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TRAVERSER UNE FRONTIÈRE POUR TRAVAILLER

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Academic year: 2022

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La France “championne” d’Europe

Bernard Aubry

Association Population & Avenir | « Population & Avenir » 2021/2 n° 752 | pages 4 à 7

ISSN 0223-5706

Article disponible en ligne à l'adresse :

--- https://www.cairn.info/revue-population-et-avenir-2021-2-page-4.htm

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Bernard Aubry par

Statisticien

Traverser une frontière pour travailler La France “championne” d’Europe

À la frontière franco-belge de Saint-Martin, près de Longwy.

sement (Kreise) de Trèves en Allemagne, dans le Land de Rhénanie-Palatinat, devancent la Lorraine (figure 1). Tou- tefois, de tels résultats doivent être relativisés puisque ces deux territoires étrangers ont des superficies nettement moindres que la Lorraine. Ainsi, si l’on considère l’échelle en France des bassins d’emploi5, et selon les recensements français, la part des transfrontaliers dans la population active ayant un emploi est de 51,3 % à Longwy (Meurthe- et-Moselle), 44,5 % dans le Genevois français (situé à la fois sur les départements de la Haute-Savoie et de l’Ain), 43,4 % à Menton-vallée de la Roya (Alpes-Maritimes), 41,7 % à Saint-Louis (Haut-Rhin) et Morteau (Doubs).

Fig. 1. L’importance destransFrontaLiers

dansLapopuLationactive ayantunempLoi

seLonLesrégionsd’eurostatappeLées nuts2

0 5 10 15 20 25 30

Haute-Bavière Oberbayern (Allemagne) Lombardie (Italie) Nord-Pas-de-Calais (France) Poméranie Pomorskie (Pologne) Provence-Alpes-Côte d'Azur (France) Sud de la Suède Sydsverige (Suède) Estonie Eesti Rhône-Alpes (France) Slovaquie occidentale Západné Slovensko (Slovaquie) Nord-Est (Roumanie) Fribourg-en-Brisgau (Allemagne) Franche-Comté (France) Slovaquie centrale Stredné Slovensko (Slovaquie) Alsace (France) Transdanubie occidentale Nyugat-Dunántúl (Hongrie) Slovaquie orientale Východné Slovensko (Slovaquie) Vorarlberg (Autriche) Lorraine (France) Trèves Trier (Allemagne)

Prov. Luxembourg (Belgique) 27,3

12,6 12,2 9,9 8,7 8,4 8,3 7,9 7,9 5,3 4,9 4,4 4,2 3,2 2,8 2,3 2,1 2,0 1,3 0,9

Prendre la mesure du phénomène transfrontalier invite donc à considérer tout particulièrement le cas de la France, puisque l’Hexagone est champion d’Europe en nombre de transfrontaliers, que l’on considère les évalua- tions issues des statistiques européennes ou des recense- ments en France, avec dix fois plus d’actifs transfrontaliers aujourd’hui qu’en 1968.

5. Insee première, n° 1755, juin 2019.

La pandémie Covid-19 a engendré la fermeture de nombreuses frontières, y compris au sein de l’espace de libre cir- culation formé par l’Union européenne.

Toutefois, en général, les personnes vivant dans un pays et travaillant dans un autre, les transfrontaliers, ont été ou sont autorisées à se déplacer

1

. Cela si- gnifierait-il que ce phénomène est limi- té ? Bien au contraire, il est croissant, ce qu’il convient d’analyser en répondant aux questions suivantes : quelle est son importance quantitative ? Quelle est sa géographie  ? Quelles sont ses caracté- ristiques ?

La France, numéro un en Europe en nombre de transfrontaliers

L’Union européenne compte plus de 2 millions de trans- frontaliers, 2,15  millions exactement selon l’estimation 20192, en considérant la définition suivante du travail- leur frontalier, celle d’Eurostat comme du recensement français : « avoir son lieu de travail hors de la frontière et revenir au moins une fois par semaine dans sa résidence principale ». Cette définition est également conforme au droit de l’Union européenne.

