Convection plan´etaire et stellaire
Thierry Alboussi`ere
LGL: Laboratoire de G´eologie de Lyon, CNRS, INSU Universit´e Lyon 1, ENS de Lyon
M1 Physiciens, 27 janvier 2020
Galil´ee jette un pav´e !
Il observe la lune, les satellites de Jupiter et le soleil ! et publie ses observations en 1613
Galil´ee jette un pav´e !
“ Quand on n’ignore pas totalement la perspective, du changement apparent des figures et des vitesses du mouvement, il faut conclure que les taches sont contigu¨es au corps solaire et que, touchant sa surface, elles se meuvent avec lui ou sur lui (...). `A preuve, leur mouvement : il paraˆıt tr`es lent au bord du disque solaire et plus rapide vers le centre ; ”
Galil´ee jette un pav´e !
“ autre preuve encore, la forme des taches : au bord de la
circonf´erence elles paraissent beaucoup plus ´etroites qu’au centre ; c’est qu’au centre on les voit en majest´e, telles qu’elles sont vraiment, alors que pr`es de la circonf´erence, quand se d´erobe la surface du globe, on les voit en raccourci. ”
Johannes Fabricius (1587-1615) a publi´e
l’observation du mouvement des taches solaires en
1611, 2 ans avant Galil´ee !
P´eriodicit´e des taches
P´eriodicit´e des taches
Le Roi Soleil, Louis XIV, r`egne de 1643 a 1715
C’est aussi le “petit ˆage glaciaire”!
Le diagramme “papillon”
Rotation diff´erentielle du soleil
Bilan sur les taches solaires
Le soleil n’est pas un globe parfait immuable Il tourne sur lui-mˆeme !
Des taches apparaissent et disparaissent
Leur nombre et leur latitude suit un cycle de 11 ans Le soleil a une rotation diff´erentielle marqu´ee
Que voit-on avec les t´elescopes plus r´ecents ?
Comment voir sous la surface ?
Comment voir sous la surface ?
Grˆace `a l’h´eliosismologie !
Peut-on “entendre” la forme d’un instrument ?
Modes de vibration d’une sph`ere
H´eliosismologie et rotation diff´erentielle
Structure interne du soleil
Un r´esultat r´ecent (´et´e 2017)
E. Fossat et al. Asymptotic g modes: Evidence for a rapid rotation of the solar core, Astronomy & Astrophysics (2017)
Convection naturelle
Convection naturelle
Les exp´eriences de B´enard
Une couche de fluide (huile) est chauff´ee par le bas.
Henri B´enard (1874–1939)
Physicien fran¸cais, il r´ealise ses exp´eriences de convection vers 1900.
Enseignant-chercheur `a Lyon (1902), Bordeaux (1910), puis Paris (1922).
La convection thermique
Rouleaux ou cellules hexagonales ?
Surface libre Entre deux plaques
Les ´equations de la convection
Conservation de la masse
∂ρ
∂t +∇ ·(ρv) = 0
Conservation de la quantit´e de mouvement (Navier-Stokes) ρDv
Dt =−∇P+ρg+∇ ·τ
Conservation de l’entropie (ou de l’´energie) ρTDs
Dt = ˙ε:τ+∇ ·(k∇T)
Et une ´equation d’´etat : T =T(ρ,s),P =P(ρ,s)
˙
εij = 1/2 (∂ivj +∂jvi) τij = 2η
˙ εij −1
3(∇ ·v)δij
τ : tenseur des
contraintes d´eviatoriques
Analyse de la convection
A. Oberbeck J. Boussinesq Lord Rayleigh
(1846-–1900) (1842–1929) (1842–1919)
1879 1901 1916
Oberbeck et Boussinesq proposent que la masse volumique ne d´epende que de la temp´erature (en n´egligeant la pression).
