• Aucun résultat trouvé

Zone de coopération sociale/création de réseaux, transfert de compétences – Quels sont les moyens sociotechniques offerts aux acteurs territoriaux pour participer à

Dans le document Article pp.127-152 du Vol.7 n°2 (2015) (Page 21-26)

la co-construction du projet de développement durable mis en œuvre par la collectivité ? Nous allons maintenant conclure temporairement cette contribution relative à la médiation proposée par l’intelligence territoriale en réunissant information, intelligence et dispositifs pour la construction des territoires hybrides.

Conclusion : Éléments pour de futurs parcours de recherches et d’applications Nous avons livré au lecteur quelques aspects de notre parcours personnel et professionnel comme élément de la fondation de confiance en écho des exigences contemporaines des opérations territoriales, caractéristiques renforcées en cas de situation de pôle de compétitivité ou de production numérique (Bouchet, Noël, Bertacchini, 2008). Nous avons maintenant à introduire des caractéristiques complémentaires au positionnement de notre contribution et de ses orientations.

Si à l’instar de Kaplan (Kaplan, 2010 et suivantes), nous pensons que le XXIe siècle verra le retour des frontières territoriales, les organisations territoriales transformées par les TIC et leurs représentations devront s’affranchir des barrières nationales pour réaliser leur développement. Ce développement, combinaison mixte de territoire réel et virtuel, formera des organisations hybrides confrontées, entre autres, au phénomène de silo informationnel qui s’opposera à la continuité territoriale, à l’adaptation de la chaîne de valeur territoriale aux nouveaux défis pour créer les conditions d’un management territorial inapproprié

« Insular territorial management »

Cette situation est défavorable aux territoires pour leur permettre d’anticiper, d’affronter, de remédier aux risques et ruptures que les territoires ne vont pas manquer de connaître dans leur cycle de vie. En effet, au lieu d’articuler territoire physique et virtuel, tel que nous l’avons résumé par une définition, l’« Insular territorial management » entraîne une division irrémédiable entre les parties d’un tout, le système territorial, qui comme nous l’avons précisé appelle à une approche communicationnelle et systémique compréhensive après l’écriture d’une grammaire territoriale, véritable logique de communication porteuse

de valeurs centrales pour des missions non moins essentielles.

Nous pensons aussi que le XXIe siècle verra le retour de l’industrie sur ces territoires traditionnels parce que l’élément central de l’organisation des espaces, l’énergie, deviendra moins onéreuse et se transformera. Là aussi notre proposition d’articulation de l’informa-tion, de l’intelligence via des dispositifs de médiation de territoires hybrides en articulant, territoire physique et territoire virtuel, trouvera un sens en ayant recours à l’intelligence territoriale telle que nous l’avons évoquée dans cette contribution. Cette articulation devra être réfléchie pour éviter que les productions numériques ne viennent pas rencontrer les productions territoriales physiques pour échapper au « Solutionnisme tout numérique » tel qu’évoqué par Morozov (Morozov, 2014) solutionnisme numérique qui évite la réflexion sociétale à associer à de telles évolutions. Dans ce contexte précis, nous devons rappeler que lorsque nous étudions les composantes de la sphère économique, sphère de l’économie réelle et sphère de l’économie financière qui normalement fournit aux activités économiques les fonds de leur développement, tout d’abord nous constatons un découplage de ces deux sphères, d’autre part que la progression de la sphère financière ne correspond en rien au développement de la sphère de l’économie réelle enfin, que les flux financiers de la sphère de l’économie financière ne s’orientent en rien vers les activités de la sphère de l’économie réelle mais retournent à 85 % vers la sphère de l’économie financière. Il se pourrait très bien que les productions du territoire virtuel ne profitent en rien au territoire physique.

Au croisement de l’action sur l’objet, le territoire, et dans l’identité acquise par l’acteur territorial, l’intelligence territoriale constitue ainsi un paradigme du sens et d’identité parce que les données sont reçues dans un processus de communication (Lamizet, Silem, Op. Cit).

Ainsi, la dynamique territoriale tire son existence de la complexification de ses réseaux (hypothèse 2) agissant dans le débat social et l’énergie (hypothèse 1) mise en œuvre permet de faire évoluer un objet territorial nouveau (hypothèse 3). L’innovation territoriale endo-gène se nourrit de signaux internes et de flux d’informations externes. Il s’agit de puiser dans l’histoire locale, réservoir informationnel, de capter des flux de données à traiter en continu pour dépister à temps la menace, saisir l’opportunité enfin, favoriser l’émergence de ce processus informationnel autant qu’anthropologique.

