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La nature juridique des contrats de prestations

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La nature juridique des contrats de prestations

TANQUEREL, Thierry

TANQUEREL, Thierry. La nature juridique des contrats de prestations. In: Bellanger, François et Tanquerel, Thierry. Les contrats de prestations . Genève : Helbing & Lichtenhahn, 2002. p.

9-31

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:16607

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par THIERRY TANQUEREL

Professeur à la Faculté de droit de Genève

1. Introduction .

Le contrat de prestations est aujourd'hui une notion familière, mais encore assez floue, dans le débat relatif à la réforme de 1 'Etat et des services publics. On peut l'approcher essentiellement de trois manières.

Dans le discours politique, le contrat de prestations semble parfois paré de vertus quasi magiques. Il donnera aux services publics 1 'impulsion nécessaire pour se moderniser et améliorer leurs performances dans le sens souhaité par les usagers. Il restituera aux parlements les moyens de contrôle que les procédures budgétaires classiques' ne leur offrent plus2Il permettra des économies et une évaluation sûre des politiques publiques, tout en motivant davantage le personnel concemé3 Les promesses de l'instrument seront d'autant plus alléchantes que sa nature réelle restera mystérieuse et que chacun sera libre d'y projeter ses attentes.

Avec la mise en œuvre, dans divers secteurs de l'activité étatique, des théories de la nouvelle gestion publique\ qui a vu la signature d'un certain nombre d'accords expressément désignés comme contrats de prestations, une approche plus analytique a pu se développer dans la perspective de la science administrative et politique. La question est alors de savoir quels

Sur les lacunes de celles-ci, cf. BOLZIKL6TI (1996) p. 150 ss.

Sur les avantages pour les parlements de la mise en œuvre de la nouvelle gestion publique, dont les contrats de prestations sont un élément, cf. BOLZILIENHARD (2001) p. 17 ss.

Sur les espoirs, plus raisonnablement exprimés, placés dans les contrats ou mandats de prestations, voir, p. ex., le Message du Conseil fédéral concernant la loi sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA), du 20 octobre 1993, FF 1993 III 949, p. 1045 ou aussi Mémorial des séances du Grand Conseil du canton de Genève (Mémorial/GE) 1998 p. 6834 ss (proposition d'un contrat de prestations pour l'Université).

Nous nous en tiendrons à cette traduction française du New Public Management (NPM). Pour un tableau des diverses traductions allemandes de cette expression, voir SCHWARZENBACH-HANHART (1997) p. 301/302.

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buts peuvent et doivent poursuivre les contrats de prestations, quels sont leurs avantages et leurs inconvénients, quelle est leur efficacité en termes de· mise en œuvre d'objectifs .d'intérêt public. Pour la doctrine de la nouvelle gestion publique5, il s'agit surtout de préciser quelle est leur fonction et leur insertion dans le nouveau modèle d'administration qu'elle prône6

Enfm, l'approche juridique, qui est celle de cet exposé, cherchera à déterminer la véritable nature de ce que la pratique désigne comme contrats de prestations, à travers la portée des engagements que ces actes compor- tent et ce que l'on pourrait appeler leur logique de fonctionnement.

II. Ess ai de définition A. Les critères de définition

La difficulté principale posée par la définition des contrats de prestations réside dans le fait qu'il n'est pas possible de se contenter d'une approche purement textuelle pour circonscrire convenablement l'objet étudié.

En effet, si 1 'on s'en tient à une interprétation littérale de 1' expression et que l'on se souvient qu'une obligation est le lien juridique entre deux personnes en vertu duquel l'une d'elles est tenue envers l'autre de faire une prestation7, tout contrat générateur d'obligations est un contrat de presta- tions. Il est donc nécessaire de cerner le domaine d'application de la notion de contrat de prestations en définissant plus précisément, à partir de 1 'usage concret qui en est fait, à quelles prestations on entend se référer. Cette délimitation, qui n'échappe pas à un certain arbitraire, pourra être illustrée par un essai de typologie des actes qualifiés ou qualifiables de contrats de prestations.

Sur ce mouvement, dans une perspective helvétique, voir SCHEDLER!PROELLER . {2000); SCHEDLER (1996); MEYER (1998); SCHWARZENBACH-HANHART (1997) p. 301 ss; CETEL (1997); MAIER {1999) p . .75 ss; TSCHANNEN/ZIMMERLI!KIENER, {2000) p. 29 ss. Voir aussi les points forts de la nouvelle gestion publique résumés par RICHLI (1997) p. 290 ss et BoLz/KL6TI (1996) p. 155. Pour une approche très critique, cf. DELWTNG/WINDLIN {1996).

SCHEDLER!PROELLER (2000) p. 13~ ss; MAIER {1999) p. 119 ss; MEYER (1998) p. 248 ss; SCHEDLER (1996) p. 127 ss; voir aussi les contributions de FINGER et URIO dans le présent ouvrage.

Cf. TERCIER {1999) n° 61.

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B. Un contrat

Classiquement, en droit public comme en droit privé, le contrat peut se définir comme une manifestation concordante de volonté de plusieurs sujets de droit produisant l'effet juridique correspondant à l'accord8 Certes, en droit public, on ajoutera encore que le contrat est destiné à concrétiser la loi dans un cas particulier et qu'il a pour objet l'exécution d'une tâche publique9Mais quel que soit le régime, droit public ou droit privé, applicable au contrat, trois éléments de base, qui définissent la nature, contractuelle ou non, de la relation, doivent être présents: premiè-· rement, l'intervention de plusieurs sujets de droit, car on ne saurait contracter avec soi-même; deuxièmement, la concordance de volonté de ces sujets, ce qui présuppose leur égalité de principe; enfin, la volonté de se lier, qui seule peut donner un effet obligatoire au contenu du contrat.

