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Les contrats de prestations en droit public

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Les contrats de prestations en droit public

BELLANGER, François

BELLANGER, François. Les contrats de prestations en droit public. In: Postizzi, Mario &

Annovazzi, Mattia. Il contratto di mandato nell'ordinamento giuridico : atti della giornata di studio del 13 giugno 2008 . Lugano : CFPG, 2009. p. 141-157

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:42064

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FRANÇOIS BELLANGER'

Sommaire

1. Introduction

11. Les mandats et contrats de prestations

A. Les mandats de prestations dans l'administration fédérale r. Les bases legales des mandats de prestations

2. La qualification des "mandats de prestations"

B. Les contrats de prestations

r. Les objectifs des contrats de prestations a) La gestion des subventions

b) Le recours à des prestataires privés

2. Les principales clauses des contrats de prestations

111. Le regime juridique des contrats de prestations

A. Le droit applicable au contrat

B. Les règles particulières r. La conclusion du contrat

2. Le contenu du contrat 3. La validité du contrat

4. Le contrôle de l'exécution du contrat par l'État 5. Les droits du cocontractant

6. La modification du contrat durant sa période de validité 7. L'expiration du contrat

rv. Conclusion

1.

Introduction

Les contrats de prestations, appelés aussi parfois mandats de prestations, conventions de prestations, conventions d'objectifs ou accords de prestations, visent notamment à assurer un mode plus efficient d'exécution d'une tâche publique ou d'intérêt général, financée en tout ou partie par une subvention étatique, par une entité privée ou publique1, en garantissant les conditions

Voir l'art. 70 de la Loi fédérale du 15 décembre 2000 sur les médicaments et les dispositifs médi- caux (Loi sur les produits thérapeutiques, RS 812.21) et l'art. 12 de !'Ordonnance du 28 septem- bre 2001 sur l'organisation de l'Institut suisse des produits thérapeutiques (RS 812.216).

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FRANÇOIS BELLANGER

d'exécution de cette tâche par le bénéficiaire de la subvention2Ces instru- ments ont été développés dans le cadre de la réforme de l'administration fé- dérale durant la décennie 90 et trouvent leur origine dans la nouvelle gestion publique.

Selon un modèle traditionnel, en contrepartie du financement de l'État, les bé- néficiaires de subventions doivent atteindre certains objectifs généraux fixés dans la loi qui les a créées lorsqu'il s'agit d'entités décentralisés ou dans leurs statuts3La surveillance de l'État sur les modalités d'utilisation des subventions est souvent limitée, voire parfois inefficace. Le bénéficiaire de la subvention est quant à lui dans une certaine insécurité. Les aléas des finances publiques peuvent provoquer une réduction, voire une suppression des subventions. La crise budgétaire qui a marqué la dernière décennie a malheureusement illus- tré cette possibilité.

Le contrat de prestations a été conçu de manière à améliorer la position des deux partenaires en introduisant un engagement du bénéficiaire de la subven- tion d'exécuter une tâche en contrepartie de la subvention pendant toute la durée du contrat, qui est généralement de quatre ans.

D'une part, l'État s'assure contre le risque d'une demande d'augmentation de la subvention nécessaire pour le bénéficiaire de la subvention pendant la durée du contrat. De plus, en théorie, lorsque ce bénéficiaire est une entité publique, le fait de disposer d'une enveloppe budgétaire est supposé donner à ce dernier une plus grande autonomie et flexibilité, synonyme d'économie dans l'esprit du NPM. L'usage du contrat devrait ainsi impliquer une diminu- tion de la subvention et donc une réduction des dépenses de l'État. En prati- que, cela ne semble pas généralement être le cas. D'éventuelles réductions des

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Les art. 108 et l IO du Règlement du 17 janvier 1961 sur l'assurance invalidité (RS 83r.201) prévoient comme condition au versement de subventions la conclusion de contrats de presta- tions entre la Confédération et les organisations reconnues d'utilité publique de l'aide privée aux invalides, pour les prestations qu'elles fournissent dans l'intérêt des invalides à l'échelon suisse ou dans une région linguistique. L'art. IO de la Loi fédérale du 14 décembre 2001 sur la culture et la production cinématographiques (RS 443.1) prévoit que la Confédération peut conclure des conventions de prestations avec les personnes morales recevant régulièrement des aides financières; les mises au concours en vue de la conclusion de ces contrats de pres- tations sont publiées dans la Feuille fédérale (voir par exemple, l'ouverture de la mise au concours en vue de la conclusion de contrats de prestations 2008 à 201 l pour l'encouragement des institutions spécialisées et des projets dans le domaine de la promotion de la culture ci- nématographique auprès de la société - efforts ciblés sur les enfants, l'ouverture de la mise au concours en vue de la conclusion de contrats de prestations 2008 à 2ou pour l'encourage- ment des institutions spécialisées et des projets dans le domaine de la promotion de la culture cinématographique auprès de la société - efforts ciblés sur la jeunesse, ainsi que l'ouverture de la mise au concours en vue de la conclusion de contrats de prestations 2008 à 201 l pour le soutien des institutions de formation, FF 2007 7403, 7406 et 7409).

Au plan fédéral, l'octroi de subventions au moyen de décisions est réglé par la Loi fédérale du 5 octobre 1990 sur les aides financières et les indemnités (Loi sur les subventions, RS 616.1).

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subventions sont plutôt dues à une contraction des dépenses de l'État dans une période difficile du point de vue budgétaire.

