REVUE BIBLIOGRAPHIQUE
Utilisation de la mélasse de
canneà
sucredans l’alimentation du porc : essai d’interprétation des acquisitions
récentes
R. CHRISTON J. LE DIVIDICH Station de Recherches sur
l’Élevage
des Porcs, Centre national de Recherches Zootechniques, I..l’.1?.,4 .!7 8 35 0
Jouy-en-Josas (France)
Résumé
Cette revue est consacrée aux connaissances acquises au cours des 20dernières années sur
la composition chimique et l’utilisation expérimentale de la mélasse finale de canne à sucre par le Porc.
Pour une teneur en eau de 15 à 25 p. cent, la mélasse renferme une importante fraction glucidique : son extractif non-azoté représente environ 65 p. cent du produit frais, constitués
en majeure partie de glucides solubles dans l’eau ou dans l’alcool (58,7p. cent), essentiellement le saccharose (34,6 p. cent), le glucose (8,5 p. cent) et le fructose (9,9p. cent); environ 7 p. cent de la fraction glucidique sont de nature inconnue. Par contre, elle est pauvre en azote (0,56 p. cent
environ) et présente, en outre, une teneur élevée en matières minérales (8 p. cent en moyenne).
Ainsi, il s’agit d’un aliment énergétique par l’importance de ses constituants glucidiques, bien
que sa teneur en énergie brute soit relativement faible (2 85o Kcal /kg de produit brut et
3
8oo Kcal/kg de matière sèche).
L’introduction de mélasse à des taux importants dans le régime (10 à 40 p. cent en poids)
a des répercussions sur les performances zootechniques et sur le fonctionnement du tube digestif
des monogastriques. Chez le porcelet aussi bien que chez le porc de 20à 100kg, on observe une
baisse des performances de croissance et d’efficacité alimentaire. Cet effet peut toutefois être
limité, chez le porc en croissance-finition, en augmentant la concentration énergétique de la ration mélassée par addition d’un aliment riche en énergie. Par ailleurs, l’ingestion de fortes proportions
de mélasse entraîne une diminution du rendement d’abattage, liée en particulier à l’élévation du poids du tractus digestif et, en revanche, à une réduction de l’adiposité des carcasses.
La baisse des performances zootechniques enregistrée s’explique, tant chez le jeune que chez le porc plus âgé, par la faible valeur en énergie digestible de la mélasse (2400 Kcal E.D. /kg) et
par son effet dépressif sur la rétention azotée, dû principalement à une excrétion accrue d’azote métabolique fécal. Un outre, l’introduction de taux croissants de mélasse dans la ration des porcs
(surtout des porcelets) provoque l’apparition d’un état diarrhéique quelquefois mortel. On peut difficilement admettre la seule responsabilité de la forte teneur en cendres (et particulièrement
en potassium) de la mélasse, ou bien celle de sa seule déficience en élément encombrant pour
expliquer ces désordres digestifs. Ceux-ci sont vraisemblablement le résultat d’une digestion et /ou
d’une absorption incomplètes des glucides de la mélasse, créant, dans le caecum et le gros intestin,
un milieu à la fois hypertonique et favorable aux fermentations. L’augmentation de l’activité
spécifique de l’invertase intestinale, observée chez le Rat en présence de mélasse dans la ration,
tendrait à montrer, comme cela a été rapporté chez le porcelet, l’intérêt d’une adaptation préalable
des animaux à cet aliment pour en améliorer l’utilisation.
Enfin, sur le plan zootechnique, les taux optimum d’incorporation de mélasse de canne dans le régime peuvent varier de 20p. cent pour le porcelet à 30 p. cent pour le Porc en croissance- finition et la Truie en gestation.
Introduction
La canne à sucre,
principale
culture des pays en voie dedéveloppement, repré-
sente, avec uneproduction
annuelle de6g 3
X io6tonnes(FAO, zg 7 6),
uneimpor-
tante ressource alimentaire. Le traitement de la
plante
fournit en effet 7o millions de tonnes de sucre etplusieurs sous-produits, parmi lesquels
la mélasse finale(environ
z8 X J06t)
est leplus
intéressant. Le terme « mélassefinale n, plus généra-
lement
appelé
« mélasse »,désigne
les résidus dujus
de canne obtenusaprès
saclarification et l’extraction du sucre.
