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Education paradoxale : limites et perspectives

BOSS, Alain

BOSS, Alain. Education paradoxale : limites et perspectives . Genève : Université de Genève, Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation, 1981, 126 p.

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:33062

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

(2)

UNIVERSITÉ DE GENÈVE - FACULTÉ DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L'ÉDUCATION

Cahiers de la Section des Sciences de !'Education

PRATIQUES ET THÉORIE

ALAIN BOSS

EDUCATION PA RADOXALE:

LIMITES ET PERSPECTIVES

Cahier N° 15

UNIVERSITE DE GENEVE

FACULTE DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L'EDUCATION

EDUCATION PARADOXALE : LIMITES ET PERSPECTIVES

Alain Boss

Série Mémoires de licence No 1 Cahier No 15

Pour toute correspondance :

Section des Sciences de l'éducation UNI Il

1211- Genève4 (Suisse)

AVRIL 1981

(3)

TABLE DES MA Tl ERES

Chaeitre 1 INTRODUCTION 1. Préambule

2. Objectifs 4

3. Méthode 6

4. Hypothèse 7

Chaeitre Il REALITES 11

1. 1 nfrodu et ion

2. A l'intérieur 14

3. En marge 29

4. A l'extérieur 35

5. En rupture 41

Chaeitre Ill DOUTES ET CERTITUDES 49

1. Pratique éducative

2. Relation éducative 62

3. la fonction éducative 77

4. L'institution éducative 84

Chaeitre IV PERSPECTIVES 95

1. L'impasse

2. Utopies 103

3. Les issues 114

BIBLIOGRAPHIE 125

(4)

le 27 septembre à Alain Boss,

Vous savez, je suis littéralement submergé d'appels comme le vôtre. Un petit tas s'accumule, et je réponds aux lettres qui sont au-dessus, les dernières.

Les vagabonds efficaces ? ils ont été écrits en 47 (vous étiez en train de naftre).

Et ils étaient mon testament d'éducateur. C'est vous dire que je ne peux pas vous aider à trouver stages ou contrat ou je ne sais quoi d'établi et· qui pour­

rait vous aider ou..vous proposer une tâche qui ne soit point de cette mousse verbale qui éteint tout - et le reste.

Je crois que l'impasse est dans la fonction m6me, tous ces temps-ci:

Faut trouver le moyen d'6tre "autre chose", ailleurs que dans les lieux prévus pour ...

J'en suis, avec une meute éparse d'enfants mutiques, à percevoir à quel point la parole elle-mOme est une institution, mère de ·toutes les autres. Ce qui me rend de plus en plus perplexe quant à ce qu'il faudrait dire d'utile à ceux qui n'ont que ça pour s'entendre.

Il y a le père, la mère, l'examen, et la guerre et la f6te à ce qu'il para1t.

Et puis il y a le "pote" ... Il para1t que ça existe, chez les animaux, le compa­

gnon. Mais, certes, ON n'a pas besoin d'individus comme ça dans les institu­

tiONs. Alors où ? A vous de trouver

Deligny

(5)

Chapitre 1 INTRODUCTION

1. Préambule

A l'époque de cette lettre de Deligny, il y a quelque huit ans, j'étais enseignant. Déjà concerné, dans ma pratique et dans mes projets, par la fonction éd1.1cative.

Je m'entendais dire que l'enseignant est là pour transmettre des con­

naissances, mais non pour se préoccuper des problèmes personnels ou familiaux des élèves, qu'il ne lui est pas possible de prendre en compte la particularité d'une minorité, alors qu'il doit favoriser l'ef­

ficacité d'une majorité, bref, qu'un enseignant n'est pas éducateur.

A cette époque déjà la contradiction, qui se faisait alors conflit, était apparente. Dans ce refus de l'élève dans sa globalité, il y avait

comme le refus de sa propre unité chez l'enseignant. Le besoin de se définir par son mandat et de se justifier par sa fonction : on n'est pas là pour, si vous croyez que j'ai le temps·, où irait-on si ..• Refus de la remise en question d'un statut confortable où l'institution scolaire sert d'alibi et de paravent aux responsabilités individuelles. La ten­

dance à la dépendance du fonctionnaire par rapport au système qui l'emploie, et la tendance à la dépression dans une profession dont les conditions matérielles sont aussi évidemment privilégiées, trouvent peut-être leur origine dans le fait que l'enseignant secondaire, contrai­

rement à l'instituteur, est "morcelé" dans sa tâche, à la fois spécifi­

quement didactique et vaguement éducativi:;. Cette tension entre ce qu'il doit faire et ce qu'il se refuse à être, nous la retrouverons,

chez l'éducateur, entre ce qu'il voudrait être et ne. peut pas faire.

Déjà donc, je ne me reconnaissais pas dans ce discours, mais le mien n'était encore que questions, quête, tâtonnements, convictions. Il y

avait un sens, je le savais confusément, et une cohérence, mais, cons­

truit à partir de ce qu'il contestait, il n'avait ni existence ni signifi­

cation propres. La pratique le suscitait, le confirmait, le contestait,

(6)

mais ne l'authentifiait pas. Il rencontrait l'approbation, la critique, la sympathie, le scepticisme des collègues, mais jamais leur engage­

ment. Et j'imaginais que d'autres, semblables par leurs motifs et leurs élans, avaient trouvé le lieu où les réaliser. Rêve utopique d'un es­

pace différent, où les accords l'emportent sur les contradictions : AILLEURS. La limite était le contenant, il fallait en sortir, hors du cercle pour trouver son centre. Et cet espace était, mes lectures me le confirmaient, le monde de l'éducation. Je trouvais, dans ces voca­

tions exemplaires, de quoi alimenter ma révolte et mon enthousiasme, et je me sentais une ressemblance avec ces "pédagogues de l'impossi­

ble" qui, me semblait-il, accomplissaient leur idéal et le vivaient.

Je ne savais pas encore à quel prix.

J'ai donc écrit à Deligny pour dire mes questions, mes projets, mes attentes et j'ai reçu, en réponse, cette lettre qui, au fil des choix et des événements, a été le miroir authentique de leur signification particulière et à chaque fois différente.

Enseignant convaincu, enthousiaste, efficace, i.déaliste, novateur, la marge de tolérance de l'institution était considérable, et ce qui me paraissait "marginal" n'était que folklorique. Je n'ai pas su, ou pas voulu, voir que le changement ne s'improvise pas, ni respecter les règles du jeu. A défaut de tactique, j'ai été honnête, et j'ai choisi d'aller ailleurs, vers une formation, vers ce monde si particulier de l'éducation spécialisée. Illusion de croire que j'allais pouvoir faire l'économie des contradictions institutionnelles dont j'avais tant souf­

fert. Désillusion, et début d'une démarche plus réaliste, dans laquelle je voulais assembler les morceaux du puzzle, me rassembler aussi, fonction, rôle et personne. Mais l'entrée dans les "ordres" n'est pas une affaire simple et ce véritable rite de passage supposait d'emblée un sacrifice (financier, horaire) et des exigences strictes quant à la formation. Ce qui, pour l'analyse, reste important, était la convic­

tion, dans ce choix, qu'il est possible de changer la nature des pro­

blèmes en changeant de terrain, de dépasser les contradictions en se dépassant soi-même. La philosophie d'Héraclite, et après lui d'autres

et non des moindres, nous rappelle qu'il n'en est rien : l'essence des contradictions étant qualitative et non quantitative, la dialectique étant au cœur du réel et l'équilibre harmonie des contraires. le passage de la quantité à la qualité, résolution provisoire des contra­

dictions, engendre une nouvelle contradiction : limite de la condition humaine et son propre dépassement, conception à la fois finie et in­

finie de l'hi1tolre de l'homme, semblable à lui-même et tellement

différent. "Si longtemps que tu ailles, c'est au point de départ que tu arriveras de nouveau." (Avicenne)

J'ai changé de lieu, et me suis retrouvé dans le même où, à l'inver se, il ne s'agissait plus que d'éduquer. Plus rien n'était simple, tout était "éducatif" : l'hygiène, les repas, les loisirs, le dialogue, la fin, les moyens, les motivations, les justifications et, surtout, la rela­

tion. Alors que l'enseignant rejette le "mauvais sujet", l'éducateur se l'approprie. Alors que le premier exclut la différence, sans s'inquié­

ter de comprendre, le second, en comprenant, en oublie de vivre.

