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Appui budgétaire : alimenter le « statu quo » ou transformer la gou...

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Academic year: 2022

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Contexte de la réflexion

Pour encadrer ses choix sur le développement d’Haïti, le Gouvernement s’appuie sur plusieurs documents d’orientation, dont le Plan stratégique de développement d’Haïti (PSDH), le Plan national de la Réforme de l’État (PNRE) et le Plan triennal d’investissement (PTI).

Cependant, pris entre des dépenses courantes impératives absorbant l’essentiel de ses recettes internes et face à de faibles taux de croissance du PIB, l’État haïtien est handicapé par un manque de ressources pour financer ses priorités, d’autant que la pression fiscale reste très faible malgré la légère hausse des dernières années. En effet, elle est passée de 11,8 % à 13,6 % du PIB entre 2010 et 2016. Et les dépenses publiques consacrées à l’investissement ont reculé ces dernières années, représentant moins de 2 % du PIB (1,2 % en 2016) après avoir atteint 3,7 % en 2013. D’autre part, la loi de finances de l’exercice fiscal 2017-2018 prévoit que 23,4 % des dépenses d’investissement et 94,3 % celles de fonctionnement iront au département de l’Ouest, privilégiant la capitale haïtienne.

Cette répartition inégalitaire des dépenses publiques pose le problème de l’équité et de l’accès des citoyens de tout le pays aux mêmes opportunités économiques. Ce problème de gouvernance concerne aussi les méthodes adoptées pour décider des priorités du budget, le suivi des objectifs budgétaires sur le moyen terme, la maîtrise du processus d’exécution du budget ainsi que la reddition des comptes.

L’appui budgétaire est censé apporter à l’État des moyens additionnels qui pourraient l’aider à maîtriser ces processus ou à appuyer les choix de long terme du pays. Cependant, les statistiques haïtiennes montrent que l’aide externe fait l’objet de fortes fluctuations. En effet, ces ressources s’élevaient à 3,7 % du PIB en 2010, à 0,5 % en 2013 et à 1,8 % en 2016. Dans l’hypothèse d’un scénario où l’aide promise ne serait pas supprimée, son efficacité dépend toutefois de la manière dont les acteurs nationaux s’entendent sur les priorités du développement et la façon de les appliquer à travers le processus budgétaire.

Une réflexion sur l’appui budgétaire doit donc porter sur la façon dont les acteurs nationaux étatiques et non étatiques fixent et mettent en œuvre les choix économiques du pays. Car le processus budgétaire ne dépend

Appui budgétaire : Alimenter le statu quo ou transformer la gouvernance économique

Table ronde internationale 30 et 31 janvier 2018

Port-au-Prince, Haïti

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Page | 2 pas des seuls dirigeants et des bailleurs de fonds de l’État, il renvoie également aux conditions de la participation

des citoyens et des autres partenaires de l’État aux choix nationaux. Tous ces acteurs devraient être informés sur les conditions de la mobilisation de l’appui budgétaire en partant des pratiques existant déjà dans le pays. Ce contexte justifie un colloque international sur l’appui budgétaire en Haïti. Pour poser ces questions des finances publiques, plusieurs spécialistes de renommée internationale sont invités à discuter de l’appui budgétaire au gouvernement haïtien. Cette rencontre doit contribuer à diffuser des connaissances sur les finances publiques dont le partage par tous les acteurs sociaux sera de nature à générer un nouveau discours autour de la gouvernance dans ce pays.

Cependant, au-delà des conditions négociées entre acteurs nationaux et bailleurs de fonds pour décaisser l’aide, on constate que les finances publiques sont ancrées, quel que soit le pays, dans des routines persistantes qui ne sont pas réversibles du jour au lendemain. En effet, les finances publiques ne se limitent pas aux seules connaissances véhiculées par des spécialistes. Elles résultent souvent de l’idée du bien public que se font ces acteurs, de la façon dont l’administration se met au service des citoyens et de la manière dont l’État justifie le prélèvement fiscal ainsi que ses dépenses. C’est pourquoi une réflexion sur l’appui budgétaire devra se pencher sur certains facteurs nationaux qui constituent des contraintes durables pour la gouvernance et la mobilisation efficace de l’aide. À cet effet, cette réflexion doit être à même de réactiver des savoirs souvent oubliés qui pourront aider les acteurs à mieux comprendre leur propre histoire des finances publiques et à identifier les blocages qui seraient de nature à entraver une utilisation efficace de l’aide. En évoquant ces expériences nationales, les spécialistes devraient discuter des mécanismes de la participation des citoyens haïtiens aux choix à long terme de l’État.