Une
partie
de la mélasse esttransformée,
par fermentation etdistillation,
en
alcool;
une autre sert de substrat pour laculture
de levures. Son utilisation extensive dans l’alimentation animale et notamment dans celle du porc, en substi- tution des céréales dont la culture estparfois impossible
en raison des conditionsclimatiques, pourrait
constituer un élément favorable audéveloppement
de laproduction porcine
dans les paystropicaux.
De nombreux travaux relatifs à l’uti- lisation de la mélasse dans l’alimentation des animaux sontdisponibles,
ainsiqu’en témoignent
les revues de SCOTT( I g5 3 ),
FERRANDO et THIâoDOSSmn>;s(ig6o)
et de Mo:!ETTi
(rg6 7 ). Cependant,
bien des inconnues subsistent encore, concernantsa
composition chimique,
les facteurs limitantsd’origine digestive
etmétabolique
les causes et les
conséquences
des troublesdiarrhéiques qu’elle
entraîne chez le Porc.L’objet
de laprésente
revue est de résumer l’état actuel de nos connaissancessur la valeur alimentaire de la mélasse dans la ration du Porc, à
partir
des étudesréalisées au cours de ces
vingt
dernières années.1. -
Composition chimique
de la mélasse de canne à sucreLes
principaux
résultats obtenus parl’analyse
de la mélasse sontprésentés
dans le tableau i.
z.z. -
Caractéristiques physicochimiques
La mélasse est une substance
brunâtre, visqueuse,
dont la teneur en eau variehabituellement entre 15 et 25 p. cent. Sa densité s’élève à 1,35 environ et son
pH
est
légèrement
acide. Selonquelques
auteurs, notamment SPENCER et MEADE(
I957
),
cités par OBANDOet al.(rg6g),
elle contient 5 à 6 p. cent d’acidesorganiques,
dont la moitié sous forme combinée à l’état de sels ou d’esters. L’acide
aconitique
est
quantitativement
leplus important ( 5
à 6 p. cent dans certainesmélasses).
De
plus,
on ytrouverait,
en faiblequantité,
des acides minéraux tel que l’acidenitrique (o,i 5
p.cent).
Sa couleur sombre est due à l’action de la chaleur sur lesprotéines,
enprésence
deglucides
réducteurs.1 . 2
. - La
fraction glucidique
Les
glucides représentent
environ6 5
p. cent des constituants de la mélasse(tabl. la).
Ce sont essentiellement desglucides
solubles : saccharose( 50
à 55p. cent desglucides totaux),
fructose( 15
p.cent)
etglucose ( 13
p.cent).
D’autresglucides, quoi qu’en plus
faibleproportion,
ont été identifiés : lexylose, l’arabinose,
des gom-mes et des
pectines (HE NK E,
1933; SPENCER etMEA D E,
1957, cités par OBANDO etal., ig6g).
Laprésence
demannitol,
laxatif couramment utilisé enthérapeutique
humaine est
également signalée
dans la mélasse de canne(Bi N Ki / E Y
etW OLFROM , 1953
). Enfin,
unepartie
de cette fractionglucidique ( 7
p. centenviron)
reste indé-terminée. Elle
pourrait représenter
desdéhydroglucides
résultant de l’action des hautestempératures,
associée à unpH
trèsalcalin,
sur lesglucides
solubles connusde la mélasse
(B INKLEY
etW OLFROM , 1953 ).
Comme leproposent
ces auteurs, les modificationssusceptibles
d’affecter les molécules deglucose
et de fructosepeuvent
entraîner,
d’unepart
la transformation deglucose
enfructose,
d’autrepart
laproduction
decomposés furfuriques
dont laprésence
a été récemment confirmée dans la mélasse de canne par YOKOTA et FAGERSON(197 1 ).
1 . 3
. - La
fraction
azotéeD’une
façon générale,
la teneur en azote total de la mélasse est faible et se situe entre 0,4 et 1,7 p. cent(tabl. ia).
Elle variecependant
avec les conditions culturalesappliquées
à la canne et notamment avecl’importance
de la fumureazotée et la richesse du sol en matières
organiques (M ORRISON ,
1954; COMES et WALI , A
CE, 1970; AGUm,!RA et
at., 1971).
A
part
les faiblesquantités
constituant les « substances colorantes », l’azote de la mélasse se trouveraitprincipalement
sous forme d’acides aminés libres et de bases azotées(B INKL E Y
et WOLFROM,rg5 3 ).