D'autre part, le bénéficiaire de la subvention dispose en principe d'une garantie

contractuelle de ressources sur plusieurs années. Il peut ainsi améliorer la plani- fication de ses dépenses en équilibrant sur quatre ans les profits et les pertes.

Ce contrat aux apparents avantages est-il un vrai contrat, et, dans l'affirmative, un contrat de droit administratif? La réponse à cette question ne peut être donnée que par une analyse des deux types de "contrats" de prestations que l'on peut rencontrer en Suisse et par un examen de leurs caractéristiques (u).

Dans un second temps, après avoir identifié les vrais contrats, nous présente- rons les grandes lignes de leur régime juridique (m).

n. Les mandats et contrats de prestations

A.

Les mandats de prestations dans l'administration fédérale

Les mandats de prestations dans l'administration fédérale consistent en une définition globale des prestations d'une unité administrative pour une période législative. Ils établissent les objectifs de l'unité en fixant leur degré de priorité, la stratégie du service et les prestations nécessaires pour les atteindre. Ces der- nières sont analysées· par groupe de produits en fonction de leurs coûts, quanti- tés, qualités et portée•. Ce procédé confère au service concerné une autonomie limitée tout en le maintenant intégré dans le système hiérarchique5Il convient de déterminer si ces "mandats" sont de vrais contrats comme leur dénomination pourrait le laisser supposer ou un autre type d'acte administratif. Dans ce but, il faut préciser les bases légales de ces "mandats" (1) avant de les qualifier (2).

r. Les bases legales des mandats de prestations

L'art. 44 al. 1 de la Loi sur l'organisation du gouvernement et de l'administra- tion6 autorise le Conseil fédéral, après avoir consulté préalablement la com- mission parlementaire compétente de chaque conseil, à confier des mandats de prestations à certains groupements ou offices et leur donner l'autonomie

Programme de réforme GMEB établi par !'Administration fédérale, édition du l" mars 1999, ch. r.2.2, p. 3; voir également les informations disponibles à l'adresse Internet: <www.fl.ag.

admin.ch/f/dienstleistungen/3-1-2auftrag.php> (état du lien au 17 février 2009).

Message du Conseil fédéral du 20 octobre 1993 concernant la loi sur l'organisation du gouver- nement et de l'administration (LOGA), FF 1993 m 949-1045.

LOGA (RS 172.010).

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FRANÇOIS BELLANGER

nécessaire pour accomplir leurs tâches, tout en respectant les principes appli- cables à la gestion publique axée sur les résultats. Cette disposition constitue la base légale nécessaire à la mise en place de nouveaux modes de gestion qui assurent une plus grande autonomie de gestion aux services concernés.

L'art. 44 al. 2 LOGA précise que les prestations des unités administratives GMEB (gestion par mandat de prestations et enveloppe budgétaire) sont clas- sées, dans le mandat de prestations, par groupes de produits.

Ces dispositions ont été récemment complétées par les art. 42 à 46 Loi sur les finances de la confédération7 qui établissent les règles budgétaires applicables aux unités GMEB.

Selon l'art. 43 al. r LFC, l'enveloppe budgétaire comprend l'ensemble des charges et des revenus ainsi que l'ensemble des dépenses et des recettes d'in- vestissement du domaine propre de l'administration. Cette enveloppe est ap- prouvée par l'Assemblée fédérale par la voie du budget annuel (art. 42 al. r LFC). Dans la perspective d'une gestion des prestations, l'Assemblée fédérale est compétente pour fixer des objectifs de coût et de recettes pour certains groupes de produits (art. 42 al. 2 LFC).

En principe, l'enveloppe budgétaire doit être respectée. Toutefois, une unité GMEB peut dépasser le montant des charges ou des dépenses d'investisse- ment prévu par celle-ci dans deux hypothèses. D'une part, elle est en mesure, au cours de l'exercice comptable, de couvrir les charges et les dépenses d'in- vestissement supplémentaires par des revenus non budgétisés tirés des pres- tations qu'elle a fournies, ce qui garantit un équilibre en fin d'exercice (art. 43 al. 2 litt. a LFC). D'autre part, elle a pu constituer des réserves conformément à l'art. 46 LFC et les utilise (art. 43 al. 2 litt. b LFC)

Le pouvoir des unités GMEB de constituer des réserves est relativement limité par l'art. 46 al. r LFC. Ces réserves sont affectées lorsqu'elles consistent en des crédits qui n'ont pas été utilisés ou ne l'ont pas été entièrement en raison de retards liés à un projet. Elles sont générales lorsque, après avoir atteint les ob- jectifs quant aux prestations, les unités réalisent des revenus supplémentaires nets provenant de prestations supplémentaires non budgétisées ou enregistrent des charges inférieures à celles prévues au budget. Il appartient à l'Assemblée fédérale, selon l'art. 46 al. 2 LFC, d'admettre la constitution des réserves sur proposition du Conseil fédéral lors de l'examen du compte d'État.

Afin de permettre l'application de ces principes de gestion, les unités GMEB ont l'obligation de tenir une comptabilité analytique en fonction des groupes

LFC (RS 6rr.o).

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de produits (art. 45 LFC). De plus, les charges et les revenus du domaine des transferts8 ainsi que les contributions à des investissements, les prêts et les par- ticipations ne sont pas inclus dans l'enveloppe budgétaire (art. 44 al. 1 LFC).

Enfin, les charges ou les dépenses supplémentaires non budgétisées doivent faire l'objet d'une demande de crédit supplémentaire (art. 44 al. 2 LFC).

