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Encéphalopathie de Gayet Wernicke secondaire à une intolérance au Méthotrexate : une sérieuse complication des vomissements chroniques

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Revue Marocaine de Rhumatologie

CAS CLINIQUE

Résumé

L’encéphalopathie de Gayet-Wernicke (EGW) est une complication sévère d’un déficit en thiamine. Le diagnostic peut être difficile à porter en raison de formes cliniques frustes ou atypiques. Bien qu’elle soit souvent associée à l’alcoolisme chronique, elle peut aussi survenir dans toutes les situations qui entraînent un déficit en thiamine : dénutrition, vomissements chroniques, jeûne prolongé, et alimentation artificielle exclusive. C’est une complication rare, réversible si la prise en charge est rapide. Nous rapportons un cas d’encéphalopathie de Gayet-Wernicke survenue chez une patiente suivie pour polyarthrite rhumatoïde établie traitée par Méthotrexate. Des vomissements chroniques incoercibles dans un contexte d’intolérance digestive au Méthotrexate en constituent la seule cause retrouvée.

MOTS CLÉS

:

Encéphalopathie de Gayet Wernicke; Méthotrexate; polyarthrite rhumatoïde.

Abstract

Gayet-Wernicke’s encephalopathy is a serious complication of thiamine deficiency.

The diagnosis may be difficult because of frustrating or atypical clinical forms. Chronic alcoholism is recognized as the most commun cause of Gayet-Wernicke’s encephalopathy, but other causes including malnutrition, chronic vomiting, prolonged fasting, and exclusive artificial feeding have been documented. It is a rare complication that can be reversible if the care is fast. We report a case of Gayet-Wernicke’s encephalopathy complicating uncontrollable vomiting secondary to severe Methotrexate intolerance in a patient with rheumatoid arthritis.

KEY WORDS : Gayet-Wernicke’s encephalopathy; Methotrexate; rheumatoid arthritis.

Correspondance à adresser à : Dr. H. Sahraoui Email : fmpm2006.hs@gmail.com

Disponible en ligne sur www.smr.ma

Encéphalopathie de Gayet Wernicke secondaire à une

intolérance au Méthotrexate : une sérieuse complication des vomissements chroniques

Gayet Wernicke’s encephalopathy secondary to Methotrexate intolerance: a serious complication of chronic vomiting

Houda Sahraoui, Imane El Bouchti

Service de Rhumatologie, CHU Mohamed VI, Marrakech, Maroc.

Rev Mar Rhum 2020; 51:68-71 DOI: 10.24398/A.358.2020;

L’encéphalopathie de Gayet-Wernicke est une affection neuropsychique aiguë et sévère décrite pour la première fois par wernicke en 1881. Elle est due à une carence en thiamine. Son diagnostic est assez souvent retardé, voire oublié. Classiquement, elle associe un syndrome confusionnel, des troubles oculomoteurs et un syndrome cérébelleux dans un contexte d’alcoolisme chronique ou

de malnutrition. L’imagerie par résonnance magnétique confirme le diagnostic. Nous rapportons un cas d’encéphalopathie de Gayet Wernicke compliquant des vomissements incoercibles secondaire à une intolérance digestive sévère au Méthotrexate.

OBSERVATION

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Il s’agit d’une patiente âgée de 47 ans, suivie depuis 6 mois pour une polyarthrite rhumatoïde établie évolutive depuis 22 ans. Elle a été mise sous Méthotrexate à la dose de 15 mg / semaine, 1 mois avant son admission en hospitalier pour la prise en charge d’une polyarthrite aigue fébrile (T°

à 39,8°C) associée à une intolérance digestive sévère au Méthotrexate avec un score MISS (Methotrexate intolerance severity score) à 8. La symptomatologie digestive était faite de vomissements incoercibles post-prandiaux précoces compliqués d’un syndrome de Mallory weiss. Il n’y avait pas de douleurs abdominales ni de troubles du transit. L’abdomen était légèrement sensible à la palpation. Il n’y avait pas d’hépatomégalie ni splénomégalie. Les aires ganglionnaires périphériques étaient libres. L’hémogramme montrait une hyperleucocytose à 13000/mm, une thrombocytose à 583000/mm et une anémie normochrome normocytaire arégénérative avec une hémoglobine à 10,9 g/dl. La vitesse de sédimentation (VS) et la C reactive proteine (CRP) étaient augmentées avec des valeurs respectives de 95 mm la première heure et 230 mg/l. La procalcitonine était élevée à 6,73 ng/ml. La ponction du liquide articulaire objectivait un liquide inflammatoire à 6000 leucocytes/mm, avec présence de cocci gram positif. L’ionogramme objectivait une hypoalbuminémie à 22,3 g/l, une hypokaliémie à 2,9 mmol/l et une normonatrémie à 140 mg/l. La fonction rénale, les explorations fonctionnelles hépatiques, la calcémie et la glycémie étaient normaux. Le myélogramme objectivait une macrocytose avec des stigmates de carence en vitamine B12 ou en folates. Le dosage de la vitamine B12 était normal (> 2000 pg/ml) et les folates étaient abaissés à 0,81 ng/

