distingués de mécanismes plus complexes, dit plutôt d’observation et recouvrant l’émulation (l’observateur s’intéresse surtout l’objectif du comportement) et l’imitation (l’observateur porte son attention sur le comportement en tant que tel). La grande distinction entre cette catégorie d’observation de toutes les autres est que, dans ce cas, l’animal comprend l’objectif à atteindre par le comportement qu’il observe et apprend.

5.1.1. L’influence sociale

En termes de mécanismes basique de l’apprentissage social, la contagion a été testée notamment au travers du bâillement contagieux. Ces études ont servis à étudier deux axes : la capacité des animaux étudiés à pouvoir effectuer cette contagion vis-à-vis d’un animal d’une autre espèce mais également d’étendre la signification de ce comportement à la notion d’empathie (telle qu’elle a été démontrée chez l’Homme). Romero et son équipe ont étudié le bâillement contagieux chez le chien et ont mis en évidence que les chiens ont eu tendance à bailler en réponse d’un bâillement d’un autre humain et avec une préférence lorsqu’ils étaient face à leur propriétaire. Au cours de cet étude, la fréquence cardiaque a été monitorée tout au long de l’expérience afin d’éliminer tout stress comme potentielle cause de bâillement. (Romero et al., 2013)

Figure 7 :Résultats de l(étude de Romero et collaborateurs (2013). Ce graphique représente la moyenne de fréquence de baillement contagieux chez le chien, dans les conditions controles et conditions de baillement avec un humain familier et

non familier.

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20 Le bâillement contagieux a également été étudié chez une autre espèce très comparée au chien : le chimpanzé. Parmi les études étudiant le bâillement contagieux chez le chimpanzé, vis-à-vis de l’Homme ou d’autres primates de la même espèce ou d’autres, des chimpanzés du centre national de recherches sur les primates deYerkes (Atlanta, USA), ont été soumis à des sessions de vidéos de bâillements d’humains familiers, humains non familiers et babouins. Ces résultats ont été couplés à une étude précédente comparant la capacité du bâillement contagieux des chimpanzés vis-à-vis d’autres chimpanzés familiers ou non. Les résultats ont montré un taux de réussite et un bâillement contagieux plus présent lorsqu’exposés à des images de bâillements chez des humains (mais sans préférence que l’humain soit familier ou non). A contrario, les chimpanzés ne manifestent aucun bâillement contagieux face aux babouins, espèce avec laquelle ils ne sont jamais en contact (ce qui pourrait expliquer les résultats). En ce qui concerne les autres chimpanzés, les primates étudiés manifestent effectivement un bâillement en contagion mais uniquement avec des chimpanzés connus et non pas des animaux non familiers. Cette observation de préférence vis-à-vis d’autres primates de la même espèce peut sans doute être imputée au caractère plutôt compétitif des relations de ces animaux entre eux. Cette étude suit les résultats d’autres études sur les chimpanzés et confirment leur capacité, à l’instar du chien, d’avoir un bâillement contagieux vis-à-vis de l’Homme (y compris un étranger, contrairement au chien qui manifestait une préférence avec son propriétaire qu’avec un étranger) (Campbell and de Waal, 2014).

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Figure 8 : Résultats de l’étude de Campbell et De Waals (2014). Un index de baillement a été calculé (ordonnée) en soustrayant le nombre de baillement dans le test contrôle au nombre de baillement dans la condition baillement. Le graphique représente les valeurs moyennes. Les données pour les chimpanzes familiers et non familiers proviennent d’une

étude antérieure de Amici et collaborateurs (2014).

Malgré les évidences de bâillement contagieux chez notamment le chien et le chimpanzé, il est difficile de traduire (comme chez l’Homme), ce comportement comme une preuve d’empathie. Cependant, les animaux étudiés ont tout de même manifesté ce comportement avec des individus avec lesquels le lien affectif était plus important (entre chimpanzés familiers et les chiens vis-à-vis de leur propriétaire) (Romero et al., 2013).