L'obus étant ici de redonner à un "objet", après l'en avoir dépossédé, sa condition de "sujet".

J'ai mis un certain temps à comprendre, à élucider, puis à accepter d'être alors plÙs mauvais éducateur qu'hier. Paradoxalement, le statut de la profession me privait de sa liberté, Io fonction en altérait l'identité. Et toujours, en miroir, d'autres contradictions, c'est-à-dire les mêmes : aider et adapter, libérer et maîtriser, exprimer et répri­

mer. Et toujours cette rupture, douloureuse, entre une éthique et une pratique, et l'effort pour établir l'unité entre "éducostreur" et "édu­

créateur", et trouver une identité. Quête inquiétante pour l'institu­

tion qui, si elle divise pour régner, risque d'éclater quand elle se ras­

semble. Angoisse institutionnelle de morcellement, justifiée par la situation paradoxale de l'éducateur qui, par tous et toujours, reçoit des mandats ou des demandes contradictoires, auxquels i 1 ne peut répondre qu'en conflit avec autrui ou avec lui-même. On lui deman­

de, en même temps, "d'être ce qu'il n'est pas et de ne pas être ce qu'il voudrait être". Réponse impossible, qui le contraint, pour pré­

server son intégrité, à la mission, où il accepte de se soumettre sans condition à Io vérité suprême, ou bien à la démission, où il quitte le système pour échapper au paradoxe.

Une fois encore, donc, je démissionne, l'impasse personnel le étant 1c1 le reflet d'un ensemble de contradictions. 'Non pas pour un autre lieu, mais pour faire le bilan de cette expérience et a·chever une formation. Non pas pour transposer la réalité, mais pour l'intérioriser, non pas pour rejeter, mais pour assimiler. Avec l'espoir, toujours, de dépasser la contradiction, de me donner les moyens, sinon d'une alterna­

tive réelle, du moins d'un choix plus lucide et plus économique.

Avec le besoin, non plus d'un déplacement, mais d'un dépassement, ici surtout qualitatif, de la quantité d'événements qui constituent la

(7)

trame de cette pratique professionnel le

2.

Objectifs

L'objectif est donc de prendre un certain recul par rapport à la crise particulière vécue dans la pratique et d'en tirer des éléments d'ana­

lyse. Bien sûr celle-ci se fera à partir d'une expérience concrète bien précise mais, si la critique du placement en particulier concerne une population et un type de prise en charge spécifiques, d'autres constats et d'autres critiques peuvent s'appliquer à l'éducation spécia­

lisée en général, quel que soit le type de handicap qu'elle prenne en compte. Le but n'est pas ici d'apporter une réponse à une situation de voir ce qui aurait pu ou aurait dû être, mais de réfléchir, à partir d'une réalité concrète et d'élargir cette réflexion à d'autres exemples, lectures ou références.

Mais se distancer n'est pas chose facile. D'autant plus qu'il s'agit ici d'éducation, donc de soi avant que de l'autre. Et s'impliquer suppose se dévoi Ier, avec ses certitudes et ses faiblesses, ses espoirs et ses excès. Idéalement, il faudrait n'exposer que des vérités, expé­

rimentées ou confirmées, et pouvoir justifier ses affirmations. C'est ici impossible, puisque la démarche el le-même est une recherche de cette vérité, du moins partiellement. Il serait donc vain d'attendre une ré­

flexion achevée. Il s'agit bien, après avoir dégagé une certaine logi­

que du système, de déboucher sur les questions fondamentales, de reflé­

ter l'impasse personnelle et d'élucider une pratique. De chercher aussi des altematives au discours éducatif traditionnel, ce qui suppose une réflexion alternative, qui ne dépasse pas la contradiction, mais s'en nourrisse. La subjectivité, la partialité, l'intensité seront donc les composantes de cette recherche, bien davantage philosophique qu'expé­

rimentale. Il est question ici non seulement d'expérience, mais d'exis­

tence; ce n'est pas pour voir, mais pour vivre. Et l'éducation a bien pour but de préparer à la vie. Ce n'est donc pas esquiver le sujet que de s'en préoccuper, c'est aller à/l'essentiel plutôt qu'au didactique.

Certes il y faut des arguments ou des exemples, qui sont une conces­

sion nécessaire à la rationalité, mais le ton est ici au moins aussi important que le fond, et il est nécessaire, pour suivre Io démarche, de lire entre les lignes.

Portant du principe et de la conviction que la situation de l'éducateur oit paradoxale, qu'elle est un pari impossible qui conduit à la mission

ou à la démission, il s'agira, à partir d'une expérience personnelle ot d'exemples divers, suffisamment exemplaires, de décrire et d'anoly­

sur en quoi consiste le paradoxe, et quelles alternatives sont possibles.

Cette analyse des contradictions se fera sur deux pions, institutionnel ot personnel, constamment en interaction. Et les regards portés sur cette réalité seront, tour à tour et dans le désordre, sociologique, ckonomique, pédagogique, psychologique ou psychanalytique, modeste­

ment s'entend ! Mois ils se complètent tous, selon l'éclairage, et per- 111ettent une meilleure perception globale de la réalité. L'analyse sera partielle, donc partiale, c'est ici un mol nécessaire. Le but est de mettre en évidence une partie, significative, de la réalité, d'oser da­

vantage interroger cette réalité, la provoquer, que conclure. Ce tra­

vail se situe dans le cadre d'une formation, et suppose une démons­

tration, mois aussi dans le champ d'une pratique, et suppose une évo­

lution : analyse et changement. Et il s'agira de voir, si possible, si l'utopie peut être, plutôt que rêve idéaliste, alternative réaliste,

"ce dessein supérieur dons lequel un perfectionnement de l'être humain ust à coup sûr impliqué"

(1).

La question du comment étant ici fon­

damentale. Donc des ébauches de projets, des propositions, des ouver­

tures sur l'avenir. Solutions existantes ou à créer, réalisables ou ima:­

uinaires, mais répondant au besoin, très intense, de se projeter dans l'avenir plutôt que s'épuiser à faire le bilan du passé. Il y a là d'ailleurs une leçon éducative à garder à l'esprit. Mois, au-delà, c'est bien de stratégie qu'il s'agit, puisqu'elle seule permet le chan­

gement, et que c'est bien l'objectif, très personnel, de ce travail.

Cri, mais aussi dialogue, et surtout interrogation : la révolte, l'échange, l'espoir.

Car il y a de la colère en prémisses à ce travail, où j'écris d'abord

"contre". Condition nécessaire, mais pas suffisante, au changement.

Au-delà des comptes à régler, des raisons de dénoncer, de regretter, de refuser, il y a beaucoup à élucider, à oser, à inventer. Le premier pas étant peut-être de "dire". Mais "les détours du dire sont vertigi­

neusement attirants, l'homme se figure. Autant 'dire qu'il se masque ...

Je veux dire qu'il se cache."

(2)

1. SERVIE R, J., "Histoire de l'utopie", N. R.F. , Col

I.

Idées, Paris

1967,

p. 345.

2. DELIGNY, F. , "Les détours de l'ogir ou le moindre geste", Ed. Hachette, Paris

1979,

p.

143.

(8)

Et au-delà du "dire", il y a I' "agir". Non pas le "faire", dépendant de l'autre ou d'une intention, qui se réduit toujours à "faire comme"

ou non, mais l' "agir", "ces harmoniques qui apparaissent dans le dé­

sordonné", et qui permettent de retrouver la musique de la vie

(l).