Parmi les pays membres de l’Union européenne, la France est de très loin le pays qui compte le plus de transfronta- liers, à savoir 438 0003. Les régions françaises4 se placent également en tête des régions des pays de l’UE en nombre de transfrontaliers.

En revanche, en proportion de travailleurs transfronta- liers, la province du Luxembourg en Belgique et l’arrondis-

1. Souvent avec l’obligation de détenir une autorisation ou une déclaration.

2. Selon les résultats Eurostat d’une exploitation des enquêtes emploi (Labour Forces Survey) pour la période 2010-2019 portant sur les régions Nuts2. Pour une analyse des périodes antérieures, cf. Ricq, Charles, Les travailleurs frontaliers de l’Europe occidentale : essai de politique régionale, Paris, Anthropos, 1981.

3. Cf. page 20 de ce numéro.

4. Considérées selon les délimitations des régions Nuts2 d’Eurostat, donc dans leurs délimitations antérieures à la fusion des régions françaises au 1er janvier 2016 ; cf.

Dumont, Gérard-François, « Les régions en France. Géants géographiques, mais nains politiques ? », Les analyses de Population & Avenir, n° 8, décembre 2019.

Proportion de travailleurs transfrontaliers sur le total des actifs ayant un emploi et habitant dans la région ( %)

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1960 1968 1975 1982 1990 1999 2007 2012 2017

Une forte augmentation des actifs transfrontaliers, mais une géographie inégale selon les pays limitrophes

L’emploi des transfrontaliers français représente 1,5 % du total des actifs ayant un emploi et habitant dans l’Hexagone, pourcentage, comme indiqué dans la figure 1, qui prend des proportions bien plus grandes encore le long des frontières.

En considérant la période de dix ans la mieux documen- tée, résultant des recensements français de la population 2007 et 2017, les navettes de travail de personnes habitant en France vers les pays limitrophes ont augmenté annuel- lement en moyenne de plus de 9 000 personnes.

Depuis les années 1960, la hausse du nombre de personnes habitant en France métropolitaine et travaillant dans un autre pays connaît un rythme très soutenu. Le phénomène est non seulement croissant, mais assez régulier puisque les effectifs de transfrontaliers s’accroissent chaque année.

Au recensement de 1968, en considérant seulement les transfrontaliers vivant en France et travaillant dans les cinq principaux pays d’accueil, la Belgique, le Luxembourg, l’Alle- magne, la Suisse et Monaco, ils étaient 42 000 (figure 2). Les résultats du recensement de 2017, correspondant aux col- lectes de recensement des années 2015-20196, indiquent un chiffre près de dix fois supérieur, soit près de 400 000.

À ce chiffre s’ajoutent d’autres transfrontaliers travaillant en Espagne et en principauté d’Andorre, en Italie, voire en Angleterre, mais ces pays représentent de faibles flux.

La géographie des travailleurs transfrontaliers français n’est pas étroitement localisée, puisqu’elle se rencontre à toutes les frontières terrestres de la France, au nord, au nord-est, au centre-est comme au sud-est. En France, ce phénomène des transfrontaliers concerne surtout des frontières terrestres.

Toutefois, il ne faut pas oublier les frontières maritimes, qu’il s’agisse de personnes habitant en Haute-Savoie et traversant le lac Léman pour se rendre à Genève ou Lausanne comme, dans d’autres pays européens, des transfrontaliers Suédois tra- vaillant au Danemark ou des Estoniens travaillant en Finlande.

L’allure de la courbe montrant l’évolution du nombre de transfrontaliers de France vers cinq principaux pays limi- trophes est tributaire, jusqu’au dernier recensement géné- ral de la population en 1999, des dates des recensements.

On observe deux légères inflexions, l’une entre 1975 et 1982, assurément liée à la crise pétrolière et une autre entre 1990 et 1999, peut-être en rapport avec la chute du Mur et du rideau de fer en Allemagne. En revanche, la crise des subprimes, qui a débuté fin de l’année 2007, ne semble pas avoir imprimé d’effets sur la courbe des frontaliers.