Lorsqu'une entité étatique est partie à la relation en cause, chacun de ces éléments peut s'avérer problématique, comme nous le verrons dans la suite de cet exposé10

La terminologie elle-même peut varier. Si l'expression de contrat de prestations est la plus courante (p. ex. article 1, alinéa 6, de la loi sur les Transports publics genevois du 21 novembre 1975, LTPG11), le terme de contrat est parfois remplacé par celui de convention (article 8 de la loi sur les Chemins de fer fédéraux du 20 mars 1998, LCFfl2), celui d'accord13 ou celui de mandat (article 44 de la loi sur l'organisation du gouvernement et de l'administration du 21 mars 1997, LOGN4). En allemand, on distingue également, plus ou moins clairement, Vereinbarung, Kontrakt, Auftrag et Vertrag15

Il ne fait guère de doute que contrat et convention sont de véritables synonymes. En revanche, l'emploi du terme «accord» révèle souvent un doute sur la nature juridique réelle de la relation, dont il n'est pas certain qu'elle possède toutes les caractéristiques du contrat, telles qu'elles

10

Il 12 Il

14 Il

Cf. TERCIER (1999) n° 169; MüLLER (1997) p. 144.

KNAPP (1991) n° 1501; HAFELIN/MÜLLER (1998) n° 853.

Sur l'identification de la nature bilatérale, donc contractuelle, d'une relation impliquant une entité étatique, voir NGUYEN (1998) p. 9 ss; MOOR (1991) p. 242 ss.

RS/GE H 1 55; voir aussi l'article 160A, alinéa 4, Cst./GE.

RS 742.31.

C'est notamment le terme utilisé dans l'expérience de nouvelle gestion publique menée récemment au sein de l'adrrlinistration centrale du canton de Genève.

RS 172.010.

MEYER (1998) p. 248 ss.

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viennent d'être évoquées. Nous verrons que ce doute est tout à fait fondé.

Quant au terme de mandat, il a clairement un double sens16Il peut se référer à un type de contrat particulier défini à l'article 394 CO ou à son équivalent en droit public. Mais il peut aussi désigner l'acte unilatéral par lequel une charge, une fonction ou une tâche est attribuée, voire imposée, à quelqu'un. C'est ainsi que l'on parlera d'un mandat politique ou du mandat législatif que certaines dispositions constitutionnelles confèrent à la Confédération (p. ex. les articles 112 ss Cst.). C'est dans ce sens également qu'il faut comprendre le «mandat» impératif interdit par l'article 161 Cst.

ou le mandat confié au Conseil fédéral par 1 'Assemblée fédérale en vertu de l'article 171 Cst. Dans le domaine qui nous intéresse, nous verrons que l'ambivalence du terme de mandat se révèle pleinement, la notion de mandat de prestations (article 44 LOGA) comportant à la fois des éléments de bilatéralisme et une composante hiérarchique17

On peut encore se demander si le contrat dont il est ici question doit être vu comme un acte normatif bilatéral (convention législative). Lorsque le canton du Jura a voulu permettre au gouvernement de déroger aux dispositions légales en vigueur au moyen de contrats de prestations, la Cour constitutionnelle cantonale a jugé que, au vu du contenu qu'il était envisagé de leur donner, ces contrats devaient être considérés comme des actes normatifs18On ne saurait cependant en déduire que tout contrat de prestations doit être qualifié de la sorte. En effet, nombre d'entre eux ne dérogent pas à la législation existante et portent sur des points concrets concernant une entité déterminée, ce qui exclut d'y voir des actes généraux et abstraits. D'ailleurs, dans l'affaire précitée, la Cour constitutionnelle n'a pas jugé que tous les contrats de prestations étaient effectivement des conventions législatives, mais seulement qu'ils pouvaient être de nature normative19A notre sens, dans la grande majorité des cas, et notamment lorsque la loi définit le cadre dans lequel ces contrats s'inscrivent, en tant qu'instruments d'exécution de celle-ci, il n'y a pas lieu de les considérer comme des actes normatifs. Et même lorsque la loi prévoit qu'un contrat de

16 17

18 19

KNAPP (1998) p. 424.

Il faut également mentionner le sens particulier du terme mandat, tel qu'il est employé à l'article 22 quater de la loi sur les rapports entre les Conseils (LREC, RS 171.11 ), qui vise une directive adressée par les Chambres au Conseil fédéral sur la manière d'édicter ou de modifier un mandat de prestations au sens de l'article 44 LOGA; cf. MASTRONARDI (1998) p. 83 ss; BOLZ/LIENHARD (2001) p. 23.

SJ 2001 I 21 (Cour constitutionnelle/JU, 13.03.2000).

Id. p. 24.

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prestations peut déroger à ses prescriptions, cela n'en fait pas nécessairement un acte normatif: il est en effet tout à fait possible de déroger à la loi, y compris contractuellement, dans un cas individuel et concret.

C. Des prestations

C'est avec l'examen des prestations en cause que l'on quitte l'approche purement conceptuelle pour affiner la définition du contrat de prestations.

C'est en effet en observant empiriquement quelles relations sont, en pratique, désignées sous le terme de contrat de prestations que 1 'on peut aboutir à un critère distinctif, qui se réfère à la nature des prestations concernées.

Dans cette perspective, on peut observer que font typiquement l'objet de contrats de prestations des prestations d'intérêt public effectuées en faveur de la population. On pourrait aussi parler de tâches publiques, à condition de comprendre cette notion d'une façon large, englobant non seulement les tâches indispensables de 1 'Etat, mais aussi celles qu'il considère utiles à la population, donc de son devoir d'assurer ou de faire assurer. Quant à l'engagement de fournir les prestations en cause, il est pris vis-à-vis de 1 'Etat, mais il profite directement au public.

Sont donc exclues de la définition du contrat de prestations adoptée ici les relations entre les particuliers bénéficiaires desdites prestations et le prestataire. Il en est de même des contrats portant sur des prestations envers l'Etat qui ne visent qu'indirectement la fourniture de services au public (p. ex. mandats d'avocats ou d'experts, contrats de maintenance informatique, contrats d'entreprise, etc.). Ces contrats relèvent, selon la conception admise en Suisse, du droit privé20Ils peuvent jouer un rôle important dans la perspective de la nouvelle gestion publique, dans la mesure où ils permettent de sortir certaines activités du cadre strict de 1' administration ( outsourcingyt, mais ils ne correspondent pas à la notion de contrat de prestations telle qu'elle est généralement comprise. Sont enfin exclus les contrats portant sur des prestations qui ne sont pas directement d'intérêt publ~c: ainsi, par exemple, les clauses contractuelles insérées dans les concessions d'utilisation du domaine public, où l'autorisation d'exercer une activité .à but lucratif sur le domaine public fait l'objet d'une redevance.

