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Article pp.181-199 du Vol.39 n°237 (2013)

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Texte intégral

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MICHEL GENTRIC NATHALIE AUDIGIER

IMABS, université Bretagne Sud ; IREA

DOI:10.3166/RFG.237.181-199 © 2013 Lavoisier

L’affichage

environnemental

Une nouvelle façon pour l’entreprise de rendre des comptes ?

Cet article s’intéresse à l’affichage environnemental comme nouvel outil de reporting et d’accountability auprès des parties prenantes de l’entreprise. Une étude menée auprès de dix-huit hôtels ayant mis en place une étiquette évaluant la performance environnementale de leur établissement a été menée sous forme d’entretiens semi-directifs. L’analyse met en avant les interactions avec les parties prenantes découlant de cet affichage environnemental. En tout, sept parties prenantes, internes et externes, ont été identifiées, ce qui montre sa pertinence comme outil de dialogue avec les partenaires de l’entreprise au-delà des seuls consommateurs.

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A

vec la prise de conscience accrue des enjeux environnementaux et sociaux, la RSE, responsabilité sociale des entreprises, qui vise à limiter les impacts négatifs de l’activité d’une entreprise sur l’environnement tout en per- mettant son développement économique, est devenue un enjeu incontournable de notre société. Afin de susciter un mou- vement collectif dans cette voie, les pou- voirs publics se sont donnés cette mission d’identifier et de mettre en place des leviers efficaces pour inciter les entreprises à se développer de façon « durable ». En paral- lèle de la régulation par la fiscalité, la loi sur les nouvelles régulations économiques du 15 mai 2001 a privilégié une logique incitative à travers l’instauration des rap- ports de développement durable pour les entreprises. Le principe, alors retenu par cette règlementation était d’obliger les entreprises cotées en Bourse à rendre compte de l’impact de leur activité sur la société et l’environnement, chaque année et ceci de façon transparente pour la société civile. En obligeant les entreprises au reporting social et environnemental, cette loi a incité les entreprises à s’emparer des principes de la RSE malgré des rapports de qualité inégale (Capron et Quairel- Lanoizelée, 2007). L’article 225 de la loi du Grenelle 2 (décrêt du 24 avril 2012) constitue un prolongement de la loi NRE, en obligeant la certification du rapport par un tiers et en élargissant la cible concernée à toute entreprise de plus de 500 salariés.

L’utilisation d’un reporting environnemen- tal pour susciter davantage de RSE de la part des entreprises se trouve donc conforté et justifié par des premiers résul- tats prometteurs (Deloitte, 2013). Pour

autant, les rapports de développement durable restent peu usités par les petites structures : une étude publiée en 2008 indique que la progression du nombre de rapport RSE se tasse et n’implique quasi exclusivement que des multinationales (Mauléon, Saulquin, 2008). Les solutions permettant et favorisant le reporting envi- ronnemental des PME sont encore à déve- lopper (Brovelli et al., 2013). De plus, les rapports de développement durable ne sont pas réellement exploitables par les consommateurs, du fait d’une informa- tion à la fois non homogène et peu fiable (Hubbart, 2011), et des discours marqués par un risque de greenwashing (Notebaert, 2009 ; Benoit-Moreau et al., 2010). Face à ces limites, les étiquettes environnemen- tales pourraient jouer un rôle nouveau et complémentaire permettant de « démocra- tiser » le reporting environnemental. Ces étiquettes consistent à apposer directement sur l’emballage du produit (sous forme de note ou de pictogramme) l’information environnementale relative au produit, qu’il s’agisse d’une indication sur les émissions carbone, sur la consommation de res- sources naturelles liées à son utilisation et/

ou à sa fabrication.

L’étiquette environnementale a pour voca- tion première d’inciter les consomma- teurs à adopter des choix plus respon- sables (Auverlot et al., 2011 ; Barreau et Vielliard, 2013) en mettant à disposition une information simple, fiable et présente sur le lieu de vente. Son double objectif est de permettre « aux consommateurs d’inté- grer le critère environnemental dans leurs choix d’achat » et donner « l’opportunité aux entreprises de valoriser l’amélioration des caractéristiques environnementales de

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leurs produits »1. Si ces étiquettes ne sont pas encore obligatoires en France pour l’ensemble des biens et services2, elles pourraient le devenir dans les prochaines années, suite aux travaux menés par le Grenelle de l’environnement (Barreau et Vielliard, 2013). Placée dans une logique plus large d’accountability, l’étiquette environnementale pourrait donc apparaître comme un nouvel outil permettant à l’en- treprise de rendre des comptes sur l’impact environnemental de son activité à ses par- ties prenantes.

Afin d’approfondir cette proposition et d’étudier la réalité des bénéfices de l’éti- quetage environnemental, cet article pré- sente et analyse la mise en place d’un tel dispositif dans le secteur hôtelier. À travers l’étude d’une expérience réelle, nous nous interrogeons sur la capacité d’une étiquette environnementale à rendre des comptes aux consommateurs, ainsi que plus largement aux parties prenantes de l’entreprise. Cette problématique sera donc traitée au regard d’un contexte particulier, celui des hôtels, après avoir présenté la littérature disponible et la méthodologie suivie.