3.

Méthode

C'est à partir d'une pratique, de réflexions, d'échanges, de lectures, que j'ai éprouvé le besoin de préciser et de formuler un certain nom­

bre de questions, de constats ou de propositions. La réflexion, à pQr­

tir de là, est soit trop générale, soit très particulière. Les situations présentées sont autant d'interrogations qui, dans l'écriture comme dans la réalité, m'ont d'abord désorienté, puis interpellé, et enfin mis en question. La méthode employée est donc plutôt empirique et inducti­

ve, se limitant à des observations faites dans des conditions naturelles et laissant une large part à la subjectivité.

Après avoir pris en compte les facteurs déclenchants et les motiva­

tions personnel les, et précisé le but de ce mémoire (Introduction), j'ai tenté de mettre en évidence une partie si·gnificative de la réali­

té éducative, en interrogeant tour à tour quelques pratiques particu­

lières se situant de part et d'autre de la limite institutionnelle, comm

autant d'exemples concrets, comme autant d'interpellations et de mises en cause de ma propre pratique. Ce reflet est bien évidem­

ment partiel puisqu'il s'agit de provoquer, chez le lecteur, le même harcèlement de questions, la même et quotidienne réflexion, qu'a suscité pour moi la confrontation de ces pratiques éducatives (Réali­

tés). J'ai tenté, ensuite, de partager mes doutes, de dégager une lo­

gique du système, de réfléchir à la situation globale de l'éducateur, pour conceptualiser cette pratique et la rendre significative. Même si le ton est celui de la généralité, il s'agit bien ici d'une expé­

rience d'une perception et d'une approche de l'éducation, la mienne ..

Et qu

ce soit sur le plan de la pédagogie, de l'institution ou de 1 '

ducateur, dans son mandat et sa fonction, il faut se rappeler le contexte particulier, dans le temps et le lieu, de mon expérience professionnel le (Doutes et c�rtit.udes). .

Enfin dans la dernière partie, il faudra envisager des solutions, con-' .

1.

DELIGNY, F., op. cit., p.

85

crètes ou idéales, énoncer des principes, non pas résoudre le para­

doxe, mais le gérer, puisqu'il est, peut-être, le nouveau "consensus

· pédagogique" (Perspectives).

Mai·s cette réflexion n'est ni un discours théorique, ni un analyse comparative. C'est avant tout une réflexion critique sur une pratique, et qui s'élabore à partir de là. Le discours repose sur des faits, actions, sentiments ou souvenirs et, s' i

1

fait référence à des courants actuels ou des expériences significatives qui élargiront le champ de la réflexion, ces références ne sont utilisées que comme i

!

lustrations, arguments ou prétextes. Leur contexte est supposé familier au lecteur et elles ne seront pas décrites dans le détail. Ce travail se veut essai pédagogique qui, "comme tout essai, se doit de présenter des hypothèses et des arguments sous la forme absolutiste d'une théorie générale, alors 'que l'auteur est bien conscient des

1

imites et des faiblesses de son texte"

(1).

Inévitablement, quand les idées se recoupent, les formules se retrou­

vent. Ainsi, plutôt que d'affaiblir telle formule ou de dénaturer tel argument, j'ai pris la liberté de faire de larges emprunts à un travail de recherche effectué dans le cadre de l' 1. E. S., inti tu lé "Education impossible". Ces emprunts, pour nombreux qu'ils soient, ne sont pas une esquive, mais une nécessité. Et puisque nous en sommes aux influences, je tiens à remercier ici très sincèrement f.Nv4. . D. Pingeon et A.Munari, directeurs de mémoire, pour l'aide qu'ils m'ont apportée ainsi que pour leur disponibilité, qui ont très largement dépassé les nécessités institutionnelles.

4. Hypothèse

Le paradoxe se définit en ce qu'il est contraire à l'opinion commune, qu'il heurte le bon sens ou qu'il est lui-même contresens. Absurde inconcevable, vous avez dit : "bizarre" ? La logique le définit c

me une proposition à la fois vraie et fausse, où le même élément de con­

naissance est à la fois nié et affirmé. Contradiction, inconséquence, incompatibilité, le paradoxe est inscrit au dictionnaire ..• et dans la réalité. Et quand on sait que l'identité, en logique, repose sur le

1.

MENDEL, G. , "Pour décoloniser l'enfant", Ed. Payot, Paris 1971, p.

21.

(9)

principe de non-contradiction, on ne s'étonne plus que l'éducateur s'interroge quotidiennement sur Io sienne

La théorie de la communication nous montre que la situation paradoxa­

le vient de ce que le message reçu, - l'implicite étant souvent en con­

tradiction avec l'explicite, - empêche d'y répondre, puisqu'il faudrait alors à la fois "être et ne pas être" ce qu'on est, ou "faire et ne pas faire" ce que le message exige.

"Un sujet soumis à plusieurs ordres contradictoires émis simultanéme!"lt ne peut répondre à cette double contrainte que par la folie"

(1)

ou par la fuite

(2).

L'hypothèse est que l'éducateur, à la fois pour des raisons individuel­

les et pour des motifs d'ordre institutionnel, est constamment, et cela à quelque niveau qu'on se place, dans ce dilemme, et qu'il est donc réduit par avance à l'impuissance. Oue l'accumulation et l'interaction des paradoxes aboutissent à une seule et même situation paradoxale, celle d'une profession impossible. Il s'agit donc bien d'une hypothèse et d'une question centrale, vers laquelle les outres convergent et à partir de laquelle on peut élaborer la réflexion. Un corollaire à ce postulat est que toute situation éducative contient l'ensemble du pro­

blème, qu'il est possible de poser les questions générales à partir du cas particulier et d'établir des concepts à partir de l'anecdote.

Ainsi il s'agira de révéler la logique des incohérences, la compatibi­

lité des inconséquences, de montrer comment l'éducation paradoxale est cohérente dans un système contradictoire. Il faudra bien sûr s'at­

tarder à quelques-uns d'entre eux, plus significatifs ou plus suggestifs, et non pas les décrire tous.

Certes les exemples choisis ne seront pas tous des paradoxes au sens strict, mais tous, malentendus, contradictions, tensions, conflits ou illusions, contribuent à Io situation paradoxale d'ensemble.

Cor les paradoxes, comme les poupées russes, s'emboitent les uns dons les autres, se révèlent l'un à l'autre, à la fois semblables et différents, formes et apparen_ces, chacun contenant l'outre, dans une succession étonnante de reproductions. On se demande lequel engendre l'autre,

l. WATZLAWICK, P., "Une logique de la communication", Ed.

du Seuil, Paris 1972, p.

211.

2.

LABORIT, H., "Eloge de la fuite", Ed. Robert Loffont 1976, Théorie générale.

quel est le moule de ces copies tout à la fois conformes et singuliè­

res, dont le regard s'essaie à découvrir les particularités et que la raison s'ingénie à dénombrer, révélant le corps d'une situation para­

dox�le globale, dont il s'agira de préciser le contour et Io matière Coniment distinguer, au-delà de l'évidence folklorique des lignes et0 des volumes d'une figure innocente, le contenant du contenu l'ori­

?ine de_s conséqu

:

nc

, l'app�rence _ de la réalité? De même 1qu'enfant il fallait découvrir

1

astuce, il s'agira aujourd'hui de "décapiter la réalité" pour en déceler le sens et en lever le mystère. Au risque de rompre le charme : la vérité est à ce prix.

(10)

Chapitre 11 REALITES

1 Introduction

1 'i11stitution "traditionnel le", en ce qu'elle est l'émanation de l'Etat

•t conforme aux normes qu'il régit, s'adapte mal, nous le verrons, fi la réalité des jeunes qui, imprévisible, incertaine, excessive, 11101Jvante, en devient inquiétante. Car l'ordre, support et finalité de l'institution, est précisément l'objet essentiel de la contestation ado­

ln�cente, qui réclame le doit au désordre et l'expérimente jusqu'à l'nbsurde.

