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PRÉSENCE DE L'HISTOIRE. COLLECTION HISTORIQUE Dirigée par ANDRÉ CASTELOT

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PRÉSENCE DE L'HISTOIRE

COLLECTION HISTORIQUE

Dirigée par ANDRÉ CASTELOT

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MAYERLING

LE DESTIN FATAL ou

DES WITTELSBACH

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DU MÊME AUTEUR ROMANS La parade des impies (Grasset).

La bague était brisée (Corréa).

Les saisons du mélèze (Corréa).

La dernière innocence (Corréa).

Contre-champ (Pion).

Une femme heureuse (Corréa).

La comédienne (Grasset).

ESSAIS

Haute couture, terre inconnue (Hachette).

Le temps des femmes (Hachette).

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CÉLIA BERTIN

MAYERLING

ou

LE DESTIN FATAL 1 DES WITTELSBACH

LIBRAIRIE ACADÉMIQUE PERRIN PARIS

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La Loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article 41, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exem- ple et d'illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite » (alinéa 1er de l'article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code Pénal.

0 LIBRAIRIE ACADÉMIQUE PERRIN, 1967 ISBN : 2-262-00106-1

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« Ils n'ont vécu que pour leurs rêves et la tristesse leur a été plus chère que la vie entière. »

Elisabeth CTAUTRICHE.

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CHAPITRE PREMIER

ROSE DE BAVIÈRE

Un mauvais présage — Rose de Bavière née un dimanche — Le mariage du duc Max en Bavière et de la prin- cesse Ludovica de Bavière — Les Wittelsbach — Maxi-

milien Ier — Louis Ier et Lola Montez — Un père pas

comme les autres — Une vie de famille pleine d'im-

prévu — L'archiduchesse Sophie — L'éducation d'un empereur — Les leçons de Metternich — La révolu-

tion de 1848 dans l'empire autrichien — La vieille

politique du jeune empereur — Mère et fils — Pro-

jets de mariage pour un empereur — Tragiques af-

faires hongroises — Une princesse prussienne — Une

nièce modèle — Un mois à Ischl — Une jeune per-

sonne impertinente — Les fleurs du cotillon — Les

fiançailles de l'empereur — A la cour de Bavière —

Préparatifs d'un grand mariage — « Adieu, vieux châ-

teau » — Schônbrunn — Rencontre avec les dames

d'honneur — La cérémonie à l'église des Augustins.

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î JKS cloches de la cathédrale Saint- Etienne sonnent à toute volée. François-Joseph, debout devant l'immense portail de la Hofburg, attend celle qui sera demain sa femme, la duchesse Elisabeth en Bavière.

Bientôt le cortège paraît.

Sous le ciel gris de ce dimanche 23 avril 1854, les la- quais vêtus de noir et d'or, les pages et les chambellans écarlates et blancs s'affairent autour du magnifique car- rosse de verre tiré par huit chevaux blancs.

La portière s'ouvre et Elisabeth se lève. Elle est d'une telle beauté qu'elle n'a pas tout à fait l'air d'une créature terrestre. Elle est vêtue d'une grande robe à crinoline rose et argent, brodée de roses. Ses lourds che- veux aux reflets cuivre sont retenus par un diadème d'opa- les et de diamants. Prête à descendre, elle fait un pas en avant mais son diadème s'accroche dans le haut de la portière.

L'empereur pâlit. La jeune fille recule et, des deux

mains, elle affermit son diadème. Le duc Maximilien, qui

accompagne sa fille, essaie peut-être de la rasséréner par

des paroles désabusées qui lui ressemblent : « Ne t'in-

quiète pas, mon ange, c'est sans importance, un jour vien-

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dra où ces colifichets ne vaudront plus une chandelle ».

Une pareille phrase est dans sa manière et Elisabeth en a l'habitude. Elle descend, très droite, un peu solennelle, le visage grave.

Dès qu'il s'approche d'elle, François-Joseph semble avoir oublié son effroi soudain. Sanglé dans sa tunique blanche de feld-maréchal, grand, mince, il porte au cou le collier de la Toison d'Or. Il a de beaux yeux bleus, un peu à fleur de tête, la bouche charnue à la lèvre inférieure tom- bante des Habsbourg.

Les fiancés doivent répondre aux ovations de la foule qui, depuis des heures, se presse autour du palais impérial. Ils sourient tous les deux.

« Vive Elisabeth ! Vive notre impératrice ! » Les cla- meurs enthousiastes couvrent les sons de la fanfare.

Vienne n'a pas eu depuis longtemps pareille occasion de se réjouir. Personne n'ignore que l'empereur, qui a près de vingt-quatre ans, fait un mariage d'amour en épousant sa cousine germaine âgée de seize ans.

Mais nul ne peut imaginer les tragédies qu'ils connaî- tront. Le trouble violent éprouvé par l'empereur trahit peut-être un obscur pressentiment ; la chute du diadème ne serait-elle pas un signe de la fatalité qui pèse sur eux ? Ce sang qui coule dans les veines des mariés du lendemain a déjà apporté, à ceux qui les ont précédés, l'étrangeté et la démence.

Le contraste est saisissant entre l'image de la beauté et du bonheur que forment les jeunes gens et l'inexorable destin des Wittelsbach qui les a menés l'un vers l'autre.

Rose de Bavière A peine éclose

Désormais tu fleuriras et tu répandras Ton parfum sur les bords du Danube Rose de Bavière

Crois en ce message Tu ne saurais trouver Jardinier plus attentif1.

1. Traduction de Marguerite Diehl in Elisabeth, Impératrice d'Autriche, par Egon César Comte Corti.

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Une feuille de papier lancée par un poète était tombée sur les genoux d'Elisabeth alors qu'elle passait en car- rosse, trois jours plus tôt, le 20 avril, dans les rues de Munich. Le poète, c'était Jean-Népomucène Vogl, un Autrichien en séjour dans sa ville et ce message l'avait un peu réchauffée à l'instant où elle sentait la tristesse l'envahir.

Il faisait beau, le ciel était clair, la matinée fraîche.

Comme elle eût aimé partir à l'aventure pour une longue promenade à cheval avec son père ou avec « Gackel », son frère préféré, Charles-Théodore de deux ans son cadet. Elle imaginait, sans doute, ce qu'eût été sa jour- née à Possenhofen, le château des bords du lac de Starnberg, où elle n'avait rien d'autre à faire que de profiter de ce printemps dont elle devinait en elle la douceur.

Elle venait de prendre congé de son oncle le roi Louis Ier et de son cousin le roi Maximilien II, accourus tous les deux au palais ducal pour l'embrasser une dernière fois.

Aucune cérémonie officielle n'avait été prévue mais depuis le matin, la Ludwigstrasse était noire de monde. La foule attendait avec une impatience grave et une réelle émotion.

Bouleversée par toutes ces attentions, Elisabeth avait quitté le palais de son père dans un carrosse tiré par six chevaux. Sa mère et ses quatre sœurs l'accompagnaient.

Le cher Gackel avait grimpé sur le siège à côté du cocher. Le duc Max et ses deux autres fils avaient pris place dans une seconde voiture. Dans toutes les rues, le cortège fut acclamé et Elisabeth, en reconnaissant au passage, près de la porte de la Victoire, une délégation de paysans de Possenhofen venus faire la haie, ne put retenir ses larmes. On aurait dit qu'elle souffrait de s'arracher à sa terre natale, à ce peuple bavarois auquel elle se sentait grâce à son père, si accordée.