I – REVUE DE LITTÉRATURE Le travail de recherche mené ici s’inté- resse à l’information environnementale sous forme d’étiquette comme un nouvel outil d’accountability environnemental des entre- prises, au même titre que les rapports de développement durable. Traduite en fran- çais par l’obligation de « rendre compte »,

l’accountability trouve initialement sa jus- tification dans l’existence d’une relation hiérarchique où un « mandataire agit pour le compte du mandant et, au terme de l’action, lui rend des comptes à propos de sa performance » (Dumez, 2008, p. 4). Depuis quelques années, la dimension hiérarchique de la situation a laissé la place à une accep- tation plus large étroitement corrélée à la théorie des parties prenantes (PP) et au contexte de la RSE. Ancrée dans une vision éthique de la gestion des affaires, l’accoun- tability se traduit par l’obligation morale pour l’entreprise de rendre des comptes sur le bien-être de la communauté (« a wider scope of good ») dans laquelle elle s’insère et remet en cause une vision néo- classique de recherche unique de profit (Schweiker, 1993 ; Shearer, 2002). Par ce biais, l’entreprise est supposée justifier ses actions envers ses parties prenantes par un discours compréhensible et leur permettant de donner du sens aux actions des organisa- tions (Schweiker, 1993). D’après Joannidès (2012) les nombreux travaux sur l’accoun- tability peuvent se structurer en quatre ques- tions majeures : qui rend des comptes ?, à qui ?, pour quoi ? et par quel moyen ? Si la question du « qui » est une donnée dans cette recherche (ici les hôtels), les trois autres, au contraire, guident la réflexion.

Plus précisément, le point de départ est la question de la cible (« à qui ») de l’étiquette environnementale comme nouvel outil d’ac- countability environnemental. Les destina- taires de l’accountability sont souvent évo- qués de façon globale comme l’ensemble

1. Source : site du ministère http://www.legrenelle-environnement.fr/-Affichage-environnemental

2. Il existe déjà une obligation d’information environnementale dans le secteur de l’électroménager, de l’automobile ou du logement, mais celle-ci est centrée sur l’impact environnemental de la consommation du bien, et non de sa fabrication.

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des parties prenantes (PP) à l’entreprise c’est-à-dire « tout groupe ou tout individu qui peut être affecté par la réalisation des objectifs d’une organisation » (Freeman, 1984). La mobilisation des principes de la théorie des parties prenantes permet de comprendre les intérêts singuliers, parfois divergents des partenaires de l’entreprise et d’étudier comment l’entreprise peut les satisfaire à travers son activité. Les travaux portant sur la théorie des PP, s’inscrivent, au choix, dans une visée 1) simplement descriptive, 2) intrumentale lorsque la per- formance économique est l’objectif premier ou 3) normative, lorsque l’angle d’attaque est avant tout éthique (Donaldson et Preston, 1995). Dans la littérature sur l’accountabi- lity, c’est l’obligation morale de l’entreprise envers ses parties prenantes qui légitime ces pratiques et amène à un reporting volontaire sur les questions sociétales (Reynolds et Yuthas, 2008). Habituellement, dans cet exercice, on distingue les parties prenantes primaires, impliquées directement dans le processus économique, à savoir les action- naires, clients, salariés, fournisseurs, et, les parties prenantes secondaires n’ayant pas de liens formels ou contractuels avec l’entre- prise (Carroll, 1989). La théorie des par- ties prenantes permet une réflexion globale basée sur l’identification de la cible envers qui l’entreprise doit rendre des comptes (« à qui »), sur la nature des attentes de chaque partenaire (« pour quoi ») et, dans le contexte d’accountability, sur la façon dont on peut rendre des comptes (« par quels moyens ») (Rasche et Esser, 2006). Sur ce dernier point, les supports d’information et méthodes utilisés par l’entreprise pour rendre des comptes sont regroupés autour de la notion de reporting ; sur les aspects sociaux et environnementaux, cela consiste

donc pour l’entreprise à « rendre compte auprès des différentes parties prenantes de ses activités et de leurs impacts sur la société et l’environnement » (Damak-Ayadi, 2004).

Cependant, la littérature permet de mettre en évidence quelques nuances entre les notions d’accountability et reporting. Le reporting environnemental est souvent iden- tifié comme une diffusion d’information et donc une communication à sens unique entre l’entreprise et la société, fréquemment exploité pour promouvoir une image favo- rable de l’entreprise (Kolk, 2004 ; Capron et Quairel-Lanoizelée, 2007) alors que l’accountability souligne en complément la nécessité d’un dialogue avec ses parties prenantes, où l’entreprise explique et justifie ses actions pendant que les parties prenantes questionnent, évaluent ou critiquent les pro- pos de l’entreprise (Mulgan, 2000 ; Rasche et Esser, 2006). Au regard de ce cadre d’analyse, nous nous proposons d’analy- ser l’étiquetage environnemental comme nouvel outil d’accountability et, pour cela, de traiter les questions suivantes : l’éti- quette environnementale constitue-t-elle un outil d’échange avec les différentes parties prenantes ? Lesquelles sont concernées ? Quelle est la nature des interactions ? Quelle appropriation par les consommateurs, cibles prioritaires des étiquettes ?

II – CONTEXTE DE LA RECHERCHE L’étiquette environnementale représente une façon de transmettre l’information environnementale des entreprises. Sur ce point, on distingue habituellement trois formes possibles d’« étiquetage » corres- pondant à la classification ISO (Interna- tional Standard Organisation) au travers des normes 14020. L’information de type 1

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(norme ISO 14014) correspond aux écola- bels officiels, où seuls les produits ayant des performances environnementales supé- rieures à la moyenne de leur catégorie sont distingués par un label dont les critères d’attribution reposent sur l’ensemble du cycle de vie du produit. Décrocher un écolabel suppose une démarche volontaire de la part des entreprises et d’être reconnu conforme, par un organisme certificateur accrédité (par exemple norme NF environ- nement, Écolabel européen). L’information de type 2 (ISO 14021) regroupe toutes les auto-déclarations environnementales, non vérifiées par une source extérieure ; le plus souvent, une auto-déclaration ne porte que sur une caractéristique environnementale du produit ou concerne une seule étape du cycle de vie du produit. Faites sous la seule responsabilité des entreprises, les informa- tions auto-déclarées sont très variées et pas toujours fiables. Enfin, l’information de type 3 (ISO 14025) représente l’écoprofil d’un produit en donnant une photographie à un instant donné des impacts environne- mentaux du produit, le plus souvent pré- sentée sous forme de diagrammes (note A, B…). Un écoprofil est élaboré volontaire- ment par un industriel, selon une approche multicritère et multi-étape faisant appel à la méthodologie de l’analyse du cycle de vie.

