Rapport de laboratoire Déphasage dans un circuit RC
Denis Morris Université de Sherbrooke
janvier 2016
Introduction
Le condensateur est un élément réactif dont la caractéristique courant-tension fait intervenir une dérivée par rapport au temps. L’impédance du condensateur est purement imaginaire et dépend de la fréquence de l’onde d’excitation. C’est cette propriété du condensateur qui est exploitée dans plusieurs circuits de traitement des signaux, dont les circuits RC. Lorsqu’on excite un tel circuit à l’aide d’une onde de tension sinusoïdale, on s’attend à mesurer aux bornes du condensateur une amplitude de tension et une phase qui dépendent de la fréquence de l’onde source. Dans ce laboratoire, on cherchera à vérifier expérimentalement la loi du comportement en fréquence du déphasage entre le signal aux bornes deC et le signal source appliqué à la combinaison série RC.
Théorie
R
Ve C VC
Figure 1: Circuit RC.
Le circuit RC, illustré ci-dessus, est excité à l’aide d’une source de tension émettant une onde sinusoïdale de fréquence ajustable. Pour obtenir la loi du déphasage entre les signaux VC(t) et Ve(t), il faut d’abord écrire l’expression de la tension de sortie aux bornes du condensateur. Cette valeur complexe est donnée par le diviseur de potentiel suivant :
V˜C =Ve
ZC R+ZC
=Ve
1/iωC
R+ 1/iωC
=Ve
1 iωRC+ 1
=Ve
1−iωRC 1 + (ωRC)2
! (1) SiVe(t) =Vecos(ωt), alors la tension de sortie réelle s’exprime ainsi :
VC(t) = Ve
1 + (ωRC)21/2
cos(ωt+φ) (2)
L’angle de déphasageφentre le signal de sortieVC(t) et le signal d’entréeVe(t) est donnée par
tanφ= Im( ˜VC)
Re( ˜VC) =−ωRC (3)
Partie expérimentale
R CH2 Ve C
CH1
Figure2: Circuit de mesure RC.
Ve : générateur (Rigol, modèle DG1022) R= 1002±1 Ω (mesurée au Fluke 87) C = 102±1 nF (mesurée au Fluke 87) CH1 : signal de sortie lu à l’oscilloscope CH2 : signal de la source lu à l’oscilloscope
Le circuit utilisé est alimenté par une onde sinusoïdale et les mesures des signaux alternatifs sont lues à l’oscilloscope. Le mode de couplage CC est utilisé pour chacun des canaux. En représentation XY (CH1 en Y et CH2 en X) une figure de Lissajous est obtenue.
Le gain d’échelle (V/div) a été ajusté afin d’obtenir une figure de Lissajous centrée et couvrant tout l’écran de l’oscilloscope. Des mesures de l’ordonnée à l’origine de la figure de Lissajous ont été prises pour une dizaine de fréquences, comprises entre 100 Hz et 50 kHz. L’angle de déphasage φ (voir figure ci-dessous) est donné par l’expression suivante : sinφ = N0/Nmax . Cette figure de Lissajous a été tracée pour une fréquence de 1 kHz à l’aide du simulateur PSPICE.
0V
0V 0.5V
0.5V 1.0V
1.0V -0.5V
-0.5V -1.0V
-1.0V
Nmax Nmaxsin φ
N =0
Figure 3: Simulation PSPICE d’une figure de Lissajous.
Résultats
Le tableau suivant présente les données expérimentales ainsi que les valeurs calculées de l’angle de déphasage.