Les unités administratives qui bénéficient de ce statut sont en constante aug- mentation9. Selon l'administration fédérale des finances, qui s'est prononcée en 2qo3 sur le renouvellement de huit mandats, l'expérience est très positive:

les huit mandats de prestations qui ont été standardisés mettent encore davantage l'accent sur l'orientation stratégique et politique dans l'exécution des tâches. Les prestations à fournir ainsi que les résultats à obtenir constituent donc deux des éléments-clés de ces nouveaux mandats qui con- tiennent à cet effet des objectifs clairement formulés et des critères permettant de mesurer la tenue des objectifs visés. La corrélation entre les moyens financiers alloués et les prestations à fournir est un autre élément essentiel de ces mandatsw

En conséquence, à moyen terme, le Conseil fédéral envisage d'augmenter en- core le nombre d'offices GMEB. Sont concernés les services travaillant dans des domaines qui ont un caractère d'entreprise marqué et dans lesquels des exigences politiques n'imposent pas des objectifs budgétaires détaillés11De plus, le Conseil fédéral entend réaliser une simplification et une standardisa- tion des mandats de prestations afin notamment de rendre leur contenu plus transparent pour le Parlement.

lO li

Le domaine des transferts concerne les transferts que le Parlement octroie, dans le cadre du budget, à des bénéficiaires extérieurs à l'administration fédérale, en vertu d'une base légale spécifique, dans un but défini et en fonction de critères politiques (Message du Conseil fédé- ral du 24 novembre 2004 concernant la révision totale de la loi fédérale sur les finances de la Confédération (LFC), FF 2005 5-22).

Centrale des voyages de la Confédération; Centre de services informatiques du DFAE (Tele- matik); Office fédéral de météorologie et de climatologie (MétéoSuisse ); Bibliothèque natio- nale suisse (BNS) ; Office fédéral de métrologie (METAS); Centre de services informatiques du DFJP; Office fédéral de topographie (Swisstopo); Office fédéral du sport; armasuisse Im- mobilier; armasuisse Sciences et technologies; Office fédéral de la protection de la popula- tion; Swissmint; Centrale de compensation; Office fédéral de l'informatique et de la télécom- munication; Organe d'exécution du service civil; Agioscope; Haras national suisse (HNS);

Institut de Virologie et d'lmmunoprophylaxie; Service d'accréditation suisse (SAS); Centre de services informatiques du DFE; Office fédéral de la communication; Division principale de la sécurité des installations nucléaires; Office fédéral des routes (OFROU); Office fédéral de l'aviation civile (OFAC).

Communiqué "Flag" de l'administration fédérale des finances, avril 2003.

Rapport du Conseil fédéral sur la gestion par mandat de prestations et enveloppe budgétaire (Rapport d'évaluation GMEB), Rapport du 21 et 22 août 2002 de la Commission de gestion et d.e la Commission des finances du Conseil national, FF 2002 7254, ainsi que Rapport du

28 j tiin 2002 et du 29 août 2002 de la Commission de gestion et de la Commission des finances du Conseil des États, FF 2002 612r.

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FRANÇOIS BELLANGER

2. La qualification des "mandats de prestations"

Le mode de gestion par "mandat", qualifié de GMEB (mandat de prestation et enveloppe budgétaire )12, ne constitue pas une décentralisation ou une exter- nalisation. Les unités administratives en cause font toujours partie intégrante de l'administration centrale et restent soumises au pouvoir hiérarchique. Elles disposent uniquement d'un mode de gestion particulier, distinct des autres unités administratives, qui leur assure une autonomie plus étendue. Ces unités administratives continuent à faire partie de l'administration centrale et n'ont pas de personnalité juridique. La Confédération ne peut conclure un accord de nature contractuelle avec une unité qui n'a pas d'existence propre et qui fait partie de sa structure hiérarchique. La notion de mandat de prestation ne vise que la déclaration écrite des principes devant guider la gestion de l'unité administrative en cause.

Même s'il repose sur une base légale formelle, le mandat trouve sa source dans le pouvoir hiérarchique du Conseil fédéral, qui est l'autorité gouvernementale et le chef de l'administration. Chef de l'administration et responsable de la mise en œuvre du droit, il dispose de compétences d'organisation, de direc- tion, d'instruction et de contrôle, précisées dans la LOGA. Le service auquel le mandat est confié n'a pas d'autre choix que de l'accepter, car il est tenu de suivre les instructions obligatoires données par le Conseil fédéral.

Pour ce motif, les mandats de prestations sont un type particulier d'ordonnan- ce administrative à effets internes dont la fonction est d'organiser les rapports entre un service et l'administration dont il dépend. Ces mandats de prestations ont valeur d'instructions internes auxquelles il ne peut être dérogé que dans des cas justifiés. L'ancrage dans la LOGA et la LFC vise essentiellement à clarifier les conséquences budgétaires de ces instructions de nature particu- lière. Elles sont en outre concrétisées annuellement par une convention sur les prestations entre le département concerné et l'unité GMEB13

Si le Conseil fédéral devait ne pas respecter les principes fixés dans le mandat, aucune procédure juridique ne permettrait au service de défendre ses droits.

Il ne dispose d'aucune possibilité de contester la volonté du Conseil fédéral

12

Il

Voir à ce sujet le Message du Conseil fédéral concernant la révision totale de la Loi sur les finances de la Confédération du 24 novembre 2004, FF 2005 5, not. 32 ss.