Des causes multiples

Les causes de l’augmentation du nombre de travailleurs transfrontaliers français sont multiples. Pour les dernières décennies du XXe siècle, il faut citer les dévaluations du franc français comme celles de décembre 1958 (17,55 %) ou d’août 1969 (11,1 %) qui ont rendu très attractif le travail à l’étranger. S’ajoutent des disparités entre la France et ses pays limitrophes sous toutes leurs formes, démographiques

6. Selon une méthode sans équivalent dans les autres pays ; cf. Dumont, Gérard- François, « Une exception française : son recensement de la population. Quelle méthode ? Quelles insuffisances ? Comment l’améliorer ? », Les analyses de Population & Avenir, n° 3, décembre 2018.

sement (Kreise) de Trèves en Allemagne, dans le Land de Rhénanie-Palatinat, devancent la Lorraine (figure 1). Tou- tefois, de tels résultats doivent être relativisés puisque ces deux territoires étrangers ont des superficies nettement moindres que la Lorraine. Ainsi, si l’on considère l’échelle en France des bassins d’emploi5, et selon les recensements français, la part des transfrontaliers dans la population active ayant un emploi est de 51,3 % à Longwy (Meurthe- et-Moselle), 44,5 % dans le Genevois français (situé à la fois sur les départements de la Haute-Savoie et de l’Ain), 43,4 % à Menton-vallée de la Roya (Alpes-Maritimes), 41,7 % à Saint-Louis (Haut-Rhin) et Morteau (Doubs).

Fig. 1. L’importance destransFrontaLiers

dansLapopuLationactive ayantunempLoi

seLonLesrégionsd’eurostatappeLées nuts2

0 5 10 15 20 25 30

Haute-Bavière Oberbayern (Allemagne) Lombardie (Italie) Nord-Pas-de-Calais (France) Poméranie Pomorskie (Pologne) Provence-Alpes-Côte d'Azur (France) Sud de la Suède Sydsverige (Suède) Estonie Eesti Rhône-Alpes (France) Slovaquie occidentale Západné Slovensko (Slovaquie) Nord-Est (Roumanie) Fribourg-en-Brisgau (Allemagne) Franche-Comté (France) Slovaquie centrale Stredné Slovensko (Slovaquie) Alsace (France) Transdanubie occidentale Nyugat-Dunántúl (Hongrie) Slovaquie orientale Východné Slovensko (Slovaquie) Vorarlberg (Autriche) Lorraine (France) Trèves Trier (Allemagne)

Prov. Luxembourg (Belgique) 27,3

12,6 12,2 9,9 8,7 8,4 8,3 7,9 7,9 5,3 4,9 4,4 4,2 3,2 2,8 2,3 2,1 2,0 1,3 0,9

Prendre la mesure du phénomène transfrontalier invite donc à considérer tout particulièrement le cas de la France, puisque l’Hexagone est champion d’Europe en nombre de transfrontaliers, que l’on considère les évalua- tions issues des statistiques européennes ou des recense- ments en France, avec dix fois plus d’actifs transfrontaliers aujourd’hui qu’en 1968.

5. Insee première, n° 1755, juin 2019.

(besoin de main-d’œuvre faute d’une population active suf- fisante comme en Allemagne, en Suisse ou à Monaco), éco- nomiques et sociales.

La nature des contraintes géographiques aux frontières participe également des différences entre le nombre de transfrontaliers vers les pays méditerranéens (Espagne, Italie) et ceux d’Europe occidentale. En outre, des pro- blèmes linguistiques, comme les possibilités de transport, peuvent stimuler ou freiner le phénomène.