5.1.2. L’imitation

En ce qui concerne des méthodes d’apprentissage social plus complexe, l’imitation est ce qui a été le plus étudié chez des espèces à titre comparatif avec l’Homme. Dans le cadre de l’imitation, il est important de distinguer « l’over imitation » où l’animal copie exactement le comportement observé même si l’objectif final n’est pas atteint et sans tenter d’expérimenter ses propres essais pour atteindre cet objectif. Cette « over imitation » a lieu sans raisonnement de l’utilité du comportement et du pourquoi. L’Homme a la capacité unique d’exprimer ce type d’apprentissage social (particulièrement entre 3 et 5 ans mais également à tout âge). Au cours de l’évolution, l’over imitation a permis aux Hommes une

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22 transmission culturelle et la capacité de transmettre une quantité importante d’informations et de connaissance. Ce caractère unique est le point d’intérêt et de comparaison lorsqu’il s’agit d’étudier l’apprentissage social chez d’autres espèce (McGuigan et al., 2011).

Cette aptitude n’a pas été retrouvé chez le chien qui partage pourtant des capacités de cognition sociale semblable à l’Homme (et ce, de façon tout à fait unique à son espèce). Le chien, ne semble pas pratiquer d’over imitation. Mais alors, comment le chien apprend-il. De façon sociale ?

Le chien apprend plutôt de lui-même à expérimenter également d’autres techniques plutôt que de recopier ce que réalise l’Homme. C’est ce qui est démontré dans l’article de Johnston et son équipe qui compare un échantillon de chiens et de dingos au cours d’une expérience où un expérimentateur montre de deux façons différentes (l’une pertinente et l’autre non pertinente) d’obtenir une récompense dans un puzzle. Au cours de l’étude, trois expériences ont été réalisées et ont permis de tirer la conclusion suivante : les chiens et les dingos ont progressivement laissé de côté les actions non pertinentes (pourtant montrées par l’expérimentateur) pour résoudre par eux même le problème exposé et récupérer la récompense, au fur et à mesure des essais. Par conséquent, aucune preuve d’over imitation n’a pu être mis en évidence ni chez le chien, ni chez son cousin canidé (Johnston et al., 2017).

Lorsqu’il s’agit d’étudier l’imitation chez les animaux, un modèle d’étude est mis au point et est très fréquemment répliqué depuis sa première utilisation : le paradigme « Do as I do ».

Cette méthode est utilisée à la fois chez le chien mais également chez les primates afin de tester leur capacité à imiter une action montré par un démonstrateur humain. Le sujet est d’abord entraîné à imiter des actions très simples et, si succès de ces actions, est ensuite soumis à imiter des actions nouvelles et plus complexes. Une imitation réussie de nouvelles actions par le sujet signe une aptitude certaine à pratiquer l’imitation, une forme plus complexe de l’apprentissage social comme discuté plus haut. Cette méthode a pu mettre en évidence des preuves d’imitation importantes chez le chien, à tel point que cette méthode est maintenant utilisée comme méthode d’éducation répandue à travers le monde. Cette technique n’a pas seulement fait ses preuves chez le chien, mais aussi très largement chez les primates (Brauer, 2014).

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23 Le chien démontre au cours de plusieurs études plutôt une forme d’imitation sélective, parfois d’émulation mais pas d’over-imitation. Certaines études portées sur les enfants ont aussi montrés quelques fois une tendance de l’enfant à pratiquer une imitation sélective selon certaines circonstances et se trouve donc plus proche du chien mais avec une préférence à utiliser une over-imitation que le chien ne présente pas (Range et al., 2007).

Malgré une absence de preuves en faveur d’over imitation, le chien reste influencé par son observation de l’Homme (Miklosi, 2007). Le chien a démontré une plus grande rapidité d’apprentissage pour réaliser une action lorsque celle-ci était précédemment montrée par un démonstrateur humain. Il est également plus enclin à utiliser le comportement observé chez le démonstrateur au lieu d’utiliser, dans un 1er temps, une stratégie qu’il pourrait lui-même utiliser. Cependant, comme décrit au cours du paragraphe précèdent, le chien a tendance à utiliser la technique la plus efficace et à délaisser celle du démonstrateur au fur et à mesure des essais.

