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Article pp.127-152 du Vol.7 n°2 (2015)

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Texte intégral

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doi:10.3166/r2ie.7.127-152 © 2015 Lavoisier SAS. Tous droits réservés

Information, intelligence et dispositifs de médiation pour des territoires hybrides

1

Par Yann Bertacchini

a

, Paul Déprez

b

, Pierre Maurel

c

et Yannick Bouchet

d

aMaître de Conférences, HDR (HC), E.S.P.E (École Supérieure du Professorat et d’Education), Département Sciences de l’Ingénieur & Développement Durable,

Académie de Nice, I3M-EA 3820 Lab

b Docteur, ATER, laboratoire DeViSu-EA2445, Université de Valenciennes,

c Docteur, UMR Cnrs TETIS, Montpellier

d Docteur, Centre Magellan, IAE de Lyon

Résumé

Cet article se propose de mettre en écho la pratique vécue au cours des six dernières années écoulées nourries, outre la poursuite de la direction de thèses de doctorat sur le thème de l’Intelligence Territoriale, par l’exercice de deux mandats locaux, l’un d’Adjoint au maire, le second, de Conseiller communautaire avec le capital théorisé sur l’Intelli- gence Territoriale. La réflexion scientifique initiale s’en est trouvée, enrichie, discutée, éclairée, contrariée même si, l’expérience étant trop récente, la distance sera, sans nul doute nécessaire, pour extraire des éléments complémentaires de réflexion dans le futur.

Nous illustrerons cette confrontation par des situations de recherche doctorales qui pré- senteront des situations territoriales hybrides. © 2015 Lavoisier SAS. All rights reserved

Mots clés : acteur, dispositif, hybride, médiation, organisation, territoire.

Abstract

From information to hybrid territories through intelligence and socio-technical information and communication arrangements. Reflecting the recent past six years (2008-2014) we should have to say, in addition on continuing the directions of doctoral the-

1 Comme nous avons engagé un programme d’études et de recherches sur les territoires hybrides, nous avons puisé dans les articles, conférences déjà publiés et en relations avec ce programme et de façon à les enrichir.

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sis about Territorial Intelligence and Ecology of Communication, these years were fueled from the exercise of two local mandates, as Deputy Mayor, and for the second, as Intercommunity Advisor. With hindsight these six years, I have much appreciated the privilege, demanding to be able to discuss, compare, share with a background of a capital theorized on Territorial Intelligence and doing it with a practice in action, because in our sense, action, decision, pro- ject and system are the major characteristics and components of Territorial Intelligence field.

Certainly, and because we need putting a fair distance between this recent (and finished yet) experience, and the facts we are preparing to relate through our academic practice. © 2015 Lavoisier SAS. All rights reserved

Keywords: hybrid, local stakeholders, local government, STICA (Socio-Technical Information and Communication Arrangements), territorial project.

Nous visons par cette contribution de tenter d’apporter des éléments structurels de réponse à l’interrogation de la 1re partie : 1- Est-ce que les territoires peuvent être, à un moment de leur cycle de vie ponctué de ruptures, qualifiés d’intelligents ? Dans cette partie, nous verrons qu’il s’agit de procéder à une investigation lente, progressive, complexe et solidaire, amenant à une logique de communication inscrite dans un processus, informationnel et anthropologique, pour permettre l’émergence d’une logique structurante inscrite dans une approche systémique compréhensive. Dans la 2e partie nous proposerons un cadre épisté- mologique et méthodologique en exposant des situations de recherche pour leur capacité à produire et relier communication et sens dans le processus de recherche des acteurs d’un territoire à rendre celui-ci intelligent. En conclusion, nous poserons un cadre élargi quelques éléments pour une future feuille de route de pratiques et de recherche.

Nous le ferons dans une relation double et féconde en prolongements des proposi- tions d’un passeur transdisciplinaire exceptionnel décrit par Devèze (Devèze, 2004) et d’une Écologie de la Communication exposée, et démontrée par Abraham Moles (1995) dans Théorie Structurale de la Communication & Société et dont nous citons quelques extraits p. 94 et suivantes « L’écologie de la communication sera la Science des relations et des interactions existant entre les différentes espèces d’activité de communications, à l’intérieur d’un domaine fermé tel que le temps disponible pour l’individu ou tel ensemble social dispersé dans un territoire. » puis de souligner qu’il va s’agir de réaliser une description de l’activité humaine transactionnelle, de la connaissance des réseaux ou des systèmes.

Nous le ferons également en poursuite de la proposition de Moles (Moles, 1972) dans

« Théorie de la complexité et civilisation industrielle » parce que l’objet central de notre contribution sera un « objet » complexe, le territoire, « comme vecteur de communication au sens socio-culturel du terme. » et Devèze (Devèze, Op, Cit) de citer Moles : « La liaison s’imposait alors pour nous entre ces études sur la psychologie de l’espace et les mécanismes de communication. Peu à peu dans un approfondissement de cette théorie structurale des communications, qui pour nous s’est étendue sur la plus grande partie de notre carrière scientifique, nous avions étudié l’application des mécanismes de communication et de la théorie des systèmes aux sciences sociales dans leurs divers aspects, toujours attentifs au

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processus de perception… Le moment était venu pour nous de franchir une nouvelle étape de généralisation et de systématisation de ces deux disciplines : celles de la psychologie de l’espace et du temps et celle de l’information et des communications… Ce terme de communications émergeait en effet à cette époque (1965-1970) comme l’un des concepts- carrefour d’une nouvelle approche des sciences sociales. (…) Ceci nous a conduits à constituer ce qu’on peut appeler une approche formaliste de l’étude des communications sociales, définissant le concept de communication à partir de l’idée d’expérience vicariale comme le transfert d’une modification de l’environnement immédiat du récepteur à partir de celui de l’émetteur en utilisant ce que l’un et l’autre possèdent au départ en commun (idées de code, de répertoire, de culture). ». Fin de citation.

Ainsi, pour la mise en commun d’éléments détenus par des acteurs territoriaux diffé- rents, encore faut-il connaître les codes, répertoires, culture de ces acteurs et chercheurs.

Comme fondation de confiance de la lecture territoriale proposée, l’objet de recherche constitue un aveu autobiographique

Avant de livrer des éléments de réponse aux questions soulevées en introduction, il nous sera nécessaire d’indiquer que quelques éléments de notre parcours, tant du point de vue personnel que professionnel voire extra-professionnel ont enrichi notre proposition.

Ne serait-ce que pour poser une bordure à une conception de l’Intelligence Territoriale, en vue d’alimenter nos échanges immédiats et futurs enfin, pour projeter les perspectives et ligne de force des travaux, actions, programmes aboutis, projets échoués, projet en cours ou en préparation.

Une grille de lecture et d’écriture du territoire fondée sur des éléments personnels et professionnels.

Nous ne développerons pas ces éléments personnels mais ils agissent en fondation, à ne pas en douter, certainement, de la grille de lecture territoriale que nous proposerons dans cet article. Il en a résulté une exigence fondamentale : les jeux d’acteur, sans contribution réelle et féconde « à somme nulle », sans prospective, ne nous intéressent donc pas, et n’entreront pas dans ce cadre.

En ce sens, l’objet de recherche ou de science « Le choix de l’objet de science est un aveu autobiographique. »2, il entremêle autobiographie et discours positif selon Onfray, (Onfray, 1997)3 et peut constituer, certainement, un aveu autobiographique.

Une telle fondation personnelle exerce en rappel pour signifier, si besoin, qu’entreprendre une action, un projet, un programme en Intelligence Territoriale exige de nous l’acceptation d’être potentiellement exposé à un échec du projet à cause de facteurs non maîtrisés, de concurrence interpersonnelle, et de calendrier électoral. Mais la culture contemporaine met en exergue le résultat immédiat, la performance quantitative et ne souligne pas, ou très peu, les vertus d’apprentissage de l’échec. À l’opposé de cette culture « Taylorisée », seules quelques constantes perdurent d’un projet à un autre projet parce qu’il n’existe pas de for- mule et de formulation idéale reproductible (Popper, 1963), (Kuhn, 2008). Voici toutefois

2Cyrulnik, B, Le monde de l’éducation, juillet-août 2001.