ml (normal : 4,8- 37,2 ng/ml). Dans le cadre du bilan

étiologique des vomissements chroniques, l’échographie abdominale objectivait une vésicule biliaire multi-lithiasique non compliquée. L’endoscopie œsogastroduodénale mettait en évidence une oesophagite non sévère, une hernie hiatale par glissement et une pangasrite érythémateuse pétéchiale au niveau fundique. La zone sous cardiale n’a pas été explorée du fait de la stase témoignant d’une gastroparésie. Le transit œsogastroduodénal n’a pas montré d’obstacle. Les autres causes extra-digestives de vomissements notamment l’insuffisance surrénalienne aigue et l’hypertension intra-crânienne ont été écartées. La patiente a été mise sous bi-antibiothérapie par voie intra-veineuse (ceftriaxone + gentamycine puis relais par ciprofloxacine) associé aux mesures de correction des troubles hydro- électrolytiques. Malgré le traitement symptomatique, les vomissements persistaient. Un mois après le début de son hospitalisation, elle a présenté une désorientation temporo- spaciale, une somnolence, un nystagmus horizontal et des crises de vertiges rotatoires avec des hallucinations visuels et des troubles de mémoire. Les forces musculaires aux quatres membres étaient diminuées à 3/5 avec des réflexes ostéo-tendineux abolis aux deux membres inferieurs. Une encéphalopathie de Gayet-Wernicke a été évoquée. Une imagerie cérébrale par résonance magnétique a été réalisée en urgence. Des anomalies de signal bilatéral et symétrique ont été retrouvées au niveau des deux thalamis, des corps mamillaires et péri acqueducal en iso signal T1, hyper signal T2, Flair et diffusion associées à une prise de contraste mamillaire et des faisceaux para hippocampique (figure 1). L’électroneuromyographie (ENMG) était en faveur d’une neuropathie motrice axonale aux 4 membres. Le dosage Encéphalopathie de Gayet Wernicke secondaire à une intolérance au Méthotrexate : une sérieuse complication des vomissements chroniques

Figure 1 : Présence d’un hyper signal Flair au niveau des corps mamillaires (a), des deux thalamis (b), et péri acqueducal (c)..

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CAS CLINIQUE

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de la vitamine B1 qui était abaissé à 24 nmol/l (78- 185 nmol/l) confirmait le diagnostic. Un traitement à base de thiamine intraveineuse a été instauré en urgence, à la dose de 500 mg trois fois par jour pendant 3 jours, puis 200 mg trois fois par jour pendant 3 jours, puis 100 mg trois fois par jour pendant 3 jours. L’évolution était marquée par une amélioration clinique des vomissements, de la confusion, du nystagmus et des crises de vertiges dès le 3ème jour du traitement. Une IRM de contrôle a été réalisée après une semaine objectivant une amélioration des hypersignaux au niveau des tubercules mamillaires et en péri-acqueducal.

Par ailleurs, la patiente garde des troubles mnésiques et des troubles d’humeur intermittente. L’anémie par carence en folates a été corrigée. La patiente est prévue pour un traitement biologique pour sa polyarthrite rhumatoïde.

DISCUSSION

L’encéphalopathie de Gayet-Wernicke est une encéphalopathie carentielle rare et grave, liée à un déficit en vitamine B1 (thiamine). C’est une pathologie rare et sous estimée. Sa prévalence autopsique estimée à 0,8- 2,8% est beaucoup plus élevée que celle observée avec les manifestations cliniques (0,04 - 0,13%) [1].

La thiamine (vitamine B1) est une vitamine hydrosoluble d’origine uniquement alimentaire. Il n’y a pas de synthèse endogène de thiamine. L’organisme possède un stock limité de thiamine d’environ 25-30 mg. En cas de manque d’apport, le déficit apparaît déjà après 2-3 semaines. La thiamine est absorbée au niveau du duodénum. Sa forme biologique active est le pyrophosphate de thiamine qui est un coenzyme essentiel de plusieurs réactions biochimiques surtout au niveau du cerveau [2, 3].

La carence en thiamine est fréquemment retrouvée chez les alcooliques chroniques, en particulier dans les pays occidentaux, mais d’autres causes sont essentielles à connaître, en particulier la chirurgie digestive, spécialement bariatrique (16,8 %), l’hyperémèse gravidique (12,2 %), les pathologies du tractus gastro-intestinal occasionnant des vomissements et des diarrhées (7,7 %), la malnutrition (4,2 %), les maladies tumorales (18,1 %), la dialyse et les maladies rénales (3,8 %) [4]. Chez notre patiente, les vomissements incoercibles secondaires à l’intolérance digestives au Méthotrexate ayant duré 2 mois avec une dénutrition sévère et la gastroparésie sont les facteurs

de risques identifiés. En effet, la gastroparésie pourrait résulter d’une atonie gastrique suite à la longue période de vomissements et au déficit en thiamine. Elle entretient les vomissements et aggrave le déficit multivitamique.