Elisabeth était née un dimanche, le 24 décembre 1837, à Munich, Ludwigstrasse, dans le palais construit par

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son oncle le roi Louis Ier pour abriter ses parents. Seconde fille, elle avait trois frères et quatre sœurs.

Tous étaient fragiles, d'une nervosité extrême, passant sans transition de la plus grande exaltation à une dépres- sion accablante. Ils pleuraient à chaudes larmes pour des riens, riaient follement, s'amusaient entre eux ou bien, saisis par un irrépressible besoin de solitude, fuyaient, soudain, toute compagnie. Le sang Wittelsbach n'était-il pas responsable de ces caractères fantasques ? Le père d'Elisabeth, le duc Maximilien, chef de la branche ducale ci-devant palatine, avait reçu, peu de temps avant son mariage, pour lui et ses descendants, le titre d'altesse royale. Le 9 septembre 1828, à l'âge de vingt ans, il avait épousé une de ses cousines, la duchesse Ludovica de Bavière, d'un an sa cadette qui, elle, appar- tenait à la branche royale.

Elle était la fille de l'électeur comte palatin des Deux- Ponts Birkenfeld, Max-Joseph, que Napoléon avait fait roi en 1805, sous le nom de Maximilien Ier et qui mourut en 1825.

Le mariage de Ludovica et de Max avait eu lieu au château de Tegernsee, habituelle résidence d'été du roi de Bavière. Ludovica était furieuse d'épouser ce prince.

Ses sœurs avaient fait ou allaient faire de beaucoup plus beaux ITJ: riages. Deux d'entre elles furent successivement reines de Prusse ; une autre, Caroline-Augusta fut impé- ratrice (le vieil empereur François Ier d'Autriche l'avait épousée en troisièmes noces) ; Sophie (qui devint plus tard la belle-mère d'Elisabeth) était archiduchesse Habs- bourg et mère de l'empereur François-Joseph 111 ; et une autre encore, Amélie, épousa le beau-fils de Napo- léon Ier, Eugène de Beauharnais.

N'était-il pas humiliant pour Ludovica de devenir par mariage duchesse en Bavière, alors qu'elle était de nais- sance duchesse de Bavière ? De plus, elle aimait Michel de Bragance qu'elle croyait plus digne d'elle.

La comtesse Marie Larisch raconte, dans ses Souvenirs que le soir de ses noces, Ludovica, pleine de rage, déchira son voile de mariée en s'écriant : « Ce mariage

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et tous ceux qui en découleront ne seront jamais bénis par le Seigneur. » Sa pétulante grand-mère ne s'en tint pas à cette malédiction et, sous prétexte de faire visiter une partie du château à son petit mari, le fit entrer dans une pièce obscure et l'y enferma, préférant passer seule sa nuit de noces.

Marie Larisch nous apprend également une étrange légende que lui aurait confiée sa tante, l'impératrice Elisa- beth d'Autriche : autrefois, le château de Tegernsee était un monastère où vécut un jeune seigneur, moine malgré lui. Ce cadet d'une noble famille était amoureux d'une cousine, fort belle, qui devait devenir la femme de son frère aîné. Un jour, alors qu'il était déjà moine, il rejoi- gnit sa bien-aimée. Mais les amants furent découverts.

Le malheureux fut immédiatement reconduit à son monas- tère et emmuré vivant.

Quand Ludovica proféra sa malédiction, le soir de son mariage, ce moine implora la clémence divine et obtint de prier pour chacun des membres de la maison ducale au moment de sa mort. Et l'impératrice Elisabeth conclut le récit qu'elle fit à sa nièce par ces paroles : « C'est son purgatoire, dont il ne sera délivré qu'avec le dernier Wittelsbach et ce sera avant cent ans, le moine lui-même me l'a dit. »

Ces Wittelsbach qui règnent sur la Bavière depuis 911 ne sont pas une famille comme les autres, pas même comme les autres familles princières. Ils ont tous du charme et de l'étrangeté, souvent les deux ensemble.

Leur ancêtre commun est un certain Luitpold qui fut marquis de Bavière en 895 et prit le titre de duc alors qu'il était également margrave de Carinthie. L'un de ses descendants, Othon III comte de Scheyern, transféra, en 1124, sa résidence à Wittelsbach et acquit ainsi le nom. Ce château de Wittelsbach, détruit en 1208, était situé près d'Eichach, sur la Paar. C'est au XIIIe siècle que les Wittelsbach commencèrent à épouser des Habsbourg.

Elisabeth était la vingt-deuxième femme de ce nom qui épousait un membre de la famille impériale autrichienne.

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Toutes les familles régnantes d'Europe comptent des Wittelsbach parmi leurs ancêtres. L'aïeule des Hanovre, rois d'Angleterre, était la fille d'un électeur palatin, Fré- déric, mort en 1632 qui avait été élu roi de Bohême et fut à l'origine de la guerre de Trente ans. Ils appar- tenaient au rameau de Simmeren de la branche aînée.

Charlotte, la princesse Palatine, épouse de Monsieur, et ancêtre de toute la famille d'Orléans, était elle aussi issue de ce rameau. Marie, qui fut la femme de Charles II, le dernier roi Habsbourg d'Espagne, appartenait à un autre rameau de la branche aînée, celui de Neubourg.

Tandis que la reine de France, Isabeau de Bavière, était issue du rameau Ingolstadt de la branche cadette.

La branche la plus douée de cette famille fut celle des Deux-Ponts-Deux-Ponts. Les rois Charles X, Charles XI et Charles XII de Suède en faisaient partie. Maximilien- Joseph, le père de la duchesse Ludovica et de l'archi- duchesse Sophie appartenait au rameau Birkenfeld de cette branche.

Maximilien-Joseph ne fut d'abord qu'un obscur prince allemand qui habitait à Strasbourg un petit palais rococo, le Zweibruckerhof et servait dans l'armée de Louis XVI.

Malgré les alternances de tristesse et d'exaltation de son tempérament Wittelsbach, il semblait être persuadé qu'il jouerait un jour un rôle de premier plan. Il comptait sur des héritages et avait un don : celui de tirer le meilleur parti des situàtions qui se présentaient à lui.

Au début de la révolution française, il avait trente- trois ans. Son cousin, le duc de Bavière et électeur palatin, n'avait pas d'enfant. Il vivait à Munich où il avait transporté sa cour, unissant de nouveau le Pala- tinat et la Bavière après cinq siècles de séparation. A sa mort, en 1799, Maximilien-Joseph lui succéda comme il l'avait espéré. Installé à son tour à Munich, le nou- veau duc se lia d'amitié avec un émigré français, le comte de Montgelas qu'il nomma premier ministre. Grâce peut-être à cet ami de Talleyrand et plus sûrement grâce à son habileté personnelle, ses troupes combattirent aux côtés de celles de Napoléon. En récompense de ses

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services, au traité de Presbourg, son territoire fut consi- dérablement augmenté et il devint roi, sous le nom de

Maximilien Ier, le 1er janvier 1806.