Muis l'institution "alternative", qui sort du cadre et se propose d'au­

t1os valeurs, n'en est pas moins dépendante, souvent, de ce qu'elle 1.'n11teste, et ne fait que reproduire, dans un cadre plus large, les cnntradictions antérieures. Angoisse, désarroi, contestation, doute, pas­

•1011, violence, vie et mort, autant d'élans pour trouver un sens aux nc'tcessités, pour donner une signification au hasard. "Le désordre ne

•'mJministre pas, c'est à partir de lui qu'une dialectique est rendue possible."

(1)

Et à partir de cette dialectique un changement est po,sible. Elle est en effet une condition à une alternative réelle d'oxistence, alors que l'enfermement, qu'il soit médical, carcéral ou 1ocial, n'est que la confirmation d'une impossibilité. le flou est vital, 11111is le public, et l'Etat, saisissent mal ce qui peut se constituer com-

111a tentative de réorganisation à partir d'une désorganisation. Et le pouvoir, par

les

mass-media, en renforce l'aspect inquiétant pour mloux justifier son immobilisme ou son action répressive. Ainsi les a1dgences d'ordre du système vont à l'encontre de Io fonction éduca­

tlvo, qui exige mobilité et imagination. L'institution tue les initiatives al, prise au jeu de son propre fonctionnement, se condamne à l'inertie

1.

MANNONI, M., "Education impossible", Ed. du Seuil, Paris

1973,

p.

13.

(11)

qu'aux yeux de leurs auteurs. Pourtant il m'a été difficile d'en trou­

ver qui soient "l'œuvre" d'un éducateur. Car si toutes, elles sont bien des démarches éducatives, et si tous, renonçant à leur uniforme antérieur, se sont faits pour cela "éducateurs", il n'en reste pas moins que Neill, Mannoni et Bettelheim sont psychanalystes, Basaglia,

01

ivenstein, Laing et Cooper médecins-psychiatres, Freinet, Oury et même Deligny instituteurs. Cela peut nous interroger, non seulement sur la profession et l'identité d'éducateur (faut-il pour l'être, être autre chose ·:.paradoxe initial

?)

, mais aussi sur la nécessité d'une au­

torité reconnue, souvent médicale d'aï !leurs, pour cautionner une expé­

rience marginale aux yeux du pouvoir ... et certainement du public.

En fait cela pose la question des conditions du changement, et d'une stratégie de la marginalité, sur laquelle nous reviendrons dans le chapitre des perspectives.

Je tenais donc à des exemples qui d'une part soient le fait d'éduca­

teurs, et d'autre part s'appuient sur une pratique assez longue pour qu'on puisse leur reconnaitre la fonction d'expériences. De plus, préoccupation toute personnelle, il s'agissait de porter un regard sur une population particulière, les adolescents, sur la limite institutionnel­

le et sur le jeu qu'elle permet, sur les intersections entre différents' espaces d'activité. Deligny est l'exception qui confirme l'intention, et ce qui motive sa place ici est davantage un parcours-limite que sa dernière tentative dans les Cévennes. D'autre part il n'aurait pas été honnête de ne pas commencer par situer le champ de ma propre pratique, en préalable aux alternatives, quand bien même la descrip­

tion en est pour le moins partiale. Ainsi donc le Foyer de la Servette, le Centre de Vitry, Carrefour, les Cévennes; une institution, une struc­

ture, une esquive, une rupture·; un lieu de placement, un lieu de vie, un lieu de rencontre, un lieu d'erre; une limite, un centre, un point de chute, un espace.

2. A l'intérieur

Le foyer de la Servette est assez représentatif, dans sa structure et dans sa pédagogie, d'autres foyers de semi-liberté pour adolescents à Genève, ou même en Suisse romande. La prise en charge éducative, assurée par une équipe de quatre personnes, est très structurée, par héritage et exigence de l'institution-mère, l'internat de Chevrens. Le

but visé est bien sûr l'autonomie de l'adolescent, mais le foyer peut être qualifié de "maternant" dans le sens où les jeunes sont dégagés

de la plupart des tâches matérielles quotidiennes : ménage, lessive, ordre, mobilier, achat ou préparation des repas, gestion du budget, quand bien même l'éducateur a pour fonction de les préparer à ces réalités.

Le foyer fait donc partie d'un ensemble et cette option, qui se veut cohérence, le rend dépendant sur le double plan de la gestion et de la pédagogie. Historiquement, i

1

a été créé pour répondre à un be­

soin spécifique du Centre de Chevrens, selon une conception de paliers successifs vers l'autonomie, et pour accueillir la clientèle par­

ticulière de l'internat, en priorité (et pendant sept ans en exclusivité) par rapport à d'autres foyers du canton. Cela sans prendre en compte son identité ou son existence propre, qui repose aujourd'hui sur de tout autres critères que ceux de l'internat. Il est à remarquer que, préalablement à tout critère pédagogique, le foyer annexe représente une nécessité économique puisque, par un équilibre astucieux de la répartition des budgets, il est indispensable à la survie de l'ensemble.

Mais nous le verrons, cette dépendance quasi génétique se retrouve dans l'action éducative, qui est toujours le reflet de ses propres con­

tradictions. L'analyse institutionnelle mcmtre clairement, en effet, grâce aux analyseurs du temps, de l'espace, du langage, de l'argent et de son contrôle, de l'organigramme explicite et implicite, que la contradiction fondementale de ce foyer est qu'il subit, et doit trans­

mettre, un discours qui ne s'applique plus à sa réalité. D'où le hiatus entre les principes et l'action, entre l'intention et la pratique. Ce foyer est la caricature de la difficulté d'une pédagogie centralisée, face à la diversité des lieux et des personnes, de l'absurdité d'une pseudo-cohérence, qui n'est que rigidité, face à la mobilité des pro­

blèmes. Matériellement le foyer est à 18 kilomètres du "centre", et donc à 100 lieues de la "direction" (aca sèns propre et figuré) de l'institution. Cette situation, à la fois particulière dons le système mais conforme à une certaine image, fait que le foyer a tous les in­

convénients de la dépendance sans en avoir les avantages. Car même si Chevrens peut offrir certains services (livraison des repas, lingerie, secrétariat, psychologue), de fait ces services sont absolument sous­

employés et ne sont que des contraintes parfaitement superflues et des entraves à l'initiative personnelle. En l'occurence, il n'est pas exact que l'appartenance à une seule et même institution est une aide.

Jamais en effet la "maison-mère" n'a pu nous aider d'une quelconque manière à résoudre nos difficultés et, que ce soit en cas d'absence, de maladie ou de formation, en cas de surcharge, de tension ou de

