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La biométhanisation : une solution pour un développement durable
A. Saidi * et B. Abada
Division Bioénergies & Environnement, Centre de Développement des Energies Renouvelables B.P. 62, Route de l’Observatoire, Bouzaréah, Alger, Algérie
Résumé - Les activités agricoles et agro-industrielles génèrent des quantités importantes de déchets qui constituent une nuisance pour l’environnement. Ces déchets, riches en matière organique, peuvent être recyclés et transformés par des procédés biotechnologiques qui constituent une solution de choix pour remédier aux problèmes de pollution. Une des technologies permettant efficacement le traitement de la fraction organique de ces déchets est la biométhanisation, qui consiste en une dégradation en absence d’oxygène de la matière organique en un mélange de méthane (CH4) et de dioxyde de carbone (CO2) appelé biogaz. Utilisée de manière optimale, une installation de biométhanisation permet non seulement de prévenir la pollution, mais aussi de produire de l’énergie, du compost et de procéder à la reconstitution des nutriments. La biométhanisation, ou digestion anaérobie, peut transformer un problème de déchets en une source de richesses. Cette technologie devient essentielle dans le processus de réduction des déchets et la production de biogaz, source d’énergie renouvelable.
1. INTRODUCTION
La pollution de l’eau et de l’air par les déchets municipaux, industriels et agricoles s’accentue.
Les gouvernements et industries sont constamment à la recherche de solutions technologiques permettant un traitement efficace et moins coûteux des déchets. Une des technologies permettant efficacement le traitement de la fraction organique de ces déchets est la biométhanisation, qui consiste en une dégradation en absence d’oxygène de la matière organique en un mélange de méthane (CH4) et de dioxyde de carbone (CO2) appelé biogaz. La biométhanisation peut s’appliquer à différentes matières organiques à forte teneur en eau ; ces matières peuvent être les déchets organiques d’élevage (lisier, fumier), la fraction organique des déchets ménagers, les boues des stations d’épuration, gadoues de fosses septiques, les résidus de distillation du vin, et les déchets verts (herbe, feuilles…). Utilisée de manière optimale, une installation de biométhanisation permet non seulement de prévenir la pollution, mais aussi de produire de l’énergie. La biométhanisation ou digestion anaérobie, peut transformer un problème de déchets en une source de richesses. Cette technologie devient essentielle dans le processus de réduction des déchets et la production de biogaz, source d’énergie renouvelable.
2. DEFINITION
La biométhanisation est définie comme la transformation, par la fermentation microbienne, des substances organiques en un gaz combustible appelé biogaz (CH4 + CO2 + H2O) et un résidu solide, plus ou moins appauvri en matières organiques. Gottschalk [1] définit la fermentation comme un processus bioénergétique qui n’implique pas une chaîne respiratoire ayant l’oxygène, le dioxyde de souffre et le nitrate comme accepteur final d'équivalents réducteurs (protons + électrons). La fermentation avait d'ailleurs été définie par Louis Pasteur, depuis 1860, comme une vie sans air, une vie en anaérobiose.
3. TECHNOLOGIE DE LA BIOMETHANISATION
La digestion anaérobie des déchets organiques et des effluents organiques industriels est un processus biologique de décomposition de la matière organique, qui se déroule en absence
* aminagenibio@gmail.com
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d’oxygène et qui conduit à la formation de biogaz, mélange de méthane CH4 (50 à 75 %) et de gaz carbonique CO2 (25 à 50 %). Des communautés microbiennes complexes sont responsables de cette décomposition. On peut distinguer trois types de digestion anaérobie selon les zones de températures dans lesquelles s’opère le processus, soit basse, moyenne ou élevée, les limites variant d’un auteur à l’autre :
- digestion psychrophile : basse température 15 à 25°C, - digestion mésophile : température moyenne 30 à 45°C, - digestion thermophile : température élevée 50 à 65°C.
3.1 La microbiologie et la biochimie de la biométhanisation
La biométhanisation d’un composant organique polymérique (polysaccharides, protéines, lipides, etc.) est un processus biologique multiphasique, résultant de l’action conjuguée d’une communauté microbienne complexe, composée d’au moins quatre populations synthrophiques.
Ces populations microbiennes possèdent des fonctions métaboliques différentes et déterminent, en fin de compte, la transformation de la matière organique en biogaz (CH4 + CO2 + H2O) [2].
Il existe donc une chaîne trophique dans l'écosystème méthanogène, avec quatre étapes [3] qui sont représentées dans le Tableau 1.