Parmi ces trois sources d’information envi- ronnementale, celles de type 1 et 3 sont les plus fiables et évitent les risques de greenwashing des entreprises au travers de leurs allégations environnementales (D’Souza et al., 2007). Plus particulière- ment, le principe d’un étiquetage environ-

nemental (type 3) semble une voie promet- teuse pour aider les consommateurs à faire des choix éclairés, les labels étant souvent mal connus, jugés comme trop nombreux et pas toujours fiables par une majorité de français (Ethicity, 2011). À travers une information généralisée à l’ensemble des produits d’une catégorie, et l’attribution de notes bonnes ou mauvaises, l’étiquetage environnemental (type 3) pourrait démo- cratiser la consommation de produits verts (Borin et al., 2011 ; Bernard et al., 2012).

L’exemple de la mise en place de l’étiquette énergétique au niveau européen pour tous les produits électroménagers depuis 1995 montre toute l’efficacité du système : sor- tie du marché des produits les plus mal notés, nécessité de créer trois nouvelles classes A+++/A++/A+, etc. Pour autant, l’efficacité réelle de l’affichage environne- mental lorsqu’il n’y a pas de bénéfice privé (économique, santé, etc.) pour l’utilisateur demeure plus incertaine (Auverlot et al., 2011) et les exemples réels manquent pour établir véritablement la preuve de réussite d’un tel dispositif dans ce contexte.

C’est précisément ce constat qui a conduit les pouvoirs publics à organiser une expé- rimentation nationale d’une année – de juillet 2011 à juillet 2012 – visant à tester le principe d’une étiquette environnemen- tale sur différentes catégories de produits et services avant de légiférer sur le sujet.

Dans le cadre de cette expérimentation nationale, du Grenelle de l’environnement3, 168 entreprises ont testé de façon volontaire un dispositif d’affichage environnemental, avec la liberté de proposer une méthode,

3. Loi 2009_967 du 3 août 2009, dite « Grenelle I ». L’article 54 du Grenelle de l’environnement visait la mise à disposition aux consommateurs d’une « information environnementale sincère, objective et complète portant sur les caractéristiques globales » des produits et des services.

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PRINCIPES D’ÉLABORATION DE L’AFFICHAGE ENVIRONNEMENTAL DU SERVICE HÔTELIER

Pour établir la note, EVEA Tourisme, agence dépositaire de la méthode, utilise les données primaires de l’établissement (observations, analyses de facture, mesures) et les ramène à une moyenne par nuit et par personne en se basant sur l’analyse de cycles de vie des différentes prestations composant la nuitée (Vendeville, 2011).

L’unité fonctionnelle choisie dans le calcul de la note (la nuitée, c’est-à-dire la performance environnementale d’une « nuitée » dans l’hôtel considéré, soit la consommation d’une nuit avec le petit-déjeuner, pour une personne) représente le dénominateur commun aux diffé- rents établissements et permet de comparer les performances environnementales des hôtels sur un même périmètre.

NOTE ENVIRONNEMENTALE D’UNE NUIT D’HÔTEL Hôtel La Pérouse 2011

CONSOMMATION D’EAU

En litres / personne / nuit

En Kwh / personne / nuit

En g / personne / nuit

En kg de CO2 / personne / nuit

En % de produits utilisés CHANGEMENT CLIMATIQUE

PRODUITS ÉCOLOGIQUES / BIOLOGIQUES CONSOMMATION D’ÉNERGIE

QUANTITÉ DE DÉCHETS

Lecture : l’étiquette se décompose en 5 indicateurs : pour chacun d’eux, la performance effective de l’hôtel est précisée (exemple ici, 394 kg de déchets/nuitée), puis traduite en note sur un continuum allant de 0,2 (niveau rouge, à gauche) à 1 (niveau vert, à droite). Une note globale sur 5 est ensuite calculée par simple somme des notes sur chacun des 5 indicateurs.

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un référentiel tout en respectant un cadre commun. Elle constitue une première étape en vue d’une éventuelle règlementation rendant obligatoire l’affichage environne- mental auprès des consommateurs pour toutes les entreprises d’une même catégorie (Barreau et Viellard, 2013).

Qu’en est-il de cette première expérience ? Plus précisément, nous cherchons à savoir si l’affichage d’une étiquette environne- mentale a permis de transmettre l’infor- mation souhaitée (reporting) mais aussi de la partager (accountability), et, auprès de quelles parties prenantes ?

III – MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE

Cette recherche a été conduite au moment de l’expérimentation nationale du Grenelle du fait de l’opportunité d’analyse offerte par ce contexte (Girin, 1989). Parmi les entre- preneurs s’étant portés volontaires, figurait un groupe d’une quinzaine d’hôteliers. À l’aide de l’Ademe qui a apporté un soutien financier et méthodologique au projet, et de l’agence EVEA Tourisme qui a apporté la méthode de calcul de la note environne- mentale (voir encadré p. 186), ces hôteliers ont mis en place l’affiche environnementale présentant l’impact écologique d’une nuit passée au sein de leur établissement.