Nos résultats(tabl. 2)
confirment lafaible teneur en azote total de la mélasse et montrent que moins de la moitié
( 3
8
p.cent) provient
des acides cc-aminés.Ainsi,
la conversion de l’azote total enprotéines
à l’aide du coefficient6, 25
s’avère tout à fait erronée dans le cas de la mélasse.1
.4. - Teneur en
énergie
bruteL’énergie
brute de la mélasse s’élève à environ 3 8ooKcal /kg
de matière sèche( N . R . C
., 1 9 6 9; I,. A . T . F . C .,
1974; LE DmDrcx etal., 1974).
Elle est donc faiblecomparativement
à celle des autres aliments du bétail et notamment à celle des céréales. Celas’explique
engrande partie
parl’importance
de sa fraction minérale et par la teneur enénergie
brute dusaccharose,
du fructose et duglucose plus
faibleque celle de l’amidon
(tabl. 3 ).
1.5. - Les minéraux
La mélasse se caractérise par une
grande
richesse en matières minérales(8
p. cent dupoids
frais enmoyenne).
Plusprécisément,
elle est très riche enpotas-
siumqui représente
environ 40 p. cent de la totalité des éléments minéraux(tabl. z b)
Elle est, par
ailleurs,
relativement bien pourvue en calcium(8 g /kg), probablement
en raison de l’introduction de chaux lors de la défécation du
jus
de canne, au coursde la fabrication du sucre. En
revanche,
la mélasse est pauvre enphosphore
total(moins
de ig /kg
parrapport
à 3,o et q.,o dans le maïs etl’orge respectivement);
il en résulte un
rapport P a É-
voisin de io, donc trèsdéséquilibré,
alorsqu’il
varieentre o,i et 0,2 pour la
plupart
des alimentsvégétaux.
Les
oligo-éléments
sont assez bienreprésentés
dans la mélasse(tabl. I b)
etnotamment le fer
( 0 , 3
g/kg).
On y trouveégalement
unequantité
notable demagné-
sium
( 3
à 4g /kg).
Les teneurs en zinc(io mg /kg),
enmanganèse ( 40 mg /kg)
et encuivre
( 20 mg /kg)
sont, par contre, faibles.Enfin,
lecobalt,
l’iode et lemolybdène
n’y
sontprésents qu’à
l’état de traces.1
.6. - Les vitamines
La mélasse est pauvre en vitamines et, notamment,
dépourvue
de vitaminesliposolubles. Toutefois,
elle renferme desquantités
nonnégligeables
de vitamineshydrosolubles, principalement
du groupe B(tabl. I c).
Parmicelles-ci,
lesplus impor-
tantes sont : la
niacine,
l’acidepantothénique
et la riboflavine. Mais la thiamine est totalement absente. Cette dernièrequi
existe dans lejus
de canne est en effettrès sensible à l’action de la chaleur et est
probablement
détruite au cours du pro-cessus de cristallisation du sucre
(B INKLEY
etW OLFROM , 1953 ).
La mélassecontient,
en outre, une forte
proportion
de choline.Ainsi,
d’unefaçon générale,
la mélasse contient assez peu de vitamines néces- saires auporcelet
ou au porc et, dans la formulation des alimentscomplets,
onpourra
négliger
lesquantités qu’elle apporte.
En
conclusion,
la mélasseapparaît
comme une substance très pauvre en azoteprotéique
etdéséquilibrée
dans sacomposition minérale;
elledoit,
parconséquent,
être considérée comme un constituant strictement
énergétique
des rations. En outre, il n’est pas exclu que certains descomposés inconnus, qui
ont pu être concentrésou formés au cours de la fabrication du sucre, se
comportent
comme desproduits toxiques. Ainsi,
en est-ilpeut-être
desdéhydroglucides,
dont lespropriétés
nutri-tionnelles sont inconnues. On a
également identifié,
d’abord dans lejus
de canne(ST
EV E NS
, I g5 7 ), puis
dans la mélasse finale de canne, descomposés phénoliques plus
ou moinspolymérisés
et assimilés à destanins,
au nombredesquels figurent
la dicoumarine
(anticoagulant) (HASHIZUME,
YAnzAGAUII etSASAKI, 1967).