Son alliance avec Napoléon Ier lui rapporta en outre le mariage de sa fille Amélie avec Eugène de Beauhar- nais, union à laquelle assisteront en personne l'empereur et l'impératrice des Français.

Plus tard, au Congrès de Vienne, il se trouvera du côté des vainqueurs. Tout en étant demeuré l'allié de Napoléon jusqu'en 1813, à la veille de Leipzig, il avait fait épouser à l'une de ses sept filles, Caroline-Augusta, François II. Son royaume devint le plus puissant d'Alle- magne du Sud.

Ce monarque habile eut deux épouses. La princesse Wilhelmine-Augusta de Hesse-Darmstadt et Caroline de Bade. Par malheur pour leurs descendants, elles avaient toutes les deux un ancêtre commun, le prince fou Louis de Hesse-Darmstadt qui errait dans son palais terrorisé par son ombre. Cette hérédité venait s'ajouter malen- contreusement à celle, déjà lourde, des Wittelsbach.

A la mort de Maximilien Ier, en 1825, son fils aîné lui succéda sous le nom de Louis Ier. Il était né en 1786, à Strasbourg, juste au moment de l'épilogue de l'affaire du Collier de la Reine. Il fut, quelques jours, le centre d'intérêt de la ville et les soldats de Maximilien lui confectionnèrent un matelas en coupant leurs moustaches.

Mais, après l'acquittement du cardinal, des réjouissances eurent lieu devant le palais de Rohan et les Strasbourgeois oublièrent le petit prince qui était le filleul de Louis XVI et de Marie-Antoinette.

Plus tard, Louis combattit dans les armées napoléo- niennes et fit un séjour de six mois aux Tuileries. Mais les canons français l'ayant rendu sourd et comme, par surcroît, il détestait le premier ministre de son père, le comte de Montgelas, il ne se montra guère franco- phile.

Wittelsbach rêveur, il avait un caractère très affirmé,

très original. Il écrivait de mauvais vers mais il adorait

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les arts et s'intéressait à l'avenir, aux idées, avec une liberté de jugement peu commune chez un prince.

Il admirait les Grecs et il se lança dans l'étude de l'espagnol, en 1818, l'année où naissait à Limerick celle qui deviendrait Lola Montez et lui coûterait son trône.

De vingt à trente ans, il vécut en Italie, dans une villa où il réunissait des artistes. Le sculpteur Schwanthaler, l'architecte Klenze. Il connut Canova, Angelica Kauffmann.

Voulant donner à sa ville une allure de grande capitale.

Il construisit des bâtiments gigantesques parmi lesquels la Glyptothèque, la Nouvelle Galerie d'Art, l'Ancienne Pinacothèque, l'Université, la Bibliothèque. Toujours fidèle à ses goûts, il fit élever des Propylées, en style dorique, qui commémorent la guerre d'indépendance de la Grèce et l'élection de son second fils Othon au trône de ce pays cher à son cœur. Non loin, il bâtit sa basilique, comme une basilique romaine. Il confia à Leo von Klenze le soin d'élever, dans la Résidence, le palais royal, un nouvel édifice, le Konigsbau, dans le style du palais Pitti et une salle des fêtes inspirée de la Renaissance italienne, dans le Hofgarten, le jardin de la cour.

Tous ces monuments rappellent la Renaissance italienne ou sont néo-classiques. Louis n'a pas essayé de dégager un style qui eût été celui de son époque. Son regard d'homme vivant dans l'imaginaire autant que dans le réel ne voyait-il pas ce que les architectes, les sculpteurs, ses contemporains, avaient ajouté de lourdeur et de vide aux formes anciennes ?

Louis Ier avait une nature de grand collectionneur et de mécène. C'est à lui que revient le mérite d'avoir groupé, pour les présenter au public, les trésors de l'an- cienne Pinacothèque. Il n'était pas rare de voir, dans son musée, le roi, un tableau à la main. Il allait l'accro- cher lui-même.

Jeune monarque, en 1837, il scandalisa l'opinion en se rendant à Weimar pour s'entretenir avec Gœthe. Comment un souverain catholique osait-il aller chez ce « vieil athée », antipatriote ?

Louis Ier osa beaucoup de choses au cours de sa vie.

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D'abord il avait le courage peu fréquent d'être lui-même avec ses goûts, ses sympathies, ses défauts, ses passions.

Le culte qu'il vouait à la beauté s'exprimait parfois d'étranges façons. Ainsi fit-il peindre par Stieler les fem- mes qu'il trouvait les plus belles de son temps. Les por- traits, au nombre de trente-six, constituaient « la Galerie des Beautés » qui ornait ses appartements de la Rési- dence et fut vite célèbre dans tout le royaume.

Toutes ces dames, différentes par leurs origines — il y avait la sœur du roi, l'archiduchesse Sophie, la fille d'un cordonnier de Traunstein, quelques beautés de la société anglaise, Lola Montez, une marquise italienne, la femme d'un boucher — vues par le même peintre, se ressemblaient un peu : peau claire, pommettes roses, cheveux bouclés, poitrine opulente.

En 1846, le roi devint amoureux de cette Lola Montez, fausse danseuse espagnole et vraie aventurière qui tranche par son éclat sur les autres ornements de la galerie.

Etait-elle un agent de la Prusse ou, comme on le disait aussi à Munich, celui de la franc-maçonnerie anglaise, à la solde de Palmerston ?

La maîtresse du roi était en tout cas une excentrique qui ne manquait pas de panache. Elle vidait ses bon- bonnières par les fenêtres, faisait couler son champagne sur les têtes des étudiants de l'Université de Munich manifestant devant chez elle, après le renvoi d'un de leurs maîtres hostile à celle qui s'était fait donner le titre de comtesse de Landsfeld. Son faste, le pouvoir qu'elle avait pris sur l'esprit du prince (ne disait-on pas qu'elle gou- vernait le royaume ?) parurent une véritable provocation aux Bavarois. Bientôt, suivant l'exemple des étudiants, toute la population de la ville se déchaîna contre Lola.

Dès les premiers jours de 1848, année où éclata par- tout en Europe la révolution, de forts mouvements popu- laires se dessinèrent à Munich pour séparer le monarque de la pseudo-danseuse.

Il n'était pas rare de voir un long vieillard, les che- veux au vent, vêtements et cravate noirs, qui se frayait un chemin à travers les manifestants honteux. C'était le roi en personne, sans escorte, qui se rendait chez sa

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maîtresse. Chacun s'écartait respectueusement sur son passage. Les cris cessaient. Il avait la démarche fière.

Il semblait ne rien remarquer.

Un soir, durant cette période troublée, sans doute désireux de savoir s'il recueillerait des ovations, Louis Ier se rendit au théâtre. Son courage suscita les clameurs.

Mais le lendemain, les manifestations reprirent de plus belle. Le roi fit fermer l'Université. Il y eut des barri- cades autour de la Résidence. La famille du duc Max en Bavière ne regagna pas le palais de la Ludwigstrasse après les vacances de Noël passées à Possenhofen et la petite Elisabeth, la future impératrice d'Autriche qui venait juste d'avoir dix ans, apprit peut-être par sa sœur aînée que la raison de ce changement dans les habitudes familiales était une horrible femme, une espèce de harpie aux longues griffes, venue d'un autre monde pour tourmenter l'oncle Louis.