Pour répondre aux questions de recherche posées, nous avons mené une série d’entre- tiens individuels semi-directifs auprès des directeurs des hôtels ayant mis en place l’étiquette. Ils ont été interrogés à l’aide d’un guide d’entretien portant sur leur engagement environnemental, leur moti- vation à rejoindre le groupe de test, leur retour sur l’étiquette elle-même, le rôle attribué ou anticipé de celle-ci, et, les

interactions qu’elle a suscitées avec leurs parties prenantes. Au total, 18 hôteliers ont été interrogés, 13 en face à face et 5 par téléphone pour cause d’éloignement géo- graphique important. Les entretiens, dont la durée a varié entre 30 minutes et 4 heures, ont été retranscrits et interprétés suite à une analyse de contenu thématique, permettant, d’une part, de mettre en évidence la liste des parties prenantes ayant été en contact avec l’étiquette, et d’autre part, de quali- fier le contenu des interactions, aux dires des hôteliers. Sur les 18 hôtels interrogés, la grande majorité était engagée dans une démarche environnementale et possédait déjà un label (Écolabel européen ou Clé verte), comme le montre le tableau 1. Sur les autres critères tels que la taille de l’établissement, le contexte urbain/rural, le standing, le profil de clientèle (touristique/

affaire), l’échantillon d’hôtels présente des profils variés. Les 16 hôtels qui ont rejoint de façon volontaire le groupe pilote de l’expérimentation nationale ont été inter- viewés entre les mois de novembre 2011 et avril 2012 (cf. tableau 1). Par la suite, le nombre d’hôtels étiquetés s’est élargi, notamment sous l’impulsion de Comités départementaux du tourisme (CDT) ou de réseaux privés souhaitant engager ses professionnels dans une démarche envi- ronnementale. Deux hôteliers de l’Aube, étiquetés après incitation de leur CDT ont ainsi été interrogés en mars 2013 et intégrés à notre échantillon. Les notes obtenues par les établissements interrogés allaient de 2,4/5 à 4,6/5, avec une moyenne de 3,3.

Pour recueillir le point de vue des clients, un questionnaire quantitatif auto-adminis- tré a été proposé sous format papier à la réception des hôtels membres du projet pendant le mois d’avril 2012. Il s’agissait

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de vérifier si les clients ayant séjourné dans les hôtels, avaient vu l’étiquette à la récep- tion, l’avaient comprise et quelle utilité ils y voyaient. 242 questionnaires ont été

remplis4 in situ par les clients lors de leur séjour à l’hôtel (dans leur chambre ou à la réception). L’échantillon est équilibré sur le genre (50 % d’hommes, 50 % de femmes),

Tableau 1 – Présentation des 18 hôtels de l’échantillon

Hôtel Contexte Dép. Catégorie

(étoiles) Label vert Nb

chambres

Amiral* Urbain 44 2 Écolabel européen 49

Beaujoire* Urbain 44 2 47

Le Duquesne* Urbain 44 2 Clé verte et

Écolabel européen 25

St Christophe* Mer 44 2 45

Les Tourelles* Mer 80 2 Écolabel européen 48

La Pérouse* Urbain 44 3 Écolabel européen 46

Best Western* Campagne 44 3 Écolabel européen 50

Pommeraye* Urbain 44 3 Clé verte 50

Atlantys* Urbain 44 3 49

Pen Bron* Mer 44 3 45

les Orangeries* Campagne 86 3 Écolabel européen 15

Le Quintessia* Urbain 44 4 Écolabel européen 41

le Coq Gadby* Urbain 35 4 Écolabel européen 17

Grand Hôtel*

Mercure Urbain 44 4 163

Castel Clara* Mer 56 4 Écolabel européen 63

le Morgane* Montagne 74 4 Écolabel européen 56

L’Auberge de Nicey Urbain 10 3 23

Ibis Urbain 10 3 Clé verte 77

* : hôtels membres de l’expérimentation nationale du Grenelle de l’environnement.

4. Il avait été demandé à chacun des hôtels de collecter entre 40 et 50 questionnaires auprès de leurs clients de façon à obtenir un échantillon consolidé conséquent. L’objectif n’a pas été atteint car seule la moitié des 18 hôtels a collaboré à cette collecte.

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sur l’âge (45 % ont moins de 45 ans) et intègre des consommateurs en séjour tou- ristique (64 %) ou professionnel (36 %).

IV – RÉSULTATS

L’analyse des entretiens nous permet de recenser les parties prenantes distinctes avec lesquelles les hôteliers déclarent avoir interagi. Pour le calcul de leur note et, par la suite, du fait de son affichage, ils font état d’échanges avec des parties prenantes primaires – leurs salariés, leurs fournis- seurs, leurs clients ainsi que leur réseau professionnel éventuel – et des parties pre- nantes secondaires – les pouvoirs publics, prescripteurs et concurrents. L’ensemble de ces interactions est présenté ci-après en commençant par les clients, cible prioritaire de l’affichage. Les résultats énoncés sont illustrés par des citations d’hôteliers.

1. Des effets contrastés concernant les clients

Les hôteliers ont, pour la plupart apposé l’affiche au niveau de l’accueil de leur établissement et sur leur site internet.

Celle-ci leur donne l’opportunité d’afficher leur engagement, la caution des pouvoirs publics ou la preuve des actions déjà entre- prises. Les hôteliers y ont vu également un outil permettant de communiquer avec leurs clients.

« On a envie que ça se sache. On a envie que les clients qui descendent ici sachent qu’on fait énormément d’effort au quotidien dans notre développement, que chaque personne qui travaille ici s’investit. On a envie de communiquer, et cette étiquette reprend des thèmes importants. Dans l’idéal, le curseur devrait se rapprocher de la zone verte. » (hôtelier, note 3,8/5).

Cette communication est d’autant plus importante pour certains hôteliers inter- viewés que vis-à-vis des clients, l’enjeu de l’affichage est, non seulement de les informer, mais aussi de les inciter à modi- fier leurs pratiques au sein de l’hôtel. Pour obtenir une meilleure évaluation, l’hôtelier doit en effet compter, au-delà de ses propres actions, sur un comportement adéquat du client. L’un des rôles de communication que certains d’entre eux assignent à l’affi- chage est alors d’inciter les clients à une plus grande vigilance, à l’adoption d’« éco- gestes » durant leur séjour (non remplace- ment systématique du linge, choix d’une douche plutôt qu’un bain, tri des déchets, usage raisonné des éclairages et du chauf- fage, etc.).