Ce dernier est bien entendu facilité par la liberté de circula- tion de la population en Europe. En effet, en vertu du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), les travailleurs ont le droit de se déplacer d’un État membre de l’Union à un autre sans faire l’objet de discrimination en ce qui concerne l’emploi, la rémunération et les autres condi- tions de travail. Dans leur vie quotidienne, les transfronta- liers sont soumis au droit des deux pays concernés, la légis- lation du pays de leur lieu de travail déterminant les condi- tions de travail et l’impôt sur le revenu, ainsi que la plupart des droits à la sécurité sociale, et la législation du pays de leur lieu de résidence déterminant les impôts fonciers et la plupart des autres impôts, ainsi que les formalités de séjour.

La Suisse et le Luxembourg, champions d’Europe de l’attractivité

L’histoire du mouvement frontalier français n’est pas le même d’un pays d’accueil à l’autre (figure 3). Depuis les années 1960, la Suisse est le pays le plus attractif pour les résidents en France, avec seulement deux ruptures de crois- sance : la première se constate avec une moindre augmen- tation dans la seconde moitié des années 1970  ; dans les années 1990, la Suisse est le seul des cinq principaux pays de destination pour lequel le nombre de transfrontaliers ré- gresse légèrement7. Ensuite, depuis le début du XXIe siècle, les effectifs de transfrontaliers français vers la Suisse ont doublé, pour atteindre 200 000 frontaliers, soit une hausse annuelle moyenne d’environ 5 000 actifs. Les écarts de sa- laire expliquent bien entendu l’attrait de la Suisse.

7. Signalons par ailleurs que, jusqu’en 2002, les travailleurs transfrontaliers devaient renouveler chaque année leur contrat de travail en Suisse, ce qui explique des variations brutales d’une année à l’autre au gré des besoins économiques du moment de la Suisse (variations visibles par ailleurs sur les séries annuelles des courbes administratives suisses).

◗◗◗

Fig. 2 LestransFrontaLiersen FrancemétropoLitaine PERSONNES RÉSIDANT EN FRANCE MÉTROPOLITAINE ET TRAVAILLANT DANS UN DES CINQ PAYS LIMITROPHES LES PLUS ATTRACTIFS : BELGIQUE, LUXEMBOURG, ALLEMAGNE, SUISSE ET MONACO

LECTURE Pour l’année 1960, on a affecté par convention la valeur 0. En effet, le mouvement fronta- lier a émergé surtout à la suite de la dévaluation du franc du 29 décembre 1958 (17,55 %).

Ainsi une publication du canton de Genève https://www.ge.ch/

statistique/tel/

publications/1989/

analyses/aspects/

an-as-1989-63.

pdf illustre bien l’émergence du phé- nomène : frontaliers français : 1 694 en 1959 ; 6 176 en 1966, 24 467 en 1974. À l’inverse, la dévaluation du franc français a contribué à réduire annuel- lement de 2 500 le nombre d’arrivées de Belgique vers la France1.

1. Brahimi, Michèle, Les travailleurs saisonniers et frontaliers, Paris, La Documentation Française, Notes et études documentaires, n° 4519- 4520, 1979.

© Bernard Aubry - Population & Avenir. Chiffres : recensements 1968 à 1999 : fichier Saphir ; enquêtes annuelles de recensement (EAR) depuis 2006.

0 50 100 150 200 250 300 350 400

Frontaliers actifs vers cinq pays (en milliers)

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◗◗◗ les avantages salariaux, accentués à chaque dévaluation du franc (la dernière date de 1969). Les écarts de salaires concernaient surtout les ouvriers qui, à qualification égale, étaient bien mieux payés en Allemagne.

Toutefois, depuis les années 1990, l’immigration en Alle- magne de l’Ouest9, engendrée notamment par l’ouverture à l’Est (ancienne république démocratique allemande – RDA - mais aussi anciens territoires de l’URSS), a fourni aux entreprises d’outre-Rhin une main-d’œuvre qui, si elle n’était pas toujours très germanophone ni bien formée, avait conservé l’héritage d’une culture allemande. Les nouvelles générations de travailleurs alsaciens-lorrains sont aussi de- venues un peu moins attractives parce qu’elles ne sont plus aussi à l’aise en langue allemande qu’auparavant.