Concernant les primates, de très nombreuses études se sont penchées sur l’apprentissage social chez un grand nombre d’espèces et les aboutissants de tels mécanismes. L’objectif ici est de déterminer brièvement quels mécanismes les primates (notamment ceux comparés au cours de ce travail) utilisent-ils, entre eux mais surtout en observant l’Homme, et de supposer jusqu’où les primates peuvent-ils aller d’un point de vue cognitif dans ce domaine, comparativement aux chiens et notre espèce.

Des études ont pu montrer une capacité d’imitation certaine (donc d’un apprentissage social nécessitant un mécanisme cognitif plus complexe) en observant un Homme. Les primates testés ont été capables de reproduire fidèlement une série d’actions nouvelles dans leur répertoire comportemental au cours d’un exercice de « Do as I do » et ce, avec des résultats significativement positifs si ces primates ont grandi et été élevé dans un environnement au contact de l’Homme et par l’Homme (Whiten and van de Waal, 2017). Ces résultats sont pertinents avec de précèdentes études sur des singes pour étudier cette transmission sociale de comportement lorsqu’un animal est élevé avec un autre animal d’une espèce différente.

Ce dernier aura d’autant plus de mal de se réadapter parmi les animaux de sa propre espèce et adopter les codes comportementaux. (Van Schaik et al., 2017).

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24 Cependant, en se penchant sur une variante de l’imitation citée plus haut, l’over-imitation, les chimpanzés ne démontrent pas non plus (à l’instar du chien) une over-imitation semblable à l’Homme. Au cours d’une étude de Horner et Whiten (2005), des chimpanzés ont été comparés à de jeunes enfants dans une tâche d’imitation/émulation. Les individus testés ont été mis dans une situation où ils ont observé un modèle effectuer des actions à l’aide d’outils au cours d’une tâche de recherche de nourriture opaque mais également, au cours d’une seconde expérience, durant une tâche de recherche de nourriture cette fois ci transparente. En ce qui concerne les chimpanzés, lors de la tâche opaque, les gestes ont été fidèlement copiés.

Cependant, lors de la tâche transparente, les chimpanzés testés ont plutôt pratiqué une émulation et ont modifié le comportement pour réaliser ce qui leur semblait le mieux adapté pour obtenir le résultat. A l’opposé, les enfants recopiaient fidèlement les actions observées, dans les deux expériences. Ces observations signent la présence d’une over-imitation chez l’Homme, non retrouvés chez les primates.

Nous ne pouvons pas attribuer aux primates tel ou tel mécanisme typique de leur espèce mais plutôt admettre que leur comportement en terme d’apprentissage social relève plutôt d’un spectre, avec la capacité d’utiliser une multitude de mécanismes dépendant du contexte et des circonstances, tout comme le chien mais avec, pour chaque espèce, une tendance préférentielle à tel ou tel processus (Whiten and van de Waal, 2017).

Ainsi, on observera préférentiellement de l’émulation chez les primates, l’imitation chez le chien et une forme d’imitation particulière, l’over imitation, chez l’Homme.

5.2. La coopération

L’unique relation entre l’Homme et le chien repose souvent sur la coopération qu’il existe entre les deux espèces. Cette notion de coopération a souvent été pointée du doigt lorsqu’il s’agit d’expliquer les mécanismes sous-jacents de l’évolution du loup en chien. Pourrait-on envisager que le loup non coopératif a donné naissance au chien, bien plus coopératif et tolérant ? S’agit-il réellement d’une relation collaborative entre l’Homme et le chien ? Deux prérequis sont indispensables pour induire une coopération entre deux individus : la tolérance (accepter la présence de l’autre à proximité) et la vigilance sociale (porter assez d’attention à l’autre pour ajuster son comportement). Comme expliqué précédemment, ces

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25 critères ont été admis auparavant comme des caractères apparus suite à la domestication.

Cependant, aujourd’hui, des études comparatives entre le chien et loups ont démontrés un caractère coopératif chez le loups qui ont entrainé une modification de la théorie autrefois admise (Range and Virányi, 2014a).