La capacité de l’affiche à influencer leurs clients n’est toutefois pas partagée par l’ensemble des hôteliers. Certains hôteliers restent sceptiques quant à la volonté des consommateurs de discriminer les hôtels sur leur impact environnemental. Ils consi- dèrent de plus que l’affiche n’invite pas au dialogue avec leurs clients. Ils la jugent trop informative car orientée sur les per- formances environnementales de l’hôtel et aucunement sur les attentes de leurs clients, et, parfois même susceptible de culpabiliser leurs clients.

« Moi, le mettre dans un cadre, ça ne m’in- téresse pas. Si on le met, on met des expli- cations derrière pour entamer un dialogue.

On le fait vivre. » (hôtelier, note 3/5).

« Je ne suis pas sûr que ce soit comme ça qu’il faut le présenter. Je ne suis pas donneur de leçons, je suis donneur d’envies. […] il faudrait que ce document puisse dire : je le fais pour la planète mais pour votre confort aussi et votre bien-être… il faut que ce soit

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traduit en plus de bien-être, plus de silence, plus de, voyez ce que je veux dire, plus de plaisir. » (hôtelier, note 4/5).

Plusieurs hôteliers ont souligné l’existence d’un risque à trop afficher leur engage- ment et à inciter leurs clients à contribuer au moindre impact environnemental de l’hôtel : celui d’être taxé de « faire des éco- nomies sur le dos du client » ou encore de ne pas répondre à leurs attentes de confort et de plaisir. L’existence d’un arbitrage entre performance environnementale et qualité de la prestation de service est ainsi apparue dans les propos de certains hôteliers.

« Nous avons des minibars dans les chambres et des minibars, c’est très éner- givore. La solution proposée par EVEA, c’était de proposer ce genre de prestations au bar, qui soit emmenée par le personnel de nuit. C’est une solution, tout à fait, mais qui n’est pas envisageable pour nous, pour notre type de clientèle parce que quand vous payez une chambre 130, 140, 150 €, vous êtes à même d’avoir, d’exiger un Coca-Cola frais, vous avez envie d’avoir, à 1 h, 2 h du matin, juste à ouvrir votre mini- bar, sortir votre boisson et la consommer et non pas d’appeler le réceptionniste de nuit qui va prendre votre commande qui va monter. » (hôtelier, note 3,4/5).

Ces jugements disparates, de la part des hôteliers, contrastent avec les déclarations de leurs clients ayant répondu à notre enquête : la quasi-totalité d’entre eux a déclaré avoir confiance en l’information fournie (95 %), avoir conscience de jouer un rôle dans l’impact environnemental de l’hôtel fréquenté, et par là même, que son comportement durant son séjour influe la note de l’hôtel (91 %). Une grande partie des clients déclare également qu’en cas de généralisation de l’affichage environ-

nemental, elle prendrait en compte cette information pour faire son choix d’hôtel (86 %). Pour cela, 78 % souhaitent que l’information soit présente sur les sites internet des hôtels et 58 % à l’extérieur de l’établissement à côté des prix. Ils ne sont cependant que 54 % à avoir vu l’étiquette au sein de l’établissement dans lequel ils séjournaient – le plus souvent placée à l’accueil de l’hôtel – avant de répondre au questionnaire.

2. Des effets secondaires plutôt favorables pour les autres parties prenantes

Salariés et fournisseurs

Le calcul de la note a permis d’identifier les actions et les postes contribuant le plus à la performance environnementale des hôtels et de les quantifier. L’état des lieux préalable à la « construction » de la note a nécessité la mobilisation des équipes au sein de l’établissement ou au sein du réseau. Pour mener les analyses de cycle de vie, les fournisseurs ont également pu être sollicités. Le rendu et l’affichage de la note ont donné lieu à de nouveaux échanges avec ces deux catégories de parties prenantes.

Ces interactions visaient à la compréhen- sion mutuelle de la note obtenue et à tra- vailler à son amélioration.

« C’est aussi un bon outil pour le person- nel de l’établissement. C’est une alerte. » (hôtelier, note 3,8/5).

« Moi, ça m’est utile en outil de manage- ment pour motiver le personnel. J’ai affiché dans la salle du personnel, les points forts et points faibles de l’écolabel. Je voudrais savoir combien l’ont lu. Si je leur dis : on a la note de 3,2 ! Tel service, franchement, vous n’êtes pas top ! J’ai un moyen de dia- logue. Ça c’est intéressant. Et eux, s’ils sont

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impliqués, par cette note, ils vous pouvoir le reporter sur les clients. » (hôtelier, note 4/5).

Pour chaque évaluation réalisée, l’agence conseil accompagnait la note d’un plan d’actions présentant les différentes mesures concrètes à entreprendre pour réduire l’im- pact environnemental de l’hôtel et amé- liorer en retour sa note. Ces recommanda- tions relevaient les équipements à changer (remplacer une vieille chaudière par une nouvelle à condensation), la suppression de dosettes individuelles (au petit déjeuner ou dans les salles de bain), le choix d’appro- visionnements plus écologiques (électricité verte, produits d’entretien) etc., ou encore, les gestes à bannir (usage d’eau de javel pour nettoyer les sanitaires) et ceux à inté- grer (tri des déchets). Ce second temps a pu conduire les hôteliers à changer de fournis- seurs ou à travailler avec eux à la recherche de solutions innovantes permettant l’obten- tion d’une meilleure note.

« Ma note, je me suis aperçu en discutant avec Hubert que je pourrais l’améliorer très significativement en achetant mon énergie chez un autre fournisseur (électricité verte), chez qui ça coûte pas plus cher. » (hôtelier, note 2,8/5).

Réseau hôtelier

Les hôtels appartenant à des groupements ont dû obtenir l’autorisation de ces derniers pour afficher leur performance environne- mentale. Et ces groupements ont vu dans l’affichage, l’opportunité d’une meilleure gestion du réseau, par la valorisation des hôtels bien notés, ou encore, par le transfert de bonnes pratiques à l’ensemble du réseau.