En février, ne pouvant résister plus longtemps à la pression populaire, Louis accepta de faire partir Lola.

Un mois plus tard, séparé à jamais de son peuple, déses- péré par l'absence de la femme aimée, il abdiqua en faveur de son fils aîné. Maximilien régna sous le nom de Maximilien II Joseph. Il était le père du futur Louis II.

Enfermé dans la solitude des sourds, Louis Ier survécut vingt ans à la perte de son amour. Il retrouva la confiance des Bavarois, mena une vie retirée et studieuse. Cour- tois avec son entourage, il paraissait encore s'intéresser aux problèmes de l'avenir, mais il était dépossédé de son âme.

Il vit, en 1862, détrôner son fils Othon, en 1864, mourir son fils Maximilien II et couronner son petit-fils Louis II.

Tout cela ne le concernait plus.

Il voyagea. On le rencontra à Paris, aux côtés de l'impé- ratrice Eugénie, à l'exposition universelle de 1867. Il passa plusieurs hivers à Nice où il mourut le 27 février 1868.

Cet homme plein de contradictions, rigoureux envers soi-même, fantasque, passionné, était un vrai Wittelsbach.

Louis II, Elisabeth d'Autriche devaient se sentir de sa race. L'archiduc Rodolphe, qui avait presque dix ans à la mort de son illustre grand-oncle, entendit souvent

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prononcer son nom dans son enfance. Plus tard, l'histoire de ce roi exceptionnel hanta son imagination romantique.

Après son mariage, la sœur du roi Louis Ier, la duchesse Ludovica, s'était efforcée de devenir une femme raison- nable, puis, souvent fatiguée par ses maternités ou le souci de ses enfants dont elle assumait seule la respon- sabilité, elle avait sombré dans la banalité maussade.

Elle n'était pas jolie et fut bientôt sans éclat. Mais elle avait sans doute oublié la malédiction proférée le soir de son mariage et elle avait de bonnes relations avec son mari-cousin, qu'elle trouvait sans doute plus distrayant qu'un autre et dont elle appréciait la fantaisie.

Plus qu'elle, le duc Max était un Wittelsbach. Il en avait le charme et les désavantages. Petit, le nez sensuel, un grand front, de très grands yeux, une bouche charnue sous de fortes moustaches, il avait l'air à la fois gentil et inquiétant. Comme son beau-frère, le roi, il écrivait des vers.

A quinze ans, il avait composé une pièce de théâtre. Il publiait des nouvelles et des articles satiriques sous le pseudonyme de Phantasius. Il chantait en s'accompagnant à la cithare des chansons de son invention. Beaucoup plus que les cérémonies de la cour, il goûtait les réunions d'amis.

Groupés sous le nom des Chevaliers de la Table ronde, ses commensaux habituels étaient, pour la plupart, d'ori- gine bourgeoise. Parmi eux, Kaspar Braun qui fut le fondateur du « Fliegende Blaetter », le grand journal humo- ristique de Munich. Le duc Max croyait être un artiste et il entendait vivre avec la liberté que l'on accorde aux créateurs.

Cette liberté consistait à faire ce qui lui plaisait : dressage de chevaux et haute école, par exemple, et il avait construit, à côté de son palais, un manège où il conviait ses amis à admirer les quadrilles, les scènes de chasse qu'il présentait lui-même.

Dans un festival de la bière, à Bamberg, il rencontra celui qui serait son ami préféré, Johan Petzmacher, vio-

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loniste, fils d'aubergiste qui devint le musicien de sa cour et l'accompagnait dans ses déplacements. Car cet aris- tocrate tourmenté avait la passion des voyages et, comme son beau-frère Louis encore une fois, il admirait la Grèce ancienne et se plaisait sur les rives de la Méditerranée.

Quatre semaines après la naissance de sa fille Elisa- beth, la future impératrice d'Autriche, il partit pour l'Orient. Il visita l'Asie mineure, la Syrie, la Palestine.

En Egypte, toujours avec Petzmacher, il fut enthousiasmé par les Pyramides et, pour manifester leur émotion, les deux hommes jouèrent du violon et chantèrent au clair de lune. Au Caire, il acheta quatre négrillons qui devaient, selon lui, tenir compagnie à ses enfants. Tout Munich parla longtemps du baptême des petits noirs au retour du prince. Ce comportement explique celui qu'aura sa fille. Ils avaient le même genre d'excentricité.

De plus, le duc Max n'était pas un père comme les autres. Il aimait ses enfants mais ne s'occupait guère de leur éducation ou de leurs études. Il leur parlait de ce qui l'intéressait lui-même : la géologie, l'astronomie, la médecine. Surtout il les emmenait en promenade et leur apprenait à reconnaître les plantes, les étoiles, ou leur racontait de nombreux détails captivants sur la vie des animaux.

Possenhofen, le château du lac de Starnberg, à une trentaine de kilomètres de la capitale, qu'il acheta après son mariage, en 1834, était un lieu de séjour féerique pour les enfants. La maison, une grande bâtisse flanquée de quatre tours, un peu délabrée déjà, ne manquait pas de charme. Chacun s'y sentait libre. L'ordre était loin d'y être rigoureux. Enfants et domestiques circulaient à leur guise, abandonnant derrière eux jeux, objets divers, parfois insolites. Les chiens favoris de la duchesse mordillaient les fauteuils, éraillaient les tapisseries.

Il y avait toutes sortes de bêtes plus ou moins appri- voisées qui faisaient la joie d'Elisabeth et de ses frères et soeurs : une biche, des cochons d'Inde, des lapins, des poneys. Des vaches paissaient l'herbe des pelouses. Le

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parc, qui s'étendait le long du lac, était un refuge, les jours où le besoin de solitude poignait les cœurs.

Elisabeth s'y cachait souvent en l'absence de son père ou quand le duc oubliait de l'emmener dans ses grandes randonnées à travers la campagne bavaroise. Randonnées qui laissèrent à la petite fille de merveilleux souvenirs.

Elle était sa fille préférée. Tous deux n'avaient pas tardé à découvrir la complicité qui existait entre eux.

Dans toute la campagne du lac de Starnberg ou du lac Ammer on connaissait bien leurs silhouettes. Le duc se promenait toujours vêtu comme un montagnard tyrolien : culotte de cuir, gros souliers à clous, Wadelstriimpfe, ces sortes de bas qui laissent les chevilles et les genoux nus.

Il tenait par la main la petite fille au visage trop rond, pas jolie et qui grandissait trop vite.

Quand il l'emmenait à cheval, elle avait des allures de garçon manqué bien sympathiques. Ils s'arrêtaient chez les paysans ou dans des auberges de village, y prenaient une collation, se mettaient à chanter. Ces jours-là, les leçons attendaient et sa gouvernante, la baronne Wulfen, qui trouvait déjà que Sisi — on appelait ainsi la petite- fille — était la plus indisciplinée et la plus distraite de la famille, se lamentait.

Souvent, des petits enfants du voisinage entraient libre- ment à Possenhofen. Ils avaient même le droit de péné- trer jusque dans le cabinet de travail où le prince écrivait des vers. Là ils s'accrochaient à la table et écoutaient celui qui était en fait leur père à eux aussi leur parler des étoiles, des animaux, des pierres ou des plantes, comme il le faisait à ses enfants légitimes.