Enfin,
l’étudeanalytique
de la mélasse montre que son utilisation dans les aliments du Porcprésente
des difficultés liées à laprésence
decomposés
non ali-mentaires et à ses nombreux
déséquilibres
nutritionnels.2. — Utilisation de la mélasse de canne à sucre
dans l’alimentation du porc
2 . 1
. -
Digestibilité
etdigestion
de la mélasse2.Il.
Digestibilité
de la mélasse et des rations à base de mélasseLa teneur en
énergie digestible
de la mélassevarie,
selon les auteurs, de 3 000 à 3 50o Kcal parkg
de matière sèche(N.R.C., 19 6 9 ;
LE DIVIDICH etal.,
1974;I,.A.T.P.C.,
1974, MARRERO etI, y , I g 77 ). Comparée
à celle descéréales,
cette valeurest faible
puisqu’elle
nereprésente
que 90p. cent environ de la valeur del’orge
et8
0 p. cent de celle du maïs.
Chez le
porcelet
comme chez le porc de 20 à Iookg,
la mélasse provoque une baisse de ladigestibilité apparente
desprincipaux
éléments de laration,
notamment de l’azote et del’énergie (fig. I ),
d’autantplus
accentuée que son tauxd’incorpo-
ration au
régime
estplus
élevé(BROOKS
etI WANA G A , 19 6 7 ;
COMBS etWAI,I,ACE,
I g7 3
; LE DIVIDICHEt
al.,
1974; LE DIVIDICH etCANOPE, I g75).
La diminutionparticulièrement
nette de l’utilisationdigestive
des matières azotées a étéexpliquée
chez le Rat
(C HRI ST ON
et LEDmIDICH, 1977 )
par uneaugmentation
de laquantité
d’azote
métabolique
fécal. Lesconséquences
sur leplan
nutritionnel sontimpor-
tantes
puisqu’à
tauxcomparable
deprotéines,
lerégime
mélassé entraîne une dimi- nution de la rétentionjournalière
d’azote parrapport
aux animaux recevant unrégime témoin,
à la fois chez le Porc(LE
DIVIDICH etCANOPE, I975 )
et chez le Rat(CxRISTON
et LE DIVIDICH,1 977 ).
Il s’ensuitqu’à
teneuroptimale
en mélassede la
ration,
lesperformances
maximum de croissance nepeuvent
être obtenuesqu’au prix
d’une élévation du taux deprotéines (tabl. q.).
Par
ailleurs,
la diminution de l’utilisationdigestive
del’énergie
de la ration consécutive à la faibledigestibilité
de celle de la mélassepeut provenir
d’unedigestion incomplète
de sesglucides
ou d’une réduction de leurabsorption
intesti-nale.
2 . 12
.
Digestion
desglucides
de la mélasseLe saccharose est d’abord
hydrolysé
englucose
etfructose,
essentiellement dans lapremière
moitié de l’intestingrêle (M ANN E RS
etSTE V E NS ,
I972; STEVENSet KIDDER,
I972 ).
Les oseslibérés,
ainsi que leglucose
et le fructose libres contenus dans lamélasse,
sont absorbés par la muqueuse intestinale. Letransport
duglucose
se fait par voie active et
plus rapidement
que celui du fructose(C ORI ,
I925, chezl’homme; L Y ,
1971, AUMAITRE etal.,
1975, chez lePorc).
Les
problèmes posés
par l’utilisation de la mélasse se situentpeut-être
auniveau de la
digestion
et del’absorption
de sa fractionglucidique
indéterminée.Cependant,
l’observation dequantités importantes
de fructose et de saccharose dans le caecum et le gros intestin de porcs nourris à la mélasse(I, Y , 1971 ) suggère également
une déficience dans l’utilisation intestinale de cesglucides.
On saiten effet que l’activité
hydrolytique
des disaccharidases intestinales est très sensibleau contenu
glucidique
durégime (DE R E N ,
BROITMAN etZAMC H ECK, 1 9 67;
GRANDet
JA K Srn-A,
I973; TUOVINEN et BENDER,1975 )
etqu’elle
varie avec la nature deces
glucides (BLAIR,
YAKIMETS etTUBA, I9 f) 3 ; RE DDY ,
PLEASANTS et WOSTMANN,19
68;
RosENSWEiG etHE RMAN , 19 68; J ON E S ,
SOSA etS KROMAK , 1972 ). Ainsi,
L
y
(ig 7 i)
observe une diminution de l’activitéspécifique
de l’invertase chez des porcs recevant une ration à base de mélasse «high-test
»(qui
est, enréalité,
unsirop
de canne
partiellement inverti)
parrapport
à ceuxqui reçoivent
une ration à basede maïs. Nos travaux sur le rat montrent, au
contraire,
uneaugmentation impor-
tante de l’activité
(totale
etspécifique)
de l’invertase enprésence
de mélasse finalede canne à sucre,
comparée
au saccharose(LE
DmD>cx etal., 1977 ).