(12)

problèmes pédagogiques particuliers, à chaque fois nous avons dû y faire face seuls, et compter sur nos seules ressources. Cette apparte­

nance est plutôt un handicap, qui complique la gestion, la communi­

cation, l'information, la répartition des pouvoirs, les prises de déci- sion et, trop souvent, paralyse l'action. Par ailleurs, cette structure centralisée engendre une dépendance qui, si elle peut se concevoir pour une même clientèle et une même pédagogie, révèle ici ses limites et ses contradictions : il n'y a pas de projet pédagogique ni de cahier des charges écrits, tout est implicite, tacite, l'héritage d'une tradition révolue, l'affaire d'une personne qui, malgré towtei;

ses qualités ou son autorité, ne peut être partout à la fois, et ne peut pas diriger l'internat et inventer la Servette. En effet le foyer - dont le lieu, l'histoire, les valeurs, l'éthique, les problèmes {et la manière de les vivre ou de les résoudre), les personnes et les menta­

lités sont radicalement différents - devrait pouvoir assumer seul la gestion et l'administration, et faire face aux situations d'exception sans recours possible à l'équipement du centre·. Cependant, et para­

doxalement, chaque action doit être authentifiée par la direction, sous peine d'être systématique désavouée par la suite. De fait, aucun pouvoir, mois seulement des exigences. La fonction de responsable de foyer en est d'ailleurs le signe qui, sans statut explicite, a pour fonc­

tion d'être un intermédiaire entre la direction et l'équipe éducative, dont il est lui-même membre à part entière, c'est-à-dire garant d'une politique qui n'est pas la sienne. Pour cette tache ambiguë, il tou- che une prime mensuelle, dont la somme, insignifiante et arbitraire, a été décidée par la direction. Bien sûr, cette position infantile de l'institution provoque les personnes à une attitude de revendication, d'opposition et d'insatisfaction. Les rivalités narcissiques, les pétitions de principe, la non-communication, les malentendus ne sont que le·

reflet quotidien d'une lutte implicite pour le pouvoir, ou plus simple­

ment pour l'accès à l'autonomie. Caricature révélatrice, mois regret­

table, de la situation éducative où il s'agit de préparer à l'autonomie pour demain, mois sans l'autoriser aujourd'hui. Ce conflit institutionnel, et personnel, est le fait de la majorité des foyers pour adolescents, qui ne sont que des "sécrétions" de l'institution-mère. Plus concrète­

ment, dans les rapports et les difficultés de collaboration entre les deux institutions, ce n'est pas tellement une pédagogie qui est en jeu, bien qu'il soit difficile d'appliquer la même à deux populations aussi différentes, mais, surtout, le système dans lequel el le s'inscrit et par lequel elle se perpétue. Système de contrôle, de règles, de normes et

de principes auxquels on se réfère symboliquement comme à la seule vérité, immuable. Ce système, cohérent dans ses contradictions,

· perpétue une structure de voleurs et de fonctions très hiérarchisées, et un mode de relations et de communication purement conventionnel.

Il engendre la dépendance et infantilise l'éducateur qui, véritable

"ménagère sociale", fait sa révolte M.L.F. et revendique un autre statut.

De même qu'on explique sa chance et ses privilèges à la mère de famille dépendante, exploitée, aliénée et. .. comblée, de même on rassure l'éducateur, qui exerce la dernière profession libre de notre époque. Comment s'étonner que le changement passe par l'excès?

Comme le phallocrate est bien dans sa peau et ne voit pas pourquoi il en changerait, le pouvoir n'a jamais de problèmes de pouvoir.

"Tout est contrôlable, tout doit être contrôlé, et on n'oubliera pas de contrôler si vous avez bien contrôlé. "

(1)

Et l'interprétation est ici séduisante : ces foyers annexes ont, symbo- 1 iquement, un statut d'adolescent par rapport à l'institution-mère, qui les a engendrés, et qui leur refuse l'autonomie, qui serait vécue comme une dépossession insupportable. Reste l'alternative de se sou­

mettre, et de rester dans les "jupes" de l'institution, d'obéir à ses consignes d'ordre et de prudence, et surtout de ne pas flirter à l'ex­

térieur de la "famille institutionnelle", ou bien de contester, de s'op­

poser, de s'affranchir de cette dépendance, de prendre des risques, et de gagner cette liberté indispensable pour fonctionner. La Servette a été cet "enfant terrible", source de conflit et de fierté, qu'on ad­

mire mais, et c'est le propre des mères possessives, à qui on ne peut pas reconnaitre son autonomie. Dès lors il s'agit d'exécuter ou de rompre, la dépendance ou la démission. L'institution, ici, et souvent, fonctionne sur le schéma familial et, sa tradition le confirme, ses valeurs s'énoncent et se transmettent sur ce mode-là, comme son code de relations, de transgressions, d'interprétation. Le discours véhiculé par les initiés le confirme chaque jour.

Pour en finir avec le plan institutionnel, restent à nommer les inéga­

lités de salaire, l'horaire excessif, le suréquipement matériel, le coût élevé de la gestion, la mauvaise circulation de l'information, le peu de textes écrits et la multitude de conventions orales, bref, la réali-

1. GENTIS, R., "Guérir la vie", Ed. Maspero

1973,

p.

8

1.

(13)

sation de toutes les conditions de la dépendance.

Sur le plan pédagogique également, la prise en charge, dans ses ob­

jectifs et ses moyens, est identique à la majorité des foyers de semi­

liberté.

Le foyer, qui se veut cadre éducatif spécialisé, accueille huit à neuf adolescents, garçons seulement, âgés de 16 ans au minimum, d'intelli­

gence normale et qui, en priorité, ont passé un an dans la section de Préformation générale. On tient compte de la compatibilité des troubles connus avec le genre d'action éducative du foyer, avec notre propre aptitude à trouver des réponses adaptées, et les limites de nos moyens : "Il s'agit de favoriser Io découverte des potentialités de chacun, ·de développer les moyens indispensables à leur utilisation, d'aider le garçon à mieux vivre le quotidien et à tirer profit de ses expériences d'hier, à préparer celles de demain. Dans le partage des multiples situations de la vie quotidienne, il s'agit d'améliorer la relation de chacun avec son alimentation, son. hygiène, sa santé, ses vêtements, son cadre de vie et son argent, de trouver la situation pro­

fessionnelle la plus favorable à son évolution. Au cours des diverses et nombreuses activités, en groupe ou individuelles, à l'intérieur ou l'extérieur du foyer, il s'agit de vivre et partager des loisirs en vue d'un épanouissement personnel. Ce qui implique une action avec toutes les personnes concernées (patron, enseignant, formation professionnelle, etc.

des réunions de synthèse, d'évaluation. La collaboration avec les assis­

tants sociaux, un psychologue, d'autres consultants ou, dans le cadre du foyer, avec la direction, pour traiter et résoudre les problèmes de gestion, mener une réflexion et une action pédagogiques."

(1)

Les jeunes sont censés, c'est un critère d'admission, suivre une forma­

tion ou exercer une activité régulière, et le foyer assure l'organisation des moments dits 11 familiaux" (repos, loisirs, week-ends, vacances}.

Là encore, la réalité ne concorde pas avec les intentions, et la majo­

rité des adolescents placés sont incapables de remplir ces conditions.

Nous devons faire face, la plupart du temps, à des situations de non­

travai

1,

de recherches vaines pour un hypothétique emploi, d'attente, d'échec, et nous nous épuisons dons un cercle vicieux où il faut une semaine de démarches acharnées pour une solution qui durera deux ou trois jours. l'exception est devenue la règle, et ce foyer n'est ni

1, l>ocumcnt interne pour la présentation du foyer, élaboré par la 1ll1n1 lion.

prévu ni équipé pour y faire face.

Les adolescents ont vérifié que, sur tous les "circuits" où ils se pré­

·�cntent, les adultes ne tiennent pas, et les excluent. L'éducateur va don

être �a seule et unique personne payée (c'est son mandat) et 1not1vée

(c

est sa vocation} pour lui prouver que la tolérance existe ot que, contrairement à ceux qui l'ont précédé, sa disponibilité à lui est illimitée. Pori impossible où if est extrêmement aisé à l'ado­

(l)scent de vérifier le contraire, et de se confirmer dons fe fait qu'il 11'y a pas de lieu pour lui. Et, comme pour les autres contradictions du système éducatif, c'est ici l'éducateur, en tant que personne et

!onction, qui s'épuise à nier cette réalité, à repousser ses limites, et '". se bottre .c

ntre les autres et contre lui-même pour tenter l'impos­

o,1bl�. Ouot1d1ennement, les problèmes de chômage, de notre surcharge l1oro1re, de fa drogue, des délits, nous envahissent et nous dépassent,

ni nous sommes condamnés, dans notre réflexion et dans notre action

•) suivre les événements, dans l'incapacité de les anticiper donc de'

fus prévenir. '

Cu n'est que le jour où, s'il en est conscient, l'éducateur dit ses li­

mites, qu'il devient efficace ... ou inutile. Et très souvent ces limites

•ont ressenties et interprétées comme le signe de l'incompétence 11lors qu'elles sont très évidemment le résultat d'un jeu d'intera

:

tions

«.>mplexes, mais lisibles, Io conséquence logique d'une contradiction p111manente, inhérente à l'intention et à la pratique éducatives insti­

tutionnelles elles-mêmes.

c�

:orer n'�st q�'un symptôme, peut-être plus caricatural puisqu'ex­

pl 1c1te de

1

intérieur, de ce tissu de contradictions qu'est l'éducation

•p6cial isée.