Il ne venait à l'esprit de personne de s'offenser de ces manières puisque la duchesse paraissait s'en accom- moder.

Elevée par des parents généreux, Sisi développa rapide- ment ses qualités de cœur et elle était, par nature, très charitable. Sa mère lui rappelait d'ailleurs souvent l'exem- ple de sa sainte patronne, Elisabeth de Hongrie, que l'on vénérait dans cette partie de la Bavière. L'éducation reçue dans cette famille si peu conventionnelle ne ressem-

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blait en rien à celle que sa tante, l'archiduchesse Sophie, avait fait donner à celui que Sisi devait épouser.

François naît le 18 août 1830, à Schônbrunn. Sa mère, l'archiduchesse Sophie, est âgée de vingt-cinq ans. Elle est très différente de sa sœur, la duchesse Ludovica.

Belle, séduisante, elle a en outre beaucoup de caractère et elle est ambitieuse. Elle a épousé, en 1824, l'archiduc François-Charles, second fils de l'empereur d'Autriche François Ier. Tout le monde dit que son mari sera l'héri- tier du trône. C'est la raison pour laquelle son père, le roi Maximilien, a tramé ce mariage.

En effet, le fils aîné, Ferdinand, est un pauvre malade, difforme, quasiment débile mental, souffrant de fortes crises d'épilepsie et incapable de régner. Le mari de Sophie n'est pas intelligent et ne s'intéresse pas à grand-chose.

Chaque matin, il rassemble ses six chevaux favoris. Des chevaux gris, pommelés, différents des autres chevaux de la cour, généralement blancs et de la célèbre race d'ori- gine espagnole de Lipizza. Il les dispose en demi-cercle, se place au centre et leur adresse un long discours. C'est sa manière à lui de penser tout haut, de décider ce que sera sa journée. Et sa journée est toujours la même : il fait atteler, surveille minutieusement cette besogne puis conduit lui-même son carrosse au Prater. Il n'est guère aimable et n'a. aucune attention pour sa jeune femme.

Au début de son mariage, Sophie écrit à sa mère avec une lucidité peu commune chez une fille de dix-neuf ans :

« Je ne suis pas heureuse, je suis satisfaite. » Elle rêve de la couronne d'Autriche, elle est prête à s'accommoder de tout, sachant ce qu'elle veut. Malheureusement la vie va se charger de lui apporter de pénibles déconvenues.

D'abord, elle reste six ans sans enfant, ce qui est dra- matique alors qu'elle se considère comme la future impératrice et devrait donner un héritier au trône. Puis, à la mort de François II, elle a la grande déception de voir le misérable archiduc Ferdinand préféré à son mari par Metternich. Mais le choc le plus profond est provo-

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qué par une nouvelle d'abord incroyable : son beau-frère, devenu l'empereur Ferdinand Ier, qu'on disait incapable d'avoir des descendants, épouse Maria-Anna de Savoie.

Sophie, qui se domine si bien et qui a eu déjà beaucoup d'occasions de s'aguerrir, va cacher son chagrin et la jalousie qu'elle pourrait éprouver. Elle imagine sans doute très vite qu'elle aurait intérêt à se lier avec cette jeune fille profondément attristée de voir son sort atta- ché à celui d'un infirme. Maria-Anna ne refuse pas son amitié qui lui rendra, plus tard, grand service et faci- litera ses plans.

Dans sa jeunesse, alors qu'elle était belle et très seule dans cette cour où l'on s'épiait, Sophie n'eut véritable- ment qu'un ami : le duc de Reichstadt, de six ans son cadet. Il était malheureux. En faut-il davantage pour séduire une femme ? Certains historiens, dont Octave Aubry, assurent qu'ils furent amants. Le confident du duc, le baron Prokesch-Osten, a affirmé : « Le duc de Reichstadt est descendu au tombeau sans avoir touché une femme. » Mais que valent les affirmations d'un ami toujours subjectives ? Et ce frêle jeune homme consumé par la maladie est-il le père de celui qui allait devenir François-Joseph, empereur d'Autriche ou du second fils de Sophie, Maximilien, le futur et infortuné empereur du Mexique qui naquit le 6 juillet 1832 ?

Le 20 juin de cette même année, peu de jours avant sa mort, le duc de Reichstadt reçut le viatique suprême et Sophie communia auprès de lui. Certains voulurent voir dans cette double communion un mariage spirituel in- extremis. Toute la cour remarqua la douleur de la jeune femme.

L'hostilité des autres et son propre isolement, après la perte de son ami, figèrent cette Wittelsbach passion- née dans une attitude de défense. Elle afficha des idées tranchantes et développa une étroitesse d'esprit qui éton- nait chez cette femme intelligente et encore jeune. Mère de quatre fils, elle s'intéressa aux questions politiques et suivit de près l action de Mettemich qui ne la ménageait

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pas. Elle avait abandonné l'espoir d'être impératrice mais elle voulait faire de son fils aîné un empereur.

Cette femme, qui avait en elle beaucoup de dons et qui s'était durement maîtrisée, s'attacha à modeler son Franzi, le futur François-Joseph, selon la convention la plus stricte. Comme elle avait une grande autorité, elle sut garder la haute main sur l'éducation de l'enfant. Peut- être sans en avoir tout à fait conscience, elle fit en sorte d'étouffer en lui le caractère Wittelsbach.

La cour de Vienne était soumise à l'étiquette espagnole, héritage de Charles-Quint, qu'avait introduite à la fin du xvie siècle Rodolphe II de Habsbourg ; la gouvernante des petits archiducs à leur naissance s'appelait une aya.

Celle des fils de l'archiduchesse Sophie était la baronne Louise de Sturmfeder.

A six ans, Franzi passa des soins attentifs, prodigués dans un esprit un peu militaire par l'excellente baronne, à ceux d'un ayo, le comte Henri de Bombelles.

Fils d'un émigré français, veuf, père d'une nombreuse famille, ce gouverneur avait été choisi par l'archiduchesse Sophie pour sa piété. Plus tard, après la Restauration, il retourna en France et il devint évêque. Il était le frère du comte Charles-René de Bombelles, grand-maître de la cour de l'empereur Ferdinand Ier, qui fut le troisième mari de Marie-Louise.

Le comte Coravi fut le précepteur en titre du jeune archiduc dont l'instruction militaire fut confiée au colonel von Hauslab, qui fit de son élève un remarquable cavalier.

Dès son jeune âge, Franzi adorait les soldats et la vie militaire. Peut-être fut-il aussi en cela encouragé par sa mère. Il préférait les heures passées avec le colonel à celles consacrées aux autres études.

Grand, très mince, l'archiduc François avait des che- veux blonds roux, des yeux bleus et les dames de la cour ne tardèrent pas à s'apercevoir qu'il était joli gar- çon et aussi bon danseur qu'excellent cavalier, chasseur et nageur. Avec la complicité de sa mère, ses maîtres le laissèrent très tôt succomber aux charmes de celles que l'archiduchesse Sophie baptisa « comtesses hygiéniques ».