Tableau 1: Synthèse du processus de méthanogenèse (étapes, types de transformation et quelques microorganismes) [2]
Etape Type de transformation Quelques microorganismes impliqués Etape 1
Hydrolyse
Dépolymérisation en monomères - polysaccharides---- oses (glucose, fructose…)
- protéines---- acides aminés - lipides---- acides gras + glycérol
Bactéries hydrolytiques Salmonella typhii, Salmonella gallinarum, Escherichia coli, Acetobacter xylinum Klebsiella pneumoniae, etc Etape 2
Acidogenèse
Fermentation des monomères en:
- acides gras volatils (acides acétique, acide propionique,…)
- alcools (éthanol,…) - CO2, H2O
Bactéries acidogènes
Lactobacillus brevis, Lactobacillus fermenti, Leuconostoc mesenteroides, Leuconostoc pentosaceus,
Clostridium tetani, Clostridium butyricum, Thermobacterium yoghurti, etc Etape 3
Acétogenèse
Fementation des produits de l’acidogenèse (autre que l’acétate) en acétate, en H2 et CO2
Bactéries acétogènes Acetobacter xylinum, Salmonella typhosa, Salmonella pullorum, Mycoderma aceti Etape 4
Méthanogenèse
Formation du méthane (CH4) à partir de la réduction du CO2 par H2 du formate et du méthanol
Bactéries méthanogènes Methanobacterium formicum, M. propionicum,
Methanococcus mazei, M. venielli, etc.
3.2 Procédés de biométhanisation
Le processus biologique ainsi défini se fait dans une cuve d’étanchéité, plus au moins absolue, dénommée digesteur, fermenteur ou réacteur méthanogène. Selon l’état physique du substrat organique et la disponibilité en eau, il existe une diversité de digesteurs [4] :
• Digesteurs méthanogènes discontinus : l’alimentation en substrats se faisant en une fois ou bien de façon étagée dans le temps.
• Digesteurs méthanogènes continus :
a) sans recyclage de microorganismes actifs; constitués de digesteurs continus infiniment mélangés, les digesteurs du type piston, les digesteurs en boucle;
b) avec recyclage de microorganismes actifs : en dehors du digesteur, ou dans le digesteur : soit sans support (digesteur à lits de boues) soit avec support (digesteur à lits fixés).
33 3.3 Principe des différents digesteurs méthanogènes (pour substrats solides, semi liquides ou liquides) 3.3.1 Digesteur en une étape [4]
a. Digesteur à alimentation discontinue (batch) en substrat (matière première) (Fig. 1);
b. Digesteur à alimentation continue en substrat sans recyclage de la biomasse active (bactéries) (Fig. 2);
c. Digesteur à alimentation continue en substrat avec recyclage de la biomasse active (bactéries) à l’extérieur du digesteur (Fig. 3);
d. Digesteur à alimentation continue en substrat avec recyclage de la biomasse active (bactérie) à l’intérieur du digesteur (Fig. 4);
e. Les figures 5 et 6 illustrent des digesteurs de macro ou de micro supports (fixation ou immobilisation). Dans le cas de la figure 5, le flux de substrat est ascendant, par contre dans la figure 6, ce flux est descendant.
Fig. 1: Digesteur à alimentation discontinue (batch) en substrats (matière première)
Fig. 2: Digesteur à alimentation continue en substrats sans recyclage de biomasse active
(bactéries)
Fig. 3: Digesteur à alimentation continue en substrat avec recyclage de biomasse active
(bactéries) à l’extérieur du digesteur
Fig. 4: Digesteur à alimentation continue en substrat avec recyclage de la biomasse active
(bactéries) à l’intérieur du digesteur
Fig. 5: Digesteur avec flux de substrat ascendant
Fig. 6: Digesteur avec flux de substrat descendant
3.3.2 Digesteur en deux étapes [5]
Ce type de digesteur sépare l’hydrolyse et l’acidogenèse, dans une première étape, et la méthanogenèse dans une seconde étape (Fig. 7).
Fig. 7: Digesteur en deux étapes
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4. PRODUITS DE LA BIOMETHANISATION
4.1 Le biogaz
Le gaz, produit par la fermentation méthanogène, est connu sous les noms de gaz de marais, gaz des égouts ou biogaz [2].
4.1.1 Composition du biogaz
La composition du biogaz est consignée dans le tableau 2 [6].
Tableau 2: Composition du biogaz
Gaz %
Méthane CH4
Dioxyde de carbone CO2 Azote N2
Gaz divers: H2S, NH3, CnH2n… Hydrogène H2
Oxygène O2
50 à 70 35 à 40 0,5 à 3 1 à 5 1 à 3 0,1 à 1
4.1.2 Propriétés et caractéristique du biogaz
• Dans les mêmes conditions de température et de pression et à volume égal, le biogaz est plus léger que l’air ; sa densité par rapport à l’air est environ égale à 0,7. Par conséquent, en cas de fuite, le biométhane aura tendance à s’échapper vers le haut contrairement au butane et au propane, ce qui évite les risques d’accidents [6].