« Comme je vous l’expliquais, la démarche, je l’ai faite un petit peu en douce. C’est- à-dire que je n’ai pas communiqué au ser- vice marketing… quand moi j’aurais fait

le nécessaire auprès de ma hiérarchie, de ma direction générale, à ce moment-là, on pourra communiquer. » (hôtelier, note 2,8/5)

« Le groupe va utiliser notre expérience sur d’autres établissements. » (hôtelier, note 4,6/5).

Confrères, concurrents

Bien que la cible initiale de la note environ- nementale soit principalement la clientèle des hôtels, son affichage aura également suscité des échanges entre confrères d’une même ville ou d’un même secteur géogra- phique. Lors de l’expérimentation nationale, certains hôteliers très investis dans les ques- tions environnementales ont par exemple cherché à convaincre leurs confrères de rejoindre le groupe de l’expérimentation et de se prêter à leur tour à l’outil de reporting proposé. Une fois les notes obtenues, les hôteliers ont comparé leur note environne- mentale à celles de leurs confrères, notam- ment à ceux qu’ils jugeaient comparables.

Ils ont cherché à estimer leur position au sein du groupe, dans l’espoir d’être en tête.

« On l’a fait savoir. On a eu la bonne sur- prise d’avoir la meilleure note. Maintenant, on dit qu’on est l’hôtel le plus écolo de France, jusqu’à preuve du contraire. Hubert m’a fait comprendre que j’allais peut-être bien être détrôné. Ça fait partie de l’opé- ration, de provoquer d’autres. » (hôtelier, note 4/5).

« Si j’achetais 100 % de mon énergie là [énergie renouvelable], je passerais premier, je passerais même au-dessus de Gilles. » (hôtelier, note 2,8/5).

« C’est un challenge, il faut que je m’amé- liore. Rentrer dans le processus donne envie de continuer, de progresser. On ne revient pas en arrière. » (hotelier, note 2,8/5).

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Prescripteurs

Les performances environnementales des hôtels n’ont pas été transmises aux offices de tourisme et ne sont pas indiquées sur les sites internet des centrales de réservation de type Expedia, Booking.com, etc. Les inte- ractions avec les prescripteurs des hôtels ont donc été limitées. Néanmoins, indivi- duellement, l’affiche environnementale a servi de support à certains hôteliers pour expliquer à des journalistes leur démarche et les résultats qu’elle permet d’obtenir.

« Encore ce matin, dans le cadre de Green Capital, il y avait une journaliste anglaise qui est venue faire un reportage, je devais la voir pendant une heure ce matin, j’y suis allée avec l’étiquette. Pour moi, c’est un support important quand j’ai à parler de la politique environnementale, c’est un exemple majeur de notre action sur le sujet. » (hôtelier, note 4/5).

« Le groupe va utiliser l’exemple de cet hôtel comme outil de communication : l’idée, c’est de mobiliser les pouvoirs publics, voire même de faire venir un ministre, pour monter les avantages de l’éco-construction lors de l’affichage offi- ciel de l’étiquette. » (hôtelier, note 4,6/5).

Pouvoirs publics

Ultérieurement, le législateur devrait déci- der de la généralisation ou non de l’affi- chage environnemental à l’ensemble du secteur, et, si tel est le cas, des modalités de cette généralisation. Mais, les pouvoirs publics sont d’ores et déjà intervenus pour établir et transmettre aux entreprises volon- taires le cadre de cette expérimentation et

financer une partie du calcul des notes5. Dans un premier temps initié par le minis- tère du Développement durable, l’affichage environnemental est désormais également relayé par les collectivités locales. Ainsi, le conseil général de l’Aube, par le biais de son comité départemental du Tourisme, a incité et aidé les hôtels de son territoire à évaluer et afficher leur performance envi- ronnementale (deux des hôtels interrogés).

3. L’étiquette environnementale : pour qui ? pour quoi ?

Suite à la présentation des résultats, nous pouvons mettre en lumière les différentes modalités d’interaction entre l’hôtel et cha- cune de ses parties prenantes. Les trois modes de dialogue possibles identifiés dans le « Guide de dialogue avec les parties pre- nantes » (ministère de l’Écologie, 2013) ont été retrouvés : la consultation, la collabora- tion et l’information. Nous les présentons dans le tableau 2 à l’aide d’un séquence- ment dans le temps.

En premier lieu, la phase de consultation se caractérise par son caractère de communica- tion unilatérale : elle est initiée par la sphère des pouvoirs publics, à travers notamment les dispositifs législatifs et réglementaires, à destination des organisations. Il s’agit, ici, d’inciter les hôteliers à mettre en place l’étiquetage environnemental au sein de leur établissement. Dans le cas étudié, les pouvoirs publics sont principalement inter- venus au niveau national par l’intermédiaire du ministère de l’Écologie et de l’Ademe, agence support de l’expérimentation natio- nale du Grenelle 2. Mais, l’impulsion peut également provenir d’un échelon local, par

5. Dans le cadre de l’expérimentation nationale, l’Ademe a pris en charge 60 % des frais liés à l’audit environne- mental (réalisé par EVEA Tourisme). Ceux-ci s’élevaient à quelques milliers d’euros pour un hôtel (moyenne de 4 000 euros pour l’évaluation d’un hotel).

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Tableau 2 – Synthèse des interactions entre l’hôtel et ses parties prenantes, générées à l’occasion de l’affichage environnemental Partie prenante destinataire Nature de l’interaction avec les PPContenu de l’interaction avec les PP Consulta- tionCollabora- tionInforma- tionUsages de l’affichage recensés chez les hôteliersLimites

Primaires SalariésXXPilotage des pratiques Formalisation et présentation de l’engagement env. ClientsXXCommunication de l’engagement env. de l’hôtel avec caution officielle Inciter à éco-gestes

Défaut de pédagogie Étiquette non visible au moment de la réservation Conflit confort/perf. env. de l’hôtel FournisseursXX

Formalisation et présentation de l’engagement env. Justification du changement de fournisseurs/produits Implication du fournisseur dans des processus d’innovation env. Réseau/groupe hôtelierXXOutil de positionnement Transfert des bonnes pratiques

Secondaires Confrères/ concurrenceXComparaison aux concurrents Incitation à obtenir une meilleure note que le « voisin »

Mise en cause de méthodologie et du périmètre de la notation Prescripteurs (journaux, booking.com, OT, agences de voyages, etc.)XInformation de la performance env. Explication de la démarche Outil de différenciation Pouvoirs publics (ministère, CCI, CDT, etc.)XXRespect d’une règlementation/directive Et/ou signalement de son engagement env.