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Son professeur de morale et de philosophie, le R.P. von Rauscher, qui devint plus tard prince-évêque de Vienne et qui ne voyait que sa carrière, ne songeait pas à contrarier le prince et ne tenta pas de freiner la sensua- lité du jeune homme.

L'archiduchesse Sophie, comme beaucoup de femmes, était plutôt fière des qualités viriles de son fils aîné qu'elle chérissait. Mais elle était trop fine pour accorder à ces performances une attention apparente. Elle s'inté- ressait chaque jour davantage aux divisions qui mena- çaient le pays car elle était, sans conteste, « l'homme de la famille ». Plus que les éducateurs qu'elle dirigeait, elle initia son fils à la politique et à l'histoire.

Quand François eut dix-sept ans, l'archiduchesse Sophie demanda à Metternich de donner lui-même des leçons au jeune homme. Elle était depuis longtemps prête à pactiser avec le chancelier pour assurer au mieux l'ave- nir de son fils. Au reste, elle n'avait plus la même hosti- lité qu'autrefois contre ce seigneur rhénan héritier des esprits philosophiques du XVIII* siècle et réfractaire de tout son être au romantisme. Elle partageait les vues du chancelier sur beaucoup de points en politique. Elle était persuadée que l'Autriche ne devait pas évoluer et devait rester pour l'Europe le modèle de l'Etat de l'ancien régime.

Deux fois par semaine, l'archiduc François se rendait à la Bail Platz, au ministère des Affaires étrangères. Son maître, le chancelier, l'initiait à la fois aux difficiles pro- blèmes des rapports avec les autres pays et à ceux, non moins difficiles, causés par les cruelles divisions de l'empire.

En 1784, l'empereur Joseph II avait fait de l'allemand la langue officielle de l'Etat et de l'administration. Cette réforme maladroite hanta les esprits dans l'empire autri- chien pendant le XIXE siècle. Elle fut le point de départ de la résistance des peuples non germaniques contre Vienne et l'administration allemande d'un régime conçu comme la monarchie française d'avant 1789.

Allemands, Magyars, Croates, Roumains, Serbes, Tchè-

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ques, étaient hostiles entre eux. Mais les Hongrois exi- geaient que le magyar fut proclamé langue officielle, les Tchèques voulaient que leur langage eût droit de cité et Marmont avait encouragé, dans toute l'Illyrie, le déve- loppement des langues slovaques et croates.

Metternich, tenant du pouvoir absolu, ne cherchait nulle- ment une solution au problème des nationalités et son élève apprit à vouloir maintenir l'Europe telle qu'il l'avait édifiée en 1815.

Avec ses vingt-huit millions d'habitants rassemblés sur un seul bloc de 778 000 km2 de territoire, l'Autriche d'après le Congrès de Vienne était d'une force sans égale, plus puissante même que la Russie encore à demi asiatique. Mais un pays évolue et, comme Metternich, le jeune archiduc François se refusait à voir le changement.

L'influence du chancelier fut si forte sur son esprit que, pendant toute sa longue vie, il manifestera la même totale incompréhension des situations nouvelles et le désir de revenir aux formules de l'ancien régime et de la monarchie absolue. Cette politique timorée, peu réa- liste et finalement destructrice, coïncidait avec le tempé- rament pusillanime de l'empereur, jaloux de ses préro- gatives et désireux de ne jamais rien abandonner de ce qui lui appartenait.

L'Autriche avait déjà beaucoup changé quand éclata la révolution de 1848 qui devait porter le jeune archiduc au pouvoir. Malgré la police qui continuait à déployer, dans la surveillance et la censure, une activité aussi grande qu'à l'époque où Seldnitzky l'avait organisée sur l'ordre de Metternich, une agitation couvait depuis longtemps en différents points de l'empire.

Un mois avant la révolution du 24 février à Paris, il y eut à Milan « l'émeute des Fumeurs ». Puis, alors que la guerre s'était étendue au Piémont, la révolte éclata en Hongrie, en Bohême, enfin à Vienne même, le 13 mars.

Partout, la répression fut terrible.

Elle commença par la Bohême où fut envoyé le maré- chal Windischgraetz. Ce fut ensuite le tour de Vienne où

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depuis le départ précipité de Metternich, le 15 mars, l'agitation n'avait pas cessé malgré les concessions faites par le gouvernement et la Constituante élue au suffrage universel. La cour était réfugiée à Olmütz. Le 21 novem- bre, le beau-frère de Windischgraetz, le prince Félix Schwarzenberg, devint Premier ministre.

Après l'écrasement sanglant de la révolte qui venait de se produire, il était évident que Ferdinand Ier devait abdi- quer. L'archiduc François-Charles ne paraissait pas du tout en mesure d'assurer la lourde succession tandis que son fils aîné, entraîné par sa femme l'archiduchesse Sophie et Metternich, était prêt à prendre le pouvoir. Avec l'aide de l'impératrice Maria-Anna, demeurée son amie, Sophie parvint à persuader son beau-frère d'abdiquer en faveur de François qui avait eu dix-huit ans durant ce cruel été passé à Innsbruck, en demi-exil.

Le 2 décembre 1848, à la fin de la cérémonie qui se déroule à huit heures du matin dans le palais épiscopal d'Olmiitz, François, pour qui Ferdinand Ier et l'archiduc François-Charles viennent de renoncer à leurs droits au trône, s'écrie : « Adieu, ma jeunesse ! » Il est conscient du poids de sa tâche. Il met tout en œuvre pour recon- quérir son empire selon les méthodes employées avant lui. Il fait appel au tsar Nicolas Ier pour redevenir maître de la Hongrie où, en avril 1849, la Diète a voté la déchéance des Habsbourg et proclamé l'indépendance. Son gouver- nement fait emprisonner, fusiller et pendre les membres de l'aristocratie magyare qui ont participé à la lutte.

Le rétablissement de l'autorité autrichienne en Italie est aussi terrible, accompli avec une violence qui ne ménage pas l'avenir. François-Joseph souscrit à la théorie du prince Schwarzenberg : « La base du gouvernement est la force, non les idées. » Les maréchaux Windisch- graetz, Radetzky, d'autres militaires, Jellachich et Hayman, sont les amis de sa mère. Et « il faut maintenir toutes les nationalités de la monarchie dans un état bien réglé d'égal mécontentement », dit de son côté le comte Taaffe, le père de son ami d'enfance.

Dès mars 1849, François-Joseph dissout l'assemblée

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constituante qui a été reléguée à Kremsier, en Moravie.

Il promulgue une nouvelle constitution qu'il ajourne aussitôt. Le régime policier instauré par Metternich est maintenu. Il est impossible de se procurer sur le terri- toire autrichien les œuvres de Victor Hugo ou bien l' « Histoire de la Révolution française » de Thiers. La police recherche par voie d'affiches les détenteurs de pareils ouvrages.

L'empereur, qui a toujours connu ces conditions de vie, n'en imagine pas d'autres. Dès le début de son règne, il lit avec grande attention les très nombreux rapports de police qui lui sont adressés. Il trouve ce système parfaitement naturel, pratique, et il en usera toute sa vie.

Par caractère, il s'intéressait beaucoup aux questions de détail. Il avait le sentiment, étant tenu au courant des plus menus faits. et gestes de ses ministres, des mem- bres de sa famille et des principales personnes de qua- lité, qu'il manipulait parfaitement les rouages de son empire.

