Article
Reference
Georges Hervé
PITTARD, Eugène
PITTARD, Eugène. Georges Hervé. Archives suisses d'anthropologie générale , 1933, vol.
6, no. 1-2, p. 204-206
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:106419
Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.
1 / 1
Extrait ô,es Archiyes saisses d'Anthropologie générale.
Tome
VL
Nos r-2, rg3z-33,GEORGES HERVÉ
Que tle souvenirs surgissent devant moi en écrivant
le
nom d,un ami cher !Et
quelle tristesse de composer cet article à la mémoire d'un homme dontla
vie moraleet
scientifiquefut la
noblesse mêmeet
dont j'eus la chance d'avoir I'estimeet
l'affectionMes débuts dans les sciences anthropologiques, à paris, ont eu lieu sous
l'égide de ces deux maîtres: Georges Hervé
et
Léonce Manouvrier.Et
jecrois être resté fidèle à I'esprit de l'un et de l'autre
-
c'est-à-clire aux qualités spécifiques de ces deux savântsqui
n'étaient pas semblables mais qui, néanmoins, se rejoignaient par.tant de côtés.Henri-Georges Hervé est né à Strasbourg le
r9
février rB55;iI
est mort à Parisle
16 octobre tg3z, dans sa septante-huitième année. Sa carrièrefut
toute d'enthousiasme scientifi.queet
de rectitude humaine.Il
émanaitde
lui
un grand charme naturel etla
courtoisie-
exceptionnelle à notre époque- qu'il
avait pour tous,lui
assurait aussitôt Ie respect de l,inter- Iocuteur et le grand désir de le connaître mieux. ceux qui l'avaient approché, ceux qui venaient chercher auprès delui
des conseils etun
appuiet
qui avaient reçu son accueil encourageant, ne pouvaient plus oublier cette tête intelligente et fière, ce visage allongé, fin, spirituel, eui, au déclin de la vie était magnifiquement dominé par une couronne de cheveux blancs.Depuis la mort de Manouvrier, Georges Hervé était re dernier survivant
de l'époque héroïque de l'Anthropologie française, de ceux qui composaient, comme
dit
Félix Regnau1t, la.deuxième équipe; celle-là encore, comme la première, entièrement animée du feu créateur de Broca.Hervé avait débuté par des études de médecine et
fut
externe des Hôpi-taux
de Paris pendant deux ans. Maisla
pratique médicare nel'attirait
pas. Devenu le préparateur de Mathias Duval, ses premiers travaux ontpour
objets divers caractères anatomiques des Anthropoid.es,puis
les anomalies humaines, la tératologie. Sa thèse-
qui reçoit une médaille dela
Facuité de Médecine-
est intitulée:La
civconaor,ution de Broca, étwd.e d.e morpholo gi,e cérébral,e,NECROLOGIE 205
A
l'Ecole d'Anthropologie de Paris, Hervéfut
d'abord chargé du coursd'Anthropologie zoologique, puis à
la mort
deDally
(r89r),il
occupa la chaire d'Ethnologiequ'il
conserva jusqu'àla
fin.Hervé
fut
un des fidèles représentants de cette phalange d'esprits à qui une culture très étendue interdisait toute sécheresse.Au
cours de sa vie entière,il a
fleureté avec les Lettres, ne dédaignant pas-
un peu sousl'auvent
-
d'écrire des vers. Ce goût de la forme, de la phrase balancée, del'emploi des mots exacts,
a
beaucoup servi ses publications anthropolo- giques en leur assurant une composition, une clarté, une facilité de lecture, qui est le signe de la durée. Un tel contrôle est trop souvent abserrt, hélas !des mémoires contemporains.
Sa
conversation mêmereflétait
ce souci constant de donner à la précision scientifique une expression littéraire.L'ceuvre de Georges Hervé est considérable. Abordant I'Anthropologie de tous les côtés, afin de mieux comprendre
la
complexitéde
l'espèce envisagée,il
étudie simultanément les plus grands problèmes: ceux des origines zoologiques de l'Homme,Ia
morphogénie,le
dér'eloppement de l'cncéphalc,la
génétiquc,lc
transformismc.Il a
donnd unc grandc part de son activité aux recherches d'ethnologie, surtout depuisle jour
oiril fut
chargé dfenseigner cette branche.Les premiers travaux de Georges Hervé datent, sauf erreut, de rBBr.
A cette époque, tous ceux qui s'intitulaient anthropologistes étaient obligés
de s'intéresser à tous les chapitres
qui
composent l'histoire de l'Homme.Aujourd'hui, une spécialisation étroite, dans l'un ou l'autre de ces chapitres, est devenue obligatoire.
Il
était donc tout naturel, pour Hervé, de faire quelques incursions dansle domaine de la Palethnologie en décrivant principalement des squelettes préhistoriques, mais en examinant aussi les industries de l'âge de Ia pierre taillée,
et de faire
également des .promenades dans les propriétés des ethnographes et des folkloristes.Il
publia sllr ces divers sujets une quaran- taine de mémoires, presque tous dansla
Reuwe de I'Ecol,e d,'Anthropologiequ'il
dirigea longtemps.Dans ces
vingt
dernières années, Hervéavait
étudié avec dilection I'Histoire de I'Anthropologie et I'Histr-rire de la Métlecine, La Reawe untl+ru- polog'iqwe et le Bwlleti.n d.ela
Société française de l'Histoire dela
tnédec'i,nerenferment de nombreuses Notes sur ce sujet d'un réel intérêt.
Georges Hervé
ne
rechefchaitpoint
les honneurs. Néanmoins,il fut
président de Ia Société d'Anthropologie rJe Paris, vice-président cle l'Tnstitrrt international d'Anthropologie, président de la Société française de l'Histoire
de la Médecine, correspondant de d.iverses sociétés scientifiques, membre de
2c,6 NÉcRol-oGIE
la
Commission internationalepour
l'unification des mesures anthropo--îii1îï;,lrt"ïreux
de penser qu'une carrière si riche d'enseignements est terminée. L'æuvre <lemeure. Malheureusement, elle est dispersée: c'est Ia rançon d'une époque oir
il faut
formidablement travailler pour acquérir un nom.Et
l'exemple aussi demeure,vivant,
debout. Devant une personnalité dontla
droiture était à elle seule plus qu'un accueil, Ies élè;ves que nous fûmes avant d'être ses amis, se sentaient fortement attirés. Après être entrés dansl'orbite
de Georges Hervé,ils y
restaient respectueusement.Ceux qui demeurent après
iui;
frdèles à son souvenir, demandent àla
vie cette grande faveur: ressembler,le
plus près possible,à
celuiqui
vient<le nous quitter.
Eugène PrrranD.