Le Méthotrexate qui constitue la pierre angulaire du traitement de la polyarthrite rhumatoïde, est connu par ses effets indésirables digestifs à type de nausées, vomissements et douleurs abdominales. Ils sont le plus souvent mineurs et n’engage pas le pronostic vital. Toutefois, ils peuvent être très invalidants imposant l’arrêt du traitement et entraînant des complications sévères comme c’est le cas chez notre patiente.

Le diagnostic d’encéphalopathie de Wernicke est avant tout clinique, reposant dans un contexte évocateur sur la triade : état confusionnel, troubles oculomoteurs (ophtalmoplégie et nystagmus) et ataxie cérébelleuse [5]. Elle n’est cependant présente que chez 16-20 % des patients souffrant d’EGW.

Les autres symptômes ou signes cliniques observés sont souvent aspécifiques [6].

Sur le plan radiologique, c’est l’IRM cérébrale qui confirme le diagnostic. Sa sensibilité est de 53 % et Sa spécificité de 93 % [7]. Classiquement, les lésions sont bilatérales et symétriques et se manifestent par des hyperintensités de signal sur les séquences T2 et FLAIR. Les localisations spécifiques sont les thalamis, les corps mamillaires, la lame tectale et la région périaqueducale [8]. Le dosage sanguin direct de la thiamine ou de ses formes phosphatées affirme le diagnostic. Un consensus d’experts recommande cette analyse qui doit être effectuée avant la substitution de thiamine, mais ne doit en aucun cas retarder le début du traitement [4].

La neuropathie périphérique sensitivomotrice est également décrite en cas de déficit en thiamine. L’atteinte sensitive touche la sensibilité superficielle et profonde et se manifeste par une anesthésie distale, en gants et en chaussettes, et une ataxie périphérique. L’atteinte motrice retrouvée chez notre patiente, est prédominante aux membres inférieurs et se présente par une aréflexie et une parésie. En absence de traitement, l’évolution peut conduire à une paralysie flasque. [3;5].

L’EGW est une pathologie réversible si elle est traitée de façon adéquate. L’administration de thiamine doit être précoce et débutée idéalement dans les 48-72 heures

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après l’apparition des symptômes afin de prévenir des séquelles irréversibles [5]. Il n’y a pas encore de consensus international sur le traitement optimal de l’EGW. Les recommandations actuelles préconisent d’administrer entre 200 et 500 mg de thiamine par voie intraveineuse 3 x / jour pendant 5-7 jours, puis 100 mg 3 x / jour per os pour 1-2 semaines, puis 100 mg per os 1 x / jour. L’administration 3 x / jour est nécessaire en raison de la courte demi-vie de la thiamine (environ 96 minutes) [4].

Le pronostic de l´encéphalopathie de Gayet-Wernicke est extrêmement variable. Il est favorable lorsque la maladie est diagnostiquée et traitée précocement avec rémission complète des symptômes. L’évolution favorable des images n’est pas corrélée à l’évolution clinique. Chez notre patiente, l’évolution clinique et radiologique était partiellement favorable vu la persistance de trouble de mémoire rétrograde épisodique et de quelques hypersignaux à l’IRM cérébrale de contrôle.

CONCLUSION

Bien que l’intolérance digestive au Méthotrexate soit considérée comme banale, elle peut être redoutable.

Une connaissance parfaite des complications et une surveillance rapprochée des patients doit être impérative.

L’encéphalopathie de Gayet Wernicke est une pathologie rare et grave. Il faut y penser et la prévenir devant une situation à risque.

CONFLIT D’INTÉRÊT

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêt.

RÉFÉRENCES

1. Seci G, Sera A. Wernicke’s encephalopathy: new clinical settings and recent advances in diagnosis and management. Lancet Neurol 2007;6:442-55.

2. Osiezagha K, ali s, freeman c, et al. thiamine deficiency and delirium. Innov clin neurosci 2013;10:26-32.

3. Farquet V, et al. Du déficit en thiamine à l’encéphalopathie de Gayet-Wernicke, pathologie méconnue. Rev Med Suisse 2017;13:382-4.

4. Galvin R, Brathen G, Ivashyka A, et al. EFNS guidelines for diagnosis, therapy and prevention of Wernicke encephalopathy.

eur J neurol 2010;17:1408-18.

5. Latt N, Dore G. thiamine in the treatment of Wernicke encephalopathy in patients with alcohol use disorders. Intern med J 2014;44:911-5.

6. Caine D, Halliday GM, Kril JJ, Harper CG. Operational criteria for the classification of chronic alcoholics: identification of Wernicke’s encephalopathy. J Neurol Neurosurg Psychiatry.

1997;62:51-60.

7. Elefante A, Puoti G, Senese R, et al. non-alcoholic acute Wernicke’s encephalopathy : role of MRI in non typical cases.

eur J radiol 2012;81:4099-104.Manzo G, De Gennaro A, Cozzolino A, et al. IMR imaging findings in alcoholic and nonalcoholic acute wernicke’s encphalopathy : a review. Biomed res Intern 2014;2014:503596.

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