Dans le passé, la Belgique a longtemps envoyé des fronta- liers travailler dans les houillères du nord de la France10. En 1960, ils étaient encore 35 000. Puis le déclin des activités minières et la forte dévaluation du franc français de la fin 1959 ont engendré une baisse rapide des effectifs, néan- moins encore à 17 000 en 1968. Les flux se sont inversés et la France ne reçoit plus que 6 000 actifs belges aujourd’hui.

Désormais, l’économie belge, comme celle du Luxem- bourg, recourt à un réservoir de main-d’œuvre sur toute la bande frontalière qui va de Dunkerque à Longwy. Depuis 1999, le nombre de frontaliers français qui vont travailler en Belgique se rapproche du nombre de ceux qui vont tra- vailler en Allemagne, sans toutefois le rattraper.

La principauté de Monaco est très dépendante de l’emploi étranger, en grande majorité originaire de France. Les transfrontaliers, qui habitent surtout dans le département des Alpes-Maritimes, y sont environ 18  000, en légère croissance continue.

Outre les cinq principales destinations de transfrontaliers habitant en France, il faut compter environ 4 000 actifs habi- tant les départements pyrénéens qui font la navette vers l’Es- pagne, et quelques centaines avec la principauté d’Andorre.

Environ 1 000 personnes, habitant des départements alpins du sud-est de la France, travaillent en Italie.

Les autres transfrontaliers français, en faible nombre, résident surtout dans la région Île-de-France. Ils peuvent travailler au Benelux ou en Angleterre du fait de la rapidité des moyens de transport (Eurostar, Thalys). Il s’agit géné- ralement d’actifs très diplômés.

Un impact géographique parfois considérable

Pour approfondir la mesure du phénomène des transfron- taliers sur les marchés locaux du travail, considérons une approche pluriscalaire (tableau 1). À l’échelle des dépar- tements de France métropolitaine, cinq départements comptent plus de 10 % de transfrontaliers dans leur popula- tion active ayant un emploi. À l’échelle des zones d’emploi, ce sont douze zones qui comptent plus de 10 % de travail- leurs frontaliers car s’ajoutent à celles précédemment citées Thionville (Moselle), Wissembourg (Bas-Rhin), Pontarlier

9. Cf. Dumont, Gérard-François, Géographie des populations. Concepts, dynamiques, prospectives, Paris, Armand Colin, 2018.

10. Plus les Belges qui venaient habiter en France. Ainsi, jusqu’au recensement de 1901, les Belges sont les plus nombreux parmi les immigrants résidant en France ; cf. Dumont, Gérard-François, Les migrations internationales. Les nouvelles logiques migratoires, Paris, Éditions Sedes - Armand Colin, 1995.

En réalité, la Suisse n’est pas attractive que pour les résidents en France, dont des Suisses qui habitent dans l’Ain ou en Haute-Savoie où le prix de l’immobilier et moins cher que dans le canton suisse de leur lieu de travail, mais aussi pour des Allemands, des Autrichiens et surtout des Italiens.

À la fin de l’année 2019, l’économie de la Suisse comptait, parmi un peu plus de 5 millions d’actifs, 31,7 % d’étrangers, pourcentage qui se décomposait de la façon suivante : 26 % pour les étrangers résidents, 3,6 % pour les transfrontaliers français et 2,7 % pour les transfrontaliers d’autres pays.

Fig. 3. LestransFrontaLiersFrançaisverschacun

descinqprincipauxpaysLeuroFFrantdesempLois

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 110 120 130 140 150 160 170 180 190

200 Suisse

Monaco Luxembourg

Belgique Allemagne

Le Luxembourg est le second pays d’accueil de transfron- taliers français avec pas loin de 100 000 actifs. La crois- sance a été extrêmement rapide à partir du début des années 1990 et jusqu’au milieu de la première décennie du XXIe siècle (+ 2 000 chaque année), ce qui a permis de soulager en partie le marché du travail lorrain très affecté par la crise sidérurgique8. Puis, dans les années 2010, le rythme de progression est resté très soutenu. Comme en Suisse, l’emploi du Grand-Duché est fortement tributaire de la main-d’œuvre étrangère : en 2019, les transfrontaliers y représentent près de 50 % des emplois : la moitié réside en France, l’autre moitié en Belgique, surtout dans la province belge du Luxembourg et en Allemagne.