Oberbeck/Boussinesq approximation
A. Oberbeck, Ann. Phys.
Chem.,7, pp.271–292, 1879
J. Boussinesq, Th´eorie ana- lytique de la chaleur, 1903
MISE ENXARMOKtE
AVEC LA THERMODYNAMIQUE ET AVEC LATHÉORIE MÉCANIQUE DELALUMIÈRE,
PAR J. BOUSSINESQ, MEMBRE DEL'INSTITUT,
PROFESSEUR ,ALAFACULTE DES SCtENOES DEL'UNIVERSITE DEFARfS.
TOME II
REFROIDISSEMENT ETÉCHAUFFEMENT PAR RAYONNEMENT CONDUCTIBILITÉ DES TIGES, LAMES ETMASSES CRISTALLINES
COURANTS DFCONVECTION THÉORIE MECANIQUE DR LA LUMIÈRE.
~=~
PARIS,
GAUTHIER-VILLAIIS, tMPRIMEUR-UBRAIRE
DU BUREAU DES LONGITUDES, DE L'ÉCOLE POH'TECHNtQt;E,
Quai desGrands-Augustins, 55.
1903 (Tous droitsréservés.)
Boussinesq’s book
tome 2, 1903L’approximation de Oberbeck-Boussinesq
continuit´e ∂ρ
∂t =−∇ ·(ρu) ∇ ·u= 0
Navier-Stokes ρDu
Dt =−∇P +ρg+∇ ·τ ρ0Du
Dt =−∇P+ρ0[1−α(T −T0)]g+∇ ·τ entropie ρTDs
Dt =ǫ˙: τ − ∇ ·φ ρ0cpDT
Dt =−∇ ·φ En guise d’´equation d’´etat: ρ0, α, cp
TD Dissipation visqueuse
Soit une couche horizontale de fluide soumise `a une diff´erence de temp´erature ∆T, d’´epaisseur H, dans un champ de gravit´eg. Dans l’approximation de Boussinesq, exprimer la dissipation visqueuseDiss en fonction du flux de chaleurFlux qui traverse la couche. On connaˆıt la masse volumique, le coefficient d’expansion thermique, la capacit´e calorifique et la conductivit´e thermique du fluide : ρ, α, cp et k.
Correction
L’int´egration en volume h.idu produit scalaire de la vitesse avec Navier-Stokes donne
Diss = 2ηˆ hǫijǫiji=hρ0αg(T −T0)uzi=hρ0αgTuzi L’int´egration horizontale . de l’´equation de la chaleur donne
Flux =ρ0cpTuz −k∂zT en int´egrant sur z
H Flux =hρ0cpTuzi+k∆T En combinant
Diss = αgH cp
Flux −k∆T H
Le seuil de la convection, selon Rayleigh
Ra<1708 Ra>1708
Ra= ρ2cpα(Tc −Tf)gH3 kη
Stabilit´e de Rayleigh-B´enard
L’analyse de Rayleigh (1906) succ`ede aux exp´eriences de B´enard et `a la parution du livre de Boussinesq (1901)
z
g x
0 y
T=Tbottom L
T=Ttop
uz= 0
∂uy
∂z = 0
∂ux∂z = 0 uz= 0 ∂ux
∂z = 0
∂uy
∂z = 0
Longeur d’onde critique et nombre de Rayleigh critique kL= π
√2 Rac = αg∆TL3
κν = 27π4 4 o`u ∆T =Tbottom−Ttop, ν =µ/ρ0, κ=k/(ρ0cp)
La convection est partout !
A quoi sert la convection ? `
Augmente le transfert de chaleur par rapport `a la conduction seule
Le flux de chaleur
Le flux de chaleur moyen par unit´e de surface est la moyenne de φ=−k∂T/∂z
sur la fronti`ere sup´erieure ou inf´erieure Il est compar´e au flux conductif
k∆T L
et exprim´e sous forme adimensionnelle, par un nombre de Nusselt Nu = φL
k∆T
Ce r´esultat est une fonction des nombres adimensionnels qui d´efinissent le probl`eme: Ra et Pr =ν/κ.