Les réponses collectées offrent un faisceau de nouvelles pistes de développement à explorer dans le concept systémique de mutualisation des connaissances et de pratiques interdisciplinaires. Cette capitalisation des signes et des informations mise en perspectives, offre au local des futurs possibles aptes à décrypter le risque, à déjouer la menace, l’incerti-tude que les territoires vont rencontrer dans le déroulement de leur cycle de vie. La création de cette posture d’anticipation porte en germe les attributs d’un outil démocratique partagé par les acteurs du local, en les associant plus intimement à une vision stratégique territoriale et cela, bien en amont de la communication visible actionnable. Le terme acteur, par la ressource informationnelle partagée, prend alors tout son sens et le Chercheur, dans notre conception, devient acteur du territoire parce que participant au protocole transactionnel d’échanges qui fonde l’histoire locale et forme le périmètre informationnel.

Enfin, pour, peut-être, mieux traduire encore, notre orientation nous emprunterons à Davallon pour essayer de mieux traduire notre positionnement. « La recherche en sciences de l’information et de la communication, c’est la capacité à expérimenter et à adapter des concepts et des méthodes forgés pour d’autres objets dans d’autres disciplines. » (Davallon, 2004, p 31)

L’intelligence territoriale, telle que nous la percevons, pratiquons, restituons fut enrichi de plusieurs années d’un processus que nous pouvons qualifier de type essai-erreur nour-ries de ruptures, volontaires ou non, de risques, de crises, d’espoirs, d’incompréhensions face aux comportements d’organisations, civiles, militaires, marchandes, non marchandes.

Nous avons essayé de reconstituer la trame de la maturation de nos recherches en intelligence territoriale sur la base de nos pratiques, expériences, incompréhensions, énigmes non résolues et avons souhaité vous proposer les caractéristiques d’un cadrage de « l’intelligence territoriale » en tant que processus de sens qui traduit la capacité des acteurs à mobiliser données, informations et connaissances pour contribuer au déve-loppement (durable) d’un territoire ou le résultat d’une démarche collective par le biais d’une lecture rétro-prospective. Nous avons proposé une définition de l’intelligence territoriale qui fasse sens dans, et pour, des univers professionnels distincts en essayant donc de décloisonner des cultures pour former des réseaux mixtes composés de savoirs experts et profanes que les pratiques d’ingénierie territoriale organisent peu ou pas du tout (Maurel, 2012), (Déprez, 2014).

La difficulté de cette écriture prospective et projective réside à la fois dans la prise en compte de la contrainte la plus importante pour toutes les sociétés de l’histoire, l’accès à l’énergie (Odum, 1971) énergie interne/externe du projet, et dans la nécessité de conjuguer à la fois l’abandon d’une partie de la vision du monde de la modernité – séparation du monde en acteurs, institutions et territoires – et l’adoption d’une vision résolument novatrice qui met l’accent sur la médiation, le réseau, la traduction et, in fine, la mobilisation de com-pétences formées collectivement mais initialement formées et cultivées individuellement dans un environnement qui privilégie le court terme tant dans sa lecture des activités de communication individuelles que dans sa pratique privilégiant la communication actionnable.

Nous avons exposé ici l’énoncé de la problématique de l’intelligence territoriale en ayant recours à la démarche systémique compréhensive pour repérer la logique de commu-nication structurante c’est-à-dire, à l’analyse relative à un système, le territoire, pris dans son ensemble comme système double, composé de « non vivant et de vivant » en tant que structure de dissipation (Lotka, 1922) et Prigogine, (1986) et en référence à la technique des systèmes complexes telle que décrite par Morin, Lemoigne (1990 et suivantes).

Et maintenant, après l’avoir entendu une multitude de fois, et soumis à la question d’un étudiant, futur doctorant ou doctorant, je répondrais ceci si la question suivante m’était posée : pouvez-vous en quelques mots, phrases, nous résumer l’intelligence territoriale ? Voici aujourd’hui les éléments principaux de la réponse que je ferais pour aider mon inter-locuteur à saisir l’ensemble structuré (ou à structurer). Je m’aiderai en cela en proposant une approche par le cadrage en ayant recours à des auteurs tels que Rifkin, Latour et Morin.