20 21

MOOR (1991) p. 277 et 280; NGUYEN (1998) p. 18.

SCHEDLERIPROELLER (2000) p. 166/167.

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Par ailleurs, même lorsque les contrats de prestations ne sont pas insérés dans une démarche consciente et cohérente de · mise en œuvre de la nouvelle gestion publique, la logique de cette dernière les imprègne fortement.

Dans ce contexte, l'engagement d'effectuer des prestations d'intérêt public a pour corollaire l'engagement de l'Etat de fournir des moyens à cette fin. Normalement, le contrat de prestations est lié au système de l'enveloppe budgétaire globale ou du «groupe de produits», avec, en général, un engagement financier pluriannuel de la part de l'entité qui finance22En effet, le contrat de prestations s'inscrivant dans une démarche qui vise à offrir au prestataire une autonomie dans le choix des moyens mis en œuvre pour produire les prestations, il .n'a guère de sens s'il est lié à une procédure budgétaire traditionnelle, avec une ventilation en rubriques détaillées sur une base strictement annuelle23

La contrepartie de cet assouplissement des règles budgétaires réside dans les modalités de contrôle des performances incluses dans le contrat. Celui- ci comprend, en général, une définition plus ou moins précise des indicateurs justifiant de l'accomplissement des prestations24Ces dernières n'étant pas toujours quantifiables, la difficulté réside dans la mise sur pied d'instruments adéquats d'évaluation des performances25

Sous 1' angle des prestations qu'il régit, on peut dès lors définir le contrat de prestations comme un instrument par lequel une collectivité publique demande à une entité publique ou privée de fournir, pendant une période déterminée, des prestations d'intérêt public à la population en échange de

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24

25

SCHEDLERIPROELLER (2000) p. 134 ss; MEYER (1998) p. 248 ss; SCHEDLER (1996) p. 134 ss et 148 ss; SCHWARZENBACH-HANHART (1997) p. 307/308; MAIER (1999) p. 120; voir, p. ex., .l'article 19, alinéa 2, de la loi sur les finances (Finanzhaushaltsgesetz) du 16 avril 1997 du canton de Bâle-Ville (RS/BS 610.100).

Voir, p. ex., les principes d'annualité et de spécialité qualitative, quantitative et temporelle des articles 12, 20, 21, 22 et 36, alinéa 4, de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève du 7 octobre 1993 (LGAF, RS/GE D 1 05). Voir aussi les articles 3 et 13 ss de la loi fédérale sur les finances de la Confédération du 6 octobre 1989 (LFC, RS 611.0). Sur la nouvelle approche budgétaire, SCHEDLERIPROELLER (2000) p. 147 ss.

Voir, par exemple, l'article 6 du contrat de prestations 1996-1998 des Transports publics genevois et les articles 5 .1.2, 5 .2.1, 5.3 .1 du contrat de prestations (Leistungvereinbarung) 2000-2002 de l'Université de Bâle.

Sur cette question, voir SCHEDLER (1996) p. 70 ss; MASTRONARDI (1998) p. 103 ss.

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moyens àffectés à cette fin et moyennant l'institution de modalités de contrôle desdites prestations26

En pratique et conformément à certains modèles de nouvelle gestion publique27, les contrats de prestations se divisent parfois en contrats cadres pluriannuels et accords annuels28

D. Typologie des contrats de prestations

1. Introduction

Il ne s'agit pas ici de proposer une typologie exhaustive, ni une classification stricte des contrats de prestations, mais de montrer dans quels types de circonstances la conclusion de tels contrats intervient, tant du point de vue des acteurs engagés que, en se référant à des catégories connues du droit administratif, du point de vue de la nature de l'engage- ment réciproque. Dès lors, il va de soi que les catégories décrites ne sont pas forcément exclusives.

2. Les contrats entre une collectivité publique et un établissement public a11tonome

On trouve de nombreux contrats de prestations liant une collectivité publique et un établissement public autonome qui en dépend29Dans ces cas, le prestataire a sa propre personnalité et est donc juridiquement indépendant de la collectivité qui commande les prestations. Il est frappant de constater que, en général, les établissements publics en cause .:....

entreprises de transports publics, hôpitaux, universités, etc. - existaient et exerçaient leurs tâches depuis fort longtemps, bien avant que la nouvelle gestion publique ne devienne à la mode. Le contrat de prestations est donc ici davantage un moyen de redéfinir les relations entre ces établissements et

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27 28

29

Voir la définition, très proche, du Leistungsauflrag par BoLziLIENHARD (2001) . p. 27.

SCHEDLER (1996) p. 140.

Ainsi, le «mandat de prestation» 1999-2001 confié par la Confédération suisse au service du cadastre du canton de Genève, est-il accompagné d'«accords de prestation» pour chacune des années concernées.

Voir notamment les exemples cités supra note 24. Sur le contrat de prestations des Transports publics genevois, voir COMINOLI (1998) et la contribution de

STUCKI dans le présent ouvrage.

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la collectivité publique qu'une méthode de restructuration de 1' administration.

3. Les contrats entre une collectivité publique et une entreprise privée

Compte tenu de la définition du contrat de prestations donnée plus haut, rien n'empêche que le prestataire soit une entreprise privée à qui la fourniture de prestations d'intérêt public a été déléguée30Il est évidemment possible que l'entreprise en question exerce par ailleurs des activités lucratives soumises aux règles ordinaires du marché.

4. Les contrats entre collectivités publiques

Il peut également arriver qu'une collectivité publique sous-traite la fourniture de certaines prestations d'intérêt public à une autre collectivité, par hypothèse mieux équipée à cette fin. La Confédération agit ainsi avec les cantons en ce qui concerne les mensurations cadastrales31 Mais la forme du contrat de prestations peut aussi servir à la mise en commun de tâches au niveau intercommunal ou intercantonal. Comme dans les deux cas précédents, le prestataire est juridiquement indépendant de celui qui

commande les prestations. i>;

· 5. Les concessions de service public?

En principe, dans le cas d'une concession de service public, le concessionnaire exerce l'activité concédée à ses propres risques et profits32 .