Au cours d’études comparatives entre des loups et des chiens élevés exactement de la même manière par l’Homme, avec autant de contact avec des conspécifiques que des humains, des résultats surprenants sont apparus au cours d’un exercice où l’animal nécessite l’aide de l’Homme pour un travail coopératif au cours duquel ils doivent tirer une corde de part et d’autre d’une barrière pour tirer une récompense vers eux. Les loups réalisent des résultats aussi élevés (voire plus élevés) que les chiens en coopérant avec l’Homme, sans que ce dernier n’interagissent directement avec l’animal.

Figure 9: Illustration d'un loup (A) et d'un chien (B) durant la tâche de coopération avec un humain utilisée dans l'étude de Range et al. (2019)

Mais si les loups ont été tout aussi capables de coopérer avec l’expérimentateur que les chiens, sont-ils tous les deux tout aussi coopératifs ? Où réside la différence ?

La grande différence entre les deux espèces a été dans la manière de coopérer. Les chiens ont plutôt eu tendance à se laisser guider par l’Homme, le laisse entamer l’exercice, échanger

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26 plus de regards avec lui et cherche plus à suivre le mouvement que l’initier. Le loup quant à lui, initie plutôt le mouvement. Il guide l’exercice et se positionne plutôt comme un leader, échangeant moins de regard avec l’Homme et prenant plus l’initiative des interactions avec l’expérimentateur. Ces observations sont cohérentes avec d’autres exercices où les sujets doivent résoudre un exercice, le chien a tendance à chercher plus rapidement l’aide de l’expérimentateur là où le loups le fera plus difficilement et résous plutôt le problème par lui- même (Range et al., 2019).

Figure 10 : Résultats de l’étude de Range et al. (2019). Représentation des nombres d’essais avec soit les chiens, soit les loups, à la fois menant l’exercice ou suivant l’Homme au cours du test. Visualisation des differences entre les deux espèces dans les deux conditions (animal leader/Homme leader) où le loups répond mieux à l’exercice lorsqu’il le guide,

là où le chien réalise une performance inverse.

Ces études au cours desquelles les loups se montrent tout autant capable que le chien de coopérer avec l’Homme, lorsque les deux ont évolué dans le même milieu dans les mêmes circonstances, démontrent qu’il n’y a pas de nette différence et entraîne l’hypothèse de coopération canine.

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Figure 11 : Diagramme de l'hypothèse de coopération canine. (Range & Virányi, 2014)

Cette hypothèse décrit plutôt la capacité du chien à coopérer avec l’Homme comme une extension de la capacité des loups à coopérer entre eux. Les loups sont des animaux extrêmement coopératifs, vivent en meutes et doivent interagir et travailler les uns avec les autres. Ils vivent dans un système de hiérarchie différent du chien, se tolèrent les uns les autres plus facilement et dont les conflits sont moins physiques et violents que chez le chien (dans le cas de chiens vivant en groupe dans la rue). Les loups démontrent également une vigilance sociale importante envers leurs conspécifiques, suivant leur regard et attentifs. Ces capacités sont essentielles pour que les loups puissent vivre en meute et notamment dans certaines activités, dont la chasse. Cette coopération loups-loups aurait donc été étendue chez le chien, qui l’a adapté dans sa relation avec l’Homme plutôt qu’avec ses conspécifiques. A l’opposé de leurs ancêtres, les chiens sauvages vivant dans la nature vivent plus individuellement et beaucoup moins de façon coopérative les uns avec les autres. Les chiens hiérarchiquement hauts ont une tendance plus agressive avec des chiens plus faibles, menant à des combats plus violents. Le chien a plutôt étendu ces capacités de tolérance et vigilance sociale à l’Homme, devenant attentif à celui-ci et son comportement, tolérant, amenant une relation de coopération avec l’Homme qu’il ne possède plus avec des conspécifiques (Range

& Virányi, 2014). Lors de l’exercice coopératif avec les cordes, le résultat cohérent avec cette théorie démontre que deux chiens ont bien plus de difficultés à coopérer l’un avec l’autre et arriver au bout de l’exercice que quand il le réalise avec l’Homme.