• La production de biogaz sur les différents substrats : A la lumière des valeurs consignées dans le tableau 3, il apparaît clairement que le substrat idéal est constitué par les eaux d’égouts, mais pour des commodités particulières les bouses de vaches et les fientes de volailles constituent également de bons substrats et particulièrement quand ils sont mélangés.
Tableau 3: Rendement de production de biogaz en fonction de la nature du substrat [7]
Déchets Rendement moyen
Litre/kg de M.S.
Déchets animaux Bouse de vaches Crottins de chevaux Fientes de volailles Fumier de moutons
Eaux d’égouts
200 200 310 135 340
4.1.3 Le pouvoir calorifique du biogaz
Le méthane brûle avec une flamme bleue, lorsque sa combustion est complète. Celle-ci s’accompagne d’un fort dégagement de chaleur. Dans ces conditions, l m3 de méthane peut atteindre en brûlant une température de 1400 °C et dégage une quantité de chaleur de 8500 à 9500 kcal.
La comparaison du pouvoir calorifique du biogaz avec celui des combustibles usuels permet d’énoncer les équivalents approximatifs suivants :
- 1 m3 de biogaz équivaut, du point de vue énergétique, à 1,25 kilowattheure.
- Sa combustion produit une quantité d’énergie équivalente à celle de 0,7 litre de pétrole ou 0,6 litre de gasoil. [7]
4.1.4 Les utilisation du biogaz [2]
Le biogaz peut produire de l’énergie. Dans la production d’énergie, - le biogaz peut servir à la production de chaleur, susceptible d'être utilisée soit dans la cuisson, le séchage ou le chauffage, soit dans le fonctionnement de machines à vapeur pour la production d’électricité ou d'énergie mécanique; - le biogaz peut faire fonctionner un moteur à combustion interne pour produire de l’énergie cinétique (mécanique) ou de l'électricité. Il existe en effet des normes d’équivalence:
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•1m3 de biogaz permet à une lampe d'éclairer pendant 6 à 7 heures et de diffuser une luminosité équivalente à 60 W de lumière électrique; •1m3 de biogaz peut aussi produire 1,25 kWh d’électricité. En outre, le biogaz épuré peut être utilisé dans l’industrie chimique pour la fabrication de nombreux produits chimiques (chloroforme, acétylène, méthanol,…).
4.2 Le digestat
Le digestat est la matière organique qui n’a pas été transformée en biogaz lors de la fermentation. Ce digestat peut servir comme un amendement agricole à cause de ses qualités fertilisantes vu sa teneur en Azote, Phosphore, Potassium, Calcium…
5. CONCLUSION
Les avantages de la biométhanisation sont multiples et peuvent être classés comme suit : - dans le traitement des déchets : processus naturel nécessitant moins d’espace que le compostage aérobie ou l’enfouissement et réduisant considérablement le volume et le poids des déchets à enfouir;
- sur le plan énergétique : production nette d’énergie, génération d’un combustible renouvelable de haute qualité valorisable dans plusieurs applications finales;
- sur le plan environnemental : réduction significative des émissions de CO2 et de CH4, élimination des odeurs, production d’un compost propre (stérile) et d’un fertilisant liquide riche en matières nutritives utilisables en agriculture;
- sur le plan économique : plus rentable que toutes les autres formes de traitement.
REFERENCES
[1] G. Gottschalk, ‘Bacterial Metabolism’, Springler Series in Microbiology, Editor Mortimer P. Starr, Springler Verlag, Berlin, 1979.
[2] M. Monzambe, ‘La Problématique de la Biométhanisation en République Démocratique du Congo’, Bulletin de l’ANSD, Vol. 3, pp. 7 - 34, 2002.
[3] M.R. Winfrey, ‘Microbial Production of Methane’, In: Petroleum microbiology, Atlas, M.R., Edit. Mc Milian, NY, USA, pp. 153 - 219, 1984.
[4] R. Scriban, ‘Biotechnologie’, 2ème Edit. Tech. & Doc. Lavoisier, Paris (France), 1985.
[5] R. Van Bokkelen, ‘Etude d’un Procédé de Biométhanisation en Deux Etapes pour la Valorisation Energétique des Résidus Agricoles Solides’, Thèse de Doctorat, Faculté d’Agronomie de l’Université Catholique de Louvain, Belgique, 1987.
[6] B. Lagrange, ‘Biométhane, Principe – Techniques – Utilisation’, Ed. Edisud, 246 p., 1979.
[7] I. Tou, S. Igoud et A. Touzi, ‘Production de Biométhane à partir des Déjections Animales’, Rev. Energ.
Ren., Numéro Spécial Biomasse, pp. 103 – 108, 2001.