Outil de reporting non obligatoire à ce jour

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exemple d’une collectivité comme le CDT, incitant les hôteliers à s’évaluer et à se posi- tionner sur la problématique environnement.

Les pouvoirs publics représentent la partie prenante que l’on peut considérer comme la plus éloignée de l’entité elle-même et qui agit comme une variable d’influence du marché. Durant cette phase de consultation, l’hôtel est plutôt passif et en situation d’at- tentisme vis-à-vis d’une autorité.

Dans un second temps, nous avons pu identi- fier une phase de collaboration, qui implique que certaines PP interviennent dans la note de l’étiquette environnementale : autrement dit, la plus ou moins bonne note de l’hôtel est fonction des pratiques de ces acteurs de premier rang. Cette phase se déroule dans le cadre d’un échange d’informations mul- tidirectionnels : par exemple, vis-à-vis des salariés, il s’agit que le personnel adopte des pratiques éco- responsables ; vis-à-vis des clients, il s’agit d’inciter aux éco-gestes dans l’hôtel, etc. Cette séquence mobilise les PP primaires les plus impliquées au sein de l’hôtel. Dans cette séquence, l’hôtel est à la fois pro-actif et réactif vis-à-vis des par- ties prenantes concernées. En dernier lieu, nous retrouvons une phase d’information, en tant que telle, qui correspond à la dif- fusion du contenu de l’étiquette auprès de l’ensemble des PP primaires et secondaires.

On peut considérer que lors de cette phase, l’hôtel met à disposition une information environnementale envers le grand public.

Au total, les hôteliers impliqués dans le projet auront « rendu des comptes » à sept parties prenantes distinctes.

V – DISCUSSION

En prenant pour objet de recherche l’affi- chage de l’empreinte environnementale des

hôtels (qui rend des comptes) via une éti- quette environnementale (par quel moyen), ce travail met en évidence ses nombreux destinataires (à qui) et les multiples rôles (pour quoi) que les hôteliers lui assignent (cf. tableau 2). Ces résultats corroborent ceux de Reynolds et Yuthas (2008) qui ont démontré que « le reporting n’est pas simplement le produit fini de la perfor- mance sociale » mais aussi la partie émer- gente d’un échange entre l’organisation et ses parties prenantes. En ce sens, l’éti- quette environnementale semble constituer un véritable outil d’accountability où les parties prenantes sont au cœur du dispo- sitif plutôt que de simples acteurs péri- phériques : l’échange est bilatéral et non unilatéral (Rasche et Esser, 2006, Reynolds et Yuthas, 2008 ; Messner, 2009).

La nature de l’offre étudiée, un service, où le client est co-créateur de l’offre, a favorisé les échanges avec cette partie prenante : le bilan environnemental de la nuit passée à l’hôtel est nécessairement le fruit d’une responsabilité partagée entre l’hôtel et ses usagers. Celle-ci pousse à s’interroger sur la notion même d’ac- countability au sein d’un service tel que l’hôtellerie où les processus de servuction en œuvre associent de manière inextricable les hôtels et leurs clients dans le rendu des comptes environnementaux.

Concernant l’objectif premier de l’étique- tage environnemental, à savoir apporter aux consommateurs un nouvel instrument de comparaison des offres disponibles sur les marchés, la recherche menée apporte des résultats contrastés. L’absence de visibilité de l’étiquette au sein des hôtels impliqués et notamment au moment du choix et de la réservation de l’hôtel par les clients, mais aussi, le faible nombre d’hôtels concernés

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par l’expérimentation, empêchent un juge- ment sur la capacité de l’affichage étudié à atteindre cet objectif. Les déclarations positives des consommateurs interrogés restent des déclarations d’intention « vir- tuelles », probablement sujette au biais de désirabilité sociale et dont le lien avec leurs comportements effectifs n’est pas garanti (Pedersen et Neergard, 2006). D’autant plus qu’un changement du comportement des consommateurs supposerait un temps d’apprentissage de quelques années et une communication importante et systématique sur le sujet comme cela fut le cas pour l’étiquetage de l’éléctroménager (Vanclay et al., 2010 ; Ceci-Renaud et Khamsing, 2012). À l’exception de quelques secteurs tels que éléctroménager, automobiles ou bien immobiliers, il n’existe, à ce jour, aucun caractère obligatoire dans le disposi- tif d’affichage environnemental. Sans chan- gement de cette situtation, la démarche ne reposera que sur la « bonne volonté » des acteurs et il est probable que l’outil restera peu diffusé. Il constituera alors véritable- ment un reporting volontaire, condition au sens strict pour parler d’accountability (Reynolds et Yuthas, 2008). Mais, dans ce fonctionnement basé sur la libre participa- tion, seuls les hôtels anticipant une bonne note auront intérêt à l’utiliser alors même que c’est la présence de « mauvaises » notes qui permet de crédibiliser le système (Borin et al., 2011 ; Bernard et al., 2012).

Dans la perspective d’une généralisation de l’affichage environnemental, la question de son utilisation par les consommateurs reste pour autant incertaine : la préoccu- pation environnementale ne constitue pas, semble-t-il, un critère décisionnel dans le choix d’un hébergement par la clientèle touristique (Atout France, 2011). À la dif-

férence des secteurs de l’électroménager et de l’automobile où le choix d’un appareil bien évalué permet de réaliser des écono- mies d’énergie, le client n’obtient aucun bénéfice privé à choisir un hôtel bien noté.