Voir par exemple, conformément aux art. 70 de la Loi fédérale du 15 décembre 2000 sur les médicaments et les dispositifs médicaux (RS 812.21) et 12 de !'Ordonnance du 28 septembre 2001 sur l'organisation de l'Institut suisse des produits thérapeutiques (RS812.216), le Mandat de prestations 2007-2008 entre Swissmedic et le Conseil fédéral ainsi que le Contrat de presta- tions 2008 entre Swissmedic et le DFI (ces deux documents sont accessibles sur le site Inter- net de la Confédération à l'adresse (état du lien au 17 février 2009): <http://www.edi.admin.

ch/org/00344/00353/00363/00364/index.html?download=NHzLpZeg7t,lnp6IoNTU042l2Z6ln

l ae2IZn4Z2q Zpn 02 Yuq 2Z6gpJ CDe4N 3fGym I 62ep Ybg2c_JjKbN oKSn6A&lang=fn).

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de mettre un terme au mandat ou de modifier son contenu, même si ce chan- gement intervient en violation de la procédure prévue dans le mandat. Ce dernier formalise le choix par le Conseil fédéral d'un mode particulier d'orga- nisation au sein de l'administration, mais ne limite pas le droit de l'exécutif de modifier en tout temps les règles internes de fonctionnement de l'administra- tion fédérale conformément au cadre défini par la LOGA.

La Confédération peut également conclure des mandats de prestations parti- culiers avec des unités de l'administration qui ne sont pas GMEB pour régler des missions particulières. Une base légale prévoit dans ce cas le but de tels mandats. Ainsi, l'art. 18 de la Loi fédérale du 26 juin 1998 sur l'archivage1pré- voit que le Conseil fédéral peut accorder aux Archives fédérales, dans le ca- dre d'un mandat de prestations, le droit d'effectuer, dans le domaine relevant de leurs compétences, diverses prestations de service pour des tiers, notam- ment des travaux de restauration et de conservation, et celui de prodiguer des conseils en matière de gestion de l'information. Ces prestations sont ensuite réglées par des contrats de droit privé entre les Archives et les tiers.

B.

Les contrats de prestations

Les contrats de prestations entre la Confédération et des entités autonomes de droit public, comme la Poste, les Chemins de fer fédéraux ou les Ecoles polytechniques, sont de véritables contrats de droit administratif, dans la me- sure où ils sont conclus entre une collectivité publique et une administration décentralisée disposant de la personnalité morale, même si la Confédération qualifie également ces actes de "mandats de prestations"15Il en va de même des contrats de prestations avec des partenaires privés chargés de l'exécution de tâches publiques. Examinons les deux objectifs alternatifs ou cumulatifs de ces contrats (1), puis déterminons leurs principales caractéristiques (2).

r. Les objectifs des contrats de prestations

Ces contrats visent généralement à assurer un mode plus efficient de gestion des subventions (a) et/ou à garantir les conditions d'exécution d'une tâche publique par une entité décentralisée ou un partenaire privé (b ).

14 RS 152.r.

15 Voir, par exemple, le Mandat de prestations du Conseil fédéral au domaine des EPF pour les années 2008 à 201 r, disponible à l'adresse: <http://www.sbf.admin.ch/htm/themen/uni/eth- leistung_fr.htmi>.

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a) La gestion des subventions

Des subventions sont souvent versées par l'État à des entités décentralisées chargées de gérer des tâches publiques. Il s'agit par exemple des Hôpitaux ou des entreprises de transport public. Compte tenu de leur rôle de service public, le financement de ces entités de droit public dépend très souvent d'une par- ticipation financière de l'administration centrale. Tel est le cas, par exemple, des établissements publics médicaux genevois qui reçoivent une subvention de près de 800 millions de francs par année du Canton de Genève pour couvrir une partie de leurs coûts de fonctionnement.

Selon un modèle traditionnel, en contrepartie de ce financement, les entités de droit public doivent atteindre certains objectifs généraux fixés dans la loi qui les a créées. La surveillance exercée par l'administration centrale sert à garantir le respect de loi et le bon accomplissement de ces tâches. Dans cette hypothèse, la surveillance implique souvent une autonomie limitée de l'entité décentrali- sée dans sa gestion avec éventuellement pour conséquence une certaine inertie.

Celle-ci peut se traduire par des coûts de fonctionnement plus élevés que ceux qu'aurait une entreprise privée chargée d'accomplir la même activité.

Pour pallier cet inconvénient et réduire le montant de sa subvention, l'État peut envisager la conclusion d'un contrat de prestations avec l'entité décen- tralisée. Dans ce cas, le contrat définit de manière détaillée le cahier des char- ges imposé à l'entité décentralisée prestataire de service. En contrepartie de l'obligation de respecter ce cahier des charges, l'entité bénéficie de la garantie contractuelle du versement d'une subvention et d'une assez grande autono- mie dans la définition des moyens requis pour remplir ses tâches.

Le contrat est généralement conclu pour plusieurs années à l'avantage des deux parties.

D'une part, l'État s'assure contre le risque d'une augmentation imprévue de la

subvention nécessaire au fonctionnement de l'entité décentralisée, ce qui est important dans le cadre d'une politique budgétaire stricte. De plus, en théorie, le fait que l'entité décentralisée dispose d'une plus grande autonomie et flexi- bilité devrait impliquer une diminution de la subvention et donc une réduction des dépenses de l'État. En pratique, force est de constater que cela n'est pas toujours le cas.