Mais, lorsque des services déficitaires sont demandés au concessionnaire et que celui-ci reçoit en compensation une subvention destinée à combler la perte d'exploitation, l'accord qui règle cet échange correspond à la définition du contrat de prestations donnée plus haut. Dans la mesure où une concession inclut un tel accord, elle peut alors être qualifiée, pour partie, de contrat de prestations. Il convient cependant de relever que, parfois, la collectivité qui commande des prestations et les subventionne n'est pas la même que celle dont dépend l'autorité concédante33Dans de

JO

JI 32 33

On peut mentionner, à titre d'exemple, le contrat de prestations entre le canton de Genève et la Société des Mouettes genevoises, concernant l'exploitation de trois lignes régulières de transports sur le bas Lac Léman; voir aussi les exemples cités par BELLANGER, dans le présent ouvrage, note 16.

Supra note 28.

KNAPP (1991) n° 1409.

Ainsi, selon l'article 8 de la loi fédérale sur les transports publics du 4 octobre 1985 (LTP, RS 742.40), les collectivités publiques peuvent convenir avec les

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tels cas, la concession n'incorpore pas le contrat de prestations qui est éventuellement passé entre le prestataire et la collectivité demanderesse.

Est aussi qualifiée de concession de service public la délégation par l'Etat à un privé de tâches qui normalement lui reviennene4Dans ce cas, l'accord qui définit les tâches déléguées, les modalités d'exécution de celles-ci et leur financement, correspond à notre définition du contrat de prestations.

6. Les contrats de subvention

Selon 1' article 16 de la loi fédérale sur les aides financières et les indemnités du 5 octobre 1990 (Loi sur les subventions, LSu35), lesdites aides et indemnités sont en principe allouées par voie de décision (alinéa 1), mais elles peuvent être allouées en vertu d'un contrat de droit public lorsque l'autorité compétente jouit d'une grande marge d'appréciation et qu'il y a lieu d'exclure que l'allocataire ;renonce unilatéralement à l'accom- plissement de sa tâche (alinéa 2). Tous les contrats de subvention ne sont pas des contrats de prestations, m~ds lorsque c'est en raison du fait que l'activité subventionnée porte sur des services d'intérêt public en faveur de la population que la forme du contrat est choisie, les caractéristiques du contrat de prestations sont bien présentes. La partie de la convention sur les prestations des CFF, au sens de l'article 8 LCFF, qui porte sur les prestations d'infrastructure commandées aux CFF est d'ailleurs expres- sément qualifiée par le Conseil fédéral de contrat de subvention au sens de l'article 16, alinéa 2, LSu36La formule est également utilisée, notamment, pour les subventions fédérales à la recherche37On peut aussi mentionner la

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35 36

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entreprises de transport de prestations que ces dernières ne pourraient pas offrir en s'en tenant aux principes de l'économie d'entreprise, cela contre indemnisation complète. L'article 41 de la loi fédérale sur les chemins de fer du 20 d~cembre

1957 (LCdF, RS 742.101) prévoit une règle analogue. La commande peut donc émaner de diverses collectivités, alors que la concession est délivrée par la Confédération (article 5 LCdF; article 4 de la loi fédérale sur le transport de voyageurs et les entreprises de transport par route du 18 juin 1993, LTV, RS 744.10).

ATF 123/1997 III 395, 399, Betriebsaktiengesellschaft Vereindrückerei Bern;

HÂFELIN/MÜLLER (1998) n° 2008a .. RS 616.1.

Message du Conseil fédéral du 2 septembre 1998 sur la convention relative aux prestations conclue entre la Confédération suisse et la société anonyme· des Chemins de fer fédéraux CFF, et sur le plafond de dépenses pour les années 1999 à 2002, FF 1998 4373 ss, p. 4576.

Article 3la de la loi fédérale sur la recherche du 7 octobre 1983 (RS 420.1).

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«pratique contractuelle» que le canton de Genève doit développer avec les initiateurs de projets culturels et les organismes culturels, en vertu de l'article 5, alinéa 2, de sa loi sur l'accès et l'encouragement à la culture du 20 juin 1996 (LAEC/GE38), qui renvoie, à notre avis, à des contrats à la fois de subvention et de prestations. On remarquera que, dans ce type de circonstances, il est tout à fait possible qu'un même contrat associe plus de deux entités publiques et privées39

7. Les «contrats» internes à une entité administrative

On rencontre des accords internes à une même entité administrative d'une part dans l'application de démarches de nouvelle gestion publique et d'autre part dans la mise sur pied de collaborations entre différentes composantes d'une même personne juridique de droit public.

Dans le premier cas, c'est la tête de l'administration qui passe un accord, parfois qualifié de «mandat de prestations» (article 44 LOGA), avec une ou des structures administratives qui lui sont subordonnées. La relation est ici caractérisée par le fait qu'elle est verticale40 et qu'elle lie des intervenants qui ne sont juridiquement ni indépendant ni égaux41

Dans le second cas, des subdivisions de même niveau à 1' intérieur d'une même entité juridique se mettent d'accord pour exercer leurs compétences, et allouer leurs ressources dans un certain sens négocié en commun. La relation est ici horizontale42 et les participants sont égaux, mais ne sont pas juridiquement indépendants43

On peut aussi, bien entendu, imaginer des accords mixtes qui, dans le but de produire une prestation commune, lient à la fois des organes de même niveau et un ou des organes supérieurs d'une entité administrative44Là encore, les participants n'ont pas de personnalité juridique indépendante.

38 39 40 41 42 43 44

RS/GEC 3 05.

Cela ressort, par exemple, de l'article 5, alinéas 3 et 5, LAEC/GE.

SCHWARZENBACH-HANHART (1997) p. 309; SCHEDLER (1996) p. 139.

MASTRONARDI (1998) p. 111.

Id. p. 114.

Id. p. 115.

On peut donner 1 'exemple du «contrat de prestation» conclu le 25 février 1999 entre la Faculté de droit, la Faculté des sciences économiques et sociales, le Rectorat et ·Je Centre d'études et de documentation sur la démocratie directe (C2D) de l'Université de Genève sur les activités et le financement dudit centre.