Au contraire, aux dires des hôteliers inter- rogés, l’affichage d’une démarche environ- nementale pourrait conduire à faire émerger dans l’esprit du client, une image néga- tive quant au confort proposé par l’hôtel ou encore une impression que l’hôtel fait des économies à ses dépens. L’existence d’intérêts divergents est un phénomène récurrent dans l’accountability et suppose idéalement d’aligner en amont les intérêts des différentes parties prenantes (Messner, 2009). Pour le cas présent, instaurer une situation de gagnant-gagnant consistera à faire en sorte que la bonne note environ- nementale de l’hôtel aille de pair avec une prestation de service de qualité (ou de meilleur rapport qualité/prix) pour l’usager.

Si les effets supposés de l’affichage d’une note environnementale des hôtels sur les consommateurs sont contrastés, cette recherche montre par contre que l’étiquette développée s’avère être un précieux outil de gestion. Elle amène les hôteliers à échanger avec leurs parties prenantes primaires. Elle leur permet de mesurer leur impact environ- nemental et de transmettre des informations objectives et comparables sur cet impact.

Enfin, elle leur permet de réaliser des économies d’énergie (performance énergé- tique, chasse au gaspillage, sources d’éco- nomie potentielle, etc.), d’apprendre sur les éco-solutions adaptées à l’hôtellerie, ou encore de motiver des salariés sur un sujet fédérateur. L’intérêt de l’outil réside donc à la fois dans sa capacité à communiquer de façon simple des enjeux environnemen- taux, mais également dans la perspective

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de progression dans laquelle il place assez naturellement les hôteliers concernés.

CONCLUSION

Dumez (2008), considère qu’un support d’information peut constituer un moyen d’accountability à condition de remplir trois critères : donner une représentation chiffrée de la réalité, identifier des béné- ficiaires de ce reporting et s’inscrire dans une dynamique temporelle (réactualisation des informations selon un rythme déter- miné). Notre travail exploratoire montre que l’étiquette environnementale répond à cette triple exigence : elle affiche une note glo- bale basée sur une méthodologie objective ; pour son élaboration et par son affichage, elle implique et informe de multiples par- ties prenantes ; enfin, les hôtels impliqués dans ce processus se positionnent sur une dynamique de long terme, avec l’envie de progresser sur les données évaluées : consommation d’eau, quantité de déchets…6 Cette recherche, si elle souligne l’intérêt d’un tel outil pour les hôtels comme nouvel instrument de reporting environnemen- tal, ne permet pas de conclure quant à l’appropriation effective de l’outil par les consommateurs. De plus, la méthodologie retenue limite le potentiel de généralisation des résultats. Les hôtels ayant pris part à l’enquête étaient, pour la plupart, préala- blement engagés dans une démarche de réduction de leur impact environnemental.

Leur vision positive de l’outil n’augure pas de celle d’hôtels non impliqués dans une telle démarche pour lesquels les freins

seront sans doute importants : coût finan- cier de l’audit environnemental nécessaire à l’étiquetage, temps à mobiliser, manque de connaissance et d’envie sur le sujet, méthodologie de calcul unique pénalisant les établissements installés en zone plus froide (susceptibles d’obtenir une mau- vaise note en termes de consommation d’énergie) et pouvant être sujet à contesta- tion (comment s’assurer et justifier qu’un hôtel avec piscine et restaurant ne soit éva- lué que sur son activité d’hébergement ?), etc. De plus, l’expérimentation initiée par le Grenelle de l’environnement et menée sous l’égide des pouvoirs publics n’en est pas véritablement une, d’un point de vue scientifique. Elle permet de recueil- lir le point de vue des entreprises plus que des usagers pour qui l’appropriation est nécessairement plus longue. À l’instar des travaux de Vanclay et al. (2010), une expérimentation en conditions réelles, où tous les produits d’une même catégorie sont étiquetés de façon homogène sur une zone test, serait nécessaire. De même que l’étude d’un affichage environnemental sur d’autres services permettrait de s’assurer de la transférabilité de nos conclusions.

Sur ce point, les avancées liées à l’expé- rimentation nationale sont à attendre, de même que des projets menés au niveau européen : l’initiative française est actuel- lement reprise à plus grande échelle par la Communauté européenne qui vient de lancer une phase pilote (2013-2016) durant laquelle seront notamment testés « les modalités de vérification de l’informa- tion environnementale et les supports de

6. Bien que l’expérimentation nationale soit terminée, plusieurs hôteliers continuent à afficher leur empreinte envi- ronnementale via l’étiquette et l’ont même réactualisée pour que la note qu’elle affiche intègre les améliorations mises en œuvre.

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communication de l’information environ- nementale des produits/organisations qui découleraient de leur mise en œuvre »7. L’étiquetage environnemental semble donc promis à des travaux futurs cherchant à établir les conditions de son succès.

L’enjeu de ce dispositif sera alors de consti- tuer un support d’accountability objectif, offrant un véritable outil de comparaison des offres, s’appuyant sur une méthodolo- gie unique, déployée par une organisation indépendante et appliquée de façon iden- tique à toutes les entreprises d’un même secteur. L’étiquette viendrait ainsi com- pléter les autres dispositifs de reporting

environnemental tels que les rapports de développement durable, rédigés avec un cadrage du contenu plus souple, au sein de chaque structure. Ces documents sont certes beaucoup plus complets et explicatifs mais s’avèrent très difficilement exploi- tables dès lors qu’il s’agit de comparer des établissements entre eux (Hubbard, 2011).

L’étiquette environnementale, en diffusant aux consommateurs une information com- parable, fiable et rapide à analyser pour le consommateur devrait donc aider à lever le

« verrou informationnel » et permettre le développement d’une consommation plus responsable (Auverlot et al., 2011).

7. http://ec.europa.eu/environment/eussd/smgp/product_footprint.htm

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