Plus encore que Metternich, sa mère, qui en avait pour- tant souffert dans sa jeunesse, lui avait communiqué ce goût du rapport et de l'information secrets. Il ne le per- dit en aucune circonstance.

La mère et le fils étaient très liés. Ils avaient beaucoup de points communs. Malgré les cruels événements récents, ils se sentaient soutenus par la ferveur des Viennois qui appréciaient le couple qu'ils formaient, aristocratique et traditionaliste. Grâce à sa mère, François-Joseph savait donner à son peuple l'image que celui-ci désirait admi- rer. Il était également un prince pieux et S. E. von Rauscher, devenu prince-archevêque de Vienne, était un familier de l'archiduchesse Sophie. On le répétait.

Plus que les autres peuples, les Autrichiens avaient le sens du spectacle et de la fête. Ils étaient attachés à la famille régnante, incarnant toute la pompe du cérémonial espagnol qui leur plaisait tant. Déjà au XVIIIe siècle, Lady Montague remarquait que « les Viennois ne s'ani- ment que sur des questions d'étiquette ».

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Vivant dans cette atmosphère de louanges et d'admira- tion, la mère, comme le fils, trouvaient que le Premier ministre ne leur convenait pas tout à fait. Ils le jugeaient trop voyant. Pourtant, Schwarzenberg était dans la tra- dition metternichienne. D'une vive intelligence et très conscient des graves problèmes auxquels son empereur devait faire face, il montrait toujours à la fois de l'ha- bileté et de la force. Dès novembre 1850, à l'entrevue d'Olmütz avec le ministre prussien Manteuffel, il redonna à l'Autriche la présidence de l'ancienne confédération ger- manique qu'il avait réussi, non sans peine, à reconsti- tuer. Par tempérament, il s'intéressait peu à la politique intérieure. Il avait un profond mépris des hommes.

François-Joseph n'avait pas envie d'un règne comme celui de son oncle ou de son grand-père, à l'ombre de Metternich. Il n'eut besoin d'aucune démarche pour se séparer de son ministre.

Dix-huit mois après l'entrevue d'Olmütz, Schwarzenberg mourut brusquement. L'empereur ne désirait pas du tout changer la ligne de son gouvernement et le choix qu'il fit le montre avec netteté. Il nomma Premier ministre un homme sans envergure, le comte de Buol-Fauenstein («l'ignorance de Buol en affaires est vraiment incroya- ble », devait dire plus tard Bismarck) et Bach, qui entendait germaniser toutes les minorités nationales, ministre de l'Intérieur.

Le jeune empereur mène une politique de prestige à courte vue. Il ne tarde pas à courir de grands risques par son acharnement à maintenir une situation que les faits extérieurs ont transformée. Sa mère est en grande partie responsable de cette attitude. Elle a utilisé toutes les facilités que l'étiquette de la cour lui fournissait pour l'astreindre à penser comme elle le souhaitait.

Pourtant, au printemps 1852, pour la première fois, un différend oppose la mère et le fils. François-Joseph est amoureux d'une de ses cousines, Elisabeth, veuve du duc de Modène-Este, et fille de Joseph-Antoine-Jean, prince royal de Hongrie et de Bohême, archiduc d'Autriche, dernier palatin.

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L'archiduchesse Sophie ne veut pas entendre parler de ce mariage. Pour elle, pour les Autrichiens, la princesse est hongroise. Son frère, l'archiduc Etienne a même été jusqu'à soutenir le comte Louis Batthyany, ce qui ne peut s'oublier. Les événements de 1848-1849 ont créé entre Autrichiens et Hongrois des sentiments de haine qui paraissent insurmontables. Dans l'entourage de l'empe- reur, on parle toujours du général Lamberg assassiné à Pest, en 1848, sur le pont suspendu, de la sœur du prince Schwarzenberg, épouse du maréchal Windischgraetz, tuée chez elle d'une balle perdue pendant les jours de l'insur- rection de la capitale hongroise.

L'affreuse histoire Batthyany, d'autre part, illustre à la fois la cruauté des représailles et la rancœur autri- chiennes.

Le comte Louis Batthyany, président du Conseil des ministres hongrois pendant la période d'indépendance de son pays, au retour des Autrichiens, avait été emprisonné.

Le procureur général, n'ayant rien pu retenir contre lui, proposa à Vienne d'abandonner le procès mais il lui fut immédiatement répondu par voie télégraphique : « Qu'il soit ou non déclaré coupable, Batthyany doit être pendu. » François-Joseph écarta la requête de la comtesse Bat- thyany implorant la grâce de son mari. Le prisonnier tenta alors de s'ouvrir la gorge avec un poignard que lui avait fait parvenir sa femme et c'est son corps ensan- glanté que l'on fusilla sur l'ordre de l'empereur.

Après l'exécution, la comtesse Batthyany maudit Fran- çois-Joseph : « Que Dieu le frappe dans tous ceux qu'il aime, dans toute sa lignée », proféra-t-elle.

François-Joseph ne changea pas d'attitude avec le temps.

Quiconque portait atteinte à son pouvoir absolu méritait la mort, il en demeura convaincu. Aussi ne souhaitait-il pas le changement de position du régime à l'égard de la Hon- grie qu'eût entraîné son mariage.

Il était amoureux mais il ne pouvait pas s'opposer aux raisons que lui donnait l'archiduchesse Sophie qui haïs- sait les Hongrois. Même tout-puissant, il ne pouvait aller contre les sentiments de son peuple. Il ne devait jamais décevoir l'Autriche. Sa mère était une femme qui savait,

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en paroles, frapper des effigies. Ses discours portaient sur son fils et François-Joseph lui devait le prestige qui s'enracina si bien à Vienne qu'il n'a pas encore disparu aujourd'hui.

François-Joseph fut contrarié mais il se consola rapi- dement. A l'automne de cette même année 1852, il fit la connaissance, à Berlin, d'une nièce du roi de Prusse, la princesse Anna.

Cette fois, l'archiduchesse vit d'un bon œil son projet de mariage et elle écrivit même à sa sœur Elisabeth, qui avait épousé un Hohenzollern, le roi Frédéric-Guillaume IV de Prusse, pour lui demander son aide.

Une union entre la Prusse et l'Autriche lui paraissait une solution inespérée, un excellent moyen d'apaiser la rivalité entre les deux pays. La Prusse était la clé du problème allemand toujours présent au premier plan des difficultés.

La reine Elisabeth intervint volontiers en faveur de son neveu mais le parti des Junkers s'opposa violemment à ce mariage. Bismarck, qui était alors ambassadeur de Prusse auprès de la Diète de Francfort, ne voulait surtout pas renforcer les liens avec l'empire des Habsbourg et il avait, au contraire, le secret désir de briser la Confédé- ration allemande. Vis-à-vis de la cour d'Autriche, on inventa des prétextes : un impossible changement de reli- gion pour-la princesse qui était protestante et un enga- gement antérieur avec le prince de Hesse-Cassel.

Ces projets demeurés plus ou moins vagues et qui avaient été, au départ, plus ou moins hasardeux, décidè- rent l'archiduchesse. Le temps de marier l'empereur était venu. Il fallait que celle que toute la cour appelait « Unsere Kaiserin », notre impératrice, prît une initiative.