3Onfray, M., Politique du rebelle, Traité de résistance et d’insoumission, Grasset (Figures) 342 pages, 1997.

(Cité par Ch. Boisin http://www.hypermoderne.com/html/le_memoire/partie1_methode/8heptagraphie_

discours_positif.htm)

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quelques constantes identifiées au fil des projets et des recherches.

La première constante signifie l’acceptation, d’un temps de préparation du projet relativement long (à une époque ou le très court terme semble prédominer et consti- tuer la priorité des unités d’action et de mesure), la seconde, concerne la sollicitation permanente du facteur humain, dans ses engagements, la dernière constante concerne la dimension hétérogène (et c’est tant mieux !) du projet dans ses objectifs et dans les compétences qu’il va appeler, qu’il doit orchestrer. La dernière constante, contingente, porte sur le calendrier électoral. Dans l’entrelacement du découpage administratif ter- ritorial (commune, intercommunalité, canton, métropole, département, région, U.E) et des cartes, dispositifs de toutes sortes associés : PRIF (prévention des feux de forêts), PPRI (prévention risques inondations), PLU (plan local d’urbanisme), SCOT (schéma de cohérence territoriale) plus d’innombrables syndicats, etc.) une élection chasse l’autre avec deux bornes, de début et de fin de mandat, improductives et consommatrices d’un temps et d’une énergie précieuse. Ces éléments prévalent à mon sens dans une action dite d’Intelligence Territoriale. Il nous faut en ajouter une autre, notre capacité à réunir dans des réseaux fertiles les savoirs experts et profanes, trop longtemps négligés par l’ingénierie territoriale. Il s’agit de Savoirs détenus par des communautés qui ne se pratiquent pas ou peu.

Sur un plan professionnel, pour compléter les éléments qui entrèrent dans l’élaboration de la grille de lecture territoriale que nous exposons ici, nous confierons qu’après une for- mation scientifique, technologique et militaire, je servis dans la marine nationale Française, puis j’ai rejoint l’industrie en France et à l’étranger, enfin, associé à plusieurs projets de création de filières de formation, de sites universitaires ou privés, j’ai rejoint l’Enseignement Supérieur et la Recherche pour y poursuivre une carrière. Ce parcours et les aventures qui l’accompagnèrent me préparèrent progressivement à pratiquer l’interdisciplinarité et la plu- ridisciplinarité très attendues par des actions, projets et programmes situés en Intelligence Territoriale. Nous noterons au passage que je n’appartiens donc à aucun grand corps ou institution unique. Cela est déterminant dans la pratique de l’Intelligence Territoriale telle que nous la concevons parce que cette Intelligence Territoriale ne s’accommode pas de la mono culture, en écho à la proposition de Ricœur s’agissant de la diversité humaine, de l’altérité, de la traduction (Ricœur, 1990) et attend des acteurs le dire, le faire et l’être (Austin, 1962), des actes de langage à capacité organisationnelle (Gramaccia, 2001).

Sur le plan de l’engagement dans la Cité

Relevant de l’engagement dans la Cité, depuis 2008, et au cours de deux mandats électifs locaux (qui se termineront en mars 2014), l’un d’Adjoint au Maire d’une ville moyenne, le second de Conseiller communautaire dans le cadre de ces deux missions, j’ai pris en charge quelques dossiers qui m’ont permis soit totalement, soit partiellement, de faire appel aux enseignements et retours d’expériences tirés de la direction de thèses en Intelligence Territoriale, d’actions ou de programmes.

Il s’agit plus précisément de :

– Accompagner le développement d’une D.S.I (Direction des Systèmes d’Information).

– Préparer, accompagner les collectivités à recevoir le très haut débit THD et plus généralement l’aménagement numérique du territoire ANT.

– Piloter un plan de rénovation urbaine PRU pendant cinq années et cela dans le cadre d’un plan de sauvegarde associé à un quartier à rénover.

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– Piloter la création d’un Pôle de Formation et d’Enseignement Supérieur depuis six années – Piloter (en qualité de chargé de mission) un schéma départemental d’aménagement

numérique du territoire) SDTAN

Pour préparer cette contribution, j’ai puisé dans le matériau de textes (co)produits ces dernières années, objets de conférences ou d’articles, en qualité d’auteur unique ou de (co)-auteur et de direction de thèses aussi tout en replongeant dans mes années, civiles et militaires, passées à servir dans l’industrie et dans la marine nationale et qui m’ont permis de côtoyer les univers que nous décrirons au cours de cette contribution et que nous carac- térisons maintenant. Il s’est agi pour chaque dossier cité de combiner « le non-humain avec l’humain » (Latour, 2005) en réunissant des compétences précises, appliquées, et issues de sphères très différentes. Et l’Intelligence Territoriale évoque d’abord l’action, la décision, les risques et les systèmes.

Actions, décisions, risques et système, des éléments caractéristiques d’un projet en intelligence territoriale

Comme nous l’avons déjà précisé dans plusieurs contributions (Bertacchini & Alii 2014), nous précisons les éléments majeurs à retenir pour caractériser notre travail sur l’Intelligence Territoriale et l’esprit qui l’a animé et l’animent encore :

– des éléments de culture issue de traditions qui révèlent notre culture et attachement, – des éléments de compétences scientifiques, technologiques, associés à des savoirs et

savoir-faire profanes, experts.

– des éléments de langage pris au sens de grammaire territoriale (Jakobson, 1963), Bertacchini, 2004), (Herbaux, 2007), (Maurel, 2012), (Bertacchini, 2013).

Le site internet http ://www.poitou-charentes.developpement-durable.gouv.fr/alphabet- grammaire-r1280.html propose une traduction applicative de l’alphabet de cette grammaire en présentant les sept principes organisateurs de l’espace.

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Figure 1 : Principes organisateurs de l’espace (d’après Piveteau et Lardon)

Environnement et Système complexe : le territoire objet de flux, de procédures et de représentations.

L’intelligence territoriale nous amène régulièrement à rencontrer les éléments d’un système que nous nommerons territoire, un ensemble immergé dans un environnement complexe et concurrentiel. (Von Foerster, 1981), (Bougnoux, 1993), (Lévy, 1997) pour décrire ce qui compose et structure cet ensemble et sa logique dédiés à la production de biens et de services. Nous observons ainsi son organisation et ses échanges, les flux qui le parcourent, la définition et la négociation des procédures, formelles et informelles qu’il adopte enfin, ses représentations qu’elles soient l’expression d’éléments physiques ou d’éléments numériques.

Nos recherches rencontrent l’actualité contemporaine faite d’annonces de fermetures de sites industriels et, plus largement, de désindustrialisation. Pour avoir connu des crises, tant dans le secteur militaire que dans le secteur civil, nous mesurons l’importance de recenser, conserver, maintenir, améliorer et transmettre les savoirs faire4 que nous plaçons au cœur de notre approche. Lorsqu’un site industriel disparaît, lorsqu’une unité militaire est fermée ou voit ses performances dans l’action compromises, les capacités associées aux hommes qui les détenaient quittent le territoire d’accueil ou voient leur survie menacée. Nous évoquons ici des compétences opérationnelles que l’Intelligence Territoriale appelle.

Nous évoquons précisément un patrimoine territorial immatériel à créer, maintenir, préserver, stimuler parce que bien les territoires connaissent un cycle de vie immanquable- ment perturbé, souvent exposés soit à des ruptures, soit à une fracture dite numérique qui compromet la chaîne de valeur territoriale c’est-à-dire la mise en relations d’une demande à une offre de compétences territoriales. Nous le vivons au quotidien et le territoire ne peut être réduit uniquement à des expressions et productions numériques sans ancrages réels dans le territoire « physique » sauf à compromettre sa capacité à s’extraire de situations de ruptures et de préparation à un futur développement.