Fréquence
0.1 0.6 0.05 0.01 -8.6
-10.1 -13.0 -19.0 -25.2 -30.0 -35 -39 -42 -51 -53 -58 -61 -72 -77 -84 0.01
0.01 0.01 0.01 0.01 0.01 0.01 0.02 0.02 0.02 0.02 0.02 0.02 0.02 0.02 0.15
0.18 0.23 0.33 0.43 0.50 0.58 0.63 0.68 0.78 0.80 0.85 0.88 0.95 0.98 0.995 0.05
0.05 0.05 0.05 0.05 0.05 0.05 0.05 0.05 0.05 0.05 0.05 0.05 0.05 0.05 0.7
0.7 0.7 0.8 0.8 0.9 0.9 1 1 1 1 2 2 2 3 5 10 0.9
1.3 1.7 2 2.3 2.5 2.7 3.1 3.2 3.4 3.5 3.8 3.9 3.98*
0.2 0.3 0.5 0.7 0.9 1.1 1.3 1.5 1.8 2.1
4.0 0.05
2.5 3 5 10 30
(kHz) (#div) (#div) (#div) (#div) (degrés) (degrés)
(Y) φ∗ (φ)
∆ ∆
(N )
∆ 0
N0 Y=sin(φ)
(N )
∆ max Nmax
Tableau 1: Mesures expérimentales et valeurs calculées.
Note1 : Les incertitudes sur le Nmax et N0 ont été estimées à la moitié d’une sous-division (soit 0.05 grosse div.).
*Note2 : À 30 kHz, la valeur de l’ordonnée à l’origine a été intentionnellement posée à 3.98 (<à 4 divisions), afin d’éviter que l’incertitude sur la fonction Arcsin(x) diverge.
*Note2 : Un signe (-) a été ajouté à la phase calculée car la figure de Lissajous expérimentale ne permettait pas de déterminer ce signe du déphasage.
Calcul de l’incertitude de la phase
L’équation suivante a été utilisée pour le calcul de l’incertitude surY = sinφ et surφ.
4Y =Y ×
"4N0 N0
2
+
4Nmax Nmax
2#1/2
4φ= ∂φ
∂Y
· 4Y = 1
√
1−Y24Y (4) Le graphique suivant montre le résultat du déphasage calculé en fonction de la fréquence (pour une échelle log en X). L’incertitude sur les valeurs de R et C affectent très peu les valeurs du déphasage théorique.
Figure 4: Déphasage en fonction de la fréquence d’un filtre RC passe-bas.
Discussion et analyse des résultats
La figure [4] compare la courbe expérimentale de l’angle de déphasage à la courbe théorique calculée à l’aide de l’équation (3). On note que le déphasage est nul à basse fréquence et que sa valeur décroit de façon monotone entre 0 et -90o. Le déphasage provient de l’impédance réactive du condensateur ou de la relation entreI(t)etV(t) pour ce composant.
Le déphasage nul observé à basse fréquence est cohérent avec le fait que ZC → ∞, donc VC(t)≈Ve(t). La valeur de−90o obtenue à haute fréquence provient du fait que le courant I(t) traversant le circuit a atteint son avance de phase maximal (π/2). Finalement on constate que le déphasage passe bien par une valeur de −45o à la fréquence de coupure, donnée par 1/2πRC = 1.59 kHz.
Ce graphique montre que la fonction théorique reproduit très bien les valeurs expérimen- tales. Les barres d’incertitudes à grande fréquence sont très importantes, considérant que la fonction arcsin(Y) diverge près de Y = 1. On note un léger désaccord entre théorie et expérience à basse fréquence. Cette différence peut provenir de la perturbation du signal par l’impédance d’entrée de l’oscilloscope. En effet à 100 Hz, l’impédance du condensateurC du circuit est∼ −i×0.16 MΩ. Cette valeur s’approche de l’impédance d’entrée de l’oscilloscope (1 MΩ). De plus, pour une fréquence qui s’approche de zéro, la fonctionφ= arctan(−ωRC) est très sensible à l’argument de la fonction arctan, qui dépend de l’impédance effective du condensateur (avec Zin de l’oscilloscope).
Conclusion
Cette expérience a permis de vérifier que le déphasage entre le signal de tension aux bornes de C et le signal source appliqué à la combinaison série RC est bien de la forme φ = arctan(−ωRC). La mesure de la phase déduite de l’analyse des figures de Lissajous donne suffisamment de précision pour tirer une telle conclusion.