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28 La coopération a été étudiée chez les animaux, notamment chez les primates et les singes mais en condition expérimentale et difficilement étudiée dans la nature où il est très difficile d'attribuer avec justesse la raison d'un comportement. Ce qui est parfois cité dans la littérature est que les animaux peuvent faire preuve d'interactions coopératives mais motivées par des récompenses á court terme (Cheney, 2011). Cependant, de nombreuses études ont permis de mettre en évidence qu'un primate aura plus tendance à coopérer avec un autre primate si ceux ont déjà participé ensemble à une association fructueuse. Ils sont capables de prendre des décisions reposant sur des actions passées réalisées avec d'autres animaux. Cette observation s'observe à la fois chez les primates mais aussi chez les rats et notamment chez les capucins ou les macaques. Ainsi, le caractère coopératif de certaines interactions pourraient cacher des objectifs futurs (partage de nourriture, défense vis á vis d'autres membres du groupe ou prédateurs,…) ou bien pour un objectif commun compétitifs (s'associer pour étendre son territoire).

Comme cités plus haut, deux prérequis sont indispensables pour aboutir à une relation coopérative : la tolérance et la vigilance sociale. Les chimpanzés possèdent un niveau plus bas de tolérance comparativement à d'autres primates (ex: bonobos) et pourraient expliquer, parfois, des résultats moins bons et un niveau plus bas de coopération dans cette espèce.

Il est difficile d'ignorer le caractère coopératif dont peuvent faire preuve les grands singes.

Les questions soulevées sont plutôt sur les mécanismes sous-jacents et les objectifs. Jusqu’à quel point un primate (ou un chien) peut-il est être capable de coopérer, jusqu’où peut-il comprendre un autre individu, de son espèce ou d'une autre pour aller toujours plus loin dans la coopération ou dans d'autres mécanismes de cognition sociale pour se rapprocher de ce que l'Homme est capable de faire ?

5.3. Théorie de l’esprit

La théorie de l’esprit ou « theory of mind » est la capacité d’attribuer des états mentaux (croyances, désirs et autres) à d’autres individus. C’est une des formes les plus cognitivement avancée de la cognition sociale. Cette compétence est un point central dans l’espèce humaine pour permettre la communication, la coopération et la transmission de culture. Elle permet

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29 d’anticiper le comportement d’autrui, d’adapter son propre comportement à l’autre et de pouvoir considérer que d’autres individus possèdent différents états mentaux que les nôtres et différents points de vue. Pendant longtemps, cette capacité à part entière était réservée à l’Homme. Le consensus scientifique s’orientait sur la théorie de l’esprit comme une disposition uniquement humaine. Cependant, des scientifiques ont commencés à se pencher sur la théorie de l’esprit chez d’autres animaux et de remettre en cause ce que l’on pensait être tout à fait exclusif à l’espèce humaine (Krupenye and Call, 2019). La question suivante est donc apparue : un animal (autre que l’Homme) peut-il comprendre ce qu’un autre animal perçoit et prédire son comportement ainsi que son point de vue ?

Il est important d’expliquer à ce propos que les études portées sur la théorie de l’esprit sont souvent soumises à de nombreuses critiques. La difficulté est de pouvoir réellement déterminer si l’animal étudié est capable d’attribuer des états mentaux et de comprendre la situation et la perspective d’un autre individu. Beaucoup de paramètres (notamment cognitifs) ne peuvent être complètement évalués et la plupart des chercheurs sont obligés d’interpréter des résultats plutôt que d’affirmer une thèse. Ainsi, mon objectif sera de résumer des points de vue partagé par une majorité de chercheurs chez différentes espèces, en gardant à l’esprit que ce domaine reste ouvert à encore de nombreuses questions et que tout est encore à prouver (Krupenye and Call, 2019; Udell et al., 2011).

Les chercheurs se sont penchés dans un premier temps sur une forme basique de la théorie de l’esprit qui est la capacité de mettre en perspective un état mental. Au cours de plusieurs études, les chiens se sont montrés capables de pouvoir adapter leur comportement en fonction de la perception que l’expérimentateur avait de la situation, différente du chien lui-même.

Ainsi, l’animal était plus propice à voler une friandise lorsque l’expérimentateur ne pouvait le voir, même en étant dans la même pièce (Lea and Osthaus, 2018). Pouvoir déterminer ce qu’un autre individu peut voir a également été démontré chez d’autres espèces comme les corvidés et les primates et il peut en être conclu que le chien ne possède pas cette compétence ni de façon unique ni suite à sa domestication mais qu’il s’agit plutôt d’une extension d’un comportement également retrouvé chez d’autres animaux (Brauer, 2014).