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III. Les véritables contrats de prestations et les «pseudo- contr ats»

A. Les critères de distinction

Il s'agit ici de déterminer, parmi les différentes relations évoquées plus haut sous la désignation générale de contrats, mandats ou accords de prestations, lesquelles constituent juridiquement des contrats. Pour déterminer les critères de distinction à cet égard, il convient de revenir sur les caractéristiques fondamentales des contrats.

Un premier critère est celui de l'existence de plusieurs sujets de droit intervenant dans la relation. Si ce critère est rempli, un contrat est a priori envisageable. Sinon, il est d'emblée exclu. Il n'est en effet pas possible de contracter avec soi-même, y compris pour une entité étatique. Il n'existe pas actuellement, en droit suisse, de construction dogmatique qui permet- trait à des subdivisions d'une même entité étatique d'établir entre elles des relations contractuelles45 Il n'est d'ailleurs pas certain qu'il soit, en pratique, utile d'explorer Une telle voie. La loi peut en effet d'ores et déjà établir des mécanismes d'arbitrage, y compris judiciaires, lorsque des organes différents d'une même personne publique divergent dans l'exercice de leurs compétences, sans qu'il soit nécessaire de traiter ces compétences · de façon analogue à des droits subjectifs de nature coritractuelle46

L'existence de plusieurs sujets de droit ne suffit pas pour définir leur relation comme un contrat. Il faut encore que cette relation soit réellement bilatérale et que 1 'effet juridique en cause résulte véritablement de la volonté concordante et réciproque des parties. Dans un contexte où une des parties détient un pouvoir de puissance publique, ce bilatéralisme ne va pas de soi. Il n'est pas exclu que derrière une apparence contractuelle se cache une relation d'autorité unilatérale47A cet égard, il convient de se référer au critère de la subordination, qui se rapporte bien à la question de la nature bilatérale de la relation et non à celle de son caractère de droit public ou

4S 46

47

MASTRONARDI (1998) p. 111 et (1997) p. 100.

Voir, à ce sujet, la référence à la pratique allemande de MASTRONARDI (1998) p. 111/112.

La situation contraire est aussi envisageable, mais plutôt comme figure théorique.

On ne voit en effet pas quel intérêt auraient des parties souhaitant conclure un contrat à couvrir celui-ci de l'apparence d'un acte unilatéral.

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prive8, mais surtout à celui de l'origine de l'impérativité des droits et obligations en cause49

Un troisième critère, qui est parfois étroitement combiné au précédent50, est . celui de la volonté de se lier. Il est possible que deux sujets de droit différents manifestent de façon concordante leur accord sur un certain nombre de points financiers ou programmatiques sans que leur volonté soit de se lier défmitivement sur un plan juridique. On sera alors dans le cadre d'un accord de principe, d'un engagement moral, d'un gentlemen' agreement, mais non d'un contrat obligatoire.

B. Les contrats entre entités indépendantes

1. Les sujets

Lorsque l'entité avec laquelle une collectivité publique passe un contrat de prestations a une personnalité juridique · propre, qu'elle est donc indépendante de la collectivité en question, une véritable relation contrac- tuelle est a priori possible51Le fait que la collectivité soit, par hypothèse, propriétaire de l'entité avec laquelle elle contracte, comme le Conseil fédéral le rappelle à propos des CFf52, n'y change rien. On peut donc avoir un véritable contrat entre différentes collectivités publiques, entre une collectivité publique et un établissement public autonome, ou encore entre une collectivité publique et une personne physique ou morale privée.

2. Le caractère bilatéral

C'est sur ce point que l'existence d'un véritable contrat peut le plus prêter à discussion. Il y a lieu de se fonder, pour trancher cette question, d'une part, sur les termes employés par la loi applicable et par les parties et; d'autre part, sur 1 'équilibre véritable de la relation.

Ainsi, il convient, par exemple, d'admettre que la convention désignée comme telle par l'article 8 LCFF a bien un caractère contractuel. Le Conseil fédéral, on l'a vu, la considère, pour ce qui concerne la commande de prestations, comme un contrat de subvention53En ce qui concerne la

48 49 50 51 52 53

NGUYEN (1998) p. 10 et 13.

MOOR (1991) p. 243; NGUYEN (1998) p. 10 ss.

NGUYEN (1998) p. 10/11.

SCHEDLERIPROELLER (2000) p. 184.

Message cité supra note 36, p. 4575.

Supra note 36.

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définition des objectifs, il relève que la Confédération peut en fin de compte les définir, en tant qu'actionnaire unique ou principal, mais il souligne que leur formulation doit se faire d'une façon commune, impliquant une procédure de négociation5\ tout en notant ailleurs qu'il ne s'agit pas d'un «véritable contrat au sens du code des obligations»55En outre, l'article 8, alinéa 3, LCFF prévoit que, si des raisons importantes et imprévisibles le justifient, le Conseil fédéral peut modifier la convention sur les prestations pendant sa période de validité. Cette faculté de modification unilatérale de la convention met incontestablement en cause l'équilibre juridique de la relation. Il faut toutefois observer qu'elle ne peut inter\renir que postérieurement à la conclusion de la convention et uniquement pour des raisons importantes et imprévisibles. Nous voyons donc dans ce pouvoir du Conseil fédéral plutôt un privilège dans l'invocation d'une forme de clausula rebus sic stantibus que le signe d'une relation fondamentalement unilatérale. En définitive, il nous paraît que 1' ensemble de la convention revêt une nature contractuelle, même si, en tant que relation de droit public, elle comporte des caractéristiques qui l'éloignent du contrat classique du code des obligations. Il faut cependant concéder que la manière dont le Conseil fédéral a décrit la partie de la convention relative à la définition des objectifs peut laisser penser que;

pour le gouvernement, la convention n'est que partiellement contractuelle.

En revanche, le «mandat de prestations» qui était «octroyé» aux CFF par les Chambres avant l'entrée en vigueur de la LCFF de 199856 avait, à notre avis, clairement un caractère unilatéral: même s'il avait été élaboré suite à une négociation entre le Conseil fédéral et les CFF, il prenait la forme d'instructions de l'autorité politique sur la manière dont les CFF devaient accomplir leur mission de service public, accompagnées de l'octroi de moyens fmanciers à cette fm57 ·

3. La portée juridique

La question est ici de savoir si les parties ont entendu se lier et si leur engagement a véritablement cet effet.