Une approche multidimensionnelle méta/méso/micro

• À un niveau méta (Rifkin)

« La réalité est claire : chaque civilisation énergivore plus complexe qui apparaît dans l’histoire intensifie le rythme, le flux et la densité des échanges humains, et crée davantage de liens entre les gens. » (Rifkin, 2011, p. 29)

« Les grands tournants économiques de l’histoire naissent de la convergence entre un

nouveau régime énergétique et une mutation des communications. » (Op. Cit., p. 40)

« Les civilisations énergivores plus complexes permettent aux humains de comprimer le temps et l’espace. », (Op. Cit., p. 44)

Nous remarquons qu’une logique de communication structurante et adaptée doit être imaginée à la situation du territoire à développer pour lui permettre de réduire la dégradation énergétique inhérente au système territoriale et réorganiser la structure de ses communications.

• À un niveau méso (Latour)

« Il semble que nous soyons tenus par des « connections » qui ne ressemblent plus aux liens sociaux agréés. » Latour, 2010, p. 14.

« Le pire serait de limiter par avance la forme, la taille, l’hétérogénéité et la com-binaison des associations. » (Op. Cit., p. 19)

« Quelles assemblées pour ces nouveaux assemblages ? » (Op. Cit., p. 375).

Nous en déduisons que seule une approche communicationnelle compréhensive sys-témique va permettre l’émergence de la logique de communication indiquée plus haut en privilégiant la rencontre entre savoirs experts et savoirs profanes « ignorés » tout en exi-geant que face à une rupture rencontrée par le territoire dans son cycle de vie, nous avons à recréer les conditions d’assemblages renouvelés des acteurs.

• À un niveau micro (Morin)

« La solidarité vécue est la seule chose qui permette l’accroissement de complexité. » (Morin, 2005, p. 124).

Enfin, cela confirme qu’en amont du projet territorial devenu visible et communicant (couple information visible/communication actionnable), les apports endogènes des propres acteurs du projet peuvent nous aider à résoudre cette complexité.

Mais plus encore, lorsque je m’engage dans un projet quel qu’il soit, je m’efforce de lui faire s’imprégner des principes d’Intelligence Territoriale (au 1er chef d’une vision humaniste, celui de veiller à réussir la combinaison entre territoire physique et territoire numérique) et à rassembler ce qui peut être épars, à rechercher le plus petit diviseur ou, lorsque nous avons adopté une attitude d’I.T, le plus grand dénominateur commun.

C’est en cela que l’Intelligence Territoriale peut être assimilée à une voie humaniste de médiation au-delà d’un principe philosophique, d’un coup de force théorique parce que cela deviendra une nécessité au vu des marges de manœuvre réduites, des degrés de liberté moindres qui se profilent et de la compétition territoriale en action. Nous aurons à puiser les ressources dans l’acteur disponible et inclus dans une écologie de la communication à laquelle il aura participé.

Bibliographie indicative

Austin J-L., 1991. Quand dire, c’est faire. Seuil, Paris.

Beck U., 2003. La société du risque, sur la voie d’une autre modernité. Flammarion, Paris.

Beeching K.et Rifkin J., 2012. Une nouvelle conscience pour un monde en crise. Babel, Paris.

Bertacchini Y., 2013. Entre información y procesos de communicación. La Intelligencia Territorial. Revista De Prácticas y Discursos, Cuadernos de Ciencas Sociales, ISSN 2250-6942, Centro de Estudios Sociales, UniversidadNacionaldel Nordeste, Argentine, décembre 2013.

Bertacchini Y., 2004. Entre information & processus de communication : l’intelligence territoriale », Les Cahiers du Centre d’études et de Recherche. Revue Humanisme et Entreprise 267, La Sorbonne Nouvelle, Paris.

Bertacchini Y., Girardot J-J. et Grammacia G., 2006. De l’intelligence territoriale. Théorie, Posture, Hypothèses, Définitions In Actes du 5e Colloque « TIC et Territoire : quels développements International Journal of Information Sciences for Decision Making 26.

Bertacchini Y., Du gisement des compétences locales & de leur transfert : quelles modalités ? Questions de Communication, série Actes 3.2006, Formes de l’engagement & espace public, 437-447.

Bertacchini Y., MaurelP., Deprez P. and Plant R., 2013. Spatial information & communication arrangements : a contribution to territorial intelligence. International Journal of Emerging Trends in Computing and Information Sciences 4 (1).

Bertacchini Y., 2012. Acteur-Réseau & Territoire-système : modélisation pour l’évaluation du potentiel d’action locale. Revue internationale d’intelligence économique 4 (1) 33-51.

Bertacchini Y., Deprez P. and Perez-Rubio A. M., 2012. Networks & Local knowledge : A language of Mediation to Arrange in a process of Territorial Intelligence. Review of Contempory Business Review 1 (1), 23-31.