La révolution numérique à l’œuvre est questionnée par les économistes qui considèrent qu’elle ne crée pas, ou peu, de nouvelles richesses et s’inquiètent des inégalités qu’elle engendre. Pour exprimer la relation entre information, intelligence et dispositifs de média- tion des territoires hybrides il nous faut aller encore plus loin dans l’analyse en rapprochant ces propos d’un objet plus vaste exprimé par The Economist, 12th April 2013 et que nous pouvons résumer ainsi : la préoccupation de voir se produire dans nos pays « développés » une « extinction technologique » connectée à un ralentissement de l’innovation5. Ne s’agit-il pas dès lors, dans un projet d’intelligence territoriale qui réunirait information, intelligence et dispositifs de médiation, de (co)-produire, relier, renouveler la fabrique de ce capital

4Ce qui élimine les jeux à somme nulle, comme nous l’avons déjà précisé sans pour autant plaider pour le consensus généralisé.

5 Publication du NIC (National Intelligence Council) in Global Trends 2030 qui, à l’horizon 2030, identifie les grandes tendances qui structureront le système international : libération de l’individu (individal empowerment), démographie, dispersion de la puissance (diffusion of power), problématiques d’éner- gie, d’eau et d’alimentation. Cette dynamique permet de dégager trois scénarii pour 2030 : « retour en arrière » (reverse engines), coopération (fusion) et désintégration (fragmentation). (Rémy Dupuy, Corinne Lesnes in Géo & Politique, p. 2, n° 20989, Le Monde, juillet 2012).

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immatériel au cœur du projet et à la source de notre capacité à éviter cette extinction tech- nologique de façon à pouvoir lutter contre la phase de déclin qui succède inexorablement à la phase de maturité du cycle de vie territorial ? Dès lors, et à partir de quel moment pouvons-nous qualifier le territoire d’intelligent ? Quelles sont les hypothèses associées à un processus d’intelligence territoriale ?

1. Le long d’un cycle de vie ponctué de risques, exposé à des ruptures, les terri- toires peuvent-ils être qualifiés d’intelligents ?

Sans prétendre répondre d’une façon définitive à cette question fondamentale, voici quelques éléments structurels de réponse qui jalonneront notre raisonnement. Ces éléments puiseront aussi dans des pratiques professionnelles diverses et variées. Nous recourrons à une interrogation pour poser la problématique d’ensemble.

« En effet, pourquoi les hommes posés, ancrés ou de passage, à un titre ou à un autre sur un territoire, se forment-ils en groupe de projet ou au contraire se déforment, ou n’entreprennent aucune action, face à certaines situations faites d’opportunités, de menaces ou de risques ? » (Bertacchini, 2004)

L’idée d’associer intelligence et territoire ne s’était pas encore exprimée, nous n’en possédions pas le lien parce que beaucoup d’éléments faisaient défaut. Ce n’est que plus tard, alors que notre cheminement nous a fait participer à la création de formations, à l’implantation d’un département d’I.U.T pilote, sur un territoire vierge de toute implanta- tion universitaire, que nous nous questionnerons sur ce qui devrait logiquement devenir un facteur d’attractivité.

L’idée d’associer intelligence et territoire dans notre acception nous est venue après avoir pris connaissance des travaux de Jayet et Wins (1993) sur les processus de localisation des entreprises, les barrières à l’entrée, puis, entendu (ou imaginé ?) l’expression intelligence territoriale (1995 ?), lu la définition donnée par la DATAR du développement territorial (1998) définition qui associait information/communication et organisation. Nous rédigions deux rapports6, le 1er, « Décision d’implantation et Développement local. », vu sous l’angle de la logique du chef d’entreprise, a visé à modéliser le parcours de décision d’un chef d’entreprise qui lui permet à terme de choisir un territoire pour y localiser son activité. Le 2e rapport, en coordination avec le premier et vu sous l’angle institutionnel d’une Société d’Aménagement, a quant à lui précisé les critères déterminants d’une implantation d’activité vue à l’aune de cette logique d’analyse. Par le biais de la publication de ces deux rapports, nous capitalisions deux logiques d’analyse, l’une privée, la seconde, publique. Au-delà de critères formels, mesurables, nous mettions à jour une série de critères informels que nous décidions d’explorer.

Dans ces années, les (N)TIC commençaient à être largement diffusées et utilisées à l’étranger, et annoncées en France comme pouvant permettre de remédier à tous les maux des territoires ou autoriser des développements jusqu’à présent inaccessibles avant leur

6Non publiés.

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arrivée. Dès lors, une autre interrogation allait poindre. « Comment expliquer que certains territoires allaient pouvoir mobiliser les NTIC pour formuler leur politique de dévelop- pement ou, précisément, comment expliquer que certains territoires allaient y arriver et d’autres pas ? Alors que l’accessibilité des NTIC, en équipements, réseaux, était rendue désormais possible ? » (Bertacchini, 2000, 2004).

Nous décidions de définir, comparer, mesurer ce que nous appellerions plus tard le capital formel, de deux territoires aux caractéristiques assez proches ensuite, nous propo- sions un modèle d’évaluation de la capacité d’action locale (associé à une fonction) inspiré des travaux du méta-modèle de Schwartz (1994 et suivantes). Parmi les éléments qui ont permis de nourrir les travaux et publications sur l’intelligence territoriale, nous relevons que traditionnellement ils se sont nourris de l’économie, de la géographie, des Sciences et Technologies de l’Information et la Communication (STIC) et de la gestion du savoir. Les liens avec l’intelligence économique et les STIC sont souvent cités dans les définitions actuelles de l’intelligence territoriale. Les systèmes d’intelligence territoriale (SIT) ont besoin d’utiliser les processus traditionnels de transmission de l’information et les tech- nologies de l’information et de la communication à travers les sites Intranet ou Internet, la documentation, les systèmes d’information géographique et l’analyse de données.

Mais ces divers éléments empruntés, tous aussi pertinents, ne répondaient pas à notre attente parce qu’ils ne traitaient pas des critères informels évoqués plus haut et ne nous permettaient pas d’accéder à la capacité d’organisation que mentionnait la définition de la Datar (Op. Cit). Notre attente (ou quête ?) allait tout d’abord rencontrer les travaux d’Edgar Morin par la lecture de Introduction à la pensée complexe (Op. Cit). Il s’ensuivrait une investigation progressive : lente, complexe et solidaire.

Une investigation lente, progressive : complexe et solidaire

Par la suite, nous découvrions le parcours de vie de ce Chercheur, Résistant, et Humaniste pour, enfin, lire page 124 du même livre « La solidarité vécue est la seule chose qui permette l’accroissement de la complexité. ». Cette phrase, puissante, reliait, à notre sens, deux extrémités d’un processus « la complexité7 et la Solidarité vécue. » en réponse probable à un environnement territorial rendu encore plus complexe, et perçu comme tel, par nombre d’acteurs rencontrés, décideurs au sens large et à des territoires confrontés à des ruptures dans leur cycle de vie.

Parce que l’environnement du territoire et de ses composants technologiques, financier, juridique, humain ont muté, à notre sens, vers davantage de complexité. Mais, la complexification et son corollaire, l’incertitude, font peur et la pratique inter et pluridisciplinaire qu’attendent les projets ou résolution de problèmes n’existent pas culturellement. Les savoirs requis de la part des acteurs en charge de définir, d’appliquer et de suivre les réalisations d’une politique locale ont également évolué. Comment dès lors orchestrer ces mouvements pour bâtir une intelligence, que nous nommons territoriale en référence à un mouvement de développement du local, à partir des ressources localisées en mobilité ou latentes ? Nous nous attacherons à présenter maintenant et ce, toujours en relation avec notre expérience cumulée de chercheur et d’acteur, les hypothèses préalables à l’engagement local ou dit autrement « Comment, dans une optique de développement, mobiliser des ressources locales après avoir pu détecter leurs

7 Complexité se comprend Information telle que décrite par Shannon et tel que l’ont suggéré aussi Von Neumann, Ashby et Moles.