Le flux de chaleur
Niemela et al., Nature, L¨ulffet al., New J. of Phys.,
vol. 404, 2000 vol. 13, 2011
2/7 0.309 1/3
Profil moyen de temp´erature
Th´eorie de la couche limite critique αg∆Tδ3
νκ =Rac ∼1000 Implication sur le flux
φ∼k∆T
δ ∼k∆T L
Ra
Rac
1/3
Autre cons´equence
La convection homog´en´eise la temp´erature !
Travaux pratiques
- chauffer de l’eau dans une casserole - chauffer une sauce b´echamel
- chauffer un gratin au four micro-onde
Mais il faut tenir compte de la pression !
Sadi Carnot (1796–1832)
Physicien fran¸cais, fondateur de la thermodynamique avec son seul ouvrage “Reflexions sur la puissance motrice du feu” publi´e en 1824.
”Les r´eflexions” 1824
”Les r´eflexions” 1824
Le gradient de temp´erature dans l’atmosph`ere
Blaise Pascal (1623–1662) avait d´emontr´e au Puy de Dˆome que la pression atmosph´erique est due au poids de l’air.
Carnot propose que la d´ecompression adiabatique explique la baisse de la temp´erature avec l’altitude (1 degr´e tous les 100 m`etres).
”Les r´eflexions” 1824
Le gradient adiabatique
Dans un fluide en convection, l’entropie est uniformis´ee. De plus, le fluide reste souvent proche de l’´etat hydrostatique.
ds = ∂s
∂P T
dP + ∂s
∂T P
dT = 0
∂s
∂P T
=−α
ρ dG =−sdT + 1 ρdP
∂s
∂T P
= cp
T dH =Tds +1
ρdP =cpdT + ∂H
∂P T
dP
Donc ∂T
∂P s
= αT
ρcp −→ dT
dz =−αgT
cp =−DT L Le nombre de dissipation est D= αgL
cp
Crit`ere de Schwarzschild
Si le gradient de temp´erature exc`ede le gradient adiabatique, alors le profil de temp´erature est potentiellement instable.
Karl Schwarzschild (1873-1916) Harold Jeffreys (1891-1989) Harold Jeffreys montre de plus que la convection existe si le nombre de Rayleigh ”super-adiabatique” exc`ede la valeur critique de Rayleigh.
Profil de temp´erature `a l’int´erieur du soleil
Convection dans le soleil
Convection dans les g´eantes gazeuses
Convection `a l’int´erieur de la Terre
Imagerie de l’int´erieur de la Terre
PREM
Images du manteau
Seisglob2 : S. Durand, E. Debayle, F. Dubuffet, Y. Ricard
Flux de chaleur de la Terre
Des mesures du g´eotherme et des mod`eles de refroidissement de la croˆute oc´eanique depuis les dorsales conduisent `a un flux de chaleur de 47±2 TW.
Une partie est due au chauffage radioactif (Uranium, Thorium, ...), le reste au refroidissement s´eculaire.
Flux de chaleur de la Terre
Des mesures du g´eotherme et des mod`eles de refroidissement de la croˆute oc´eanique depuis les dorsales conduisent `a un flux de chaleur de 47±2 TW.
Une partie est due au chauffage radioactif (Uranium, Thorium, ...), le reste au refroidissement s´eculaire.
TD Flux g´eothermique
En supposant que la surface de la Terre est constitu´ee d’un plancher oc´eanique plat, carr´e, de mˆeme aire que la Terre, avec une dorsale en son milieu et d’ˆage maximal ´egal `a 150 Ma, d´eterminer le flux de chaleur total qui sort de la Terre. On consid`ere quek ≃1 W m K−1,
cp≃103 J kg−1K−1,ρ≃3000 kg m−3 et que la temp´erature de fusion est de 1800 K au niveau des dorsales.