Bois Ch., 2005. Réseaux et pratiques Collaboratives : vers une épistémographie de la construction des savoirs en ligne. Thèse de Doctorat, Université du Sud Toulon-Var.

Bouchet Y., Bertacchini Y. et Noël L., 2008. Construire la confiance dans les échanges numériques, Cas dans un pôle de compétitivité. International Journal of Information Sciences for Decision Making 34.

Bougnoux, D., 1993. Sciences de l’information et de la communication. Larousse, Paris.

Cooren F., The Organizing Property of Communication. John Benjamins, Philadephia.

Cyrulnik B., 1989. Sous le signe du lien. Hachette, Paris.

Davallon J., 2004. Objet concret, objet scientifique, objet de recherche. Hermès 38, 30-37..

Devèze J., 2004. Abraham Moles, un exceptionnel passeur transdisciplinaire. Hermès 39, 189-200, Paris, 2004.

Escarpit R., 1976. Théorie générale de l’information et de la communication. Hachette, Paris.

Foerster (Von) H., 1981. Observing Systems. Intersystems Publications, Seaside.

Gramaccia G., 2001. Les actes de langage dans les organisations. L’Harmattan, Paris.

Herbaux Ph., 2006. L’intelligence territoriale : d’une représentation générale à un concept de finalité. Thèse de doctorat, Université du Sud Toulon Var.

HerbauxP., 2007. Intelligence territoriale. Repères théoriques. L’Harmattan, Paris.

Jakobson R., 1963. Essais de linguistique générale (1 et 2). Éditions de Minuit, Paris.

Jayet H. et Wins P., 1993. Comment les entreprises se localisent-elles ? CESURE, Rapport de Recherche 93 (3).

Joachim J., Kister J., Bertacchini Y. et Dou H., 2006. Intelligence économique et système d’information.

International Journal of Information Sciences for Decision Making 24.

Kuhn Th-S., 2008. La structure des révolutions scientifiques. Flammarion, Paris.

Lardon S. et Piveteau V., 2005. Méthodologie de diagnostic pour le projet de territoire : une approche par les modèles spatiaux. Revue GéoCarrefour 80 (2), 75-90.

Latour B., 2005. Reassembling the Social : an introduction to Actor-Network-Theory. Oxford University Press, New York.

Lévi Strauss C., 1997. Anthropologie structurale. Plon, Paris.

Lévy P., 1997. Collective Intelligence : Mankind’s Emerging World in Cyberspace. Plenum, New York.

Maurel P., 2012. Signes, données, représentations spatiales : des éléments de sens dans l’élaboration d’un projet de territoire intercommunal. Application au territoire de Thau. Thèse de Doctorat, Université du Sud Toulon Var.

Morin E., 1991. Introduction à la pensée complexe. Seuil, Paris.

Mucchielli A., 1998. Approche systémique et communicationnelle des organisations. Armand Colin, Paris.

Moles A., 1972. Théorie des Objets. Éditions universitaires, Paris,

Moles A., 1995. Théorie structurale de la communication & Société. Masson, Paris.

Plant R., Maurel P., Barreteau O. and Bertacchini Y., 2014. Beyond IWRM : The Role of Territorial Intelligence.

The Case of the Thau Territory, Southern France In Squires V., Milner H., Daniell K.A. (Eds.), River Basin Management in the Twenty-First Century : People and Place, CRC Press, Canberra.

Perrin G., 2010. Coexistence des territoires : l’espace physique à l’épreuve du virtuel. Thèse de doctorat, Université du Sud Toulon Var.

Polyani M., 1969. Knowing and Being. University of Chicago Press, Chicago.

Popper K-R., 1968. Conjectures and Refutations : The Growth of Scientific Knowledge. Harper Torchbooks, New York.

Ricoeur P., 1990. Soi-même comme un autre. Le Seuil, Paris.

Rmili M., 2010. Information, Tic & Territoire : de la coopération décentralisée en Région Paca à la coopération extra-territoriale dans l’espace Euro Méditerranéen. Thèse de doctorat, Université du Sud Toulon Var.

Schwarz E., 1997. Toward a Holistic Cybernetics. Front Science Through Epislemology to Being., Cybernetics and Human Knowing 4 (1).

Sperber D., 2002. La communication et le sens In Michaud (Y.), dir., Le cerveau, le langage, le sens, Odile Jacob, Paris, 301-314.

Watzlawick P., Beavin J. et D. Jackson D., 1972. Une logique de la communication. Seuil, Paris.

Dans le document Article pp.127-152 du Vol.7 n°2 (2015) (Page 21-26)

Documents relatifs