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gisements de potentialités ? ». Selon quelle logique de communication et sur la base de quelles hypothèses préalables arriver à faire s’engager ce mouvement ?

Une logique de communication à révéler, à entraîner puis à structurer

L’intelligence territoriale, à l’instar de nombreux domaines de recherche à ranger dans l’approche complexe, rencontre des problèmes d’interaction entre systèmes (Mucchielli, 1972) ainsi que de nombreuses implications interdisciplinaires qui ont fait écrire à Mucchielli (2004) que « les années nous diront si les sciences de l’information et de la communication parviendront à se fortifier dans leur interdisciplinarité. » pour relever le défi des recherches conduites dans ce paradigme.

Dès lors, et par extension, nous pouvions avancer que pour prétendre à la dynamisation spatiale de leur contenu, les organisations locales, collectivités essentiellement, détectent puis combinent les compétences disponibles, localisées et/ou mobiles, physiques ou dématérialisées. Ce travail d’inventaire est opéré en vue de structurer leur capital de res- sources et d’intelligences dans l’optique de faire aboutir une politique de développement.

La connexion de ce capital, latent ou révélé, ne s’obtient pas dans tous les cas et nous ne pouvions à ce stade toujours pas parler d’entreprise d’intelligence territoriale parce que nous ne comprenions pas la logique du processus de communication à l’œuvre qui allait permettre à l’information d’accorder du sens aux données échangées par les acteurs. Nous allons donc maintenant considérer le ou les préalable(s) à une tentative de développement territorial que nous réunirons dans une hypothèse.

À partir des travaux des deux économistes Jayet et Wins (1993 et 1996), nous proposions l’hypothèse suivante : « L’existence ou l’inexistence d’un réseau de relations entre acteurs locaux peut s’avérer être une barrière ou un catalyseur dans la construction ou la reconstruction du lien territorial. » (Bertacchini, 2000). Ce tissu relationnel, physique ou virtuel (digitalisé), peut permettre la mobilisation des compétences locales autour d’un objectif partagé, une logique de communication, et dans l’hypothèse de compétences complémentaires à réunir, à faciliter leur acquisition par un mode d’apprentissage approprié. Ainsi, puisqu’il y a inégalités reconnues d’accès des territoires à un processus de développement, ces inégalités engendrent des asymétries dans les mécanismes d’évaluation des auteurs de l’histoire locale. Sur la base de cette hypothèse, les espaces engagés dans la voie de leur médiation organisationnelle ne possèdent pas tous la même capacité d’accès au développement. En d’autres termes, ils ne possèdent pas les conditions d’une logique reconnue et partagée de communication qui ne les font pas s’engager dans un processus co-construit que nous avons qualifié d’informationnel et d’anthropologique parce que structurant leur développement.

Un processus informationnel et anthropologique structurant le développement du territoire

Lorsque ces inégalités engendrent des asymétries dans les mécanismes d’évaluation des auteurs de l’histoire locale, les informations transmises, échangées par leurs membres sont entachées d’une déficience, d’une absence de sens, d’une déformation de leur contenu et se révèlent dans leur incapacité à former le réseau relationnel destiné à la conduite de cette médiation organisa- tionnelle8. Dans cette situation la donnée territoriale demeure « un signe ou un ensemble de signes

8Bertacchini, Yann., « Le territoire, une entreprise d’intelligence collective à organiser vers la formation du capital formel », p. 35, Revue Communication & Organisation n° 25, Les vallées : sens, territoires &

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sans attribution de sens. » (Toffler, 1991) et ne peut devenir de l’information que « lorsqu’elle est reçue dans le processus de communication. » (Lamizet, Silem, 1997).

A priori, l’histoire de ces acteurs locaux ne leur permet pas ou leur interdit d’investir dans leur futur. A posteriori, lorsque l’information échangée n’est pas créditée, la défi- cience du contenu de l’information échangée ne favorise pas leur adhésion au réseau de communication. Dès lors, les relations affichées mais non partagées autour de cet objectif, une logique de communication partagée, ne peuvent se reproduire durablement et compro- mettent la valorisation territoriale. La construction du lien social échoue, la constitution, la transmission d’un patrimoine collectif immatériel ne s’opère pas. La tentative de médiation, d’essence humaniste, qualifiée d’intelligence territoriale, que nous proposons peut s’avérer être une réponse et il nous faut donc poursuivre la reconstitution de ce qui nous a permis, un temps, de prêter à ce processus, cette capacité nourrie de « grand choix, grande liberté, grande incertitude. »9

Le préalable à la mise en commun d’expériences provient alors de notre conception de la réalité et de notre connaissance du réservoir d’informations détenues par l’histoire locale. Il s’agirait ici de l’histoire qualifiée de locale, véritable réservoir informationnel et anthropologique, ou de ce que nous croyons savoir de cette réalité. Si comme l’écrit Watzlawick (Op. Cit), le bon sens laisse supposer qu’on peut, en résultat de notre investi- gation et compréhension du monde réel, découvrir la réalité objective, notre conception de la réalité n’est plus une « image vraie » de ce qui se trouve à l’extérieur de nous-mêmes.

Elle est, toujours selon Watzlawick (Op. Cit), nécessairement déterminée par les processus qui nous ont conduits à cette conception et toute prétendue réalité est la construction de ceux qui croient l’avoir découverte et étudiée. Autrement dit, « L’environnement10 tel que nous le percevons, est notre invention. » (Von Föerster, 1973, p.74).“A growing body of new knowledge suggests that what we call reality is actually something we construct.” Et cette invention, cette traduction, peut empêcher l’écriture de la grammaire territoriale entendue au sens du modèle de communication structural proposé par Jakobson (1958).

Comme tout acteur, mobile et partagé entre divers territoires, comme c’est de plus en plus le cas aujourd’hui, territoire de loisirs, professionnels, en situation, réelle ou virtuelle, nous baignons au sein d’environnements variés, proche, intermédiaire et éloigné. Mais, comment vivons-nous ces territoires et puisqu’il s’agit de notre objet principal, comment l’intelligence territoriale se situe-t-elle dans cette réponse ?

Selon Lévy (1997) l’individu projette sa réalité intérieure dans le monde qu’il perçoit, tout en étant pénétré par lui, par le biais d’une interaction circulaire qui met à mal le partage entre le sujet et l’objet et lui permet, ou pas, de trouver cette logique de communication.

L’être vivant s’auto-organise, stipule lui-même son but, détermine ses critères propres de distinction, d’action et « calcule » un milieu incertain en pratiquant un tri, une sélection ou traduction en visant la transformation d’un désordre en son ordre (Bougnoux, 1993). Il s’agit pour l’Intelligence Territoriale de s’attacher à rechercher une logique structurante bien souvent non perçue (invisible) par les membres que nous avons réunis pour former une équipe projet.

signes, GREC/O, ISIC, Université de Bordeaux 3, 1er semestre 2004.

9 Weaver, W., Shannon, C., Théorie mathématique de la communication, préface d’Abraham Moles, Retz- CEPL, Paris, 1975.

10Composé d’informations détenues par le réservoir informationnel de l’histoire locale.

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Une logique structurante : de l’information invisible à la communication actionnable Avec pour éléments, complexité et solidarité vécue, logique de communication, construction de la réalité, pluridisciplinarité, nous formulerons les hypothèses de la grammaire territoriale au sens du modèle formulé par Jakobson, en tant que point de départ et d’arrivée, pour former (co-construire) le capital formel territorial (Bertacchini, Op. Cit), pré requis à la grammaire au sens de Jakobson (1963) et de Lévi-Strauss (1958), en tant que langage de l’organisation territoriale qui s’engage dans un processus d’intelligence territoriale. Avec une incidence, double, de cette grammaire territoriale va découler la faisabilité du projet territorial et du niveau de qualité de la grammaire territoriale découlera la maturité de ce projet, bien en amont de la visibilité du projet territorial et de sa perception par des acteurs qui ne seront pas impli- qués directement dans le projet, enfin, seront réunis les facteurs de succès du projet engagé.