Ces résultatsconduisent à recommander une
adaptation progressive
du porc et surtout du porce- let à une alimentation riche enmélasse,
afin de favoriser la tolérancedigestive
des animaux.
Ainsi,
en l’état actuel desconnaissances,
il estimpossible
d’affirmer que la baisse du coefficient d’utilisationdigestive
del’énergie
des rations à base de mélasse estprovoquée
par une déficience en activitéinvertasique
de la muqueuse intesti- nale. Reste alorsl’hypothèse
de ladigestion impossible
ouincomplète
de la fractionglucidique
indéterminée de la mélasse et d’une saturation des enzymesdigestives.
Enfin,
uneabsorption
lente etincomplète
du fructose et un passage de cet ose dans le gros intestinpourraient également
contribuer à une réduction de ladiges-
tibilité de
l’énergie
de la mélasse.2 . 3
. -
Effet
sur la croissance etl’efficacité
alimentaiyeIl convient de considérer le stade
physiologique
de l’animal recevant une rationà fort taux de mélasse : d’une
façon générale,
leporcelet présente
une moins bonnetolérance à la mélasse que les animaux
plus âgés (porc
en croissance-finition outruie).
2 . 31
. Chez le
porcelet
a)
Utilisation en tant quefacteur d’aPPétence:
.’L’importance
de l’alimentcomplémentaire
sur la croissance duporcelet
allaité est bien connue
(A UMAITRE
etS ALMON -LE GA G NEUR , ig6i)
et ilimporte
de le faire
ingérer précocement
etquantitativement
aujeune animal,
afin de luiassurer une croissance maximum. De nombreux travaux ont
souligné
l’effetstimulant du saccharose sur la consommation d’aliments
(L EWIS et al.,
1955; SALM O N -L E GAG N E
UR et
FÉVRIER, 195 6).
Par contre, lamélasse, incorporée
aumême taux que celui du saccharose dans la
ration,
ne semble pas lui conférer le mêmeavantage.
Selon NOTZOLD etal.,
1955, on ne trouve aucun effet stimulant de la mélasse sur la consommationd’aliments,
cequi s’explique
par le fait que lamélasse ne contient
qu’environ
30p. cent de saccharose. En raison donc de l’extrême sensibilité des
jeunes
aux désordresdigestifs,
la mélasse n’estpratiquement
pas
employée
dans la formulation des aliments dupremier âge.
b)
Utilisation en tantqu’aliment
de base:Les recommandations concernant l’introduction de mélasse dans la ration de sevrage du
porcelet
sont engénéral prudentes;
le tauxd’incorporation
dansl’aliment ne
dépasse
pas 10p. cent(M ONETTI , 19 6 7 ).
Deux études récentes réalisées par COMBS et WALLACE( 1973 )
et LE DmDicH et al.(zg 74 ),
ontcependant
montréque le
porcelet,
sevré aupoids
de 5à Ikg
et nonadapté préalablement
à la mélassepouvait tolérer,
dans son aliment de sevrage, au moins 20 p. cent de mélasse decanne. Au delà de cette
proportion,
les animauxprésentent
un étatdiarrhéique
parfois
fatal(tabl. 5 ). Néanmoins,
le taux de mélasse dans la rationpeut
êtreaugmenté,
sans effets défavorables sur l’étatsanitaire, jusqu’à
40 p. cent, dans lecas d’une
adaptation précoce
duporcelet
à un alimentcomplémentaire
au laitrenfermant
déjà
de la mélasse(LE DmDicx,
données nonpubliées).
Sur leplan
des
performances
decroissance,
l’introduction de taux croissants de mélasse dans la ration duporcelet
entraîne une diminution de la vitesse de croissancequi
estdue
principalement
à une baisse desquantités
de matière sèche etd’énergie diges-
tible
ingérées.