D’autre part, certaines habitudes se créent au travers des mécanismes de l’aide. Car une fois qu’elle est négociée et programmée sur la base de certains résultats, l’aide peut conduire les autorités nationales à se montrer redevables envers les bailleurs de fonds, tout en se désengageant des pressions des citoyens. Deux questions se posent alors : dans quelles mesures les mécanismes construits entre les autorités nationales et les bailleurs de fonds peuvent devenir des obstacles à la participation citoyenne, compte tenu de la mobilisation de l’aide ? Dans quelle mesure et à quelles conditions l’aide contribue à rendre l’État plus engagé envers sa population ?

D’un autre coté, le système fiscal haïtien se trouve confronté à ses propres défis. Car, dès la fondation de ce pays, certaines conditions décident de l’accès inégal des citoyens au service public et des rigidités du système fiscal. En Haiti, le budget n’a jamais été un outil que l’État mobilise pour apporter aux contribuables des services publics qui sont une contrepartie de l’impôt. Ainsi, l’État préléve trop souvent sans restituer. Les recettes fiscales tirées des exportations de denrées servent à rembourser à des créanciers une dette publique qui n’est jamais contractée en vue de générer des biens publics, ou profitent à un nombre réduit d’agents publics et de fournisseurs. Cette tradition fonde une idée du bien public montrant que certains groupes d’individus jouissent des deniers de l’État, alors que d’autres en sont exclus. Elle montre en outre que les finances publiques haïtiennes sont gérés dans un contexte caractérisé par un accès inégal des individus aux richesses.

Toutefois, les controverses alimentées ces dernières années par de nombreux citoyens, portant sur le vote du budget et les allocations de ses crédits, attestent une volonté des acteurs sociaux de revoir les fondements des

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Page | 3 finances publiques en Haïti. Ces discussions dévoilent du même coup, entre citoyens et dirigeants, des

divergences profondes quant à la finalité des finances publiques et la représentation que l’on s’en fait.

Les questions de gouvernance et de conception du bien public émergent comme des points majeurs de la réflexion autour du budget dans la mesure où l’État haïtien ne respecte pas suffisamment la valeur du bien commun, ce qui explique l’Arrêté relatif au train de vie de l’État du 5 avril 2017 du président de la République. Ces deux angles d’approche du budget méritent l’attention des chercheurs, car, au moment où les citoyens s’interrogent sur le budget, la question de la gouvernance se limite à l’application des procédures, sans considérer l’impact du budget sur la vie des ménages. D’où le débat actuel des citoyens sur les priorités du budget et l’impact des prélèvements fiscaux sur leur quotidien. Car l’administration ne conçoit pas suffisamment le bien public comme étant profitable à tous. Elle n’est pas à même d’identifier et d’accroitre les opportunités économiques ouvertes à tous les citoyens en jetant les bases d’une économie dynamique visant, par exemple, l’amélioration de la qualité de l’éducation ou la R&D stimulant le secteur productif.

Du fait de cette difficulté d’utiliser le budget pour créer des biens communs, l’assiette fiscale tarde à opérer une transition qui pourrait la conduire d’une dominante axée sur l’impôt indirect frappant tous les ménages sans distinction, à un impôt sur le revenu ou encore une taxe sur la valeur ajoutée. De plus, le budget ne dispose pas de mécanisme efficace pour promouvoir la création des biens facilitant une progression des revenus des ménages, en contribuant à faire reculer la pauvreté, ou de dispositifs servant à orienter ses moyens vers les groupes vulnérables.

Au-delà de la question de l’appui budgétaire, les acteurs sociaux étatiques et non étatiques doivent accéder à une meilleure compréhension de l’ensemble des mécanismes du budget national et des enjeux des finances publiques haïtiennes.

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