Nous mentionnerons que ce langage doit être également nourri de la production résultante de l’utilisation des TIC technologies de l’information et de la communication et promouvoir les outils du « Web 2.0 » pour la concertation bien qu’à eux seuls, ils ne sauraient se substituer totalement aux liens sociaux bien « réels ». (Perrin, 2010), (Déprez, 2012)

Comme nous l’avons indiqué, à l’origine physiques, les échelons territoriaux, à des degrés divers et sous des usages multiples, ont intégré ou intègrent progressivement les (N) TIC en brouillant les découpages administratifs tout en favorisant l’émergence de territoires virtuels ou dématérialisés voire décorporaliser (Perrin, 2010). Ainsi, donc la « société digitale » se construit et reconfigure la chaîne de valeur territoriale. S’il est primordial que les territoires puissent intégrer ces technologies de l’information et de la communication, il est tout aussi nécessaire qu’ils la nourrissent, au risque de se trouver marginalisés sur un plan national comme international et de freiner leur usage pour la concertation notamment dans les projets relevant du développement durable. Le processus d’intelligence territoriale que l’on peut qualifier de démarche d’information et de communication territoriales trouve ici sa pleine justification dans l’aide apportée à la constitution du capital formel d’un éche- lon territorial (Bertacchini, 2004 et suivantes). À notre sens, et cela nous a été confirmé par la pratique en actions lors de ces six dernières années, le capital formel d’un échelon territorial est le préambule à toute politique de développement, qu’il s’agisse de politique de mutation territoriale, de reconversion, ou d’innovation pour un territoire confronté à une évolution, une rupture dans son cycle de vie. L’écriture de ce capital formel territorial résulte de la logique de communication que le territoire s’est choisie. Il s’agit donc d’une logique à caractéristique d’organisation, de communication et de structuration qui repose sur l’enchaînement du couple « Information invisible-Communication actionnable » et qui traduit à la fois le protocole de partage des activités de communication par les individus et le système transactionnel des d’échanges utilisé par les individus à l’intérieur des systèmes composant le territoire. (Moles, 1995), (Cooren, 2001)

Nous voyons bien ainsi, que les aspects portent en effet tout autant sur un volet infras- tructures, réseaux de télécommunications à haut débit (tuyaux) que sur les supports et le contenu des documents numérisés créés grâce à ces outils. De tels enjeux intéressent tous les secteurs de la société, de l’éducation à l’économie en passant par la santé ; du monde de l’administration à celui de l’entreprise, en passant par le particulier. Il est donc requis que l’intelligence territoriale s’appuie sur un maillage de compétences pluridisciplinaires détenues par des acteurs locaux de culture et donc, de codes différents. Il s’agit d’un point capital. De ce point de vue, nous devons préciser les hypothèses sous-jacentes de la

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grammaire territoriale pour permettre au processus informationnel et anthropologique de s’engager et qui va mettre en actions la logique de communication territoriale.

Nous considérons que d’un point de vue des Sciences de l’information et de la Communication, et né de l’observation de la pratique des acteurs locaux, ce processus informationnel autant qu’anthropologique suppose la conjonction de trois hypothèses, certes implicite mais à vérifier à chaque étape :

– Les acteurs échangent de l’information (génération d’énergie à titre individuel et/

ou collectif) ;

– Ils accordent du crédit à l’information reçue (captation-échange de l’information) ; – Le processus de communication ainsi établi, les acteurs établissent les réseaux

appropriés et transfèrent leurs compétences (mobilisation et transfert d’énergie : la formulation du projet).

Lorsque sur le territoire ces hypothèses sont réunies et vérifiées, et que les acteurs concernés ont franchi ces trois stades d’hypothèses, les gisements potentiels de compétences peuvent être repérés à l’aide d’une action d’information et de communication territoriales, la logique de communication territoriale, puis mobilisés dans la perspective de l’écriture d’un ou de plusieurs projets de développement. Nous pensons qu’il s’agit du préambule à la définition d’une politique de développement local de préférence de nature endogène apte à répondre à moyen terme au rapport concurrentiel engagé entre les territoires et de nature à permettre l’anticipation, l’adaptation de territoires confrontés à une modification structurelle de leur position sur leur courbe de vie. Il s’agit d’une approche systémique et adaptée parce que compréhensive d’un processus d’apprentissage à formuler.

Une approche systémique compréhensive pour permettre un processus d’apprentissage Munie d’une interrogation fondamentale issue de notre tentative de comprendre « la Société pour agir », posé le cadre de la complexité associée à la solidarité vécue, munie d’une logique de la communication et d’hypothèses préalables, aidé par Watzlawick (Op. Cit) pour comprendre l’environnement, la construction d’une réalité pour poser les hypothèses de la grammaire territoriale, nous poursuivrons notre propos aidé de l’approche communicationnelle compréhensive formulée par Mucchielli (Op. Cit) pour permettre, le suivi, la compréhension, l’accompagnement, la restitution voire la rectification du processus d’apprentissage, fondé sur des informations de nature incertaine, des ressources territoriales à l’aide de cette approche de nature systémique. Mucchielli (2004, p. 130) propose une « approche communicationnelle compréhensive » d’un phénomène comme élément d’un système « en action » composé

« d’acteurs et d’objets cognitifs externes et comme élément contribuant, dans un mouvement circulaire, à l’émergence d’un autre phénomène. ».Nous allons maintenant proposer un cadrage épistémologique de « l’intelligence territoriale » en tant que capacité d’intelligence collective mobilisable sur un territoire ou résultat d’une démarche collective.

2. À la convergence de l’information, de la communication et de la connaissance, la relation « Espace-territoire ». Illustrations de recherche11.

11 Les illustrations appelées dans cette 2e partie ont déjà été utilisées dans des publications.

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Le cadre scientifique général des recherches convoquées dans cette partie peut être carac- térisé par une appartenance à l’approche informationnelle, anthropologique, systémique et complexe. Ainsi, nous avons relevé que l’intelligence territoriale, objet et champ scientifique confirmé et appliqué, se pose à la convergence de l’information, de la communication et de la connaissance, elle traduit une relation « Espace-territoire », succède à la territorialité, en tant que phénomène d’appropriation ou de réappropriation des ressources, et enfin, permet l’énoncé du projet territorial lorsque l’échelon territorial arrive à le formuler. D’un point de vue épistémologique et méthodologique, l’expression, certes audacieuse, d’intelligence terri- toriale souligne la construction d’un objet scientifique qui conduit in fine à l’élaboration d’un méta-modèle du système territorial inspiré des travaux de Schwarz (1994, 1997 et suivantes).

Pour ce qui nous concerne, cette démarche ne vise pas exclusivement à une modélisation de nature systémique associée à une matrice des processus territoriaux de nature structuraliste et fonctionnaliste. Nos travaux en Sciences de l’Information et de la Communication et, en tant que tels, se réfèrent aux approches sociales, c’est-à-dire interrelationnelle, à la théorie systémique, c’est-à-dire informationnelle (théorie de l’information et de l’énergie associée imputable, entre autres, aux TIC) enfin, au constructivisme, c’est-à-dire à une approche communicationnelle en référence à la territorialité qui compose et recompose le territoire.

Nous compléterons cette synthétique présentation en rappelant, comme l’ont souligné déjà d’autres travaux, dans d’autres disciplines, que l’étude d’un territoire sous-tend une connaissance initiale incertaine, d’où l’importance des compétences de l’équipe projet, il est donc nécessaire de souligner le caractère heuristique de cette approche et que sur un plan ontologique, nous nous référons à une pragmatique du territoire et de ses acteurs, du Chercheur dans sa relation avec la Société. Enfin, nous croyons utile de préciser que l’intelligence territoriale ne saurait se limiter et être réduite à une démarche de veille mais, relève plutôt d’une logique de projet de type « Bottom up » qui va tenter de diffuser les éléments d’une attitude pro-active ou d’anticipation des risques et ruptures qui peuvent affecter le territoire et qui vont immanquablement se produire.