Eneffet,
l’efficacité del’énergie digestible
pour la croissance demeure constantejusqu’à
40 p. cent de mélasse dans la ration.2 . 32
. Chez le
porc
enc y oissance-fcnition
La
plupart
des études consacrées à l’utilisation de la mélasse par le porc concernent l’animal entre 20et 100kg (HE N KE,
Ig33; IWANAGA etOTAGAKI,
1959; 1 FERRANDO et
T H E ODOSSIAD ES, 19 6 0 ; B LAN CO,
RAUN etV AR GAS, 19 6 4 ;
PRESTONet
al., 19 68;
BROOKS etI WANA G A , 1 9 67;
COMBS etWALLACE,
1973;HANSEN,
SUNES!N etB RESSON ,
1974;B ABA T UND E,
FETUGA etO Y E NU GA, I g75).
Lesprinci-
paux résultats
expérimentaux
sont rassemblés dans lafigure
3. Ilapparaît
claire-ment que
jusqu’au
taux de 30 p. cent de la ration du Porc de 20 à Iookg,
les per- formances de croissance demeurentpratiquement
constantesgrâce
à une augmen- tation desquantités
d’alimentingéré.
Au delà de ce taux, on constate une baissedes
performances,
aussi bien de la vitesse de croissance que de l’efficacité alimentaire(fig. 3 ),
liées à la faible teneur enénergie digestible
de la mélasse. Eneffet,
comme le montre le tableau6,
il semblepossible
d’améliorer lesperformances
de croissancedes Porcs à
l’engrais
enaugmentant
la concentrationénergétique
de la rationmélassée
(BROOKS, 197 2).
Cependant,
en raison de sa consistancevisqueuse,
l’utilisation de taux élevés de mélasse pose leproblème
du choix des autres constituants de la ration et notam- ment d’un «support
nadéquat qui puisse
améliorer la texture de l’aliment final.Selon BROOKS et IwarrnGn
( 19 6 7 )
et LE DIVIDICH et al.( 1974 ),
labagasse,
résiducellulosique
de la canne,peut
améliorer la texture de l’aliment mélassé. Mais ce«
support
» de nature essentiellementcellulosique ( 92
p. cent de constituants mem-branaires),
accentue la dilutionénergétique
de laration,
entraîne une baisseimpor-
tante
(tabl. 7 )
de ladigestibilité
del’énergie
et de l’azote et une diminution consé- cutive desperformances
de croissance. Aucontraire,
l’association son de blé- mélasse est intéressante sur leplan économique
car ellepermet
l’utilisation de cesdeux constituants à des taux élevés.
Toutefois,
au delà de 30 p. cent de mélassedans la
ration,
on assisteégalement
à une diminution desperformances
de crois-sance, alors que l’efficacité de
l’énergie digestible
demeure constante(fig. q).
En
définitive,
le taux de 30 p. cent de mélasse dans la ration du porc de 20 àioo
kg
constitue une limite maximumcompatible
avec une croissanceoptimum
des animaux. A des taux
supérieurs,
eneffet,
le porc n’estplus capable
de compen-ser le déficit
énergétique
de la ration par uneaugmentation
suffisante desquantités
de matière sèche et
d’énergie digestible ingérées.
2.
33
. Chez la truie en
reproduction
Les travaux
expérimentaux ayant
trait à l’utilisation de mélasse dans les aliments de la truie enreproduction
sont peu nombreux. Selon BROOKS et IwarrAGa( 10 6 7
),
l’introduction de3 8
p. cent de mélasse dans la ration degestation
n’aaucune
conséquence
néfaste sur lesperformances
de mise bas de laTruie,
en cequi
concerne la fécondité et la fertilité(tabl. 8).
Par contre, utilisée enlactation,
la mélasse entraîne uneperte
depoids importante.
Ceci est sans doute laconséquen-
ce d’une
ingestion
réduited’énergie,
euégard
àl’importance
des besoinsénergéti-
ques de lactation.
L’analyse
du tableau 8 montre, en outre, que l’introduction de mélasse dans les aliments de la mère n’est pas sansconséquence
sur la croissancedes
porcelets.
Eneffet,
pour unpoids égal
à lanaissance,
lesporcelets
allaités par les truies recevant lerégime
mélassé sontplus légers
à 2rjours (- 0 ,6 kg)
et encoreplus
à 42jours (—
2,3kg)
que ceux du lot témoin. Onpeut
donc affirmer quel’ingestion
de mélasse chez la truie allaitante diminue laproduction
laitière dans de fortesproportions,
entraînant des baisses deperformances
sur toute laportée.