La Terre, une machine de Carnot ?
puise de la chaleur `a haute temp´erature (refroissement s´eculaire de l’int´erieur)
´evacue de la chaleur `a faible temp´erature
produit du travail (tectonique, orog´en`ese, g´eodynamo...), dissip´e dans le syst`eme Terre.
TD borne de dissipation: d´eterminer le travail maximal d’un cycle de Carnot qui dissipe ledit travail dans le syst`eme lui-mˆeme.
La convection mantellique
Le manteau est consid´er´e comme un fluide de viscosit´e effective tr`es forteη≃1020 Pa s. Sa conductivit´e thermique est de l’ordre de k ≃1 W m−1 K−1. On dispose des ´el´ements suivants :
Le flux de chaleur g´eothermique 47 TW La tectonique des plaques 10 cm/an
La tomographie sismique montre que les plaques froides plongent dans le manteau. Leur ´epaisseur est de l’ordre de 150 km
Exercice : estimer les variations horizontales de temp´erature.
La convection mantellique
Supposons que le manteau a une viscosit´e uniforme,η ≃1020 Pa s.
Dans l’approxiamtion de Boussinesq, avec une diff´erence de
temp´erature de 3000 K, d´eterminer le flux de chaleur total, l’´epaisseur des couches limites thermiques, l’ordre de grandeur des vitesses.
La convection dans le noyau
Le noyau, constitu´e de fer liquide, a une viscosit´e faible, η≃10−3 Pa s. Sa conductivit´e est mal connue, de k ≃20 `a 200 W m−1 K−1.
La g´eodynamo 20 km/an La sismologie : profil PREM
Les mod`eles de refroidissement de la Terre indiquent un flux de chaleur `a la CMB de l’ordre de 10 TW.
TD noyau : estimer les variations horizontales de temp´erature, l’´epaisseur de la couche limite thermique, la diff´erence de temp´erature `a travers la couche limite thermique, le Rayleigh (superadiabatique), le flux de chaleur conduit le long de l’adiabat.
La couche F
1200 1250 1300 1350 1400 1450 1500 1550 1600 10.15
10.2 10.25 10.3 10.35 10.4 10.45 10.5
radius (km)
P velocity (km/s)
PREM ak135 PREM2
Une couche stratifi´ee
`a la base du noyau liquide Adiabatic gradient throughout
A.M. Dziewonski and D.L.
Anderson,PEPI,25, 1981PREM First observation
A. Souriau and G. Poupinet, GRL,18, 1991
Global P-velocity model
B.L.N. Kennett, E.R. Engdahl and R. Buland,GJI,122, 1995 ak135 Earth’s core P-velocity model
X. Song and D.V.A. Helmberger, JGR,100, 1995PREM2
Convection dans la graine
Dissipation visqueuse
La dissipation visqueuse peut ˆetre reli´ee au flux de chaleur convectif, dans le mod`ele de Oberbeck-Boussinesq.
Mod`ele an´elastique classique
Pour se d´ebarasser des ondes acoustiques: (Ogura and Philips, J.
Atm. Sci. 1961)
∇ ·(ρ0v) = 0 ρ0Dv
Dt = −ρ0∇ P′
ρ0
+ α0ρ0T0g cp0
s′ˆez +∇ ·τ ρ0D(T0s′)
Dt = −α0ρ0T0g cp0
vzs′+ǫ˙: τ− ∇ ·(φ0+φ′)
Convection thermique sous hypergravit´e
centrifuge axel ring
slip Electronics
experimental container
Convection thermique sous hypergravit´e
Convection thermique sous hypergravit´e
Convection thermique sous hypergravit´e
Ta =T0+ Ω2 2cp
r2−r02
Flux de chaleur : hysteresis ?
Il reste beaucoup `a apprendre
Am´eliorer l’imagerie sismique de la Terre
Am´eliorer les mesures magn´etiques, gravitationelles, ...
Poser des sismom`etres sur les plan`etes Observer de mieux en mieux les exo-plan`etes