Muis pourtant, nous y étions, en tant que professionnels et en tant 'IUo personnes, et, il faut bien le dire, souvent convaincus d'être uti­

ln�, voire efficaces. Non pas tant par rapport au discours institution- 11111, qui véhicule des valeurs et des exigences somme toute assez tra­

olltionnelles, peu différentes de celles de l'institution scolaire. Il

•'ogit bien, selon ce qui est dit ou écrit officiellement de favoriser l'nxpression de l'enfant, de développer son autonomie

;

es relations à l'intérieur et à l'extérieur du milieu de vie. Ces ca;acités n'étant poa innées, il n'est pas question de non-directivité, mois bien de 111andre en charge l'aménagement du cadre de vie, l'organisation de

111

vie collective, des activités, des loisirs, en un mot de proposer voire d'imposer. Concrètement, choque soir est réservé à une acti:ité ap6cifique, selon l'éventail pour le moins classique des besoins de

(14)

l'individu "complet" : sport, loisirs, activités culturelles, intellectuelles, relationnel les, temps non organisé. Cette répartition des motivations, des intérêts ou des nécessités en catégories, ce catalogue des activi­

tés ou des prestations essentielles au développement harmonieux de la personnalité, véritable caricature du "bourgeois gentilhomme" de l'an 2000, sert de support, ou de modèle, au discours éducatif traditionnel.

Même s'il peut se comprendre dans une option "réparatrice" de l'édu­

cation, il n'en entretient pas moins une dépendance extrême par rap­

port au système qui le préconise. Et il s'agit d'adolescents de 16 à 20 ans, et le foyer est le dernier palier avant l'autonomie. Dernière illu­

sion de la vie dorée de l'institution-modèle, avant la réalité du monde du travail ou du délit, l'erreur étant ici de fausser les valeurs, de masquer la condition sociale réelle de l'adolescent en prolongeant cette situation confortable en dehors de la norme. Et nos discours ou nos avertissements n'y ont rien pu changer. Le climat chaleureux, sécurisant, rassurant, que toute institution éducative cherche à établir, à garantir, ici est un mensonge, dont l'adolescent placé n'est pas dupe, puisqu'il en profite jusqu'à l'erreur, attendant l'extrême limite pour affronter la réalité. Mais nous en étions consciences, et tentions de faire partager cette lucidité, de dépasser ce stade du refus ou de la passivité. De traduire, à l'intérieur du foyer, les exigences de la réa­

lité, de fournir les moyens de la comprendre et de l'affronter. Parfois utilement, beaucoup plus souvent en vain. Car si les discours ou les intentions peuvent être cohérents, et nous l'étions, c'est l'application de cette cohérence qui pose problème, dans une situation aussi fonda­

mentalement contradictoire. Mais, dans ce chapitre qui ne se veut que descriptif, il faut en revenir à la pratique, pour que le lecteur puisse se faire une certaine idée de la réalité éducative et, plus loin, s'y référer.

La pratique, je l'ai dit, est en retard sur les événements, et l'une des caractéristiques de l'éducateur, après son enthousiasme, est l'essouffle­

ment. Car les faits s'accumulent, se bousculent, et, dans le désordre, l'action concertée fait place à l'improvisation. Pour rendre cette diver­

sité, qui est aussi banalité, il faut s'attarder, au risque d'être fastidieux sur la chronologie d'une semaine-type.

Lundi matin, 06. 00 h., le moment du réveil, paradoxal pour des ado­

lescents ou de jeunes adultes, est aussi, ce jour-là, le démarrage de la semaine. Par habitude, ou par facilité, c'est la personne de l'équi­

pe la plus autoritaire qui l'assume. Suivant la situation du groupe,

régulière ou irrégulière, ce moment est plus ou moins pénible, plus ou moins efficace. En principe, et tenant compte du rythme de cha- . cun, il faut bien deux heures jusqu'à ce que tous soient levés, petit

déjeuner compris, et partis sur leur terrain "d'activité"-.

Lundi, 08.00 h., la journée de travail, en principe pour tous, commen­

ce. En situation régulière, l'éducateur de service peut gérer librement les quatre heures de la matinée entre les travaux de bureau (courrier, gestion, comptabilité, paiements, information interne et externe, rap­

ports, etc.), les contacts avec les patrons ou les enseignants (directs ou téléphoniques) et les éventuelles convocations extérieures (tribunal, police, urgences). En situation "irrégulière", la matinée, en tout ou partie, est utilisée à chercher une solution avec le(s) jeune(s), à faire les démarches nécessaires, vaines ou fructueuses, selon le taux d'accord ou de participation (recherche d'emploi, entretiens, orientation profes­

sionnelle, problèmes de drogue ou financiers, conflits avec les parents, l'employeur, etc.).

Lundi, 12. OO h., moment de rencontre autour du repas, préparé par un (e) éducateur(trice). Les garçons, selon les envies et les humeurs, doivent participer et aider. Ce moment nous pose le problème du hiatus entre autonomie et dépendance, éducation et maternage.

Lundi, 14.00 h., comme tous les après-midi, il n'y aura personne au foyer jusqu'à 18.00 h. Seule la femme de ménage, employée à plein temps selon un horaire traditionnel, est présente. Cette prise en charge incomplète dans le temps nous a posé un certain nombre de problèmes, et nous a souvent contraints à des modifications d'horaire, pour des situations exceptionnelles ... qui sont vite devenues la règle. C'est une des limites importantes de notre "possible" dans une structure de semi­

liberté.

Lundi, 18. OO h., le même éducateur qui a commencé la journée assure, avec les jeunes, la préparation du repas, pré-préparé par la cuisine centrale de l'institution et livré au foyer dans des porte-en-ville en acier inoxydable. Le souper réunit généralement tout le groupe et,

chacun à sa manière, "se met à table". C'est un moment riche et inten­

se, parfois douloureux, toujours vrai, souvent "élément déclencheur"

d'autres situations.

Lundi, 20.00 h., une éducatrice vient s'ajouter au nombre pour parti­

ciper à la soirée, qui esf centrée sur Io vie professionnelle. Les besoins sur ce plan étant assez divers selon les statuts, il importe d'individua­

liser : étudier les cours (la minorité !), répondre à une offre d'emploi, romplir une déclaration d'impôts, un contrat professionnel, préparer

(15)

l'examen théorique d'auto-école, lire un livre, voire pour certains jouer (le jardin d'enfant vient avant l'école n_, tous prétextes à être actif dons une évolution personnel le et professionnel le. là encore, distance, ou rupture, entre les capacités et le niveau réels de ces ado­

lescents, et les exigences que Io norme sociale leur impose en fonc­

tion de leur âge et de leur statut hypothétique. D'où notre propre om­

biguTté dons l'aide qu'on aimerait apporter à Io personne ou niveau où ell

:

en est réellement (être thérapeutique), et la pression de Io réalité sociale qui nous conduit à un discours autoritaire et exigeant (être "rééducatif''). Bref, lundi, 22.00 h., la soirée, officiellement, se termine et chacun se devrait de "boucler la boucle", autour d'un verre ou d'une table, pour permettre au copain qui se lève tôt de dor­

mir pour arriver soi-même à finir Io journée. C'est une règle et non un 'règlement, ce qui ne va pas sans poser de sérieux problèmes.

lundi, 23.00 h., en principe toujours, et rarement, chacun est dans sa chambre l'éducateur peut, en toute bonne conscience professionnelle, rentrer

hez lui, et l'éducatrice chez elle, c'·est-à-dire ou deuxième étage du foyer, puisque, pour éviter à l'équipe l'habituel et très clé­

rical toumus des nuits de veille, c'est là qu'elle loge.

lundi 24. OO h., 01 . 45 h., ou 03. 30 h., selon les saisons, et pour passer de l'idéal à la réalité : vie nocturne, repos communautaires, actions d'éclat, conférences au sommet, sorties clandestines ou musique en sourdine, le plus souvent en l'absence et à l'insu des éducateurs, la vie marginale reprend ses droits, aux dépens plus ou moins marqués de Io vie sociale.