D’ailleurs, Udell et al., (2011) se sont penchés sur la perspective chez les chiens en les comparant directement aux loups au cours du test du « knower-guesser », très utilisée dans

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30 le cadre de la théorie de l’esprit. L’objectif était de déterminer s’ils étaient capables de comprendre qu’un autre individu avait une autre perspective (visuelle dans ce cas-ci) de la situation et si cette capacité s’étendait aux loups, de telle façon à déterminer s’il s’agit d’un caractère issus de la domestication ou déjà présent chez les ancêtres du chien. Au cours de son étude, les sujets sont exposés à deux individus : l’un leur faisant face et l’autre en condition « aveugle » (sous différentes formes : le dos tournés, avec un livre devant les yeux, un seau sur la tête et une caméra devant les yeux). Les sujets avaient donc le choix (après période d’entraînement où ils ont pu aller chercher une friandise auprès des deux expérimentateurs) d’un des individus pour aller chercher leur friandise.

Figure 12 : Images de l'expérience de “knower-guesser” réalisée par Udell et al. (2011). (A) Pré-test; (B) Essais d’expérimentations avec distances; (C) Récompense lors d’un choix correct.

Les résultats ont montrés des résultats significativement au-dessus de la moyenne qu’avaient les chiens et également les loups d’aller préférentiellement chercher la friandise auprès de l’individu face à eux qu’à celui en condition « aveugle », c’est-à-dire le dos tourné. Dans les autres conditions aveugles, seuls les chiens de compagnie vivant en famille (comparativement à des chiens issus de refuges) ont pu obtenir des résultats au-dessus de la moyenne, sauf dans la condition de la caméra ou aucun sujet n’a pu obtenir des résultats au-

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31 dessus de la moyenne. Cette étude est une étude supplémentaire (bien qu’interprétable) de la capacité du chien (voire du loup) à comprendre qu’un autre individu a une autre perception que soi de la réalité. D’autres études reproduisent avec le chien le test du « knower-guesser », toujours avec succès. Ces expériences peuvent traduire une forme de perception différente d’autrui chez le chien.

Figure 13: Résultats de l'étude de Udell et al. (2011). Les différentes performances de chaque catégorie d’animaux testés dans les différentes conditions sont représentées, sur une échelle de 10 essais. Chaque point noir représente une performance individuelle. Les colonnes représentent les résultats moyens de chaque groupe. Un astérisque indique que le

groupe en question a obtenu des résultats significativement supérieurs à la moyenne (p<0,05). La ligne horizontale représente 50% de réussite.

Un autre aspect de la théorie de l’esprit semble avoir été démontré chez le chien : l’anticipation du comportement d’autrui. Au cours d’une expérience menée par Kubinyi et collaborateurs (2003), les chiens ont été soumis à une modification d’habitude de leur propriétaire. Au cours de leur balade habituelle, le propriétaire de l’animal change le chemin habituel pour prendre un détour et arriver à un point défini. Les résultats montrent qu’après quelques démonstrations, le chien finit par anticiper le comportement de son propriétaire et avant même que ce dernier ne manifeste le moindre changement, l’animal prend l’initiative d’utiliser le nouveau détour et s’adapte aux « nouvelles préférences » de son propriétaire. De plus, le chien adapte son comportement au promeneur puisque dès que l’on modifie la

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32 personne qui balade le chien, l’animal reprend ses anciennes habitudes et le chemin anciennement utilisé. Selon les auteurs, ces résultats signent une forme de synchronisation et de coopération envers l’Homme, un comportement sociocognitif complexe pour un animal autre que l’Homme (Kubinyi et al., 2003).

Au-delà de la mise en perspective, aucune autre aptitude de théorie de l’esprit n’a pu être n’a pu être clairement mise en évidence pour le moment chez le chien et pourrait temporairement signer que cet animal, malgré une forte proximité avec l’Homme et leur évolution convergente, ne possède pas de capacité plus complexe de la théorie de l’esprit, centrale dans la communication humaine. La question qui s’en suit est donc : existe-t-il un autre animal pouvant se rapprocher de ces habiletés cognitives ?