Pris dans cette approche systémique dite « communicationnelle », et avec son aide, nous avons précisé la posture théorique du chercheur-acteur pour pouvoir nous emparer du méta- modèle de Schwarz pour suivre les évolutions du territoire dans son entreprise d’intelligence territoriale dans un théâtre avec ses rites, héros, symboles, valeurs qui en constituent l’histoire, compose le théâtre d’un non-dit qui rythme les échanges entre les hommes. Il y a médiation puis capitalisation d’une culture des signes et des postures (l’habitus « manière d’être » de Bourdieu), (Bourdieu, 1994) p. 2412 qui établit une grammaire de communication (renvoie aux apprentissages, à l’impact de ces apprentissages sur l’agent enfin, à la capacité de ces dispositions à faire naître des pratiques sociales) et fonde l’identité du groupe local. Ce constat se trouve au centre de la recherche sur les problématiques territoriales au Québec (Herbaux, 2004 in Joyal) et nous éloigne des prophéties béates sur les rôles des TIC (Sfez, 1999)13 et d’une conception du développement où le territoire « physique » et les acteurs seraient absents pour laisser la place à un territoire entièrement digitalisé, déterritorialiser.

Comme nous l’avons esquissé précédemment, la création d’un environnement favorable

12Raisons pratiques : sur la théorie de l’action, Paris, Seuil, 1994.

13 « Idéologie des nouvelles technologies : Internet et les ambassadeurs de la communication », Le Monde Diplomatique, p. 22-23, mars 1999.

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est un pré requis de toute innovation émergente au sein de la société. Un premier objectif est de créer localement un terrain institutionnel, informationnel, comportemental où les acteurs peuvent exprimer leurs perceptions, enrichir leurs savoirs, affirmer leurs compé- tences et peser sur le processus de développement ; il porte sur l’environnement politique, la reconnaissance d’un pouvoir local, l’instrumentation technique et administrative et la remobilisation sociale des acteurs locaux. Les modalités d’échange des informations sont au centre de ces rapports. Mais nous constatons dans des programmes au croisement de l’Intelligence Territoriale et du Développement Durable que ces modalités d’échange et de concertation sont difficiles à provoquer, à entraîner et à maintenir. Les préférences s’orientent plus facilement vers la communication actionnable dans le couple que nous avons cité « information invisible-communication actionnable ».

Cette approche du territoire consiste à définir le cadre conceptuel de l’accompagnement d’un processus démocratique ascendant et la proximité spatiale (qu’elle soit le produit de contacts en face à face ou à distance via les relations numériques) est au cœur de cette spécificité territoriale. Elle n’est pas forcément impliquant de proximité sociale et identi- taire, mais relève d’une première étape de construction d’un nouveau territoire, à travers un processus graduel d’émergence d’appropriation territoriale, qu’il s’agit d’accompagner et de favoriser. Cette appropriation, phénomène de représentation symbolique par lequel les groupes humains pensent leur rapport à un espace matériel, ne peut se construire que par l’intégration progressive d’un sentiment local, au travers d’un processus mental col- lectif. Brunet (1990) nous a instruit que la prise en considération du seul espace vécu a montré ses limites et que l’émergence d’une identité territoriale ne peut pas se résumer à une activité économique, sociale ou culturelle commune dépourvue d’existence politique ou administrative reconnue. La seule facette du vécu au sein du local, n’est ni génitrice, ni constitutive du territoire et c’est en cela que l’intelligence territoriale propose une voie de médiation humaniste.

L’identité territoriale ne se réduit pas davantage à une identité politico juridique ou à l’enracinement dans un lieu : il y faut cela, et quelque chose de plus : une conscience (Brunet, Op. Cit). Il s’agit ainsi de faire émerger un espace politique local (Lévy, 1997), dont les acteurs se sentent responsables et où se jouent des relations de pouvoir (Bourdieu, 1980) en vue de son appropriation (Raffestin, 1981). Durkheim, (Durkheim, 1977), p.138 avance « Pour que les suffrages expriment autre chose que les individus, pour qu’ils soient animés dès le principe d’un esprit »

Au terme de ce retour épistémologique, qui a voulu reconstituer notre cheminement scientifique et poser un cadre épistémologique, nous avions proposé la définition suivante de l’intelligence territoriale (Bertacchini, 2004) « un processus informationnel et anthropolo- gique, régulier et continu, initié par des acteurs locaux physiquement présents et/ou distants qui s’approprient les ressources d’un espace en mobilisant puis en transformant l’énergie du système territorial en capacité de projet. De ce fait, l’intelligence territoriale peut être assimilée à la territorialité qui résulte du phénomène d’appropriation des ressources d’un territoire puis consiste dans des transferts de compétences entre des catégories d’acteurs locaux de culture différente. »

Cette capacité collective, l’intelligence territoriale, du territoire à anticiper les ruptures qui vont l’atteindre au cours de son cycle de vie, à saisir les opportunités qui se présentent, nécessite la mise en œuvre d’une évolution de sa culture et se situe bien en amont du projet

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territorial visible par des acteurs qui ne seront pas impliqués dès le départ dans le futur projet.

De la grammaire territoriale, le capital formel territorial, va découler l’opportunité du projet et du niveau de qualité de cette grammaire découlera la faisabilité du projet lui-même. C’est pourquoi nous situons la portée de l’intelligence territoriale bien en amont de la visibilité communicable du projet territorial et de sa perception par des acteurs extérieurs et se pose en processus informationnel et anthropologique, c’est-à-dire à capacité structurante. Ceci ren- force la nécessité de l’écriture du capital formel territorial co-construit parce que de sa qualité s’opérera la réunion des facteurs clé de succès du projet de développement. Et dans l’écriture de ce capital formel territorial, signes et données participent de la production de sens dans l’évolution de la culture territoriale parce que réunis dans un processus de communication.

Signes et données comme producteurs et vecteurs de sens dans le processus de projet territorial

Cette modification des relations et des échanges, une logique de projet, doit alors s’ados- ser à un autre traitement des signaux et des informations (Gramaccia, 2001), (Bois, 2005), (Herbaux, 2006 et 2007). Communiquer différemment en participant à un projet commun agit sur les liens individuels et modifie le rapport à l’autre ; ainsi la relation d’échange sort du quotidien pour accéder à une altérité du projet partagé puis il y a capitalisation et valorisation individuelles des missions ; cette mutualisation et mise en perspective des conjectures, sont autant d’opinions fondées sur les analyses d’hypothèses qui assurent un flux continu et interactif, formel et sémiologique d’une relation au groupe. La culture des organisations prend alors, par son aspect récursif, un caractère durable. Les signes, données, représentations sont alors convoqués comme producteurs de sens (Maurel, 2012)

Tout en recouvrant une période de plus de dix années de recherche, nous allons maintenant évoquer quelques situations en illustration de ces propos, en Région Nord-Pas de Calais, Rhône Alpes, Languedoc Roussillon et en Région Paca (Provence Alpes Côte d’Azur).

Application en Région Nord-Pas-de-Calais. L’intelligence territoriale : d’une repré- sentation générale à un concept de finalité (Herbaux).

Il s’est agi d’un volet expérimental d’intelligence territoriale (Herbaux, 2001 et suivantes) dans le Nord de la France (la métropole lilloise, les pays de la Pévèle ainsi que les pays de l’Audomarois) et ce, dans le cadre d’une recherche mandatée par l’État. L’anticipation des menaces au sein du monde économique fut un leitmotiv de travaux, l’appréhension, la formulation de risques potentiels, le rôle de la transmission de l’information et de l’impact des technologies de l’information et de la communication (TIC) sur le tissu économique régional constituaient un champ de questionnement permanent. Nous exposons maintenant les hypothèses associées à cette recherche.