Les trois autres principaux pays d’accueil de transfrontaliers français

Le nombre de frontaliers français allant travailler en Alle- magne a cessé d’augmenter depuis le début du XXIe siècle.

Pourtant, les décennies précédentes, selon les enquêtes faites auprès des intéressés, les conditions de travail dans les entreprises allemandes étaient citées parmi les argu- ments en faveur du travail frontalier, au même titre que

8. Schweitzer, Vincent, « Les mutations des espaces productifs en France: étude de cas d’une vallée industrielle de Lorraine », Population & Avenir, n° 750, novembre- décembre 2021.

1968 1975 1982 1990 1999 2007 2012 2017

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En milliers

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(Doubs), Le Chablais (Haute-Savoie), Saint-Claude (Jura), Sarreguemines (Moselle) et Forbach (Moselle). En considé- rant l’échelle des intercommunalités (établissements publics de coopération intercommunale - EPCI) dans leurs délimi- tations consécutives à la loi NOTRe de 201511, six dépassent le taux de 10 %. Quant aux communes, il n’est pas rare que leur population occupée travaille pour plus de la moitié au- delà de la frontière. Sur 34 856 communes, 259 comptent plus de 50 % de transfrontaliers, 3 en ont plus de 75 %. Ce sont le plus souvent des localités peu peuplées mais, si on restreint le champ aux communes qui comptent au moins 500 actifs occupés (elles ont alors au moins 1 000 habitants),

11. Doré, Gwénaël, « Le bouleversement territorial en France : analyse et enjeux », Population & Avenir, n° 737, janvier-février 2018.

il y en a une centaine qui ont au moins 50 % de transfrontaliers.

Cela pose de multiples problèmes spécifiques et une absence de recettes fiscales parfois compensée par des contributions compensatoires prévues dans les conventions entre États.

Une hausse plus élevée des transfrontaliers que des actifs

Une autre façon d’examiner l’impact du mouvement trans- frontalier est de comparer son évolution à celle de l’emploi sur le territoire hexagonal. Le tableau 2 montre comment l’emploi a évolué de façon radicalement différente dans les deux catégories de population (transfrontaliers et actifs ayant un emploi localisé en France métropolitaine).

Alors que le nombre de postes de travail en France métro- politaine n’a augmenté en moyenne chaque année que de 32 800, celui des transfrontaliers augmentait, toujours en moyenne, de 9 200 unités. Le contraste est plus fort encore chez les ouvriers puisque le nombre d’emplois d’ouvriers dans l’Hexagone baisse de 69 500, tandis que celui des ou- vriers transfrontaliers augmente de 0,8 %. Même constat pour les employés : perte de 13 900 emplois dans l’Hexa- gone contre un gain de 1 950 transfrontaliers. S’agissant des deux autres catégories socioprofessionnelles, les taux de croissance de l’emploi sont supérieurs chez les trans- frontaliers : 4,7 % pour les cadres supérieurs contre 1,6 % dans l’Hexagone et 4,0 % pour les professions intermé- diaires contre 0,6 % en France métropolitaine

.

Toutes ces données qui montrent l’importance du phéno- mène des transfrontaliers livrent aussi des enseignements plus qualitatifs sur une économie française qui éprouve davantage de difficultés à s’adapter, mais qui bénéficie heu- reusement de territoires limitrophes plus dynamiques pour offrir des emplois à sa population.