Qu’en-est-t-il des primates ? Chez les grands singes, la perception et la connaissance d’autrui a été étudiée dans le but d’investiguer la fausse croyance. Krachun et al. (2009) se sont penchés sur la question d’une façon légèrement différente de leurs prédécesseurs puisque ceux-ci ont recherché au maximum de replacer les chimpanzés dans des conditions qui leur est plus familière (plutôt sous une forme de compétition) et sans utiliser des moyens de communication humains qui leur est étranger. Un sujet compétiteur fait face à un chimpanzé avec, entre eux, des récipients hors d’accès. Un expérimentateur place, à la vue du sujet et de son compétiteur, une friandise dans un des récipients. S’en suit deux conditions différentes : celui de la « vraie croyance » où l’expérimentateur change la friandise de récipient sous les yeux des deux individus ; et une condition de la « fausse croyance » où l’expérimentateur change cette fois ci la friandise de récipient mais uniquement devant le chimpanzé puisque le compétiteur quitte la pièce. A son retour, les récipients sont rapprochés de lui et il tend la main vers le récipient où il pense que la friandise se trouve (rappelons le : récipient correct dans la condition « vraie croyance » et récipient incorrect dans la condition « fausse croyance » mais dans les deux situations, le chimpanzé a été témoin du changement de récipient de la friandise). Mais avant que le compétiteur ne puisse atteindre le récipient choisi, les deux sont retirés du compétiteur pour être rapprochés du chimpanzé qui peut lui-même choisir un récipient pour récupérer la friandise. Si le primate réussi alors correctement le test de fausse croyance, on peut s’attendre à ce que l’animal, dans la situation de « fausse croyance » choisisse le récipient opposé au choix de l’humain face à lui. Cependant, les

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33 résultats ne vont pas être en faveur de cette théorie. Les chimpanzés choisissent le plus souvent le récipient choisi par le compétiteur, quelle que soit la situation. Ces résultats, en défaveur d’une compréhension de « fausse croyance » chez les grands singes, suivent les résultats d’autres études mais certaines défendent l’hypothèse avec des résultats différents dans des circonstances bien différentes.

Lors de celles-ci, les chimpanzés sont soumis à des tests également utilisé avec de jeunes enfants où ils sont témoins d’une scène au cours de laquelle quelque chose est caché d’un expérimentateur qui ensuite s’absente et durant cette absence, l’objet convoité (voire l’autre individu) change de cachette. Au retour de l’expérimentateur, le regard du sujet est analysé.

S’il se porte sur la cachette « initiale » connue de l’expérimentateur en état de « fausse croyance », il est donc déduit que le sujet comprend que l’expérimentateur possède une autre perception de la situation, même si le sujet connait la réalité. Ainsi, le chimpanzés réussissent mieux ces tests que les études décrites plus tôt (Krachun et al., 2009).

Doit-on conclure que les grands singes possèdent ou à l’inverse, ne possèdent pas de théorie de l’esprit ? Les scientifiques sont plus nuancés. Les difficultés d’évaluer les résultats des études réalisées mais également les résultats variables entraînent la conclusion que les primates ne disposent pas d’une théorie de l’esprit au sens propre, telle qu’elle est décrite complètement mais qu’ils possèdent tout de même des capacités cognitives sociales complexes, leur permettant des interactions sociales complexes les uns envers les autres, bien qu’aujourd’hui, il soit encore difficile de déterminer jusqu’où les primates se comprennent les uns les autres (Krupenye and Call, 2019).

6. La domestication

Les particularités observées chez le chien, son comportement similaire à celui d’un enfant, là où nos plus proches cousins ne peuvent performer avec autant de talent naturellement, ont menés a des théories pour expliquer une telle capacité social interspécifique. Pourquoi le chien présente ses qualités et ses habiletés ?

De nombreuses théories ont été mises en évidence. Pour résumer ce qui a été décrit précèdemment, il a été démontré une capacité étonnante des chiens à interpréter des gestes

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