A plusieurs reprises, en recevant des lettres de sa sœur, la duchesse Ludovica en Bavière, elle avait pensé que la fille aînée de la duchesse, Hélène, dite Nené, était capable de devenir une bonne épouse. L'état florissant de la Bavière l'incitait à croire le moment propice pour un

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nouveau rapprochement entre les Habsbourg et les Wit- telsbach. La Bavière serait au sein de la Confédération germanique une alliée précieuse pour l'Autriche qui se sentait menacée par l'ambition prussienne.

Nené avait quatre ans de moins que François-Joseph.

Elle était une grande fille, belle, aux traits réguliers, sérieuse, pleine de qualités raisonnables que sa tante Sophie avait eu le temps d'observer, ce triste été 1848 où Ludovica était allée passer quelques jours avec ses deux filles aînées à Innsbruck, auprès de la cour.

François n'avait gardé aucun souvenir du séjour de ses cousines. Il était alors trop absorbé par la gravité de la situation politique. Mais Charles-Louis, le troisième fils de l'archiduchesse Sophie, était tombé sous le charme de la jeune Sisi alors à peine âgée de onze ans et qui, effectivement — sa tante s'en souvenait — était douée de toutes les séductions, malgré une figure ronde pas très jolie et des manières pas très civilisées.

Depuis cette rencontre, une correspondance s'était éta- blie entre les deux enfants. Pour remercier d'une bague et d'une rose, Sisi envoyait, sur un joli papier dentelé et orné de fleurs, une lettre où, d'une écriture enfantine, elle parlait aussi de sa vie à Possenhofen, de son lapin appri- voisé, de son faon. Charles-Louis expédiait des réglisses ou bien un papillon épinglé sur un bouchon ou encore la montre avec la chaîne dont rêvait la petite fille. Il reçut, un jour, une bague de cuivre avec un morceau de verre rouge, un faux rubis pêché avec un aimant dans un baquet de fête foraine en Bavière. L'archiduchesse Sophie avait suivi sans déplaisir le déroulement de cette flamme innocente. Elle en riait plutôt.

Quand elle repensa sérieusement à une union possible de François et de Nené, elle écrivit à Ludovica pour l'in- viter, ainsi que Max, au mois d'août. Elle ne mentionna pas Sisi.

Cette année-là, 1853, une autre sœur de l'archiduchesse Sophie, Elisabeth, la reine de Prusse, était également invitée en séjour avec son neveu Louis de Hesse. La reine de Prusse était la marraine de Sisi. Est-ce pour cette

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raison qu'il vint à l'esprit du duc Max de désirer voir sa seconde fille le remplacer dans ce voyage ?

Il n'avait aucune envie de passer quelque temps auprès de ses belles-sœurs et de son beau-frère. Sa liberté d'ar- tiste le lui interdisait sans doute.

Pourtant ces vacances d'été étaient le seul moment de l'année où la famille de l'empereur menait une vie sim- ple. François-Joseph partait avant l'aube dans les monta- gnes environnantes pour chasser le chamois, sa distrac- tion favorite. Il en avait pris l'habitude dès son adoles- cence.

Chaque été, l'archiduchesse Sophie s'installait dans cette petite station thermale du Salzkammergut avec l'archiduc François-Charles et leurs quatre fils. L'en- droit était joli et reposant, la vallée située entre deux pentes boisées, verdoyantes. Ils louaient toujours la même grande maison, la villa Eltz, meublée dans le style Bieder- meier que Sophie aimait bien, avec un jardin qui descen- dait vers la rivière, la Traun.

Depuis qu'il était empereur, son fils aîné logeait avec sa suite chez le maire qu'il connaissait depuis l'enfance et qui l'accompagnait à la chasse. Mais il prenait toujours ses repas dans la villa de ses parents.

A vingt-trois ans à peine, l'empereur, tout occupé des affaires politiques, est prêt à présent à s'en remettre aux initiatives de sa mère en ce qui concerne sa vie person- nelle. Il va bientôt partir pour Ischl comme prévu.

Le 10 août, alors que sa tante Ludovica commence ses bagages et passe en revue les toilettes neuves de Nené, on célèbre à Vienne le mariage par procuration du duc de Brabant qui deviendra douze ans plus tard Léopold II roi des Belges, avec Henriette d'Autriche, la sœur de cette Elisabeth dont François-Joseph était épris l'année précé- dente. De cette union naîtra Stéphanie qui sera un jour l'épouse de l'archiduc Rodolphe, le prince héritier, fils de l'empereur.

Le projet de l'archiduchesse Sophie est connu des Wit- telsbach. On n'en parle pas ouvertement mais la duchesse Ludovica est toute à la joie d'imaginer Nené impératrice

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d'Autriche. Quelle magnifique revanche pour elle sur un sort qu'elle n'a cessé de trouver injuste ! L'hiver à Munich s'est passé en leçons de toutes sortes, afin de parfaire l'éducation de Nené. Une future impératrice doit mieux connaître les langues, la musique. On lui donne des pro- fesseurs de danse, de maintien. On lui commande des robes. Elle passe d'un essayage à une leçon et autour d'elle tout le monde s'agite.

La jeune fille s'est prise à rêver. Elle a dix-neuf ans et certainement l'autorité qui sied à une impératrice, mal- gré la grande timidité contre laquelle elle lutte. Elle est plus froide, plus renfermée que sa sœur de quinze ans.

Elle paraît plus solide. Elle ne perd pas la tête au milieu de l'émoi général, des conseils et des éclats de triomphe de sa mère. Pourtant, elle a très envie de ce qui va, dit-on, lui arriver. Elle s'applique à faire tout ce qu'on attend d'elle. Sa tante Sophie ne s'est pas trompée. C'est une fille sûre, consciencieuse et secrète.

Le 15 août 1853, la lourde berline du duc Max en Bavière emporte la jeune princesse, la duchesse Ludovica et Sisi vers ce séjour autrichien qui doit être décisif pour l'ave- nir de Nené. Au moment des adieux, tous les enfants, sauf Louis-Guillaume qui a rejoint son régiment, entourent le père et les voyageuses. Sans le dire, la famille, les ser- viteurs, qui tous savent, ont conscience de la solennité de cette séparation. Personne ne peut prévoir que le destin va déjouer des plans qui paraissent raisonnables.

Cette petite fille à laquelle personne n'accorde encore d'intérêt n'est pas une enfant comme les autres. Elle vit dans un univers poétique, soumis aux signes mysté- rieux de la destinée. Ses parents le savent, sans aucun doute, car ils sont l'un et l'autre sensibles à sa nature vulnérable et passionnée qui lui vient de leur héritage commun. Certainement Sisi quittant Possenhofen ne se doute pas de ce qui l'attend.

Pendant le voyage, s'abandonnant à une excitation joyeuse, elle se comporte comme une petite fille. Elle mouille ses souliers et sa robe à la fontaine du relais

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Achevé d'imprimer le 27 février 1978 . sur les presses de

l'Imprimerie Carlo Descamps Condé-sur-l'Escaut

Dépôt légal : 2e trimestre 1967 N° d'éditeur : 177 N° d'imprimeur : 1507 ISBN : 2-262-00108-1

Imprimé en France

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