Les hypothèses de l’expérimentation

Les recherches menées dans ce cadre ne se marquent pas dans un modèle établi de transmission des connaissances mais plutôt dans l’observation de démarches concourantes qui établiront les modalités de mutualisation des connaissances. Pour cela, nous avions posé au préalable trois hypothèses de travail associées à une hypothèse de synthèse :

– Hypothèse 1 : la perception des menaces et des futures ruptures est effective pour les acteurs et la population du territoire.

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– Hypothèse 2 : les techniques de l’information et de la communication (TIC) sont incontournables d’une démarche de mutualisation de l’information au sein du territoire.

– Hypothèse 3 : le processus d’intelligence territoriale est en rapport avec un traitement prioritaire de l’information sur les champs économiques.

L’hypothèse de synthèse : « L’intelligence territoriale se situe, au sein du territoire, entre information et processus de communication. » Herbaux en déduisait une définition adaptée de l’intelligence territoriale. »

« Une évolution de la culture du local fondée sur la collecte et la mutualisation entre tous ses acteurs des signaux et informations, pour fournir au décideur, et au moment opportun, l’information judicieuse » (Herbaux, 2002 et suivantes)

Le concept de traitement de l’information appliqué au territoire par la recherche-action mis en place en région Nord Pas-de-Calais dès 2001.

Le modèle retenu s’appuie sur une mutualisation récursive des signes qui s’établit sous plusieurs registres, de l’individuel au collectif ; face à la menace, il permet un raccourcissement de l’espace et du temps dans la transmission et l’interprétation des signes précurseurs. Notons que cette démarche appliquée aux habitants du local, bouscule le schéma de transmission habituelle dans la détection de la menace ; de l’informel, du tacite et de l’urgence embrouillée, on accède à de l’explicite, du structuré et à du livrable continu. On peut avancer que cette démarche agit progressivement sur une évolution de la culture du local. En effet cette nouvelle posture de l’acteur territorial fait qu’il participe différemment au projet local. La trame du projet partagé alimente désormais en filigrane les recherches quotidiennes et elles bousculent en cela le canevas de culture interne au territoire et son système hiérarchique.

Application en Région Rhône Alpes. Réseaux & pratiques collaboratives : vers une épistémographie de la construction des savoirs en ligne. (Bois, 2005)

Dans cette recherche, conduite en région Rhône Alpes, l’objectif central a été d’organiser la récolte de savoirs faire reconnus par une profession ancienne, mais dispersés, par une communauté de bâtisseurs en terre-argile crue, de former les réseaux d’acteurs détenteurs de ces savoirs faire particuliers, de structurer les savoirs faire recensés enfin, de les rendre disponibles, accessibles, visibles et donc les rendre prêts à être sollicités, utilisables.

Cette recherche associa donc la formation de réseaux pour en autoriser des pratiques collaboratives via la construction de savoirs en ligne et de mettre à disposition des outils pour la communauté des bâtisseurs en terre-argile crue en combinant L’humain et le Non Humain, le Territoire physique avec le Territoire virtuel, l’Acteur local présent et distant, le savoir et le faire révélé et secret, identifié et latent pour permettre la rencontre par la médiation entre des acteurs, des professionnels et des non professionnels, détenteurs de savoir et de faire anciens et dispersés avec des utilisateurs/constructeurs en recherche d’information et de documentation en lien avec des techniques de construction anciennes et particulières. Bois (Bois, 2005) a décrit la méthodologie de fabrication ce qu’il a nommé Les greniers de savoirs en ligne.

(Bois, 2005) a exposé la médiation méthodologique qui a permis l’organisation de cette rencontre dynamique entre acteurs et savoirs faire.

I) La dynamique étudiée et restituée nous fait retrouver les hypothèses de la grammaire territoriale : échanges d’information, crédit à l’information perçue, mobilisation de l’infor-

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mation créditée, processus de communication noué pour délivrer une formation en ligne.

a. Une expérience très concrète de fabrique d’un grenier de savoirs en ligne b. Les conditions de l’écriture collaborative

c. L’utilisation du grenier de savoirs pour une formation en ligne.

II) Le contenu des greniers de savoir. La première question posée concerne les documents en ligne porteurs de savoirs. Il s’agit d’identifier la meilleure rédaction et la meilleure orga- nisation pour que ces documents soient bien indexés par les moteurs de recherche similaires.

a. Le second topoï exploré est celui de l’entrelacement des humains et des outils pour une production de documents porteurs de savoirs. Le nom générique pour le système dynamique imaginé est celui de grenier de savoirs.

b. Cette expérimentation nous a amené a étudié l’épistémè hypermoderne à partir de trois ouvrages : Les mots et les choses de Michel Foucault, Nous n’avons jamais été modernes de Bruno Latour et la trilogie Sphères de Peter Sloterdijk.

Cette méthode fut appliquée à la fabrication d’un Grenier de savoirs en ligne sur la construction en terre-argile crue par une pratique collaborative à l’aide d’un DISTIC (dis- positif sociotechnique d’information et de communication). Les artefacts de cette recherche sont deux prototypes de Greniers de savoirs, une application en PHP MySQL JavaScript pour le dialogue entre auteurs et utilisateurs de documents décrivant les entrelacements entre humains et outils dans le processus collaboratif.

Application en région Paca. Coexistence des territoires : l’espace physique à l’épreuve du virtuel. Une approche relationnelle cyber métrique issue d’une démarche d’intelligence territoriale. Perrin, (2010)

Cette recherche a été conduite sur plusieurs terrains de recherche mais le plus impor- tant de ces terrains de recherche fut le territoire de la région Paca et fait suite à une étude commanditée par le Conseil Régional Paca qui consistait à évaluer le Web public régional.

Comme l’intelligence territoriale se propose de mieux comprendre comment se réa- lise le phénomène d’appropriation des ressources, elle fait appel aux approches sociales moyennant les aspects relationnels, nous nous sommes attachés à déterminer les nouveaux assemblages de territoires, les combinaisons et les interactions qui sont opérées entre les territoires physiques et les nouveaux territoires virtuels constitués.

Ce travail de recherche a pris appui sur trois fondements théoriques : la théorie de la complexité, l’analyse info métrique, l’intelligence territoriale. Les questionnements associés à la recherche nous ont fait nous interroger sur des principes de coexistence et de cohabitation des aspects physiques et virtuels, (Quéau, 1993 ; Dubey, 2001), qui peuvent être considérés dans nos réalités : - Quel type de cohabitation entre les dimensions des territoires physiques et virtuels ? - Doit-on envisager une combinaison de l’ensemble des territoires et quelles formes traduisent les interrelations des territoires physiques et virtuels ? - Les réseaux virtuels se situent-ils en prolongement des réseaux physiques ou bien répondent-ils à une logique propre et conditionnée, capable de leur donner une certaine autonomie ? - Sont-ils enfin en mesure à leur tour, d’avoir une influence et des répercussions sur les réseaux physiques ?

Il s’est agi de mettre en lumière la cohabitation des territoires physiques et virtuels et d’apporter les éléments qui peuvent nous éclairer sur les hypothèses qui ont fondé notre recherche. Comme nous l’avons constaté dans nos résultats, les territoires virtuels repro- duisent en partie les aspects physiques et géographiques desquels ils sont tirés. Cependant,

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on a pu observer aussi a contrario, au sein du virtuel, une autonomie certaine qui donne à ces territoires des caractéristiques qui leur deviennent propres.

Application en Région Languedoc Roussillon. Signes, données et représentations spatiales : des éléments de sens dans l’élaboration du projet de territoire intercommunal (Thau). (Maurel, 2012)

Les territoires locaux sont soumis à des formes de développement de plus en plus dic- tées par le haut, basées sur les paradigmes de l’économie mondialisée et du développement durable. Ces territoires locaux constituent en effet un échelon pertinent pour répondre de manière opérationnelle à ces enjeux d’ampleur planétaire. La question est alors de savoir comment ces territoires peuvent, dans un tel contexte, promouvoir également un dévelop- pement endogène qui fasse sens pour les acteurs locaux.