Mardi, 06.00 h., une éducatrice, fraîche et dispose, avec pour seule

· formation les notes de I' Agenda ou les observations individuel les,

in . . à 1

vient, et c'est très bien comme cela, réveiller les pens1onna1re

o

paupière plus ou moins tranquille, et au programme p_lus ou. moins . hargé Moment conflictuel par excellence, souvent 1mposs1ble, qui

'est q0ue le reflet d'une réalité, de leur réalité, qu'ils préfèrent ne pas voir et ne pas affronter.

M d. or 1, 08 OO h ., c'est l'occasion pour l'éducatrice, et pour l'éducateur' qui l'o rejointe, d'accomplir des tâches spécifiques, i1d,entiques ou 1 -d'f férentes de celles du lundi. A mentionner : ochats d economat, entre- t'en du véhicule entretien et équipement du bâtiment, décoration, 1 ,

1

entretien du jardin, bibliothèque, discothèque, ingerie, conta

ts o

ec

les assistants sociaux, préparation d'activités, dossier des pens1onno1res, questions d'assurances, de dettes, etc. là encore, il suffit d'un ou

deux chômeurs pour que tout ce temps soit utilisé dons une situation . d'exception.

Mardi, 12.00 h., l'éducatrice s'occupe du repas. A signaler qu'il prend parfois des formes moins conventionnelles et plus adaptées à Io réalité des adolescents : self-service ou bistrot, pique-nique ou bord du lac ou sandwich lors d'une leçon d'auto-école. le but étant surtout de se rencontrer. Les jeunes peuvent également, s 'ils le désirent, man­

ger à l'extérieur, où ils ont envie, et touchent alors Io somme de Fr. 7.50 par repas, qu'ils utilisent pour leurs cigarettes :

Mardi, 14.00

h., une éducatrice a choisi ce moment, en principe plus calme, pour effectuer ses tâches spécifiques.

Mardi, 16.00 h., personne d'autre que la femme de ménage, qui sup­

porte de plus en plus mal d'être le témoin permanent du désœuvrement et du désarroi des adolescents, dont elle subit chaque jour les provoca­

tions en notre absence.

Mardi soir, 18.00 h., les mêmes personnes que le matin, une éducatrice et un éducateur, fidèles à Io notion de "couple éducatif'' désormais chère à Io conception pédagogique de l'institution, sont là pour le repas, et peuvent ensuite organiser, en vain, Io soirée, dite (depuis dix ans) soirée sportive ! Après le repos, ou moindre prétexte ou à Io moindre inattention, chacun esquive ou s'esquive, refuse, conteste, séduit, et le groupe éclate, ou gré des tentations individuelles, des besoins de ravitaillement en drogue (c'est, avec le vendredi, le jour du New-Morning :) ou des réunions de bandes, et nous ne sommes pas trop de deux pour vivre ceE situations, bien sûr exceptionnel les ! Ou pour aller à la piscine ou en salle de gym avec ceux qui restent, et qui en ont envie. Selon les intérêts, les capacités de chacun et Io saison,

�uivont Io météo locale ou institutionnelle, nous avons tout de même pratiqué notation, bosket, voile, vélo, ping-pong, culture physique,

l'ir, karaté, footing, football. Individuellement ou en groupe, Io diffi­

culté est de pratiquer régulièrement un sport et, paradoxalement, d'ar­

river à se foire plaisir, ce qu'ils refusent à tout prix.

Mardi, de 22.00 h. à 23.00 h., traditionnelle fin de soirée, avec les non moins traditionnels cas d'exception.

Mercredi, 06. OO h., réveil, lever, un éducateur. Qui en profite pour un contact personnel, entre deux trajets-taxi, avec un patron ou un professeur. le moment est favorable, les lève-tôt sont appréciés, los croissants sont chauds :

Mercredi, 08.00 h., réunion d'équipe, centrée sur elle-même et son

(16)

fonctionnement. Qui fait quoi, comment? Pour la semaine écoulée et pour la semaine à venir? Comment se font les .transmissions., les commu­

nications, sommes-nous cohérents, efficaces, fatigués, organisés, écono­

miques, sensibles, disponibles, compétents, en rivalité? Une fois par mois nous nous interdisons les prétextes et ne fixons pas d'objet à la réun

l

on, pour aller plus loin dans l'analyse de notre dynamique, dans l'expression de nos sentiments. L'équipe étant récente, il est difficile de dire les bénéfices réels d'une telle démarche. Elle me paraît, quant à moi, la condition minimum à une "collaboration" authentique et efficace, à plus fo rte raison parce que nous sommes quatre et, qu'au-delà du couple et du triangle, i 1 y a le groupe.

Mercredi, 10.00 h., chacun, par besoin d'oxygène et par nécessité, effectue des tâches particulières : rendez-vous à l'extérieur, démarches officielles (admissions, engagements), rédaction de rapports, P. V. des séances, préparation des activités de soirées ou de week-ends. Sinon, une réunion bi-mensuelle pour la gestion économique et domestique do foyer avec la responsable de ce secteur pour tout le centre.

Mercredi, 12. OO h. , repas, un éducateur. Ce moment est souvent choisi pour des contacts particuliers et individuels avec un garçon, soit en ville, soit sur son lieu de travail, soit pour une leçon d'auto-école, ou pour un achat. Personne, de 14.00 h. jusqu'à 18.00 h.

Mercredi, 18.00 h., pour cette soirée, qui se veut individuelle et que, par référence aux traditions de l'internat, les garçons persistent à appe­

ler "libre", une personne seulement travaille, en l'occurence une édu­

catrice. Les adolescents sont censés s'organiser eux-mêmes, selon leurs goûts et ieurs besoins, sur leur propre initiative. L'éducatr

'.

ce peut les aider à la réalisation, et participer. On mesure à quel point ces gars sont peu autonomes et peu "socialisés" dans leur difficulté à rencontrer.

des gens à l'extérieur, à être curieux, à oser, à découvrir. 1 ls ne s�nt pas seulement timides, ils sont dépendants. Et I.e confo.rt, tant �aténel qu'affectif du foyer, encourage souvent au repli sur soi. Ou b1e� alors;

ils sortent mais aussi d'eux-mêmes, parce que l'enveloppe les gene, et ils s'offre

t un aller-retour destructeur et désespéré, dont ils paient le prix élevé sur tous les plans. Ou encore, résultat de leur angoisse I f

d 11 Il

et de leur désœuvrement, c'est le soir des bagarres, es cuites et des délits. Autant d'incidents auxquels il faut faire face positivement, et non de manière purement répressive, ce qui serait pourtant plus facile pour nous. Et il est extrêmement rare que. cette soirée-là se termine avent 24.00 h. ou 01.00 h., ne serait-ce que pour le princi- pe �

Jeudi, 06. OO h., invariablement, pour nous du moins, le révei 1 et le lever, pour ceux qui sont dans leur lit. Une éducatrice.