Il découle de ces observations que la mélasse
peut
être utiliséejusqu’à
environ40 p. cent par la truie en
gestation,
mais que, durant laphase
delactation,
son tauxd’incorporation
dans l’aliment doit être fortement limité.Dans l’état actuel de nos
connaissances,
onpeut
conclure que la faible valeurénergétique
de la mélasse constitue l’un desprincipaux
facteurs limitant les per- formances du porc soumis à unrégime qui
en contient une forteproportion.
Ilsemblerait
possible, cependant,
de les améliorer en élevant la concentration éner-gétique
durégime
à l’aide d’une addition delipides,
mais cette dernière recom-mandation s’avère souvent
antiéconomique
en raison de sesrépercussions
sur lecoût de l’aliment final.
2 . 4
. -
Effet
de la mélasse sur ledéveloppement
des viscèreset la
composition corporelle
du PorcL’influence de la mélasse sur les
caractéristiques
de la carcasse a été peu décrite et les donnéesqui s’y rapportent
sont très limitées.Toutefois, d’après
les donnéesbibliographiques, l’ingestion
de mélasse n’exerceaucun effet
particulier
sur laqualité
des carcasses et de la viande(M ACLEOD
etczl., Z
g68; Q UIJ A NDP IA
etB L E N GE RI , zg 74 ).
Ces résultats nepermettent
en aucun casd’étayer
la vieillepratique
recommandant la distribution au Porc d’un repas mélasséjuste
avantl’abattage,
afind’augmenter
les réservesglycogéniques
dumuscle et du foie et améliorer les conditions de maturation de la viande.
Sur le
plan pratique,
selon PRESTON et al.( 19 68),
BROOKS( 1972 ),
Baus2an(1973),
LE DmDrcx et al.( 1974 ),
LE DmDrcH et CANOPE( l975 )
et BABATUNDEet al.
( 1975 ),
l’accroissement du taux de mélasse dans la rations’accompagne
leplus
souvent d’une diminution du rendement en carcasse, consécutif à la réduction de la masseadipeuse
àpoids
constant et à uneaugmentation significative
dupoids
des viscères
(tabl. 9 ).
Dupoint
de vueanatomique,
on retiendra que les fortesproportions
de mélasse entraînent uneaugmentation
dupoids
dufoie,
du coeur etdes reins
(B ABA T UND E,
F’ETUGAetOvE:vUGA, ig 75 ).
Mais c’est surtoutl’augmenta-
tion du
poids
du tractusdigestif,
notamment de l’intestingrêle vide, qui
doit êtreretenue :
l’ingestion
de mélasse entraîne uneadaptation
de la fonctiondigestive
chez le Porc. Une
augmentation
similaire dupoids
de l’intestingrêle
vide a été miseen évidence chez le Rat soumis à un
régime
à base de mélasse(LE
DIVIDICH e1al., 1
977).
2 . 5
. -
Ellel
de la mélasse sur l’état sanitaire des animaux 2.51. La diarrhée
En dehors des difficultés
technologiques d’incorporation homogène
dans lesaliments,
l’un desprincipaux
facteurs limitant le taux d’introduction de la mélasse dans les aliments du Porc concerne la diarrhéequ’elle
provoque. Cephénomène
est constaté chez la
plupart
desespèces
animalesdomestiques
ets’accompagne
d’une baisse des
performances
et de ladigestibilité
des éléments de la ration(BROOKS
etI W A N AGA, I9 67;
COMBS etWALLACE,
1973; LE DIVIDICH etal., 1974).
L’effet laxatif de la mélasse est le
plus
souvent attribué à sa teneur élevée encendres et
plus précisément
enpotassium (R OS E NB E R G
et PAr,Axox,195 6,
dans lecas du
Poulet;
FERRANDO etT H EO D O S S I A D ES, 19 6 0 , V!r,ASQu!z,
LY etP R E S T ON , 19
6 9
,
dans le cas duPorc). Cependant,
l’influence des cendres et dupotassium
est
davantage
asuspectée
» que démontrée.Ainsi,
la diminution de l’humidité des fèces constatée parVE LASQU E Z ,
Lv et PRESTON(ig6g)
à la suite de la réduction de la teneur en cendres de l’aliment mélassé(tabl. I o), s’explique
tout aussi bienpar la diminution du taux de mélasse de la ration. De
même,
lasurcharge
en élé-ment
potassium (sous
forme de carbonate ou desulfate)
d’un aliment à base de céréales ne modifie en aucun casl’hydratation
des fèces(M ANER
etal., 19 6 9 ;
O BA rr
DO et
al., 19 6 9 ).