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ss

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Message cité supra note 36 p. 4576-4577.

Voir le Message du Conseil fédéral sur la réforme des chemins de fer du 13 novembre 1996, FF 1997 I 853, p. 903.

Articles 3, alinéa 2bis, et 7, lettre d, de la loi fédérale sur les Chemins de fer fédéraux du 23 juin 1944.

Sur le dernier de ces mandats de prestations, voir le Message y afférent du Conseil fédéral, FF 1997 IV 1217.

(15)

Lorsque la loi prévoit la conclusion de contrats de prestations entre entités indépendantes, il n'y a pas de raison de douter que les parties qui appliquent cette loi le font sans réticence mentale et que leur accord constitue donc un véritable contrat soumis au principe pacta sunt servanda.

Lorsque la loi ne prévoit rien, mais n'exclut pas la forme contractuelle, il faut alors interpréter 1' acte en cause, selon les méthodes usuelles, pour déterminer la volonté des . parties et déterminer si celles-ci ont entendu prendre un engagement ferme ou formuler une simple déclaration d'intention. A cet égard, il faut, d'une part, présumer que les parties n'ont pas entendu violer la loi, mais, d'autre part, se souvenir que la jurispru- dence et la doctrine admettent aujourd'hui qu'un contrat peut être conclu par 1 'Etat non seulement lorsque la loi le prévoit explicitement, mais aussi lorsqu'elle ne l'exclut ni expressément ni dans son esprit58On ne saurait donc limiter la reconnaissance de véritables contrats de prestations aux cas où ceux-ci sont prévus par une base légale spéciale.

Bien entendu, le fait qu'un contrat de prestations soit admissible dans son principe ne permet pas encore de déroger, par des clauses particulières dudit c~:mtrat, aux dispositions légales en vigueur. Pour qu'une telle dérogation soit possible, une base légale remplissant les conditions de la délégation législative est nécessaire59

4. Droit public ou droit privé

On peut encore se demander si, au cas où un véritable contrat est reconnu, il sera soumis au régime du droit privé ou sera considéré comme un contrat de droit administratif. On retiendra, sur ce point, les deux critères qui paraissent aujourd'hui déterminants pour la doctrine et la jurisprudence, à savoir le critère des intérêts et celui de la fonction60Selon le premier, le contrat est de droit public s'il a. pour objet de mettre en œuvre l'intérêt public. Selon le second, un rapport juridique est soumis au droit public s'il tend directement à 1' accomplissement d'une tâche publique61

A l'aune de ces critères, on ne voit guère quels contrats de prestations, parmi ceux que nous avons évoqués plus haut, pourraient être soumis au

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ATF 103/1977 la 505, 512, Gebr. Hoffmann; NGUYEN (1998) p. 88 ss; MOOR

{1991) p. 260; HAFELINIMÜLLER (1998) n° 862.

SJ 2001 I 1, 24 ss (Cour constitutionnelle/ru, 13.03.2000).

NGUYEN (1998) p. 12 ss; HAFELIN/MÜLLER (1998) n° 849; TSCHANNEN/

ZIMMERLIIKIENER (2000) p. 236.

NGUYEN (1998) p. 17; MEYER (1998) p. 268.

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droit privé, étant rappelé que nous avon1? exclu les contrats par lesquels l'Etat acquiert les moyens de mener ses activités, ainsi que les relations entre les prestataires et les usagers62 Il résulte en effet de la définition même du contrat de prestations que nous avons adoptée que ceux-ci portent sur la fourniture de prestations d'intérêt public à la population, donc sur des tâches publiques.

C. Les pseudo-contrats internes à une structure administrative

1. Les sujets

L'hypothèse envisagée ici est celle du mandat, accord ou contrat de prestations conclu entre un gouvernement ou un département et un office ou service qui en dépend (contrat vertical), de même que celle d'une convention entre plusieurs subdivisions d'une même entité administrative disposant seule de la personnalité juridique63Dans tous ces cas, il n'y a qu'un sujet de droit en cause.

Il faut en conclure logiquement que les «parties» aux accords en question

· ne sont pas habilitées à conclure un contrat qui serait un contrat avec soi- même.

Un seul auteur semble admettre une telle figure en parlant expressément de

«contrat entre l'exécutif et une partie de l'administration qui lui est soumise»64Il admet que si l'exécutif et la structure sans personnalité ont, de par la loi, la compétence de conclure des contrats, ils peuvent en passer un entre eux65Cette position n'est pas partagée par le rèste de la doctrine, qui considère que l'absence de sujets de droits distincts empêche de voir dans les mandats ou accords de prestations entre organes et structures appartenant à une même personne juridique un véritable contraf6Nous avons déjà indiqué plus haut qu'une figure dogmatique permettant de contourner cette difficulté n'existait pas en droit suisse et qu'elle n'apparaissait au demeurant pas nécessaire67En tout état de cause, on ne

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67

Supra Il, C.

Supra Il, D, 7.

KNAPP (1998) p. 424.

Id. p. 432.

MASTRONARDI (1998) p. 111 et 115 et (1997) p. 100; MEYER (1998) p. 268;

SCHEDLERIPROELLER (2000) p. 183, qui considèrent cependant, sans plus élaborer, qu'un ancrage dans la figure du contrat de droit privé serait imaginable.

Supra III, A. ·

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voit pas en quoi une «capacité contractuelle interne» pounait se déduire de la compétence de conclure des contrats avec d'autres personnes juridiques.

En outre, dans le cas de mandats de prestations entre le gouvernement ou un département et une unité administrative subordonnée, une telle faculté se heurterait de front au principe hiérarchique: en effet, ou bien l'entité inférieure disposerait d'une liberté contractuelle, ce qui reviendrait à nier la relation hiérarchique, ou bien, elle serait obligée de contracter si 1 'ordre lui en était donné, ce qui reviendrait à nier le caractère bilatéral de la relation.

Les mandats, accords et «contrats» internes à une structure administrative peuvent donc être qualifiés de pseudo-contrats, dès lors qu'il leur manque le caractère bilatéral qui caractérise une véritable relation contractuelle.