Jeudi, 08.00 h., l'équipe bénéficie de l'appui d'un consultant (psy­

chologue) pour ses réunions de synthèse. Lieu d'évaluation et de bilan, à pr

os d'un adolescent en particulier et avec lui s'il le désire, avec tous les éducateurs, le psychologue, l'assistant social et, selon les cas, parents, patrons ou toute autre personne concernée. C'est l'occasion, dans des conditions certes artificielles, mais révélatrices, de se dire des choses concernant ce qu'on vit ou ressent les uns par rapport aux autres, qu'on prend très rarement le temps de se dire dans le quotidien.

C'est un moment fort, riche et essentiel de notre action éducative, plus encore de notre relation avec l'adolescent.

Jeudi, 11.00 h., souvent fatigués et inefficaces, c'est un moment in­

formel, qui laisse le temps d'un apéritif ou d'une course à faire.

Jeudi, 12.00 h., repas de midi, un éducateur. Puis, de 14.00 h. à 18. OO h., personne.

Jeudi, 18.00 h., un éducateur et une éducatrice animent une soirée plus culturelle, c'est-à-dire tournée vers l'extérieur : spectacle, confé­

rence, ciné-club ou concert, invitations "officielles" au foyer dans le bvt de s'ouvrir l'esprit. Irrégulièrement : photographie, atelier de bois, peinture, décoration des chambres, etc. Le danger étant ici de tomber dans le style "école-club". L'activité doit rester un lieu, un prétexte, le prélude à quelque chose d'essentiel et de personnel.

Jeudi, 22.00 h., suite et fin, copie conforme •.• selon le programme télévision !

Vendredi matin, 06.00 h., réveil, un éducateur. Vendredi, 08.00 h., réunion d'équipe où nous nous occupons de coordination et d'informa­

tion par rapport aux autres foyers du Centre. Transmission des informa­

tions dans l'équipe pour maintenir une certaine égalité de pouvoir et un partage horizontal des tâches.

Vendredi, 09. OO h., réunion d'équipe avec le directeur du Centre, ciui supervise, sur les plans pédagogiques et administratifs, ce que nous uppelons le "tour des gars". Il s'agit de voir, concrètement, quelle action entreprendre ou poursuivre avec tel garçon, que faire et non que penser de, de mesurer aussi nos réussites ou nos incapacités, nos ospoirs et nos limites. C'est, avec le temps, le bilan de notre action

�ducative. Enfin, cette réunion est aussi, et surtout, réunion de ges­

lion, où sont rappelés, parfois discutés, les principes politiques, péda­

uogiques, économiques de l'institution, et où est précisée la ligne directrice de l'ensemble. Lieu de conflit privilégié, lieu d'exercice

(17)

{mais non de partage) du pouvoir, révélateur de notre situation de dépendance institutionnelle.

Vendredi, 1 1.30 h., seule l'éducatrice chargée du repas reste. Les autres, chargés de leurs colères rentrées, vont compenser le plus

"oralement" possible. Personne jusqu'à 18.00 h.

Vendredi, 16. 00 h. , 1 e responsable du foyer assiste tous 1 es quinze jours à la réunion de coord.ination du Centre. Cette réunion a non seulement pour objectif de traiter et de résoudre les problèmes de gestion et de "synchronisation", mais aussi d'échanger et d'améliorer la qualité et l'unité des démarches éducatives, de partager et de dé­

velopper une réflexion pédagogique commune. Malheureusement, el le n'est pas un lieu de réflexion, mais une réunion de pur principe, dont l'ordre du jour, l'animation, l'horaire, l'éventuelle annulation, le rythme, sont décidés et dirigés par la même personne, le directeur, qui en fait encore le procès-verbal, très partial comme on peut le penser. Cette réunion n'est que le lieu de la confirmation symbolique d'un pouvoir et d'une apparente cohérence, le rappel d'une apparte­

nance.

Vendredi, 18.00 h., réunion de toutes les personnes qui vivent au foyer, d'une heure au maximum et au minimum, pour se dire, traiter et résoudre tout ce qui touche à la vie et aux relations du groupe.

A chaque fois, ordre du jour et procès-verbal. Mais cette réunion, remise en question sous les prétextes les plus divers et de multiples manières, est en fait l'affaire des éducateurs. Seul véritable règlement du foyer, chacun a l'obligation d'y assister, ce qui en fait parfois le

"lieu-clé" de nos relations ou de nos conflits respectifs.

Vendredi, 19.00 h., repas, treize convives quand le foyer est complet.

Vendredi, 20.00 h., soirée-bilan, soit sur le plan personnel (entretiens individuels), soit sur le plan du groupe {discussions), soit sur le plan matériel (gestion financière, problèmes d'emploi, organisation du week­

end). Projets, programmes, préparation du week-end. Souvent moments très chaleureux en groupe, très intenses, et aussi esquives classiques au New-Moming. Besoin de se rassembler, de partager, de communiquer, ou de fuir, de se droguer.

Vendredi, 24.00 h., retours échelonnés selon les âges, les états d'âme et les responsabilités de chacun.

Le week-end est assuré, à tour de rôle, par un{e) éducateur( tri ce).

Nous proposons, sur ou sans l'initiative du groupe, une activité, un centre d'intérêt (ski, course de montagne, voyage, visite culturel le,

atelier photo, bricolage maison). Les jeunes intéressés s'inscrivent à cette activité, les autres font un projet individuel {retour dans la

·famille, amis, etc.). Le week-end voudrait être vécu comme un espace de n§pit par rapport aux soucis et aux tensions de la semaine, on essaie de se détendre et de s'accorder un réel congé, ce qui n'est pas tou­

jours évident, loin de là. La difficulté permanente, et qui nous épuise, est de réveiller, ou de susciter, l'intérêt, de permettre la réalisation du désir. Car désir il y a, mais enfoui derrière des mécanismes de fuite, d'opposition, derrière la souffrance ou la provocation, en riva­

lité avec d'autres désirs, bien plus violents, mais aussi plus destructeurs.

Cet éternel combat intérieur, se vit, à l'extérieur, entre l'adulte et l'adolescent, et devient malheureusement terrain de conflit privilégié.

Donc souvent, malgré les intentions, c'est l'échec, et la déception.

Parfois, mais à quel prix, l'activité se réalise, et c'est quelques mo­

ments de certitude, ou de plaisir, pour les uns comme pour les autres.

Il me paraissait nécessaire d'être précis, concret et rigoureux dans la description de notre quotidien éducatif. Trop souvent-. et trop rapide­

ment, la discussion sur ce sujet ne se situe pas au niveau d'une réalité, d'un temps et d'un lieu, mais au niveau des valeurs, des principes ou des objectifs, de l'évaluation ou de l'auto-critique. Dans le domaine des relations humaines, on a la difficulté permanente d'être précis, comme s'il était indécent d'appliquer certains moyens d'analyse à la matière humaine. Ou bien serait-ce par facilité qu'on préfère la sin­

cérité à la rigueur?

Mais si le foyer, dans son organisation et son fonctionnement, peut paraitre absolument conforme à l'institution-type et à la "tradition éducative", sa différence, et sa réputation, tiennent peut-être à une autre option, à un autre esprit. Cette différence, perceptible sur place mais difficile à cerner, nous a permis d'y vivre et d'y travail­

ler. C'est ce "je ne sais quoi" d'autre qui, confusément et précisément, correspondait à un idéal. Quelque chose comme un accord fondamental entre les personnes présentes, sur le sens de la vie ou sur les raisons d'être, à cet endroit, qui a permis au groupe, souvent, d'être heureux.

Ce sentiment n'est pas réductible à une activité, à une méthode ou à une personne qui l'expliqueraient, mais il tient à une intention, à une conviction, au choix de l'éducateur d'être, malgré ses contradictions et ses erreurs, du côté de l'adolescent. Et ce choix, pas toujours sim­

ple dans les méandres de la fonction, était l'idéal commun de l'équipe, perceptible par tous et base d'une confiance réelle entre les personnes.

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