D'autre part, l'entité décentralisée dispose d'une garantie de ressources sur

plusieurs années, sous la forme de droits acquis. Elle peut ainsi améliorer la planification de ses dépenses d'investissement.

La solution du contrat de prestations offre ainsi l'avantage d'assurer une flexibilité accrue à l'entité décentralisée et de permettre une diminution des dépenses de l'État, tout en garantissant que la tâche publique en cause sera toujours exercée par une entité appartenant au secteur public.

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La même approche se retrouve assez fréquemment dans le cadre de subven- tions accordées à des entités privées qui accomplissent spontanément des tâches sociales ou économiques en lieu et place de l'État (activités d'utilité publique). Dans ce cas, le contrat de prestations règle les modalités de colla- boration entre ces entités et l'État. Il est important de relever que, dans cette hypothèse, il ne s'agit pas d'un transfert de compétence de la part de l'État.

Les particuliers bénéficient de la subvention uniquement en raison de la re- connaissance par l'État du rôle d'utilité publique de l'activité qu'ils ont libre- ment décidé de mener.

Dans les deux hypothèses que nous avons présentées, la conclusion d'un contrat de prestations ne libère bien entendu pas l'État de l'exigence d'une base légale pour le versement de la subvention'6.

b) Le recours à des prestataires privés

Afin de diminuer ses coûts de fonctionnement, l'État peut aussi confier l'ac- complissement de certaines tâches à des entreprises privées. Dans ce cas, l'op- portunité d'un éventuel contrat dépendra de la nature des tâches confiées à des entités privées. Ces dernières poursuivront un but lucratif, distinct de l'intérêt public. Dans l'optique de réaliser un profit, elles pourront être in- téressées à exécuter une tâche publique pour le compte de l'État, qui leur transfèrera une partie de ses prérogatives de droit public. Selon la nature de leurs relations avec l'État, elles interviennent comme concessionnaire, délé- gataire ou auxiliaire, et ont la responsabilité d'accomplir une tâche publique dans l'intérêt général.

Le transfert pourra intervenir sous la forme d'une concession contenant des clauses contractuelles ou plus souvent par un contrat dans le cas d'un déléga- taire, qui prendra la forme d'un contrat de prestations au plan fédéral. Dans tous les cas, une base légale formelle sera nécessaire.

Par exemple, l'art. 51 al. 1 et 2 de la Loi fédérale du 29 avril 1998 sur l'agricul- ture11 autorise le Conseil fédéral à confier, contre rétribution, à des organisa- tions privées, la gestion de l'allégement ponctuel du marché en cas d'excédents saisonniers ou d'autres excédents temporaires sur le marché de la viande, la surveillance des marchés publics et des abattoirs, ainsi que la classification des animaux sur pied ou abattus, selon leur qualité. Sur cette base, l'art. 26 de !'Or- donnance du 26 novembre 2003 sur les marchés du bétail de boucherie et de

" Tobias JAAG/Georg MüLLERIPierre TscHANNEN/Ulrich ZIMMERLl, Ausgewiihlte Gebiete des

Bundesverwaltungsrechts, 6< éd., Bâle/Genève/Munich 2006, p. 52.

17 Loi sur l'agriculture (LAgr, RS 9rn.1).

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FRANÇOIS BELLANGER

la viande18 prévoit que !'Office fédéral de l'agriculture confie, sur la base d'un appel d'offre, à une ou plusieurs organisations privées certaines des tâches visées par la Loi sur l'agriculture. Selon l'art. 27 al. 1 OBB, les mandataires exécutent leurs tâches dans le cadre de conventions de prestations de quatre ans au plus, qui fixent la portée, la procédure, les conditions et la rétribution des prestations exigée. Dans le cadre de ce contrat, les mandataires conservent leur indépendance juridique, organisationnelle et financière. Ils sont soumis à la surveillance de l'office et à un contrôle annuel de performance par le Contrôle fédéral des finances'9

2. Les principales clauses des contrats de prestations

Le cœur du contrat de prestation est la définition du contenu des prestations devant être fournies par l'exécutant de la tâche publique et/où bénéficiaire de la subvention ainsi que les indicateurs permettant de mesurer si ce dernier a atteint les objectifs qui lui sont fixés.

Le contrat doit ainsi définir de manière détaillée les tâches devant être accom- plies. Lorsqu'elles peuvent être quantifiées, comme par exemple un nombre de repas ou de prestations de soins par année, le travail est aisé. La rédaction est plus délicate lorsque les prestations sont difficilement mesurables comme les ob- jectifs annuels de performance d'un assistant social: si l'on retient le nombre de dossiers traités, il est peu aisé de pondérer ce nombre en fonction de la complexi- té des cas et du temps nécessaire pour résoudre les problèmes qu'ils posent.

De la même manière, les indicateurs de performance, permettant de mesu- rer en qualité et en quantité les prestations effectivement fournies, doivent être mentionnés dans le contrat. Il appartient aux parties de. s'entendre sur les critères pouvant être utilisés. À nouveau, cette tâche peut être difficile20 Par exemple, dans le domaine culturel, comment· apprécier les résultats d'une troupe de théâtre ou d'un orchestre. Pour ce dernier, une solution peut être de prendre en compte le taux de remplissage des salles, le nombre des

18 19

20

150

Ordonnance sur le bétail de boucherie (OBB, RS 916.341).