Les représentations spatiales et leur potentiel de médiation

Le concept d’intelligence territoriale mobilisé dans ce cadre correspond à une approche informationnelle et communicationnelle du développement territorial. De ce point de vue, les territoires sont représentés à l’aide du méta-modèle de Schwarz comme des systèmes capables d’émerger et de se complexifier pour faire face à un environnement incertain. À cette approche basée sur les paradigmes systémique et constructiviste nous approfondissons le rôle que peut jouer la dimension géographique, via les représentations spatiales, dans les dispositifs d’information et de communication à l’échelon des territoires intercommunaux, en faisant l’hypothèse qu’elle présente un potentiel de médiation.

Distic et médiations : des objets frontières pour valoriser les savoirs locaux

La « médiation » apparaît comme un moyen d’articuler ces acteurs et ces stratégies hétérogènes, voire antagonistes en ayant recours au Distic, « Dispositif sociotechnique d’information et de communication », en étudiant les situations de communication et les différentes formes de médiation qu’il autorise, ainsi que les apprentissages qui peuvent en découler. Les représentations spatiales, comme produits médiatiques constitutifs des Distic, offrent une diversité de propriétés sémiotiques et de fonctionnalités même si elles restent encore le plus souvent des impensés méthodologiques dans les routines professionnelles de la concertation territoriale. Elles peuvent notamment constituer des objets frontières au sens de Flichy, entre mondes hétérogènes et permettre de valoriser les savoirs des acteurs locaux à partir du moment où l’on adopte une conception écologique de l’information (Moles, 1995).

D’un point de vue pragmatique et empirique, la recherche-intervention sur le territoire de Thau permet, à un niveau micro, de mettre en lumière des situations de production et d’usages de représentations spatiales dans des Distic, ainsi que leurs effets, dans les pro- cessus de planification territoriale. Nous montrons comment le déploiement d’un dispositif de représentation explicite de l’étalement urbain, d’abord par la quantification et la mise en cartes, puis par des opérations de médiation, permet de faire de cet enjeu initialement flou un nouvel objet de gestion au sein du territoire. Le potentiel de médiation des maquettes physiques en 3D du territoire, prises comme des « objets frontières », est également démontré.

Enfin, deux expériences de valorisation des compétences et des savoirs locaux permettent de valider la faisabilité et la pertinence de ces approches dans un objectif d’intelligence territoriale, tout en soulignant les épreuves à passer pour que ces savoirs et leurs détenteurs gagnent en légitimité dans les routines professionnelles de la planification territoriale.

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Le corpus d’hypothèses de la recherche

Ce positionnement préalable nous amène à formuler un corps d’hypothèses qui portent à la fois sur une approche globale des territoires pris dans leur contexte englobant et sur des dimensions plus pragmatiques qui relèvent de l’ingénierie territoriale, en les abordant du point de vue des sciences de l’information et de la communication.

Hypothèse 1

Les paradigmes dominants actuels (économie mondialisée, développement durable, société des nouvelles technologies de l’information) donnent paradoxalement toute leur importance aux territoires locaux (échelle des intercommunalités en France).

Hypothèse 2

La planification stratégique territoriale à l’échelle intercommunale génère une multitude d’actes de communication entre des acteurs hétérogènes et mobilise un ensemble hétéro- clite de méthodes d’animation combinées à des outils d’information et de communication.

Le concept intégrateur de dispositif sociotechnique d’information et de communication (Distic) présente un potentiel heuristique et opératoire pour appréhender de manière unifiée la dimension informationnelle et communicationnelle d’un processus de développement territorial basé sur la concertation.

Hypothèse 3

L’émergence du développement durable redonne une place centrale à la matérialité biophysique des territoires et impose un décloisonnement d’approches menées jusqu’alors de manière sectorielle.

Application en Région Paca. Contribution des technologies de l’information, et de la communication, à organiser la dimension participative d’une politique publique. Lecture cyber démocratique d’un projet de développement durable issu d’une démarche d’intelli- gence territoriale. (Déprez, 2014)

Après une année entière de préparation, cette recherche doctorale a fait l’objet depuis octobre 2012 d’un contrat de partenariat scientifique entre la région PACA et la mairie de Vitrolles au sein de laquelle est menée une recherche-action et dont les résultats ont alimenté une réflexion élargie au niveau régional.

Il s’est agi d’interroger le jeu des usages dont la dimension technologique des projets territoriaux de développement durable fait l’objet. L’objet technique est considéré comme la concrétisation objective d’efforts humains d’invention et de construction et l’analyse qui est menée de la modernisation des administrations publiques au prisme du passage de l’informa- tique au numérique par les évolutions issues du Web 2.0. La focale est portée sur l’ensemble des collectivités territoriales de la région PACA, engagées dans un Agenda 21 local (A21L), Plan Climat-Énergie Territorial (PCET) et programme Action Globale Innovante pour la Région (AGIR). En effet, l’usage du numérique, pour piloter l’information au sein des projets territoriaux étudiés, permet d’approcher l’espace du Web dans une dimension de partage, sens premier de la notion de participation au cœur des programmes de développement durable.

Hypothèses/questionnements de la recherche

Nous présentons ici les hypothèses de la recherche traduites sous la forme d’une inter-

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rogation principale qui sera détaillée après avoir présenté comment nous associons les trois composantes d’un Distic (zones de production/médiation/réception) aux trois hypothèses de l’intelligence territoriale (échange/captation, plus value/réseaux, compétences.

>Les administrations publiques s’appuient-elles sur les ressources communication- nelles des Tics pour rendre l’information dynamique ?

>Comment s’organisent les services internes aux collectivités territoriales dans la gestion du projet de développement durable, et de sa dimension participative, à l’ère du numérique ?

>Comment se caractérise le « processus de mise en commun d’objectifs que le groupe en charge de l’aménagement territorial doit partager », et qui constitue un préalable à toute politique territoriale concertée (Bertacchini, 2009) ?

Nous allons maintenant préciser et détailler les principales interrogations de notre recherche au regard du croisement des composantes d’un Distic avec les hypothèses de l’intelligence territoriale (Déprez, 2014), (Bertacchini & Alii, 2014).

Composantes d’un DISTIC Hypothèses de l’intelligence territoriale Zone de coopération sociale de production Échange d’information/ Captation de l’information Produit médiatique/vecteurs de médiation Plus-value accordée

Zone de coopération sociale de réception Création de réseaux & Transfert de compétences Tableau 1 : Au croisement des composantes d’un Distic avec les hypothèses de l’intelligence territoriale (Déprez, 2014), (Bertacchini & Alii, 2014).

A1. Zone de coopération sociale de production/échange d’information – Les collectivités territoriales échangent-elles de l’information ? – Quel est le contenu informationnel proposé ?

A2. Zone de coopération sociale de production/Captation de l’information, Plus-value accordée – L’information du public fait-elle évoluer le référentiel des métiers de la collectivité ? A3. Zone de production/création de réseaux, création de réseaux & transfert de compétences

– Comment les collectivités territoriales organisent-elles le dialogue démocratique ? B.1. produit médiatique/vecteurs de médiation : Dimension technique/échange d’information – Les outils numériques utilisés par les collectivités territoriales permettent-ils de

diffuser de l’information ?

– Quel est le contenu informationnel proposé sur les sites institutionnels ? B.2. produit médiatique/vecteurs de médiation : Dimension technique/Plus-value – Les collectivités territoriales utilisent-elles l’ensemble des ressources communica-

tionnelles des Tics pour dynamiser l’information qu’elles échangent ?

B.3. produit médiatique/vecteurs de médiation : Dimension technique/création réseaux et transfert de compétences

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