Non, le principal flux migratoire de l’année 2019 dans le monde ne s’explique pas par une guerre, mais par un régime liberticide, celui du Venezuela. Certes, une émigration vénézuélienne avait commencé avant 2019, mais elle a atteint son paroxysme en 2019 avec environ 4 millions de personnes pour la seule année 2019, soit 12 % de la population du Venezuela. Ces émigrants partis en groupe le plus souvent à pied, ont été nommés los caminantes, c’est-à-dire les marcheurs ou ceux qui marchent.

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tab. 1 : LapartdestransFrontaLiersparmiLespersonnesayant

unempLoirésidantdansunterritoirede FrancemétropoLitaine

<2 % 2 à 5 % 5 à

10 % 10 à 20 % 20 à

50 % 50 à

75 % >75 % Total des territoires

Régions (2016) 9 2 1 12

Anciennes régions 16 2 2 1 21

Départements 83 3 5 4 1 96

Zones d’emploi 267 11 7 3 9 1 298

Intercommunalités

(EPCI) 1 128 32 25 17 32 10 1 244

Communes où résident au moins 500 actifs

ayant un emploi 7 610 280 185 146 188 96 3 8 508

Communes 32 080 834 552 495 636 241 18 34 856

LECTURE  Dans dix intercommunalités (EPCI) de France métropolitaine, les travailleurs frontaliers représentent plus de 50 % des personnes ayant un emploi y résidant. La Corse (qui n’est pas vraiment concernée par le phénomène frontalier) n’est pas prise en compte sur toutes ces lignes, y compris, bien entendu, celle des régions.

tab. 2. LescatégoriessocioproFessionneLLesdesrésidentsen France

métropoLitaineayantunempLoidansunpaysétranger (transfrontaliers)

Résidents en France ayant un emploi dans un pays

étranger (frontaliers)

Résidents en France ayant un emploi

proportion frontaliers des au RP 2017 Catégories

socio- professionnelles

Nombre au RP

2017

Variation annuelle moyenne 2007-2017 (chiffre absolu)

Variation annuelle moyenne 2007- 2017 %

Nombre milliers en au RP 2017

Variation annuelle moyenne 2007-2017

(chiffre absolu)

Variation annuelle moyenne 2007-

2017 % Agriculteurs

exploitants 200 -10 -3,6 404 -11 100 -2,4 0,05 %

Artisans, commerçants et

chefs d’entreprise 9 000 260 3,5 1 704 20 700 1,3 0,53 %

Cadres et professions intellectuelles supérieures

73 500 2 700 4,7 4 687 67 000 1,6 1,57 %

Professions

intermédiaires 103 200 3 350 4,0 6 693 39 600 0,6 1,54 %

Employés 87 000 1 950 2,6 7 096 -13 900 -0,2 1,23 %

Ouvriers 125 400 980 0,8 5 124 -69 500 -1,3 2,45 %

Total des résidents

ayant un emploi 398 400a 9 230 2,7 25 709 32 800 0,1 1,55 % a. Ce chiffre indiqué par le recensement de 2017 est inférieur à celui de l’enquête Eurostat 2019, mais permet de discerner les dynamiques socio-professionnelles.

© Bernard Aubry - Population & Avenir - Chiffres EAR 2017.© Bernard Aubry - Population & Avenir - Chiffres recensements – EAR 2007-2017.

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(6)

La France, championne d’Europe des travailleurs transfrontaliers

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D

ans l’Union européenne, 2,15 millions de personnes vivent dans un pays et travaillent dans un autre. La répartition géographique de ces personnes est très inégale.

Les huit pays en comptant le plus représentent environ les trois quarts des transfrontaliers de l’UE, avec, nettement en tête, la France, devançant l’Allemagne et la Pologne.

En considérant les principaux flux, les pays du lieu de travail peuvent être membre de l’Union européenne, comme l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Danemark, la Fin- lande… Mais les plus attractifs, Monaco, le Luxembourg et la Suisse, ne sont pas membres de cette Union. L’Allemagne com- pense en partie les départs vers ses pays limi- trophes de l’ouest (Benelux) et du sud-ouest (Suisse) par des arrivées venues des pays limitrophes de l’est (Pologne…).