Voir également, par exemple, l'art. 4oa de !'Ordonnance du 26 novembre 2003 encourageant le logement à loyer ou à prix modéré (Ordonnance sur le logement, OLOG), RS 842.1 ou les art. 15a de la Loi fédérale du l" juillet 1966 sur les épizooties (RS 916-40) et 12 de !'Ordon- nance du 23 novembre 2005 sur la banque de données sur le trafic des animaux (ordonnance sur la BDTA - RS 916-404).

Cette difficulté de fixer des indicateurs et des seuils mesurables en vue de l'évaluation de l'atteinte des objectifs a expressément été relevée par le Contrôle fédéral des finances lors de son rapport relatif au contrôle du contrat de prestations pour les anriées 1999 à 2002 conclu entre la Confédération et les CFF: Rapport 2003 sur l'activité du Contrôle fédéral des finances destiné à la Délégation des finances des Chambres fédérales et au Conseil fédéral du 12 mars 2004, FF 2004 3361/3375-3376.

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critiques dans des journaux spécialisés et dans la presse internationale, le ni- veau des salles dans lesquels l'orchestre est invité lors de ses tournées ...

Ces objectifs et indicateurs, souvent âprement négociés lient les parties et per- mettent d'améliorer tant la perception par l'autorité de l'étendue des tâches qu'elle attend que ses moyens de contrôle. Ils sécurisent également l'entité subventionnée qui sait qu'on ne peut lui demander d'augmenter ses tâches pendant la période contractuelle. Le contrat remplit pleinement sa fonction d'organisation et de sécurisation.

En contrepartie de ces engagements de fournir une certaine prestation et de la définition des paramètres permettant de mesurer la qualité et/ou la quantité de celle-ci, l'autorité accepte de verser une subvention. Toutefois, la valeur de cet engagement est relative.

En effet, en règle générale, le contrat est conclu par l'autorité administrative mais c'est le parlement qui tient les cordons de la bourse avec le budget. L'exé- cutif peut s'engager à verser une subvention d'un certain montant pendant quatre ans, mais si le parlement ne vote pas le budget correspondant, l'exécutif ne pourra pas remplir ses obligations. Le seul moyen de pallier cet écueil est d'engager également le législateur. Il doit, sur la base, du contrat voter une loi de subvention pour la période contractuelle. L'engagement de l'exécutif est ainsi doublé d'une loi qui le garantit. C'est par exemple actuellement le cas à Genève pour les Transports publics genevois21 et, probablement dans le futur pour l'Université de Genève22Ce sont des exemples relativement peu fréquents en comparaison avec le nombre de contrats de prestations adoptés par les autorités cantonales ou communales.

La très grande majorité des contrats ne contient qu'un engagement condi- tionnel de l'exécutif subordonné au vote annuel du budget par le législatif. On est loin dans ce cas de la théorie des droits acquis si chère au contrat de droit administratif. L'engagement de paiement de l'exécutif n'a guère plus de por- tée qu'une clause de "best effort" pour convaincre le législatif de voter la sub- vention convenue. C'est une faible contrepartie pour l'acceptation du devoir d'atteindre certains objectifs avec un résultat minimal auquel est conditionné généralement le paiement de la subvention.

21

22

Voir la Loi n° 9898 du 1" décembre 2006 relative à la ratification du contrat de prestations 2007-2010 entre Genève et l'entreprise des Transports publics genevois (TPG) prévoyant à son art. 2 le montant de l'enveloppe budgétaire annuelle allouée pour le fonctionnement des TPG. Cette loi, non publiée au recueil systématique des lois genevoises, est accessible sur le site internet du Grand conseil genevois à l'adresse: <www.ge.ch/grandconseil/moteurPdf.

asp?typeübj=PL&numübj=9898>.

Voir l'art. 21 de la Loi n° 10103 du 13 juin 2008 sur l'Université. Cette loi fait l'objet d'un référendum; son sort dépendra donc du vote populaire.

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Au vu de ces éléments, le contrat de prestations est un vrai contrat. Il remplit les critères posés par la doctrine et la jurisprudence pour admettre un tel acte : deux parties, après des négociations, sont d'accord de conclure un accord et la manifestation de volonté concordantes des deux parties est nécessaire pour que cet accord ait une valeur. Ce contrat a toutefois souvent un certain ca- ractère léonin, en raison de la relativité de l'engagement de l'administration si l'accord ultérieur du parlement est réservé et dépend de ses décisions en matière de budget.

m. Le regime juridique des contrats de prestations

A.

Le droit applicable au contrat

Pour définir le droit applicable à des contrats passés par l'État, il convient de se référer aux critères usuels posés par la jurisprudence et la doctrine, et, en particulier, au critère de l'objet.

En effet, en matière contractuelle, le critère de l'objet constitue probablement l'outil essentiel pour déterminer le droit applicable. Ainsi, un contrat relèvera du droit public dans deux hypothèses, s'il a pour objet direct l'exécution d'une tâche publique ou s'il concerne une matière réglée exhaustivement par des normes de droit public23Dans le premier cas, l'exigence du lien "direct" avec l'exécution d'une activité étatique vise les circonstances dans lesquelles un particulier est associé à l'exercice d'une tâche publique, soit parce qu'il l'ac- complit en lieu et place de l'autorité, soit parce qu'il participe à la réalisation de cette tâche en collaboration avec l'autorité. En revanche, il ne suffit pas pour admettre la qualification de droit public que le particulier fournisse à l'administration les moyens matériels d'accomplir ses tâches.