La même observation a été effectuée chez le Poulet parCuExvo,
BUSHMAN et DANTOS( 1972 ) qui
montrent, en outre, que la déminérali-sation de la mélasse n’a aucune influence sur l’élimination d’eau par voie fécale.
Par contre, le
potassium alimentaire, qui
est,principalement
excrété par voieurinaire, peut
provoquer uneaugmentation pondérale
du rein et entraîner certaineslésions rénales à la suite d’une alimentation riche en mélasse
(BROOKS,
1972;B
ABATUND
E,
FETUGA etOVENUGA, 1975).
D’autres auteurs attribuent la diarrhée à une teneur insuffisante en cellulose de la ration.
Ainsi,
selon BROOKS et IWANAGA( 19 67),
LE DiviDicH et al.( I974 ),
l’addition de
bagasse
aurégime
mélassé réduit sensiblementl’hydratation
desfèces. Mais la déficience en cellulose de la mélasse ne semble pas suffisante pour
expliquer
la diarrhée. Eneffet,
selon HENRY etÉ TIENNE ( I g6g),
la teneur en eaudes fèces aurait
plutôt
tendance àaugmenter quand
onajoute
de la cellulose à la ration du Porc. Deplus,
cet effetbénéfique
de labagasse
sur l’humidité des excretas’accompagne
d’une diminutionsignificative
de ladigestibilité
del’énergie
et del’azote ce
qui
va à l’encontre de son introduction dans les rations à base de mélasse.En
réalité,
les causes de l’effet laxatif de la mélasse sont encore mal connues.Les
glucides
nondigérés
et/ou
nonabsorbés,
essentiellementsaccharose,
fructoseet vraisemblablement les
déhydroglucides
et le mannitolpourraient
bien en êtrel’origine.
Leur accumulation dans larégion
iléo-caecale et le grosintestin,
tout en créant un milieuhypertonique (MEI H OFF
etKERN, Ig68; CHONGO, Ig76; LY, Ig77)
favoriserait le
développement
des fermentations microbiennesayant
pour consé- quence uneimportante production
d’acidesorganiques.
Cesderniers,
selonWErJ!Rs
et VAN de KAMER
( 19 6 5 ) peuvent,
en irritant la muqueuse, entraîner une accéléra- tion du transitdigestif.
Mais cette dernièrepeut également
être liée àl’augmenta-
tion de
l’ingestion spontanée
d’eau observée avec desrégimes
riches en mélasse(M
ARR E R
O
et LY,1977).
Ainsi, l’incorporation
de mélasse enproportions importantes
dans lerégime peut entraîner,
chezl’animal,
un certain nombre de troubles dont leplus fréquem-
ment
rapporté
est la diarrhée. Les facteursimpliqués
sont encoreinconnus,
bienque certaines
hypothèses puissent
être raisonnablement formulées.Enfin,
il semblequ’une adaptation préalable
des animaux àl’ingestion
de mélassepermette
d’en limiter l’action laxative.Conclusion
La mélasse finale de canne à sucre,
qui présente
une forte teneur en consti-tuants
glucidiques,
est un aliment essentiellementénergétique.
Son tauxoptimum d’incorporation
dans les aliments du Porc varie de 2o p. cent(porcelets
àpartir
de 7
kg)
à 30 p. cent(porc
en croissance-finition et truie engestation).
Sur le
plan nutritionnel,
la valeur alimentaire de la mélasse est limitée par :- sa faible teneur en
énergie digestible qui,
sur la base de la matièresèche,
ne
représente
que 80 à 90 p. cent de celle descéréales;
- la diminution de la rétention
azotée,
liée à un accroissement de l’excrétion fécaled’origine endogène, qu’elle
entraîne chez le Porc.Sur le
plan digestif, l’ingestion
de mélasses’accompagne
d’uneaugmentation
des activités totale et
spécifique
de l’invertase intestinale chez le Rat. Il semble que l’onpuisse également
retenir une tellehypothèse
chez lePorc,
cequi
met enrelief