À l’échelle des régions, la France prend aussi la tête du classement puisque deux régions françaises (dans la délimitation antérieure à la fusion du 1er janvier 2016, délimitation appe- lée Nuts2 conservée à des fins statistiques par Eurostat) se classent première (Rhône-Alpes) et deuxième (Lorraine) par le nombre de trans- frontaliers devant la Roumanie du Nord-Est, l’Alsace et la circonscription (Regierungsbezirk) de Fribourg-en-Brisgau (Allemagne). Rhône- Alpes fournit effectivement nombre de travail- leurs vers la Suisse, et la Lorraine principale- ment vers le Luxembourg.

Cf. également pages 4 à 7.

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National boundary National capital

LEGENDE

200 400

200 400 0

mi 0 km W

E N

S

1. LIECHTENSTEIN 2. SAN MARINO 3. BOSNIA AND HERZEGOVINA 4. MACEDONIA 5. SERBIA 6. MONTENEGRO 10°W

°N 60

°N 50

4 °N0

0 10°E00 20°E 30°E

FRANCE

AUTRICHE BELGIQUE

NORVÈGE SUÈDE

FINLANDE

POLOGNE

RÉP. TCHÈQUE ALLEMAGNE

ROUMANIE MOLDAVIE LITHUANIE

LETTONIE ESTONIE

RUSSIE DANEMARK

BULGARIE CROATIE

BOSNIE H.

SERBIE MONTÉNÉGRO

MACÉDOINE DU N.

ITALIE IRLANDE

SLOVAQUIE

HONGRIE ROYAUME

UNI

MONACO PAYS-BAS

ANDORRE

RUSSIE

GRÈCE SLOVÉNIE

MALTE

ALBANIE SUISSE

ESPAGNE

UKRAINE BELARUS

PORTUGAL

LUX.

ISLANDE

ASIE

AFRIQUE

LesrégionsdeL’unioneuropéenne (dansLadéLimitationd’eurostatappeLée nuts2)

comptantLepLusdetravaiLLeurstransFrontaLiers (enmilliers)

Six régions françaises se classent dans les quinze premières places. L’Alsace, qua- trième dans l’Union européenne, compte de nombreux transfrontaliers vers la Suisse

(pays de Bâle notamment) et l’Allemagne ; Provence-Alpes-Côte d’Azur surtout vers Monaco ; Franche-Comté vers la Suisse et le Nord-Pas-de-Calais vers la Belgique.

0 20 40 60 80 100 120

Sud de la Suède Sydsverige (Suède) Vorarlberg (Autriche) Estonie Eesti Poméranie Pomorskie (Pologne) Haute-Bavière Oberbayern (Allemagne) Nord-Pas-de-Calais (France) Prov. Luxembourg (Belgique) Trèves Trier (Allemagne) Slovaquie occidentale Západné Slovensko (Slovaquie) Franche-Comté (France) Transdanubie occidentale Nyugat-Dunántúl (Hongrie) Provence-Alpes-Côte d'Azur (France) Slovaquie centrale Stredné Slovensko (Slovaquie) Lombardie (Italie) Slovaquie orientale Východné Slovensko (Slovaquie) Fribourg-en-Brisgau (Allemagne) Alsace (France) Nord-Est (Roumanie) Lorraine (France) Rhône-Alpes (France) 114,0

110,8 78,4 67,0 62,3 57,3 53,7 47,4 44,6 37,6 37,6 37,2 34,7 30,9 29,8 21,8 21,3 20,4 19,2 19,1

© Bernard Aubry - Population & Avenir - Chiffres Eurostat.

107 000107 000 286 000286 000 155 000155 000 147 000147 000 122 000122 000

111 000111 000

122 000122 000

438 000438 000

Les huit pays de l’Union européenne comptant le plus d’actifs y résidant excerçant un emploi dans un autre pays au-delà de la frontière et les principaux flux transfrontaliers

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