2. La portée juridique

On peut en outre se demander si, dans les hypothèses évoquées ici, il existe bien, pour les parties en relation, la volonté et la possibilité de se lier juridiquement. KNAPP l'admet, puisqu'il reconnaît dans. ces cas l'effet obligatoire de l'accord, «même si les parties ne sont pas égales»68 La majorité de la doctrine n'y voit au contraire pas de volonté de créer un effet juridique obligatoire, susceptible d'entraîner une sanction en cas de défaut d'exécution69

A vrai dire, certaines clauses des «contrats de prestations» internes, qui prévoient l'unanimité des parties pour les modifications de l'accord7°, des délais de résiliation71 ou encore la définition de «rapports d'obligatiom>72, peuvent faire penser à un effet obligatoire. Le contenu général de ces accords n'est en outre pas forcément très différent de celui des véritables contrats passés, par exemple, entre une collectivité publique et un établissement public autonome. Il reste que le contexte dans lequel les accords internes s'inscrivent est celui d'un pouvoir hiérarchique qui offre les seuls moyens de sanctionner, le cas échéant, la mauvaise application de

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KNAPP (1998) p. 432.

MASTRONARDI (1998) p. 112 et 115 et (1997) p. 100/101; MEYER (1998) p. 268;

SCHWARZENBACH-HANHART (1997) p. 310.

P. ex. l'article 4, alinéa 2, de la Convention relative au développement des études européennes au sein de l'Université de Genève, conclue entre trois facultés et l'Institut européen de l'Université de Genève.

P. ex. l'article 8 du Mandat de prestations 2000-2003 de MéteoSuisse.

On trouve cette expression dans le modèle d'accord de prestations qui a été utilisé, à titre expérimental, dans l'administration genevoise.

(18)

ces accords73 et qui résulte, au demeurant, de la Constitution74 et de la loi.

L'instance hiérarchiquement supérieure ne peut donc renoncer à ·ce pouvoir, même si elle en a la volonté. Nonobstant les clauses qui viennent d'être évoquées, la lecture des accords internes ne convainc d'ailleurs pas de l'existence d'une telle volonté.

On soulignera encore que la volonté des parties doit s'interpréter dans un sens conforme à la loi, la conclusion d'accords de prestations internes ne permettant nullement- en l'absence d'une clause de délégation valable, le cas échéant expérimentale75- de déroger aux prescriptions légales.

3. Un objet nouveau?

La qualification de pseudo-contrats pe1met d'exprimer ce à quoi les accords internes ressemblent sans en avoir véritablement la nature. Elie ne dit pas ce qu'ils sont.

La doctrine a proposé de considérer ces accords comme des ordonnances administratives négociées76, des actes administratifs soumis à acceptation77 ou encore des modèles de prestations élaborés en partenariaf18 Il faut admettre que chacune de ces définitions comporte une part de vérité.

L'accord de prestations interne tire les conséquences, dans la marge de manœuvre de l'exécutif et de l'administration, de l'adoption d'un budget par enveloppe ou groupes de produits. Il agit donc dans le même champ que l'oi·donnance administrative, mais ses buts sont un peu différents79Là où l'ordonnance administrative; traditionnellement, pose soit des règles d'organisation, soit des directives d'interprétation du droit, l'accord de prestations interne est centré sur la programmation d'activités et l'allocation globale de ressources qui en constitue la contrepartie. En cela, il se rapproche d'une planification qui serait au budget ce que l'ordonnance administrative est à la règle de droit conditionnelle. En outre, l'esprit de l'accord de prestations relève d'une démarche participative et non autoritaire, même si, comme on l'a vu, il ne supprime pas le rapp01t hiérarchique. Dès lors, à moins de redéfinir, d'une façon large, l'ardon-

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SCHEDLERIPROELLER (2000) p. 183; MASTRONARDI (1998) p. 112 et 115; voir aussi la contribution de BELLANGER dans cet ouvrage II, A.

Cf. article 178, alinéa 1, Cst. féd.

SCHEDLER (1998) p. 20.

MASTRONARDI (1998) p. 112/113 et (1997) p. 101.

SCHWARZENBACH-HANHART (1997) p. 310.

MEYER (1998) p. 269/270.

MEYER (1998) p. 265 ss.

(19)

nance administrative, on peut considérer l'accord de prestations interne comme un instrument nouveau, qui a la même légitimité et la même portée juridique . que l'ordonnance administrative80, notamment quant aux conséquences disciplinaires qui pourraient découler de son non-respect, mais qui n'a ni le même mode de formation ni la même fonction.

IV. L'équilibre entre décision et contrat

A. Le problème

Il pourrait sembler, au vu de ce qui vient d'être exposé, que les véritables contrats de prestations conclus entre des entités indépendantes et les pseudo-contrats internes à une structure administrative n'ont en définitive rien d'autre en commun que la désignation, plus ou moins arbitraire, de contrat (ou accord, convention, mandat) «de prestations». Une telle impression s.erait trompeuse non seulement du point de vue de la science administrative, mais également du point de vue juridique. ·

Il est frappant de constater que la théorie de la nouvelle gestion publique n'accorde en fait qu'une importance plutôt marginale à la différence de nature juridique que nous avons mise en évidence8', comme si, sous l'angle privilégié de 1 'efficacité de 1 'aCtion administrative, cette diversité des situations juridiques était sans grande pertinence.

Par ailleurs, il faut tenir compte des éléments qui, au-delà de leur nature juridique, rapprochent deux types d'actes fondamentalement caractérisés par trois éléments communs: au moins une collectivité publique y intervient, leur objet est la fourniture de prestations d'intérêt public à la population et leur esprit est celui de la coopération. Dans ces conditions, on peut relever que le modèle décisionnaire, c'est-à..:dire celui de l'exercice unilatéral de la puissance publique, s'insinue dans les vrais contrats et que le bilatéralisme des pseudo-contrats n'est pas purement déclaratoire.

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En ce sens, on peut regretter que la publicité des accords de prestations internes soit encore beaucoup plus réduite que celle des ordonnances administratives.

Ainsi SCHEDLERIPROELLER (2000) n'évoquent cette différence qu'en quelques lignes p. 183/184.