En matière de contrats de prestations, il est nécessaire de procéder à une ana- lyse dans les cas d'espèce, chaque contrat présentant des caractéristiques spé- cifiques liées à la tâche publique en cause. Il est toutefois possible de poser quelques remarques générales.

En principe, ces contrats sont conclus par une autorité publique et, compte tenu du domaine juridique en cause, ils sont adoptés dans un intérêt public.

La question d'un éventuel rapport de subordination ne peut être appréciée in abstracto. Elle semble néanmoins secondaire par rapport à celle de l'objet des contrats. Ainsi, les contrats par lesquels l'État détermine les conditions d'oc- troi ou d'utilisation d'une subvention portent sur un domaine régi exhaustive-

23 ATF ro3 n 317 consid. 3.

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ment par le droit public. La législation peut même, le cas échéant, imposer la forme du contrat de droit administratif'. En conséquence, ces contrats seront soumis au droit public. Partant, la relation bilatérale entre les parties devra être conforme tant au principe de la légalité que l'ensemble des autres princi- pes constitutionnels régissant l'activité administrative, comme la proportion- nalité ou l'égalité de traitement.

De même, les contrats par lesquels l'État détermine les modalités de transfert

d'une tâche publique à des entités privées ont pour objet direct l'exercice de

cette tâche publique par des particuliers. Sous réserve du critère de la subor- dination, les critères de distinction se prononcent donc assez clairement en faveur de l'application du droit public.

B.

Les règles particulières

25 r. La conclusion du contrat

L'autorité ne peut conclure un contrat que si elle est compétente et que la loi l'y autorise. Partant, le contrat de prestations devra se fonder sur une base légale. Généralement, il s'agira d'une base expresse. À défaut, la contrepartie financière devra obligatoirement être prévue par une loi.

La question de savoir qui peut engager l'État est importante. Si la loi ne dési- gne pas l'autorité compétente, le gouvernement ou un département, il faudra se référer à la loi régissant le domaine en cause pour déterminer quelle auto- rité a le droit d'intervenir. Par exemple, s'il s'agit d'un département, le pouvoir de signer appartiendra au chef du département. Au sein du gouvernement, il faut d'abord une décision collégiale. Ensuite, le contrat est signé pour le gou- vernement par son président et le chancelier.

2. Le contenu du contrat

Le contenu du contrat ne peut déroger à la loi. Il doit respecter l'ensemble de la législation régissant le domaine en cause, de même que tous les principes constitutionnels gouvernant le droit administratif26.

24

25

26

L'art. 16 de la Loi fédérale sur les aides financières et les indemnités (RS 616.r) impose soit la prise d'une décision d'octroi d'une subvention, soit lorsque l'autorité jouit d'un certain pouvoir d'appréciation, la conclusion d'un contrat de droit public.

Les règles applicables au contentieux contractuel varient selon la nature des parties au con- trat. Nous ne traiterons pas de cette question complexe qui dépasse le cadre du présent article.

Nous n'aborderons pour que le surplus que de manière sommaire les règles particulières.

Dans ce sens, KNAPP, n° 1524; MooR, p. 385.

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3. La validité du contrat

Le contrat est valable dès sa conclusion. Comme tous les contrats, il peut tou- tefois être affecté d'un vice. Ceux-ci sont de deux types, une violation de la loi ou des principes constitutionnels, d'une part, ou un vice du consentement, d'autre part".

Dans le premier cas, il est admis que le contrat conclu par une autorité incom- pétente ou dépourvu de toute base légale est en principe nul. Cette sanction se justifie par la gravité du vice dont est affecté le contrat. Elle a pour consé- quence que le contrat est censé n'avoir jamais existé. La nullité impose donc une restitution réciproque de toutes les prestations des parties. Pour ce motif, même dans ce cas, avant de prononcer la nullité, l'autorité judiciaire va effec- tuer une pesée des intérêts. Si elle constate que le cocontractant est de bonne foi et risque de subir un dommage important en raison de la nullité, elle va se borner à annuler le contrat. En pratique, la nullité est rarement admise. Il fau- drait vraiment une violation d'une gravité exceptionnelle qui la justifierait.

Dans le second cas, la situation est un peu particulière car la question des vices du consentement dépend du Code des obligations. Il s'agit par exemple de l'art. 24 CO sur l'erreur essentielle, notamment quant au contenu du contrat.

Pour déterminer dans quelle mesure l'une des parties peut se prévaloir d'un tel vice, on va appliquer par analogie les règles du CO et en particulier les rè- gles sur les délais. Une partie devrait donc se prévaloir de son erreur dans un délai d'un an dès sa découverte, faute de quoi le contrat serait réputé ratifié.

4. Le contrôle de l'exécution du contrat par l'État

L'État conserve les prérogatives liées à la puissance publique lorsqu'il conclut un contrat de prestations sous la forme d'un contrat de droit public. Il est donc en droit d'exiger le respect du contrat'". Dans ce cadre, on admet que l'État a un certain pouvoir de surveillance pour s'assurer du respect des obligations de son cocontractant. Il peut demander des rapports d'activité, voire effec- tuer une inspection sur place. Si le cocontractant n'exécute pas ses obligations, L'État a le choix entre résilier le contrat, exiger des dommages et intérêts ou imposer l'exécution forcée des obligations.

Dans les deux premières hypothèses, les prestations ne sont pas correctement fournies; il risque donc d'y avoir rupture dans la continuité du service public.