(20)

B. L'intervention de la décision dans le contexte contractuel

Le modèle décisionnaire peut intervenir de deux manières dans le processus de formation des véritables contrats de prestations.

Il ressort le plus explicitement lorsque s'applique la théorie dite de l'acte détachable82, selon laquelle la conclusion bilatérale d'un contrat est précédée d'une décision unilatérale de l'autorité compétente sur le fait de passer ledit contrat. Si, d'une manière générale, cette théorie n'a reçu qu'un accueil limité en Suisse, elle a trouvé, en droit fédéral, une concrétisation claire en ce qui concerne les contrats de subvention, catégorie dont on a vu qu'elle se recoupait partiellement avec celle des contrats de prestations.

Selon l'article 19, alinéa 2, LSu, lorsque l'autorité entend octroyer une subvention au moyen d'un contrat, elle doit faire une proposition au requérant, avec un délai d'acceptation. Le requérant et les tiers habilités à recourir peuvent alors requérir une décision sujette à recours (article 19, alinéa 3, LSu)B3L'acte détachable n'intervient donc, sous le régime de la LSu, que si la partie subventionnée ou un tiers intéressé n'est pas d'accord avec la proposition de contrat84

Les procédures d'approbation des contrats85 de prestations par une autorité autre que celle qui a négocié le contrat font également intervenir un élément d'unilatéralité dans le processus. Certes, on pourrait considérer que, lorsque l'autorité d'approbation appartient à la même collectivité que l'autorité qui a négocié, l'approbation ne relève que de la délibération interne d'une des parties. A .notre avis, même dans ce cas, l'approbation a plutôt le sens d'une consécration du contrat par un organe étatique doté d'une légitimité supérieure à celle des entités qui l'ont élaboré.

Après la conclusion du contrat, la forme de la décision peut revenir en jeu dans trois types de circonstances: premièrement, lorsque la loi ou le contrat prévoit une possibilité d'adaptation unilatérale par la partie étatique, en application de la théorie de l'imprévision, comme cela ressort, par exemple, de l'article 8, alinéa 3, LCFF; deuxièmement, dans les cas où la partie étatique d'un contrat de prestations est habilitée à rendre une décision afin de contraindre 1' autre partie à exécuter le contrat en vue de la

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83 84 85

Voir, à ce sujet, la contribution de BELLANGER dans le présent ouvrage, spécialement les notes 59 et 60; voir aussi NGUYEN (1998) p. 267 ss; MüLLER

(1997) p. 266 ss.

NGUYEN (1998) p. 278.

Voir aussi l'exemple cité par BELLANGER, dans le présent ouvrage, III, A, 2, c.

Sur l'approbation des contrats, cf. NGUYEN (1998) p. 74 ss.

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préservation de 1' intérêt public86; enfin, lorsque 1' organisation du contentieux contractuel prévoit, comme c'est très largement le cas sur le plan fédéral, qu'en cas de désaccord sur l'application du contrat, une autorité rattachée à la partie étatique rend une décision sujette à recours87

C. La portée du bilatéralisme dans les pseudo-contrats

Le fait que les accords internes à l'administration ne constituent pas de véritables relations contractuelles et restent largement dépendants du pouvoir hiérarchique qui régit la structure administrative en cause ne permet pas de nier complètement les éléments de bilatéralisme qui résultent de ces accords.

Il faut souligner, en premier lieu, que ces accords sont l'expression d'une méthode de travail et de relations entre organes d'une même administration fondées sur la collaboration, l'échange et la conviction réciproque, plus que sur l'injonction et l'obéissance. Que cet aspect ne puisse se traduire entièrement en termes juridiques ne supprime pas sa réalité. Dans ce contexte, la bonne foi des parties à 1' accord doit être présumée, ce qui peut, en pratique, conduire à un excellent respect des termes convenus quand bien même il n'y a pas d'engagement juridiquement obligatoire.

Au demeurant, les accords internes ont une certaine portée juridique, qui renforce les chances de mise en œuvre des engagements mutuels, dès lors qu'ils peuvent être pris en considération par une autorité appelée à arbitrer un conflit entre des subdivisions qui lui sont subordonnées et qu'ils peuvent également avoir des conséquences de type disciplinaire.

V. Conclusion

Au terme de cette tentative de définir la nature juridique des contrats de prestations, on peut se demander si le flou évoqué dans notre introduction ne s'est, partiellement, dissipé que pour laisser place à une certaine ambiguïté. La notion de contrat . de prestations n'est pas utilisée, en pratique, dans un sens qui permet de reconnaître à coup sûr une institution aux caractéristiques et à la fonction bien précises. Si la littérature consacrée aux contrats de prestations les envisage clairement dans le contexte de la nouvelle gestion publique, les législateurs fédéraux et cantonaux utilisent

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KNAPP (1991) n° 1546; voir aussi TSCHANNEN/ZIMMERLIIKIENER (2000) p. 245.

Nous renvoyons sur cette question à la contribution de BELLANGER dans le présent ouvrage.

(22)

souvent cette dénomination en l'absence d'une démarche globale de réforme administrative. Quel que soit son millésime, le contrat de prestations n'est certes pas, à 1 'heure actuelle, une appelation contrôlée.

Par ailleurs, sur le plan juridique, une distinction doit être opérée entre les véritables contrats de prestations, qui engagent de façon obligatoire des personnes juridiques distinctes et les pseudo-contrats internes à l'administration, qui relèvent encore largement de l'aménagement du pouvoir hiérarchique.

Toutefois, cette distinction doit être nuancée si l'on se place du point de vue du fonctionnement de 1' administration. Les pseudo-contrats internes correspondent à une réalité qui va sans doute plus loin que leur nature juridique pourrait le laisser penser. Quant aux véritables contrats, leur bilatéralisme est tempéré par l'intervention, dans certaines circonstances, de mécanismes d'exercice unilatéral de la puissance publique. Il est aussi, il faut bien le dire, relativisé par la disparité concrète de situation des parties. En l'absence d'un véritable marché pour les prestations d'intérêt public qui sont en cause, les collectivités publiques, qui les commandent contre finance et qui contrôlent en outre souvent plus ou moins directement les prestataires, sont des parties contractantes «plus égales que les autres».

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Références

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