Aussi, l'État aura tendance à opter pour la troisième solution et à sommer le cocontractant de respecter ses obligations avant de procéder à une exécution

27 Voir sur cette question, KNAPP, n° 1527 à 1532, ainsi que MooR, précité, pp. 390 ss.

28 KNAPP, n° 1540.

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forcée par contrainte ou par substitution, par exemple en supprimant sa contre-prestation ou en chargeant des tiers d'exécuter les prestations en lieu et place du cocontractant.

5. Les droits du cocontractant

Le cocontractant est en droit d'attendre que l'État respecte ses obligations. En effet, le contrat lui confère des droits qu'il peut exercer. Partant, dans la me- sure où l'État ne verserait pas les montants convenus, le cocontractant pour- rait saisir un juge pour obtenir la condamnation de l'État au paiement, pour autant que cet engagement ne soit pas conditionnel et que la condition ne soit pas réalisée.

6. La modification du contrat durant sa période de validité

Le contrat de prestation est conclu généralement pour une période de quatre ans. Pendant cette période, les conditions économiques qui prévalaient lors de la conclusion du contrat peuvent se modifier. Dans cette hypothèse, le co- contractant de l'État peut se trouver soudain dans une situation difficile si, en raison d'une modification de l'environnement économique, il ne peut plus fournir les prestations convenues aux conditions définies d'un commun accord avec l'État29. Dans ce cas, une révision du contrat est envisageable sur la base du principe de la clausula rebus sic stantibus.

GRISEL énonce les conditions ordinaires à la révision d'un acte administratif comme étant les suivantes30:

- une modification des circonstances depuis l'adoption de l'acte;

- la modification entraîne un changement imprévisible;

- le changement doit être intervenu hors de la sphère de la partie qui s'en prévaut, en particulier sans faute de sa part;

le changement crée une disproportion évidente entre prestations et contre- prestations promises;

l'exécution des prestations réciproques entraîne l'exploitation d'une partie par l'autre.

MooR justifie l'application de cette clause générale en droit public dès lors que l'autorité doit veiller durablement à la gestion correcte de l'intérêt public dont elle a la charge31

29 30 31

GR!SEL, p. 29r.

GR!SEL, p. 455.

MooR, p. 404.

155

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Selon le Tribunal fédéral, cette institution juridique tirée du droit privé per- met, par exception à la règle pacta sunt servanda, à une partie à un contrat à exécution différée de se délier partiellement ou totalement de ses obligations en cas de changement important et imprévisible des circonstances ayant pour effet de créer une grave disproportion entre sa prestation et la contre-pres- tation de l'autre partie, au point que le maintien du contrat apparaît abusif32 Le Tribunal fédéral a admis l'application par analogie de la clausula rebus sic stantibus à certaines relations de droit public33

L'application de ce principe reste toutefois exceptionnelle et limitée à des circonstances extraordinaires. À défaut, la sécurité du contrat serait mise en péril. En particulier, le Tribunal fédéral a insisté sur le fait que la clausula n'est applicable que si le changement déterminant des circonstances peut être qua- lifié d'imprévisible, soit si les parties ne pouvaient ou ne devaient pas déjà le prévoir lors de la conclusion du contrat. Selon le Tribunal fédéral, un plaideur ne peut donc tirer argument de la clausula pour demander l'invalidation ou la modification d'un contrat au motif que de simples espérances ou spéculations ne se sont pas réalisées, car il pouvait et devait compter avec une telle éven- tualité, même s'il ne la souhaitait pas34

7. L'expiration du contrat

Le contrat prendra fin à l'échéance fixée par les parties, sous réserve d'un éventuel renouvellement.

Si l'État veut y mettre un terme de manière anticipée, il devra indemniser le cocontractant dans la mesure où celui-ci, en se fondant sur le contrat, a effec- tué des investissements ou pris des engagements financiers.

IV.

Conclusion

Le développement des contrats de prestations correspond à une volonté de réformer la structure de l'État pour le rendre plus efficace et moins coûteux.

Dans cette optique, l'utilisation de moyens contractuels peut éventuellement permettre d'atteindre cet objectif. Elle offre en théorie à l'État la faculté d'imposer soit une diminution des subventions pour le même service, soit une

32 ATF 129 ILI 383 consid. 2.2, 127 Ill 304 consid. 5b, 122 Ill 98 consid. 3a, rr3 n 2II consid. 4a, rn7 u 347 s., IO! 11 19 consid. ra, 97 11 398 consid. 6.

33 ATF 122 1 340 consid. 7b, rn3 ta 37 consid. 3b. Le Tribunal fédéral a toutefois laissé la question ouverte s'agissant des concessions dans l'arrêt 2A-432f2005, consid. 3.2.

34 ATF rn7 n 347 consid. 2, 69 11 144 consid. 4b, 59 11 380 consid. 4 et les arrêts cités.

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hausse des prestations pour la même subvention. En pratique, il ne semble pas que les cantons utilisent toujours ce moyen. À l'inverse, le contrat offre à son bénéficiaire une sécurité juridique dont il ne bénéficierait pas autre- ment. En particulier, compte tenu de l'engagement financier de l'État sur une longue période, le cocontractant peut planifier ses engagements de manière plus efficace.

Toutefois, le contrat ne signifie pas une liberté totale de l'État et, notamment, une remise en cause du principe de la légalité. Bien au contraire, ce principe, qui est le fondement de l'État de droit, s'applique avec force. Les dispositions légales qui régissent l'activité administrative déterminent le contenu de lare- lation contractuelle éventuelle avec un prestataire de service ou le bénéficiaire d'une subvention qui exécute une tâche publique.

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